Novembre 2012
(films vus,
revus et
redécouverts)
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Le cardinal (Otto Preminger, 1963)
Un film d'une ampleur incroyable, une fresque de trois heures absolument passionnante. Preminger avait déjà signé un an plus tôt le film définitif sur les arcanes du pouvoir politique aux Etats-Unis avec le génial Tempête à Washington, ici, avec Le cardinal, c'est l'univers catholique dont il brosse le portrait à travers le personnage magnifiquement et subtilement interprété par Tom Tryon. Plusieurs scènes ajoutent à l'ensemble tragédie et émotion pour parvenir à un récit juste, captivant et proprement inoubliable. Un mois qui commence bien.
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Le pull-over rouge (Michel Drach, 1979)
L'affaire Ranucci racontée à la lumière des incohérences et des manquements de la Justice de l'époque. A bien des égards cette affaire, par l'emballement médiatique qu'elle a suscitée, ressemble à celle du petit Grégory ou Dills. A chaque fois, un acharnement, sans preuve ni fondement, avec des aveux forcés, provoque une vaste campagne dégueulasse où les bas instincts se révèlent: celle de la presse, peu scrupuleuse qui en rajoute des caisses; celle de la police, qui, sous la pression populaire bafoue les droits élémentaires de l'accusé et escamote des preuves en sa faveur; et celle du tout venant, prompt à lyncher celui qui est forcément un assassin. Certes, le meurtre d'un enfant est sans doute la chose la plus terrible qui soit, certes, l'ambiance d'alors n'incitait pas enquêter sereinement, mais on ne pouvait pas, raisonnablement, croire à la culpabilité de Ranucci. Un film-enquête qui a le bon goût de ne pas verser dans un militantisme pataud, une œuvre passionnante, désespérante aussi. Le pull-over rouge confirme enfin tout le mal que j'ai toujours pensé de Giscard, ici dans la peau d'un aristocrate blessé dans son petit égo qui aurait précité Ranucci vers l'échafaud.
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Deux filles au tapis (Robert Aldrich, 1981)
Sans doute le film le plus attachant et le moins pessimiste du grand Bob Aldrich. L'outrance habituelle du réalisateur s'adapte intelligemment à l'histoire poignante de deux catcheuses et de leur manager pour nous livrer un récit d'une tendresse proprement incroyable. Un dernier film qui est un peu le pendant féminin du Fat City d'Huston. Le trio d'acteurs (Peter Falk et les délicieuses Laurene Landon et Vicki Frederick) est par ailleurs tout à fait épatant et certaines scènes à couper le souffle (et je ne parle même pas de la dernière demi-heure qui est un véritable morceau de bravoure autant qu'un inoubliable moment de cinéma). Très grand film et Aldrich plus que jamais en lice pour un deuxième film du mois consécutif.
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L'ange de la vengeance (Abel Ferrara, 1981)
Aussi détestable que consternant. Circulez...
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Le carrosse d'or (Jean Renoir, 1952)
Vu au Champo en compagnie de classikiens exquis et de vieux qui faisaient rallumer la salle pour trouver leur siège, qui ronflaient (non Major ce n'était pas moi) et qui rigolaient lors des passages les plus solennels du film, ce Renoir est malgré tout une belle réussite. Légèreté, rythme, décors, interprétation, tout y est. Reste tout de même un problème fondamental: la Magnani peut-elle décemment avoir trois soupirants ? Surtout que de l'avis général elle campe ici un mélange transalpin de Jackie Sardou et Marthe Villalonga. Deux martinis, du vin blanc et un chocolat chaud n'ont pas permis de percer ce mystère...
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Meurtres dans la 110ème Rue (Barry Shear, 1972)
Premier film de blaxploitation que je vois, première excellente surprise pour un sous-genre que je considérais à tort comme mineur. Violent, tendu et accompagné d'une B.O. extrêmement classe, Across 110th Street mérite tout un tas d'éloges notamment pour ses vingt dernières minutes (mis à part le plan final, d'un symbolisme extrêmement lourdingue). D'autant qu'Anthony Quinn est également de la partie, incarnant un flic violent, vendu à la pègre de Harlem. Voilà qui doit m'encourager à m'intéresser de plus près à ce courant.
