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Interviews

Lancé il y a bientôt 10 ans, à Rennes, en Bretagne, Rimini Editions s'est lentement mais sûrement imposé dans le paysage de la vidéo de patrimoine en France. Dans un marché difficile mais avec une passion tangible pour le support physique, Jean-Pierre Vasseur mène son petit bonhomme de chemin avec une grande modestie, proposant coups de coeur nostalgiques ou raretés destinés à une cinéphilie en pleine mutation. Il nous raconte aujourd'hui son métier d'éditeur, évoque un travail effectué dans l'ombre et les nombreuses difficultés auxquelles il doit faire face...

DVDClassik : Vous avez fait toute votre carrière dans l'édition vidéo...

Jean-Pierre Vasseur : Quand j'étais étudiant, ici à Rennes, j'ai travaillé dans un cinéma, le Colombier qui a fermé maintenant, avant d'envoyer des candidatures spontanées. J'ai trouvé un poste chez l'éditeur Fil à Film, créé par Jean-François Davy qui, en plus d'un bureau à Paris, était aussi basé en Normandie. C'était l'époque où le marché de la VHS, né avec des genres qu'on ne voyait pas à la télévision, le film d'horreur et le X, s'ouvrait de plus en plus au grand public. Davy achetait des nouveaux titres comme Une affaire de femmes, et avait besoin de quelqu'un pour rédiger les jaquettes ou les dossiers de presse. C'est comme cela que j'ai commencé.

Quelles étaient les différences dans le travail par rapport à aujourd'hui ?

Il était assez simple d'obtenir les droits pour la vidéo car la VHS n'était pas considérée comme un support noble. Beaucoup d'ayants droit n'en avaient rien à faire, étaient contents de recevoir les chèques mais n'avaient pas envie de fabriquer eux-mêmes leurs VHS. Fil à Film a pu lancer la collection « Les Films de ma vie » dans laquelle il y avait de tout parce qu'à cette époque nous avions pu acheter de nombreux titres de catalogues, comme ceux de François Truffaut, par exemple. Les Majors vendaient uniquement aux vidéoclubs, axaient tout sur la location mais n'étaient pas sur la vente. Les cassettes de location coûtaient des fortunes : le prix de la VHS de E.T. l'extra-terrestre était énorme ! Les Majors se sont ensuite mises à faire de la vente et ont repris le marché. Fil à Film fut l'un des tout premiers éditeurs français à faire de la vente au public.
Il y avait parfois des angoisses mais elles n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. On savait qu'on pouvait par exemple récupérer de grosses sommes en produisant, disons, 15 000 VHS pour la location, la question était de savoir par quels moyens marketing, promotionnels ou autres on arriverait à vendre ces 15 000 exemplaires aux vidéoclubs. D'un côté c'était plus facile parce qu'il y avait un marché en pleine expansion, donc plus d'argent, mais il fallait quand même mettre en place tout un système pour arriver à rentabiliser les achats de droits, parfois chers.
Quand le DVD est arrivé, vers 1998-1999, il a changé la façon de considérer la vidéo pour ceux qui possédaient des droits. Ils se sont rendus compte de la montée en gamme du support, la qualité de visionnage, la présence de suppléments. Le marché continuait d'augmenter, des sociétés ont choisi d'éditer elles-mêmes car cela leur permettait de garder la maîtrise de leur catalogue, et sans doute certains ont-ils pensé qu'il allait y avoir plus de profits à se faire. D'autres ont commencé à développer des catalogues en achetant des droits vidéo, comme MK2 avec Chaplin. Cela s'est organisé parce qu'on passait tout d'un coup à une autre dimension. Le DVD fut un support valorisé, qu'on pouvait offrir en cadeau. Rappelez-vous des stations-service ou des McDonald's qui offraient des DVD. Aujourd'hui, plus personne ne va offrir un DVD...

Après avoir suivi Jean-François Davy sur le DVD avec Opening, vous avez choisi de voler de vos propres ailes...

Opening avait fermé, Jean-François Davy voulait remonter une autre société, qui deviendra Filmedia. C'était le bon moment pour moi de tenter une autre voie. Je me suis alors dit que, pour vivre sur ce marché, il fallait être ou très gros ou tout petit, qu'il n'y aurait pas de place pour les tailles intermédiaires. Cela s'est d'ailleurs confirmé puisque la majorité du marché indépendant est aujourd'hui composée de toutes petites structures. En étant tout petit, j'ai aussi pu me concentrer sur des choses que je voulais faire à l'époque, sur le patrimoine. C'est une partie du marché qui se maintient peu ou prou, avec une baisse qui est moins impressionnante.

L'une des forces de Rimini Editions est l'éclectisme de son offre : les genres sont variés, souvent avec des têtes d'affiche réputées mais pour des titres parfois rares ou inconnus. Comment choisissez-vous ces films ?

Mon premier critère est d'abord mon intérêt personnel. Je pense, et j'espère, que le public a des goûts un peu éclectiques. On peut écouter Alain Souchon et du classique, un truc hyper pointu ou de la musique hip-hop... J'écoute de la musique très variée, je regarde aussi des films très variés. Après, c'est aussi une question d'offre et d'accessibilité. Si j'achète des films de différentes nationalités, beaucoup sont américains par goût, parce que j'aime beaucoup le cinéma américain d'après-guerre et parce que les catalogues sont encore accessibles. Aujourd'hui certains ne le sont plus, donc le choix commence à se limiter. On pouvait travailler à une époque avec la Fox mais Disney, qui l'a rachetée, ne veut plus. On arrive à avoir des titres Paramount, mais c'est plus compliqué. Aujourd'hui on a Universal et grosso modo MGM avec qui je continue de négocier.

Pour l'instant en tout cas, parce qu'Amazon vient d'en racheter le catalogue...