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Point limite (Sidney Lumet, 1964)
Rigueur et sobriété exemplaire pour une œuvre qui en 64 semblait à peine relever de la science-fiction. En limitant son action à quelques lieux fermés (salle de contrôle, cockpit, pièce du téléphone rouge...) et en filmant au plus près ses acteurs, Lumet instaure un climat oppressant, que le noir et blanc très contrasté vient renforcer. Le rêve qui ouvre le film et les cinq dernières minutes sont extraordinaires. Un des films les plus solides de son réalisateur à n'en point douter.
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Inspecteur Lavardin (Claude Chabrol, 1986)
Dieu que c'est mauvais ! Je serais presque tenté de dire "comme d'habitude" tant, en effet, film après film, je trouve la patte chabrolesque de plus en plus pathétique. Franchement, hormis le facétieux et décalé Jean Poiret, il n'y a rien à sauver. C'est "comme d'habitude" aussi mal filmé qu'un téléfilm FR3; c'est "comme d'habitude" aussi trépidant qu'un épisode de Derrick; c'est "comme d'habitude" extrêmement mal joué (Poiret mis à part donc -l'unique étoile, c'est pour lui-, mention spéciale à Bernadette Lafont qui semble répéter ses gammes pour la pub Polident); et c'est "comme d'habitude" une représentation de la bourgeoisie de province complètement grotesque et pitoyable. Et j'en reviens "comme d'habitude" à ma conclusion rituelle concernant Chabrol: un type sympa et cinéphile ne fait pas forcément un bon cinéaste.
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The Game (David Fincher, 1997)
Alors là, chapeau ! Je savais que ce Fincher-là divisait beaucoup, mais de mon côté je dois dire que je me suis laissé totalement prendre au jeu et que je me suis fait trimballer de bout en bout avec un plaisir extrêmement coupable. Et puis quelle classe dans la réalisation. Si atteint pas encore les sommets de Zodiac (le chef-d'oeuvre de son auteur) c'est tout de même autre chose que l'insupportable et clipesque Fight Club. Avec son scenario encore plus tortueux et machiavélique qu'un effort de David Mamet, The Game a de quoi décontenancer voire irriter. Souvent remise en question, la crédibilité de l'ensemble peut en effet poser problème. Pour ma part, j'ai décidé de tout aimer dans ce film et de faire fi d'une fin assez irréaliste (d'autant que subsistent toujours quelques interrogations). Et si les incohérences faisaient elles aussi partie du jeu ?
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Peggy Sue s'est mariée (Francis Ford Coppola, 1986)
Un très joli film de Coppola, beaucoup plus intimiste que ses grandes œuvres précédentes. Hormis un Nicolas Cage affublé d'une coupe de cheveux impossible et d'une diction insupportable (à moins qu'il ait été enrhumé tout le tournage, quel est l'intérêt concret de le faire parler comme un canard ?), j'ai été porté par cette idée aussi effrayante qu'émouvante du retour aux jeunes années. D'autant que c'est mis en musique par John Barry, et que ça, c'est la classe.
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La cité des dangers (Robert Aldrich, 1975)
Pas un grand cru d'Aldrich mais on retrouve tout de même toutes les caractéristiques de son cinéma violent et désenchanté. Le problème fondamental de Hustle, c'est la lourdeur de son scenario. Le film prend trop de directions différentes pour avoir une vraie cohérence. Exemples: la voiture piégée à Akron dans l'Ohio, ça ne sert à rien dans l'intrigue; Catherine Deneuve en pute de luxe non plus (c'est un peu comme si les producteurs, tout heureux d'avoir la "star" française, l'avaient imposée à Aldrich). Et puis il faut en plus subir du Aznavour en anglais (j'ai d'ailleurs appris que "Hier encore" ça donne "Yesterday, when I was young"). C'est dommage, avec un travail beaucoup plus rigoureux on aurait pu avoir un très bon film.
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Le masque de Dimitrios (Jean Negulesco, 1944)
Bon petit noir qui ne manque pas de rythme ni d'intérêt. Demeure un problème fondamental: la révélation qui intervient au bout d'une heure vingt est téléphonée depuis le début, si bien qu'au lieu d'aller de surprises en surprises on voit surtout les ficelles d'un scenario convenu. Bonne prestation d'ensemble des acteurs avec évidemment une mention spéciale pour l'imposant Sydney Greenstreet.
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La grande attaque du train d'or (Michael Crichton, 1978)
Un bon divertissement réalisé avec soin et élégance. Sean Connery et Donald Sutherland sont impeccables.
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La vérité (Henri-Georges Clouzot, 1960)
Un film comme j'en connais peu dans le cinéma français de l'époque (et pour cause ?). Clouzot n'épargne au spectateur ni érotisme, ni vulgarité, il ne cherche pas non plus à excuser le geste de Bardot ou à conférer à la Justice toute l'estime qu'on devrait lui porter. Le film reste implaccablement pessimiste, à la manière du cinéma de Duvivier. Il est habilement monté et surtout excellement porté par ses acteurs: Meurisse, Vanel, Seigner, Frey et Bardot donc, revèche à souhait. Un des très bons films de Clouzot.
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Un mauvais fils (Claude Sautet, 1980)
Le film ne fait pas partie des plus grandes réussites de Sautet mais reste nettement au-dessus de la moyenne. C'est principalement grâce à ses acteurs que le réalisateur tire son épingle du jeu. Patrick Dawaere, Yves Robert, Jacques Dufilho et dans une moindre mesure, Brigitte Fossey, sont épatants, criants de vérité et de douleur. Mention spéciale à cette relation père-fils, d'un réalisme pronfondément touchant.
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Pirates (Roman Polanski, 1986)
Je suis peut-être, comme avec Carpenter, de parti-pris ou d'une mauvaise foi énorme, mais j'ai plutôt passé un bon moment en compagnie du Capitaine Red (campé par un Walter Matthau cabot à souhait) et de son "fidèle" Froggie. C'est suffisamment bien fait, joué et écrit (dans les limites de l'exercice auquel se prête Polanski) pour que ça ne mérite pas l'opprobre. Bon, c'est sans doute assez con avec un humour régulièrement au ras des pâquerettes et c'est très loin des chefs-d'oeuvre de Polanski, pourtant ça m'est apparu comme bien au-delà de quantité de films dits "grand public". Encore un bon point pour le franco-polonais donc.
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Qui a donc vu ma belle ? (Douglas Sirk, 1952)
Film aussi charmant que désuet. De très belle couleurs, d'excellents acteurs et une sympathique variation du thème "l'argent ne fait pas le bonheur". Pas inoubliable cependant.
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Klute (Alan J. Pakula, 1971)
Un film monumental, d'une rigueur formelle absolue, captivant, envoutant de bout en bout. On ne rappellera jamais assez je pense l'exceptionnelle maîtrise de Pakula, plus encore que pour ses deux autres oeuvres maîtresses A cause d'un assassinat et Les hommes du président. L'intrigue quant à elle révèle l'ambiance paranoïaque qui sévissait alors en Amérique, cette défiance systématique envers un système tentaculaire et mensonger héritée d'années 60 chargées en assassinats politiques et en conflits armés. N'oublions pas non plus la B.O. inquiétante à souhait de Michael Small, elle participe grandement à la réussite complète du film. Et que dire enfin de ce duo d'acteurs tous deux prodigieux: Donald Sutherland est d'une sobriété exemplaire et Jane Fonda est prodigieuse -et justement récompensée par un oscar- en écorchée vive. Klute est donc un chef-d'oeuvre.