Park Circus, la société par l'intermédiaire de laquelle s'achètent leurs droits, annonce avoir renouvelé son contrat. Donc Amazon ne serait pas dans la logique de Disney de ne plus rien vendre à personne.
J'achète mes films en alternant un peu entre des œuvres que j'ai envie de faire découvrir et des choses qu'on a déjà vues mais qu'il m'intéresse de rééditer parce qu'une partie du public va vers des films qu'il connaît. Il y a toujours des films qu'on peut rééditer mais cela doit se justifier. J'essaie d'en proposer qui soient un peu rares, un peu originaux. Ainsi j'avais pris un peu par curiosité Le Pirate des Caraïbes dans un catalogue Universal. J'ai eu quelques retours très positifs qui me disaient « c'est super ! » J'ai bien aimé le film mais je me demandais si on ne le trouverait pas un peu kitsch. En fait, la presse a été enthousiaste.

Vous ne l'aviez pas vu pas avant de l'acheter ?

Je ne vois pas tout, cela peut arriver. Il y a des films dont on me parle, je fais des recherches sur le Net pour voir sa réputation, je me renseigne, je demande autour de moi, à des gens de confiance avec qui je travaille. J'ai vu un certain nombre de Films noirs, mais quand j'achète Une âme perdue c'est parce que j'en ai entendu parler. Au moment où je contacte l'ayant droit, je n'ai pas vu le film et je ne vais pas leur demander un lien de visionnage parce que les Majors ne me l'enverront jamais. Je me débrouille pour le voir, je n'y arrive pas toujours... Quand je tombe sur Les Amants traqués, un Film noir avec Burt Lancaster, restauré en 2K et sorti chez Kino Lorber aux Etats-Unis, je ne l'ai pas vu non plus mais le film a l'air bien. J'en parle aux gens de La Plume qui sont enthousiastes et me disent qu'on peut faire un livret, qu'il y a des choses à dire. Je sais alors que je peux l'inclure dans mon offre...

Vous arrivez à sentir le potentiel de ventes ?

C'est un équilibre à trouver, il faut à la fois des titres qu'on soit sûr de bien vendre et d'autres sur lesquels on prend un risque. C'est ce qui fait qu'on est indépendant. Je vais bientôt sortir un coffret DVD et Blu-ray avec trois films muets réalisés par John Ford : je sais que je ne gagnerai pas d'argent dessus, c'est sûr, mais cela me fait plaisir de le faire. C'est sur la toute première période de Ford à la Universal. Il en avait fait 29 ou 30, je crois, et seuls trois ont survécu. Deux sont sortis à l'unité aux Etats-Unis, le troisième est en complément de l'édition Criterion de La Chevauchée fantastique. Je serai le premier à les regrouper.

Il pourrait y avoir un peu d'acheteurs venant de l'étranger. Vous y pensez ?

J'espère, en tout cas j'y pense un peu, oui. Mais je n'arrive pas à chiffrer le poids que cela peut avoir. Sortir un tel coffret, c'est aussi pour le plaisir personnel que me procure un tel projet. Pour l'année 2023, j'aurai aussi 4 ou 5 films muets à sortir, dont un de Jack Arnold.

Y a-t-il des genres qui se vendent mieux que d'autres ?

Aujourd'hui, le Film noir d'après-guerre se vend moins. Evidemment, si quelqu'un sort demain l'édition prestige de Laura d'Otto Preminger, cela fonctionnera parce que c'est un film connu. Je n'ai pas les chiffres en tête, et ce n'est pas mon domaine, mais j'imagine que quand Pathé ou Gaumont sortent des films français de l'immédiate après-guerre, ils doivent avoir du mal à les écouler quand ce n'est pas avec Jean Gabin.

A propos du Cid et de La Chute de l'Empire romain, deux films d'Anthony Mann que vous venez de sortir, que répondez-vous à ceux qui regrettent que ce soit à partir des mêmes masters qu'il y a 10 ans ?

Je suis content de les faire parce ce sont des films sur lesquels j'ai travaillé en VHS et en DVD, du temps d'Opening. Des films qui sont sortis régulièrement, la dernière fois c'était il y a une dizaine d'années, et qui n'ont pas été restaurés depuis. J'ai vu ces questionnements dont vous parlez, ces remarques sur les masters qui ne sont pas exceptionnels et devraient être meilleurs en regard de l'importance du film. On a deux solutions dans ce cas-là : en l'absence de nouveau master, on ne fait plus rien et le film restera invisible dans les bacs pendant pas mal de temps parce que les ayants droit actuels le vendent quand même régulièrement aux télévisions, gagnent suffisamment d'argent comme cela et n'ont pas du tout en tête de produire un master 4K. J'ai pour ma part choisi de faire une nouvelle édition en proposant un contenu inédit, un livre, de nouveaux suppléments, un nouveau packaging. Je refais vivre le film et ça marche. Même mon distributeur (ESC), qui n'avait pas souhaité l'éditer lui-même, m'a félicité pour ces succès. Des succès qui vont d'ailleurs me permettre de perdre de l'argent sur d'autres sorties plus risquées. Ca marche dans les deux sens. Pour Les 55 jours de Pékin que j'ai édité en octobre dernier, le Blu-ray sorti il y a 10 ans était épuisé depuis longtemps...

Qu'est-ce qui vous motive dans le choix d'éditer certains films en édition simple et d'autres en un peu plus collector ?

C'est une discussion que j'ai parfois avec Vincent-Paul Boncour de Carlotta car nous avons constaté que, pour arriver à vendre une édition aujourd'hui, il faut en faire de plus en plus, ne plus seulement proposer un bonus mais deux ou trois, surtout si le film a déjà été édité. Il faut pouvoir motiver le public, qui peut posséder le précédent DVD, avec un collector, un livre, etc. On remarque aussi qu'une partie du public est restée au DVD et ne rachètera pas un même film en DVD. Quand j'ai sorti des titres de Billy Wilder, j'ai vendu plus de Blu-ray que de DVD. Les gens qui sont restés au DVD et avaient les précédentes éditions, même dépourvues de supplément, n’ont pas racheté les nouvelles. Par contre, s'il ressort demain avec un livre, il le rachètera peut-être parce que c'est un autre objet. C'est un autre débat mais il faut savoir que la présence de suppléments aide à vendre alors qu'ils ne sont pas souvent regardés, ou dans une infime proportion, 4 ou 5 %. Or si vous arrivez sans bonus, le public dira non.