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La chair et le sang (Paul Verhoeven, 1985)
Ce qui va suivre est dédié à Demi-Lune. C'était donc ça le film qui reconstituait méticuleusement la vie troublée du début du XVIème siècle ? La déception est de taille, l'agacement aussi. Dès les premières minutes, j'ai su que ça n'allait pas me plaire. C'est caricatural comme c'est pas permis, pas si bien reconstitué que cela (les "fuck", "son of a bitch" ou "bastard" sont légion; les personnages principaux sont des mannequins), peuplé de raccords foireux (j'ignorais qu'à cette époque, les gamins, même mort-nés, n'avaient pas de cordon ombilical) et de situations improbables (certains personnages crèvent de la peste en deux minutes, d'autres s'incisent eux même leurs bubons et tout de suite ben, ça va mieux, d'autres encore ne la choppe pas alors qu'ils ont bu la tasse dans une immense baignoire où trempe de la bidoche de chien contaminé...). Je ne parle même pas de la scène dite "de la foudre", on atteint le n'importe quoi. Les dialogues sont d'une pauvreté affligeante (on va me rétorquer "ouais mais bon, ce sont des bourrins les gars"), c'est moralement douteux (pour Agnès, le viol c'est finalement assez cool) et certains personnages sont insupportables (Céline l'hystérique au hasard, mais également le jeune noble, qui prétend ne pas savoir se battre mais qui dose tout de même -en étant blessé- trois ou quatre mercenaires élevés à la guerre). On est vraiment plus proche de la SF que du film d'époque. Au final, le titre du film résume admirablement son contenu: du cul et de la violence. Parmi les trucs à sauver: la scène de la mandragore sous les deux pendus (ça c'est une idée géniale) et la maîtrise technique de Verhoeven. Pour le reste, le réalisateur fait un peu du De Palma: il gâche son indéniable talent.
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César et Rosalie (Claude Sautet, 1972)
Comme souvent avec Sautet, un film d'acteurs avant tout. Et un beau film en l'occurence défendu avec conviction par Romy Schneider et Yves Montand. Moins fan en revanche de Sami Frey d'une fadeur extrême. Reste que César et Rosalie -comme tous les films de Sautet que j'ai pu voir- peine vraiment à déclencher l'enthousiasme, la faute à un cinéma techniquement limité.
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Dead Zone (David Cronenberg, 1983)
C'est toujours un chef-d'œuvre, l'un de mes Cronenberg préférés et qui mérite largement sa place dans mon top 100 perso. Christopher Walken est époustouflant.
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Down by Law (Jim Jarmush, 1986)
Un enthousiasme très mesuré. Très beau noir et blanc, excellente B.O. (Tom Waits oblige), mais un relatif manque de vie qui est au final assez handicapant. Je dois confesser m'être ennuyé à certains moments tant l'ensemble parait très artificiel. Heureusement Roberto Benigni est là pour apporter sa gouaille à un ensemble relativement apathique. On a là le prototype du film hype, genre qui vieillit très rapidement. Déception, car j'en attendais beaucoup plus.
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Etat second (Peter Weir, 1993)
Un vrai beau film très solidement réalisé par un Peter Weir visiblement remis du succès international (et plutôt immérité) du très moyen Cercle des poètes disparus. Il aurait été tellement facile de se contenter d'œuvres sans ambition et consensuelles qu'on en vient à être très agréablement surpris par le résultat. L'ouverture et la fin sont remarquables et au milieu, le film est défendu avec une telle conviction par Jeff Bridges qu'on ne peut en sortir qu'avec la conviction d'avoir vu une œuvre à la hauteur de ses ambitions.
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If.... (Lindsay Anderson, 1968)
Excellent film, intelligent, dénonciateur et novateur formellement. Divisé en chapitres, filmé alternativement en noir et blanc, If.... est une œuvre complète et très maîtrisée qui offre à Malcolm McDowell sont premier grand rôle (c'est en voyant ce film que Kubrick décidera de lui donner le rôle principal dans Orange mécanique). Anderson nous propose un pamphlet brillant, un réquisitoire violent contre la bonne société anglaise et particulièrement les institutions intouchables: l'Ecole, la Religion, l'Armée. A noter également l'hommage vibrant à Vigo et à son Zéro de conduite avec une fin aussi inoubliable que jubilatoire.
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Harold et Maude (Hal Ashby, 1971)
Emouvante histoire d'amour et d'amitié entre le jeune Harold, garçon solitaire simulant régulièrement des suicides, et la quasi octogénaire Maude, petite vieille excentrique. Accompagné par les mélodies de Cat Stevens, ce couple improbable gagne rapidement le cœur du spectateur. C'est aussi drôle qu'émouvant. C'est très réussi.
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Mosquito Coast (Peter Weir, 1986)
En partant d'un scénario très solide (Paul Schrader, ce n'est pas un hasard), Peter Weir réalise un film très réussi, qui m'a largement convaincu. Le point de départ déjà: un homme (Harrison Ford) convaincu que l'Amérique qu'il aime est condamnée au déclin et vouée à la destruction, décide de partir avec sa famille pour le Honduras. Là-bas, ce génial inventeur pourra vivre ses rêves de grandeur et se bâtir un monde à sa hauteur. Allie Fox s'impose petit à petit comme un démiurge défiant les lois de la nature (son rêve fou de fabriquer de la glace en pleine forêt tropicale le perdra) et s'enfermant progressivement dans un paranoïa criminelle. Mosquito Coast s'impose comme un grand film de la démesure et une démythification de la nature comme a pu le faire avec plus de succès un John Boorman. Content.
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Witness (Peter Weir, 1985)
Un polar à la fois sombre et jouant avec humour de l'opposition entre la vision classique de l'Américain et la société traditionnelle Amish. Une construction brillante alternant scènes coup de poing (l'assassinat de départ, la fusillade entre Book et McPhee dans le parking, le finale dans la ferme...) et les moments de complicité et de tendresse entre le flic, Rachel et son gamin. Très gros coup de cœur et film du mois en puissance.
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Les voitures qui ont mangé Paris (Peter Weir, 1974)
Un véritable ovni cinématographique à l'ambiance oppressante et d'une absurdité assez remarquable qui reste avant tout un petit bijou d'écriture.
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Le voyage de Chihiro (Hayao Miyazaki, 2001)
La confirmation que le cinéma de Miyazaki me parle toujours autant. Dessins à couper le souffle, univers merveilleux, histoire intelligente pouvant parler à la fois aux enfants et aux adultes, Le voyage de Chihiro est une petite merveille. Dans mon Top 3 Miyazaki avec Le château dans le ciel et Princesse Mononoke.
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Les chemins de la liberté (Peter Weir, 2010)
The Way Back, ce sont d'abord des images à couper le souffle, une réalisation et une mise en scène tout à fait remarquables, le tout au service d'une histoire extraordinaire au sens premier du terme. Cependant, le film pèche un peu par certains aspects. Bien que Weir s'en défende, le début dans le goulag me parait un poil trop long et beaucoup trop explicatif. On aurait gagné je pense à couper une bonne dizaine de minutes, quitte à ne démarrer le film que peu avant l'évasion. Pas terribles non plus les quelques plans de fin aussi convenus qu'inutilement larmoyants. Pas indispensable enfin la présence du personnage féminin, concession bien trop hollywoodienne au public. Pour le reste c'est un film très réussi, magnifiant des valeurs proprement humanistes comme l'entraide et le dépassement de soi. Beaucoup aimé par ailleurs le personnage incarné par Colin Farrell, que certains trouveront probablement caricatural alors qu'il incarne brillamment ce qu'est l'âme russe, à savoir un attachement quasi charnel à la terre, au pays, quitte à y abandonner sa liberté (en ce sens, la scène du passage en Mongolie est d'une très grande justesse). Avec ce film, Peter Weir lorgne du côté de David Lean, pour notre plus grand plaisir.
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Last Action Hero (John McTiernan, 1993)
Film très très sympa, monumentale leçon d'autodérision, d'une stupidité revendiquée et aux clins d'œil aussi multiples qu'hilarants (au hasard, Jack Slater qui sort au personnage joué par F. Murray Abraham "You killed Moe Zart"). McTiernan gagne sur tous les tableaux (mise en scène, dialogues, interprétations volontairement outrancières) et me permet par la même occasion de comprendre qui est véritablement Demi-Lune. C'est le jeune Danny Madigan en fait. Ce môme qui réalise son fantasme de spectateur hardcore de ciné frappé du sceau eighties: taper dans le dos de Schwarzie, défourailler à tout va avec un air dégagé et la cool attitude. That's my boy ! Et puis entre nous, réunir le Monsieur Muscle d'Hollywood, Jean-Claude Vandamme et Ingmar Bergman dans un même film, ça relève du tour de force. Must-see.