N'est-ce qu'une question de possession ?

Je ne sais pas, mais on est tous un peu comme ça : « Je l'aurai de côté pour plus tard. » J'achète moi-même pas mal de films, je les vois, mais je ne regarde les suppléments que si c'est un film que j'aime vraiment ou si une interview m'intéresse. C'est une question de temps, il n'est pas extensible. Il y a donc peut-être la notion de « pour plus tard... » Mais si vous ne faites rien, niveau suppléments, vous êtes sûr de courir à l'échec. Est-ce que c'est typiquement français ? Je ne sais pas. Je connaissais quelqu'un en Angleterre qui me disait que les Anglais fréquentaient beaucoup plus les bibliothèques que les Français, qui aiment bien acheter, posséder des livres. Peut-être cela marche-t-il aussi pour le support physique.

Prenez-vous en compte le public qui achète en import ? Par exemple pour L'Homme tranquille qui existe depuis 10 ans en Blu-ray aux Etats-Unis...

Je pense que l'achat en import est assez minoritaire, ce qui ne va pas m'empêcher de proposer un bel objet. Nous, éditeurs, regardons toujours ce qui existe à l’étranger, en termes de masters ou de bonus. Il y a 10 ans, on nous faisait le reproche de ne pas inclure certains bonus présents sur des éditions américaines. Il fallait expliquer que les droits ne s'obtenaient pas systématiquement, que les Majors n'avaient parfois les droits que pour les Etats-Unis, parce que les interviewés n'avaient signé des autorisations que pour le territoire américain. Et leur réclamer une nouvelle signature, c'était risquer une demande d'argent. Or ce n'est pas pour les 500 ou 1 000 € que je vais proposer à l'ayant droit que la Major va s'ennuyer à retrouver les signataires... A force de le répéter, je pense que le public a compris cela. Tout n'est pas accessible au marché français.

Le droit d'auteur est un domaine très verrouillé...

C’est normal qu’il soit verrouillé, mais c’est parfois kafkaïen. J'ai une anecdote qui montre combien la relation avec des Major companies est complexe. Dans mes projets d'édition pour le dernier trimestre 2022, j'ai Le Dernier rivage de Stanley Kramer, un film post-apocalyptique tiré d'un roman australien. Quelqu'un a produit un documentaire autour du livre, son impact en Australie et l'adaptation cinématographique, incluant des extraits du film, qui appartiennent à la MGM. Or, les droits des extraits sont échus, me dit-il. Je lui réponds que quand je réalise un supplément pour un film MGM, je peux inclure des extraits du film étant donné que j'ai acheté les droits pour la France et que ce supplément est destiné uniquement à mon édition vidéo. Donc, en théorie, je dois pouvoir lui acheter son documentaire. Sauf que l'ayant droit qui représente MGM me dit que c'est plus compliqué que cela et que la personne n'a pas le droit de me vendre son documentaire. Je propose alors qu'il ne me vende que les entretiens puisque je peux moi-même rajouter les extraits du film de mon côté. On me répond qu'il faudrait que je soumette le projet au service juridique du studio, cela prendrait des semaines, des mois, peut-être un an. Je pense que je ne vais pas pouvoir obtenir ce bonus donc on va faire autrement : j'ai retrouvé la traductrice française du roman, qui habite à Rennes en plus, et je ferai un entretien plus cinématographique avec quelqu'un d'autre.

Ces droits sont-ils si contrôlés ? Ne pourriez-vous pas prendre le risque ?

Oui et non. Si la personne détenait encore les droits des extraits illustrant son film, il me l'aurait vendu et personne n'aurait rien trouvé à y redire. Mais la personne est malheureusement arrivée en fin de droit il y a peu, cela s'est joué à quelques mois... Il faut bien sûr éviter de faire n'importe quoi car si vous exploitez quelque chose dont vous n'avez pas les droits et que, demain, on vous tombe dessus, cela peut vous coûter beaucoup d'argent. Mais dans le cas qui nous occupe, je n'ai toujours pas compris la position des juristes.

Dans un entretien récent, vous parliez des corrections de livrets exigées par une Major...

Nous nous heurtons avec eux sur deux choses. Ils suivent des accords anciens, par exemple des cahiers des charges pour l'affiche d'époque qu'ils vous envoient par mémo pour chaque film, où il est signifié que tel acteur doit être positionné de telle façon sur la jaquette. Lorsque je sors Queimada de Gillo Pontecorvo, l'ayant droit ne me fournit pas de matériel suffisant pour mes visuels. Mon graphiste déniche alors une belle photo de Marlon Brando pour la jaquette. On me répond que je ne peux pas l'utiliser parce que toutes les photos doivent être soumises à l'approbation de l'acteur. Je réponds à mon tour que je peux assurer que nous n'aurons aucun souci avec Marlon Brando, puisqu'il est mort il y a bientôt 20 ans. Ils ont finalement accepté en me disant que c'était à mes risques et périls... C'est anecdotique mais c'est pour montrer des choses très concrètes, qui nécessitent plusieurs allers-retours. Je sors en mai Panique, année zéro de Ray Milland. Sur la jaquette, je dois inscrire au même niveau les noms des deux acteurs principaux, Ray Milland et Frankie Avalon, parce que cela a été signé comme cela à l'époque. Or le nom de Frankie Avalon ne dit plus rien à personne aujourd'hui... Les contrats stipulaient aussi que les deux acteurs devaient apparaître dans le même nombre de photos, or j'en avais une de plus pour Ray Milland sur le verso. J'ai dû corriger la jaquette... que personne ne serait allé vérifier. Mais ce sont d'anciennes obligations sur lesquelles ils ne reviennent pas. C'est encore une fois anecdotique mais tellement chronophage. Les Majors ont aussi cette idée, et je n'ai jamais compris pourquoi, que quand on met le nom d'un réalisateur au recto, il ne doit pas être plus grand que tel qu'il figure au verso de la jaquette, dans le bloc crédits. Lorsque j'ai sorti Freud, passions secrètes en DVD en 2017, j'ai été obligé d'ajouter un sticker « un film de John Huston » parce que le nom du cinéaste était trop petit sur la jaquette. Ou alors il aurait fallu tout agrandir et se retrouver avec un énorme pavé de crédits au verso. A côté de cela, des nouvelles règles apparaissent comme celle de ne plus utiliser sur la jaquette des photos de personnes qui pointent une arme vers le spectateur. Cela revient à éliminer 50 % du cinéma des années 80 ! Il est arrivé que certains interlocuteurs épluchent le contenu des livrets, on ne devait plus dire de choses négatives. Je ne pouvais pas dire qu'un film avait été un échec en salles, par exemple. Or si, demain, j'édite Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz, un film qui a perdu tant d'argent, faudrait-il que je dise que le tournage s'est formidablement bien passé, qu'il n'y eu aucun conflit et que le film a été rentable ? Ce sera la même chose si je travaille un jour sur des films d'Orson Welles : il n'y a pas eu un seul de ses films dont la production se soit passée sereinement. Ces règles arrivent un peu par vagues, il s'agit peut-être de nouveaux venus dans la boîte qui ont besoin de se faire mousser. Ca se calme un peu en ce moment, on ne m'a rien demandé sur les derniers livrets que j'ai faits, mais ça reviendra peut-être dans quelques mois...