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Tokyo sonata (Kiyoshi Kurosawa, 2008)
Ce film c'est un peu l'histoire d'une déception. Pendant une heure vingt, Tokyo sonota a toutes les caractéristiques du grand film: représentation brillante d'un Japon en crise, soin apporté aux cadres, mise en scène superbe, acteurs criants de vérité... Et puis patatras ! l'arrivée du cambrioleur et de ce malheureux flash-back vient foutre en l'air une architecture parfaite. Kurosawa charge de manière incompréhensible la barque en pathos aussi lourdingue qu'invraisemblable. D'autant plus dommage que la dernière séquence est très belle. Le réalisateur nippon est vraisemblablement plus doué pour le genre fantastique...
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Kaïro (Kiyoshi Kurosawa, 2001)
...et justement j'y viens avec cet excellent Kaïro qui est l'occasion de voir à l'œuvre toute la virtuosité du cinéaste. Le film est d'une beauté plastique assez époustouflante (hormis peut-être une explosion à la toute fin, l'effet a incontestablement vieilli). Oppressante descente en enfer dans un Japon en proie à une crise profonde d'identité, confronté aux dangers d'un progrès technique très rarement remis en cause. Cette histoire de fantômes va donc bien au-delà de la simple suggestion et de l'angoisse. C'est la marque des grands films, des grands cinéastes aussi. Brillant.
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The Indian Runner (Sean Penn, 1991)
Une première réalisation pleine de conviction et qui s'avère être un film solide. Penn fait preuve d'une grande maturité et attache une grande importance à ses personnages, à leurs relations (ce n'est pas pour rien que le film est dédié à Hal Ashby et John Cassavetes) et à la manière dont ils conçoivent le monde. Deux heures de cinéma cru porté par des acteurs remarquables.
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Cop (James B. Harris, 1988)
Certes l'univers de James Ellroy a été pour le moins édulcoré mais le film est défendu tellement brillamment par James Woods (également producteur) qu'on ne peut pas être sévère. L'ambiance poisseuse d'un L.A. interlope peuplé de macs, de putes, de cinglés, de faggots et de camés décrite par l'auteur dans ses bouquins est bien présente, c'est l'essentiel. Si la réalisation est d'une banalité prononcée, ça reste infiniment supérieur à l'adaptation du Dahlia noir par De Palma...
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Le retour du grand blond (Yves Robert, 1974)
C'est pas loin d'être lamentable ou complètement nul, au choix. A aucun moment ce n'est drôle, les gags sont aussi téléphonés que grotesques. Même Rochefort et Carmet ne sauvent pas le film. Heureusement que ça ne dure que 75 minutes, c'est ce qui m'a aidé à tenir jusqu'au bout.
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Le temps de l'innocence (Martin Scorsese, 1993)
Une splendeur. Qu'il s'agisse de la mise en scène, du soin apporté aux cadres, de la réalisation, des décors, de l'interprétation, Le temps de l'innoncence est une réussite de chaque instant. C'est incontestable. C'est peut-être le film le plus achevé techniquement de son auteur, le plus remarquable plastiquement parlant. Sauf que je dois confesser m'y être pas mal ennuyé. Les amours et les états d'âme de Newland Archer ne m'ont jamais intéressé. Et j'en suis le premier désolé.
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Le mystère Andromède (Robert Wise, 1971)
Un film pas inintéressant mais qui a pris un sacré coup de vieux. L'arrivée dans la ville décimée est le meilleur moment du film. Manque de bol ça dure à peine dix minutes et c'est tout au début. Le reste, à savoir les considérations et recherches du groupe de scientifiques, est lénifiant au possible. Aucun rythme, un suspense minimal... Dommage, le pitch était ambitieux. On est bien loin de Phase IV qui est, pour le coup, une franche réussite.
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Killer Joe (William Friedkin, 2011)
Un film qui ne brille pas à proprement parler par son scenario, d'une platitude assez déconcertante, mais davantage par l'engagement de ses comédiens, tous excellents (à commencer par l'inquiétant Matthew McConaughey) et une tension qui va crescendo. Friedkin prouve qu'il en a encore sous le capot, et ça c'est une vraie bonne nouvelle. Reste que l'escalade finale, d'une vulgarité et d'une violence assez insupportables, vient ternir un ensemble plutôt convaincant.
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Skyfall (Sam Mendes, 2012)
Sans faire durer plus longtemps le suspense: c'est mon épisode préféré d'une saga que je n'ai jamais franchement appréciée. En dépit de la coupe de cheveux totalement improbable de Javier Bardem, ce Skyfall fête dignement le cinquantième anniversaire de la saga. Et ça démarre très fort avec un introduction extrêmement rythmée et trépidante, conclue par une chute dans le vide dépouillée à l'extrême (d'autres auraient sans doute filmer cela à grands renforts de ralentis, avec une musique à la con...) et le générique. Ce générique chanté par Adèle, je dois dire qu'il est beaucoup plus convaincant en salle que sur youtube. L'immersion sans doute... Je fais donc mon mea culpa. La suite est à la hauteur des espérances avec une succession de séquences extrêmement réussies. Je ne que rapidement sur la prestation de Daniel Craig: il est de très loin mon Bond préféré. J'ai même réussi à déceler ça et là plusieurs références aux anciens opus. Comme quoi, un James Bond, avec un réalisateur confirmé ça peut faire un très bon film. Achat du blu-ray d'ores et déjà programmé.
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Moi y'en a vouloir des sous (Jean Yanne, 1973)
Jusqu'à sa conclusion assez corrosive ("Le monde est fait d'imbéciles qui se battent contre des demeurés pour sauvegarder une société absurde"), ce film de Jean Yanne a du mal à être vraiment passionnant en dépit d'un ensemble original et qui brocarde - cinq ans seulement après Mai 68 - à égalité, patrons et ouvriers. Ma sympathie pour l'acteur-réalisateur me pousse à être magnanime.
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Crime et châtiment (Georges Lampin, 1956)
Un bon film français porté essentiellement par sa prestigieuse distribution dont bien entendu le toujours impeccable Jean Gabin (qui n'apparait qu'après une bonne quarantaine de minutes). Pour le reste, la réalisation est d'une banalité confondante.
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Goupi mains rouges (Jacques Becker, 1943)
Le premier vrai bon film de Jacques Becker. Très bien écrit (Paul Véry, l'auteur du roman original signe scénario et dialogues), réalisé avec soin et surtout interprété par une pléiade d'excellents acteurs, Fernand Ledoux et Robert Le Vigan en tête (surtout ce dernier, dont l'interprétation est extrêmement moderne, presque habitée). Le monde dur, rustique et renfermé sur lui-même de la paysannerie est décrit méticuleusement et fait, par certains aspects, penser à la famille Dominici (cf. l'affaire du même nom). Très chouette découverte.
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Deux hommes dans Manhattan (Jean-Pierre Melville, 1959)
Bon film de Melville, loin cependant de ses chefs-d'œuvre à venir. L'immersion est réussie, le noir et blanc très joliment contrasté et le réalisateur ne s'avère pas un si mauvais acteur que ça. Une enquête journalistique qui se suit avec un intérêt constant au cœur de New York. A voir.
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Laisse aller... c'est une valse (Georges Lautner, 1971)
Jean Yanne ne suffit pas. Ce n'est pas bon du tout. Du cinéma caricatural, des fantaisies insupportables (envie de trucider Rufus notamment en prof d'anglais tête à claques) et des acteurs très inégaux pour un film presque aussi mauvais que Quelques messieurs trop tranquilles. Cent minutes interminables, à partir de la moitié, j'en avais déjà plus rien à foutre. A oublier sauf si on aime le mot "salope", répété à l'envie.