Concernant vos achats de films, êtes-vous conseillé ? Vous avez dit discuter avec vos distributeurs...

Non, les distributeurs n'interviennent pas à cette étape. Je discute évidemment avec eux de la mise en place en magasin, ce genre de choses, mais pas de l'achat. Je ne demande pas leur avis, ou très peu. Il faut que le film acheté soit quelque chose que je sente. Comme je vous le disais précédemment, j’ai plusieurs contacts qui me signalent des films. Ensuite, c’est à moi de décider. Si on commence à demander l'avis de tout le monde... En revanche, j’aime avoir des retours, par exemple sur les visuels que j'envisage pour mes éditions. Je suis seul à Rimini, je n'ai pas la science infuse, il y a plein de choses que je ne connais pas, donc je demande un peu à mes contacts professionnels, mais aussi à mon entourage, mes amis, ma femme. C'est important d'avoir des avis extérieurs au métier.
J'ai développé une collection autour du cinéma d'horreur. Lorsque je vois passer certains titres que je ne connais pas dans les listes des catalogues, je me renseigne un peu dessus, ce qu'on en dit sur le Web, sur les sites spécialisés. Je peux aussi interroger quelques personnes : je travaille avec Marc Toullec, ancien du magazine Mad Movies, qui me conseille pas mal sur cette collection. Et jusqu'à présent, il ne s'est pas beaucoup trompé. Quand il m'a signalé des films qui avaient des super cotes, qui étaient très attendus, j'ai effectivement eu de très bons retours presse à leur sortie.

Techniquement, les ayants droit vous transmettent des listes. Êtes-vous au courant des nouveautés, des nouvelles restaurations, par exemple ?

Oui, ils nous envoient des listes régulièrement. Cela marche dans les deux sens. Lorsqu'il y a une liste de disponibilités, lorsque MGM ou Paramount proposent par exemple cette liste, je regarde. On a parfois des listes uniquement composées de très gros films, cela va monter à des prix que je ne peux pas me permettre d'accepter, donc je les écarte, ce n'est pas pour moi. Par contre, je regarde à côté, les films plus petits. Et il y a aussi des choses qu'on demande soi-même, parce qu'on vous en a parlé. J'ai par exemple ressorti Les Anges de la nuit, qui n'était plus du tout édité, parce que ma fille aînée l'avait vu à la télévision et l'avait trouvé très bon. J’avais oublié ce film. J’ai vérifié s’il était disponible. J'ai sorti de la même façon Les Pirates du métro en discutant avec Antonin Moreau qui travaille sur l'émission Le Cinéma est mort, de la radio Canal B.
Je reçois aussi beaucoup de messages de clients, par mail ou Facebook, qui me demandent de sortir ci ou ça. Avec les films d'horreur, le nombre de suggestions de fans que je reçois sur Facebook peut être très spectaculaire. Attention, c'est un petit milieu : si 10 personnes sont dithyrambiques, cela ne veut pas dire que le public réagira de la même façon ; il y a donc des choses à prendre et à laisser. Mais c'est en même temps très important d'avoir ce genre de retour.

Le cinéma d'horreur est un genre très porteur dans les ventes en ce moment. D'ailleurs tout le monde s'y est mis, vous-même avez créé votre propre collection...

C'est un genre qui suscite beaucoup plus que d'autres des réactions très enthousiastes. C'est un public de 30-40 ans, un petit peu plus jeune que ceux qui achètent des films anciens en DVD. C'est la génération vidéoclub qui a découvert dans les années 80 des tonnes de films d'horreur qui ne passaient pas à la télévision. C'est ce qu'on disait tout à l'heure.

Avec les années, on remarque une sorte de respectabilité pour ces films qui étaient jadis peu considérés. Il y a 20 ans, les Mario Bava sortaient en DVD dans des bacs à 1 €. Aujourd'hui, ils passent à la Cinémathèque et sont très attendus en Blu-ray...

Tout à fait. Aujourd'hui, lorsque vous passez en commission du CNC pour obtenir des aides à l'édition, et que vous venez avec du Lucio Fulci, on ne vous dira pas qu'il s'agit du plus grand cinéaste mais que cela vaut quand même la peine de proposer un travail éditorial dessus. Effectivement, cela a beaucoup changé. C'est un genre qui a été redécouvert et qui a explosé ces dernières années. Au-delà des habituels classiques du genre, on est allés chercher les films anglais des années 1950/60 et tout un pan du cinéma de genre italien. C'est peut-être aussi une diversification de l'offre pour ne pas dépendre uniquement des sociétés américaines dont la disponibilité des catalogues se raréfie. Cela doit sans doute jouer...

Vous continuez de prospecter des sociétés de ventes de droits ?

Bien sûr ! Et on les rencontre. Bon, là, ces dernières années, cela a été compliqué, mais on revient sur les marchés. Bientôt, cela va être Cannes... Le dernier marché sur lequel je suis allé, c'était à Berlin en 2020, trois semaines avant le premier confinement. C'est un marché où il y a de tout, de la nouveauté aussi bien que du patrimoine. Park Circus sera à Cannes, Hollywood Classics aussi, comme les sociétés italiennes qui possèdent des catalogues. Cannes et Berlin sont des rendez-vous très importants. A une époque, j'allais à l'American Film Market de Los Angeles, mais c'est essentiellement un marché de nouveautés, notamment pour la télévision.

Les prix sont-ils très élevés ? Trop peut-être ?

On pourrait dire que c'est toujours trop cher. (Rires) Mais en fait non, les prix sont à peu près calibrés. Pour un film standard avec une Major, on sera en gros entre 3 000 et 5 000 € pour une exclusivité vidéo de 5 ans. On peut aussi allonger la durée. Après, quand vous visez des films plus importants, Major ou pas, cela va être plus cher. Les Films noirs peu connus coûtent moins que L'Homme tranquille, par exemple. Parce que c'est quand même John Wayne et John Ford. J'imagine que Johnny Guitare devait aussi être plus cher...
L'achat des droits est une toute petite partie du budget global. Vous pouvez facilement arriver à 13 000, 15 000, 20 000 € de coût total pour une édition. Avec les livres, l'impression, on atteint 25 000 ou 30 000 €. Je pense que j'avais payé mes droits sur Les Vikings plus chers qu'ils ne le sont aujourd'hui. Mais il faisait partie des films que j'avais envie d'éditer. Un souvenir de jeunesse. C'était peut-être une édition à 30 000 ou 35 000 € d'investissement. C'était le premier gros projet, 5 ans après la création de Rimini.

Vos sorties suivent différents cinéastes comme John Ford, Sydney Pollack, John Huston...

John Huston est le cinéaste dont j'ai le plus sorti de films, j'ai dû en faire une dizaine. J'en ai repéré un chez MGM, qui n'est pas du tout connu, Davy des grands chemins, mais comme il n'est pas du tout restauré je ne le ferai pas.

Les droits sont-il plus chers quand il y a une restauration 2K ou 4K ?

Normalement non, mais les prix sont parfois plus chers. On est en train de multiplier les éditions Ultra HD, les Majors observent cela et se demandent si elles ne vont pas augmenter les prix. Le paradoxe, c'est que si on achète un film à Universal et qu'on souhaite juste le sortir en Blu-ray et pas en UHD, on le paiera au prix normal.

Ils pourraient aussi vous fournir l'ancien master...

Ah non, on reste quand même au courant. Je regarde systématiquement ce qui est déjà sorti, quel genre de matériel est accessible. Parfois, les films sont restaurés par des sociétés indépendantes qui vont produire un master Haute-Définition mais en conserver l'exclusivité des droits vidéo pendant 6 mois ou 1 an, histoire d'avoir un retour sur investissement. Les éditeurs anglo-saxons Arrow ou Kino Lorber font beaucoup cela.

Ils font le travail des studios, en somme...

Oui, et les Majors en sont très contentes : elles bloquent peut-être les droits pendant plusieurs mois mais elles récupèrent ensuite un master flambant neuf. Mais le délai est parfois un peu long : j'avais programmé la sortie de Rosebud d'Otto Preminger or j'ai mis plus d'un an à récupérer le master, alors qu'il était sorti en Blu-ray en mars 2021 aux Etats-Unis. Je viens tout juste d'avoir l'autorisation d'accès alors que la moyenne est habituellement de 3 ou 4 mois. Je voyais les mois passer, toujours pas de nouvelles à Noël, et là, on ne sait pas pourquoi, cela s'est débloqué, je vais pouvoir le programmer.
Dans le même ordre d'idées, on touche du bois, je voudrais ressortir Freud, passions secrètes de John Huston que Kino Lorber vient de proposer en Blu-ray aux Etats-Unis, et que je n'avais pu faire qu'en DVD à l'époque parce que rien n'existait en HD. Normalement, la situation doit se débloquer en mai-juin, je suis censé le rééditer en fin d'année, avec un livre. J'ai d'ailleurs rendez-vous dans quelques jours à la bibliothèque de la Cinémathèque française pour consulter les photos de tournage.

Vous ne sortez plus de films uniquement en DVD ?

C'est très rare. Je n'en fais plus beaucoup mais je peux éventuellement sortir des programmes pour enfants. Par contre, je vais sortir un documentaire en mai, La Cacophonie du Donbass de Igor Minaiev, sorti en salle en 2018. J'ai été contacté par les producteurs, c'est un documentaire avec une dimension cinématographique. Le réalisateur est parti de La Symphonie du Donbass de Dziga Vertov, un film de propagande sorti en 1930 qui montrait les joyeux travailleurs de la mine qui oeuvraient pour la gloire de la patrie et la diffusion du communisme. Minaiev a mené son enquête, a montré que c'était en fait la misère, l'exploitation, des conditions de vie déplorables. Il revient dans son documentaire sur la sécession des forces pro-russes en 2013 et l'origine du conflit actuel. Ils sont venus vers moi parce qu'il y a une demande, ce que m'a confirmé un contact dans les réseaux institutionnels, les médiathèques. C'est un peu pointu mais cela vaut le coup de diffuser ce genre de film. C’est un petit projet, distribué par avec ESC, et, exceptionnellement, ce n'est que du DVD.