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J. Edgar (Clint Eastwood, 2011)
Un film raté disons-le tout net. Rien n'est bon ou presque. Narration pénible, mise en scène pépère, interprétation complètement à côté de la plaque d'un Di Caprio pas crédible une seule seconde dans la peau de Hoover (comme il n'était pas crédible une seule seconde dans Shutter Island - définitivement un acteur surcôté), maquillages complètement foireux et grotesques (je suis certain que ce sont les mêmes qui se sont occupés de Guy Pearce dans Prometheus)... Eastwood nous livre un biopic pénible, ennuyeux au possible et, pour tout dire, sans intérêt. Il se paie même le luxe de la quasi hagiographie alors qu'Hoover était quand même un bel enculé. Dans J. Edgar c'est un héros qui a sauvé l'Amérique de bien des maux. Ne vient contrebalancer ce portrait qu'une étude psychologique à deux ronds. En gros, Hoover était un homo refoulé, amoureux de sa mère et mythomane. On en apprend mille fois plus dans les bouquins d'Ellroy dont l'acuité est pour le coup bien plus proche de la réalité. Eastwood doit prendre sa retraite.
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Ring (Hideo Nakata, 1998)
Je crois que je suis un peu passé à côté de ce - paraît-il - mètre étalon du film de fantôme contemporain. L'ambiance y est, le scenario aussi, mais j'avoue m'être un peu perdu dans l'histoire, avoir eu du mal à appréhender les personnages. Par contre, ça ne m'a pas foutu une frousse à "en chier". Demi-Lune est une vraie gonzesse. A revoir.
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L'armée des 12 singes (Terry Gilliam, 1995)
Qu'il est plaisant de se replonger dans un film vénéré durant l'adolescence et qu'on avait pas revu depuis six ou sept ans ! D'autant plus plaisant que L'armée des 12 singes fonctionne toujours aussi bien. Pour ne rien caché c'est probablement mon Gilliam préféré, un cran légérèrement au-dessus de Brazil. Le réalisateur se démène à nouveau pour nous offrir un film kafkaien, traversé par des angles de caméras impossibles, une mise en scène impeccable et surtout -surtout !- une histoire géniale. Gilliam qui revisite génialement La jetée ne pouvait faire qu'un film génial. Chef-d'oeuvre.
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Préparez vos mouchoirs (Bertrand Blier, 1978)
Pour le cinquantième film du mois, il me fallait une valeur sûre. Revu cette fois avec Mère Jules. Toujours autant aimé pour ma part. Elle a été choquée. Les nanas j'vous jure...
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Looper (Rian Johnson, 2012)
Je ne suis pas persuadé d'avoir tout compris, mais j'en suis sorti avec la très nette impression d'avoir vu un grand film de SF. Typiquement le genre d'œuvre qui le potentiel pour devenir un film de chevet, de ceux sur lesquels on revient régulièrement, échafaudant de multiples hypothèses. Rian Johnson -que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam- est un type à suivre. Au scenario (l'idée de départ est franchement canon) et à derrière la caméra, il s'en sort bien plus qu'avec de simples honneurs, une très belle découverte. Comme pour Skyfall, vivement le blu-ray !
Mes films du mois
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Octobre 2012: Fureur apache (Robert Aldrich, 1972)
Septembre 2012: La fugue (Arthur Penn, 1975)
Août 2012: Ascenseur pour l'échafaud (Louis Malle, 1958)
Juillet 2012: S.O.B. (Blake Edwards, 1981)
Juin 2012: Coup de torchon (Bertrand Tavernier, 1981)
Mai 2012: L.627 (Bertrand Tavernier, 1992)
Avril 2012: À 23 pas du mystère (Henry Hathaway, 1956)
Mars 2012: Guêpier pour trois abeilles (Joseph L. Mankiewicz, 1967)
Février 2012: Fat City (John Huston, 1972)
Janvier 2012: Macbeth (Roman Polanski, 1971)
Décembre 2011: Deep End (Jerzy Skolimowski, 1970)
Novembre 2011: Les chaussons rouges (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1948)
Octobre 2011: Sous le soleil de Satan (Maurice Pialat, 1987)
Septembre 2011: Antoine et Antoinette (Jacques Becker, 1947)
Août 2011: Sherlock Jr. (Buster Keaton, 1924)
Juillet 2011: Le couteau dans l'eau (Roman Polanski, 1962)