Comme Mise en scène with Arthur Penn (une conversation), le documentaire que je viens de sortir sur le réalisateur dont j'ai déjà édité plusieurs de ses films sous la bannière Rimini : Georgia, Missouri Breaks, Miracle en Alabama et Alice's Restaurant, en novembre dernier, qui démarre gentiment, je pense que cela devrait le faire un peu sur la durée. C'est un film qui n'avait jamais été bien édité. J'ai ajouté le CD de la musique et des suppléments avec Jean-Baptiste Thoret, expert du cinéaste et de cette époque, qui raconte des choses passionnantes. Notamment sur la prescience d'Arthur Penn qui fait un film sur la fin du mouvement hippie l'année même où ont lieu le meurtre de Sharon Tate et les violences au cours du festival en réponse à Woodstock.

Je travaille avec Jérôme Wybon, quelqu'un de très important dans notre métier, qui a tissé un grand réseau autour de lui. Il peut vous mettre sur la piste de plein de choses, apporte plein de bonus comme les interviews audio du British Film Institute de Billy Wilder ou Jack Lemmon. Il signale ce qui existe, me rapporte par exemple que telle personne dispose du making-of original de tel film. On peut ne pas toujours y avoir accès mais au moins on sait que c'est là et que cela vaut la peine de chercher. Jérôme m'informe donc qu'un documentaire existe sur Arthur Penn, dans deux versions : une de 6 heures et une de 3 heures. J'en parle à Jean-Baptiste Thoret, qui me conseille d'y aller. Je me renseigne un peu, je vois que la version courte a été diffusée au Centre Pompidou, je me dis qu'il doit déjà exister les sous-titres. Or j'apprends en fait que ce ne fut pas le cas, qu'il est seulement passé en VO. J'ai fini par signer pour la version de 6 heures car, quitte à financer le sous-titrage, autant le faire pour l'intégralité. On a la main dans l'engrenage, autant faire les choses jusqu'au bout. C'est un documentaire d'Amir Naderi, réalisateur iranien, grand fan d'Arthur Penn, qui l'a interviewé chez lui, à la fin de sa vie (NDLR : il est décédé en 2010). Il en a retenu six heures, qui n'étaient même pas destinées à être montrées, dans une forme un peu austère, en plan fixe. Ce n'est pas tout à fait un travail de cinéphile mais plutôt de fan, il l'interrompt, mais il en ressort quand même quelque chose. Arthur Penn ne parle pas de toute sa carrière mais évoque quand même certaines séquences. Il revient par exemple très longuement sur la dernière scène de Bonnie and Clyde, comment cela a été fait. Il raconte tous les problèmes qu'il a rencontrés toute sa vie. Même si le projet coûte un peu d'argent, cela m'intéressait de le faire. Et c'est un cinéaste important. Je commence à avoir quelques échos, un bon papier qui est sorti dans Technikart, qui ne cache pas les défauts formels mais souligne son intérêt. C'est uniquement en DVD, une sortie qui va perdre de l'argent, c'est sûr, mais au moins elle existe. Et, pour le coup, il peut peut-être y avoir de l'achat en import, s'il y a des fans d'Arthur Penn à l'étranger, ou même des chercheurs pour leur travail... C'est la première édition au monde, il a été diffusé au Festival de Venise, une fois à Beaubourg, donc, et je crois qu'il est passé en octobre dernier dans un festival à Rome.

Les catalogues des Majors américaines privilégient de plus en plus l'accès aux plateformes numériques, au détriment du support physique. Comment voyez-vous l'avenir ?

Cela devient compliqué pour deux choses. Déjà, à un moment, les catalogues finissent par s'épuiser. Celui d'Universal a été acheté partout. Je pense que MGM va continuer à vendre dans les quelques années qui viennent. Avec Paramount, c'est compliqué ; ils se sont un peu ouverts puis ils se sont refermés. Il y a 2 ans, un peu avant le COVID, ils ont envoyé une liste d'enfer, avec par exemple Seconds de John Frankenheimer. J'avais fait des offres. Or ils n'ont répondu à personne, n'ont plus donné de nouvelles, je ne sais pas trop pourquoi. Depuis, une autre liste circule, dans laquelle j'ai pu acheter 7 ou 8 films dont L'Homme tranquille. On me dit que Paramount est très content de l'accord de distribution avec ESC, qu'ils vendent plus de DVD et Blu-ray qu'avant et qu'ils se demandent s'ils ne vont pas se remettre à faire des éditions eux-mêmes.
Il y a aussi les sociétés qui ne sont plus du tout accessibles, comme la Fox. Est-ce que cela va durer ? Le jour n'est pas encore arrivé où Disney aura besoin d'argent. Et il y a Warner qui reste à peu près inaccessible. Il y a 2 ou 3 ans, ils ont fait un deal avec LCJ sur la série L'Homme de l'Atlantide, qui a pu sortir en coffret, et c'est à peu près tout. C'est dommage parce que c'est un des plus beaux catalogues. Quand je vois que plein de choses sont sorties en Blu-ray aux Etats-Unis comme les Minnelli, Comme un torrent, etc. je suis comme un fou. Mais ils bloquent l'accès pour le reste du monde, c'est leur politique. Après, chaque pays peut aussi être un peu maître sur son territoire. Pour le moment, la direction française n’est pas vendeuse... Mais c'est vrai que la situation devient compliquée à cause de ces stratégies de plateformes. Là, pour le coup, c'est assez clair : Disney n'a pratiquement jamais vendu ses propres titres, ils ont racheté le catalogue de la Fox pour l'inscrire dans un système pro-plateforme. Et pour eux, il n'est pas question de vendre des films pour un support qui leur ferait concurrence.

Au sein de la belle collection que vous avez consacrée à Billy Wilder, on espérait tous y voir apparaître Le Gouffre aux chimères...

Et vous n'êtes pas le seul... Le Gouffre aux chimères faisait partie de cette fameuse liste mais, pour l'instant, Paramount ne donne pas de réponse. Et les prix étaient montés haut.

Il est pourtant sorti en salles en 2017...

Comme Seconds. Mais ils n'ont jamais voulu le vendre. Pareil pour Stalag 17.

Sur la collection Billy Wilder, il n'y a plus de films à ajouter ?

Pour l'instant, non. Mais je suis en train de négocier un renouvellement des droits de La Garçonnière qui me permettrait de bénéficier du master 4K sorti chez Arrow et Kino Lorber. Ce serait une édition avec un livre qui sortira fin 2023, cinq ans après le premier Blu-ray, c'est un délai raisonnable. Sur Billy Wilder, il resterait en théorie son tout dernier film, Buddy Buddy, mais j'hésite à le faire car il n'est pas très bon. Et les gens n'iront pas l'acheter pour le côté exhaustif. Celui qui manque, c'est Le Gouffre aux chimères, c'est sûr. Mais il paraîtra bien un jour, quelque part...

La collection avait-elle eu du succès ?

J'ai eu un bon accueil de la presse et des professionnels, après il n'y a pas eu de surprise : les films les plus connus ont mieux marché que les autres. Le Poison a plutôt pas mal marché, comme Irma la Douce. Embrasse-moi idiot, moyennement. La Grande combine, que j'aime bien, ne s'est pas bien écoulé. Je ne parle même pas de La Valse de l'empereur... Mais pour les films les plus anciens, je savais que ce serait difficile. On avait constaté le même phénomène lorsqu'on avait sorti les VHS de la collection Truffaut : ce sont toujours les deux ou trois même films qui marchent.

Il ne semble donc pas y avoir systématiquement d'"effet collection". Et pour celle autour des films d'horreur ?

Elle a une bonne image auprès du public, le packaging est soigné, les films sont pris au sérieux, mais le niveau de succès est très différent. A ma grande surprise, celui qui a le mieux marché est Magic avec Richard Attenborough, tiré à 1 500 ou 2 000 exemplaires. Je l'ai même re-pressé à 600 ou 700 exemplaires avec fourreau, au lieu du digipack, et c'est encore épuisé. Autre surprise qui a bien fonctionné : Le Bazarr de l'épouvante, mais c'est d'après Stephen King. Les slashers marchent bien aussi, comme Le Bal de l'horreur parce qu'il y a Jamie Lee Curtis. Meurtres sous contrôle a eu beaucoup de presse mais n'a pas plus intéressé le public que cela.

Vous lancez une collection autour de la science-fiction, dont Panique année zéro sera le premier opus. Qu'est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans une nouvelle collection et quel genre de surprises préparez-vous ?

Cela faisait quelques temps que je réfléchissais à l'idée de créer cette collection. Elle s'appelle SF Collection, elle aurait pu s'appeler "Twilight Zone" ou "Au-delà du réel", mais je crois que c'est déjà pris. (Rires) Plus sérieusement, cela signifie qu'a priori, je ne m'interdis rien pour cette collection qui pourrait proposer de la SF, du fantastique, du space opera, etc. Les deux premiers titres, Panique année zéro et Le Dernier rivage, appartiennent tous deux au cinéma né dans les années 50 de l'angoisse de la guerre nucléaire, mais ont un traitement du sujet totalement différent. Mais j'ai aussi au catalogue Enquête dans l'impossible (Man on a Swing - 1974), une histoire fantastique dans laquelle un policier enquête sur un ancien meurtre et est aidé par un étrange médium. La difficulté sera parfois de savoir si tel film est plutôt pour la collection Horreur ou plutôt pour la collection SF.

Le public ne le sait pas forcément mais les éditeurs rencontrent parfois des soucis avec les pistes audio et notamment les versions françaises.

Je crois que c'est sur Le Poison qu'Universal m'a fourni une version française produite récemment qui ne collait pas bien. Ils avaient dû égarer la précédente et, parce que les diffusions TV nécessitent une VF, ont été obligés d'en refabriquer une. J'ai retrouvé l'ancienne version française par l'intermédiaire d'un collectionneur. Mais on trouve parfois des VF sur Internet : certaines personnes, frustrées de ne pas voir certains films édités, créent ce qu'on appelle des repacks sur lesquels ils nettoient les VF. Cela m'est arrivé 2 ou 3 fois de les contacter et travailler avec eux, en demandant les autorisations auprès d'un intermédiaire... Je ne suis pas en contact avec un réseau de collectionneurs mais avec quelques personnes qui connaissent le sujet par cœur. Cela m'est aussi arrivé de récupérer la piste française à partir d'une VHS, par exemple sur Les Griffes de la peur. La personne qui la possédait ne voulait pas me l'envoyer, de peur de la perdre, mais elle a accepté d'ouvrir sa VHS pour moi, elle était encore emballée, et a numérisé la VF. Sur le genre horreur, on a donc comme ça des fans qui ont des vieux exemplaires, etc. Je demande systématiquement aux Archives du Film ou à la Cinémathèque, qui peuvent ne pas posséder de VF alors que des collectionneurs, eux, en ont une. Je viens de demander pour Une âme perdue : le film est sorti en France mais ils n'ont ni sous-titres ni piste audio, alors je vais partir à sa recherche. J'ai demandé également pour Rosebud d'Otto Preminger.

C'est un gros effort qui, pourtant, ne se voit pas. Est-ce grave si le film sort sans version française ?

Je regarde aujourd'hui Les Vikings en version originale, mais quand j'étais enfant c'était en VF. La voix d'époque de Kirk Douglas et Tony Curtis, c'était bien... Je ne veux pas être élitiste en ne proposant que la VO pour ne m'adresser qu'à des puristes. Après, le public choisit : si cela lui fait plaisir de le voir en VF, qu'il le regarde en VF. Cela va en fait dépendre des genres. Les films japonais, Feux dans la plaine ou La Vengeance d'un acteur, n'ont jamais été doublés et le public y est habitué. C'est plus ennuyeux pour le cinéma d'horreur, où l'aspect nostalgique joue beaucoup. Les fans souhaitent retrouver la VF de l'époque, qui, il est vrai, était souvent bien faite. C'est un peu moins grave sur un Billy Wilder. Sidonis vous en parlerait : les fans de westerns ont besoin de la version française d'époque. Ce qui les intéresse d'ailleurs, c'est le DVD. On en parlait tout à l'heure, on peut faire des Blu-ray sur les grands classiques du genre, mais sur les westerns de production standard, il semble que le DVD suffise aux amateurs. Artus m'avait dit la même chose sur ses westerns italiens, il y a 2-3 ans, pour lesquels son public n'était visiblement pas intéressé par le Blu-ray.

Y a-t-il un genre que vous avez délaissé parce qu'il ne se vendait pas assez ?

Quand j'ai commencé Rimini, il y a 10 ans maintenant, j'avais acheté des documentaires géographiques qui, pour un faible coût, me permettaient de générer un peu de trésorerie. J'ai ensuite un peu ralenti le rythme parce que je me spécialisais dans les films classiques, mais aussi parce que ce marché commençait à disparaître. Il en reste un peu dans le circuit institutionnel mais, alors qu'on en trouvait énormément dans les magasins, TF1 Vidéo en faisait, etc., cela a aujourd'hui complètement disparu du marché traditionnel. Pour qu'un documentaire ait du succès en vidéo physique, il doit avoir eu une forte sortie en salle ou aborder un thème très particulier. ESC a cartonné avec un documentaire sur les arbres... De la même façon, une partie des programmes pour enfants a disparu des bacs. On peut en vendre si ce sont des sorties cinéma, Ghibli, etc. mais pour les films intermédiaires, c'est fini.

Et les Don Bluth que vous avez sortis ?

Fievel et le nouveau monde a bien marché, j'ai même fait un réassort sans digipack. J'aimerais sortir Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles, qui devrait être accessible puisque c'est un film Universal, mais je n'arrive pas à l'obtenir. Je le demande à chaque fois. Peut-être me donneront-ils leur accord un jour ?

Avez-vous un rêve d'édition ?

Depuis que j'ai lancé ma propre société, je cherche la série télévisée Pinocchio de Luigi Comencini. C'est là aussi une situation compliquée parce que les droits sont détenus par la RAI et qu'il existe des masters en Haute-Définition à l'INA, avec des versions françaises. Ils n'arrivent pas à se mettre d'accord entre eux. J'aimerais beaucoup le sortir car c'est un grand souvenir d'enfance. En 2019, l'éditeur Le Pacte a édité un Blu-ray de la version qui était sortie au cinéma, mais qui est plus resserrée que la série. Si un jour on m'en donnait l'occasion, encore un truc de môme, je sortirais une vraie édition Blu-ray de Voyage au centre de la Terre de Henry Levin, par exemple. Mais c'est chez Fox. A l'époque, déjà, ils ne souhaitaient pas le vendre et maintenant c'est totalement fermé. De la même façon, il y a chez Warner Le Trésor du pendu de John Sturges. J'ai un tel souvenir de ce film, vu une seule fois, quand j'étais enfant... Je me souviens encore du nom des personnages ! J'aimerais aussi éditer un film plus récent que j'ai vu à Cannes et qui m'avait cloué dans mon fauteuil : De beaux lendemains d'Atom Egoyan. Je pense régulièrement à ce film, une histoire sur le deuil. Un tout petit potentiel économique mais j'aimerais bien travailler dessus.

De plus en plus d'éditeurs indépendants, comme Coin de Mire ou Tamasa, travaillent avec de grosses sociétés comme StudioCanal ou TF1 Studio. Peut-être aussi un jour avec Rimini ?

Je viens de commencer à travailler avec TF1 Studio pour Le Mari de la coiffeuse, Les Grands ducs et Le Parfum d'Yvonne, trois films de Patrice Leconte que je sors au mois de mai. J'ai pris chez eux Bunker Palace Hôtel d'Enki Bilal et quelques films de Gérard Jugnot. Cela me permet d'inclure un peu de films français dans mon catalogue. Je n'ai pas pu travailler avec StudioCanal pour l'instant.

C'est TF1 Studio qui est venu vous voir ?

C'est moi qui les ai contactés pour Le Mari de la coiffeuse. C'est un film que j'adore et qui me touche particulièrement. Je l'avais édité il y a très longtemps en DVD, chez Opening, dont je reprends d'ailleurs les 50 minutes d'entretien que nous avions tournées pour l'occasion. Nous avons produit deux nouveaux entretiens pour cette nouvelle édition, avec Patrice Leconte et Anna Galliena.

Concernant les suppléments, justement, comment les concevez-vous, les travaillez-vous, les budgétisez-vous ?

Déjà, il y a deux types de suppléments : ceux qui sont déjà faits, qu'on trouve intéressants et qu'on achète clé en main, et il y a ceux qu'on peut faire nous-mêmes. Je ne me lance pas aujourd'hui dans des suppléments à grande échelle, pour interviewer 7 ou 8 personnes. Sur la question du coût, on sait maintenant combien peut valoir un entretien. Sur certaines éditions, on peut parfois mélanger ces deux types de suppléments comme avec Les Pirates du métro pour lequel j'ai racheté des bonus américains à Kino Lorber et produit de mon côté mes propres bonus. Je sous-traite entièrement certains suppléments parce que je n'ai pas le temps de m'en occuper. C'est la société de production qui peut se charger de trouver l'intervenant. Par exemple sur Fievel et le nouveau monde et les films d'animation de Don Bluth, j'ai travaillé avec Samsaraprod qui a trouvé Xavier Kawa-Topor. Pour les autres suppléments, j'assure moi-même l'entretien pendant qu'une équipe filme et monte les images. Cela me permet de rencontrer des gens intéressants et c'est aussi une façon de varier les intervenants, parfois les féminiser, parce qu'il y a un peu le risque de trouver toujours les mêmes personnes d'un disque à l'autre. J'essaie de travailler avec des universitaires : pour Black Jack et Hidden Agenda de Ken Loach, j'ai contacté Agnès Blandeau qui est universitaire à Nantes ; sur Les Chasseurs de scalps de Sydney Pollack, l'un des intervenants est Eric Thouvenel, enseignant à l'Université de Rennes 2. Je projette aussi une interview avec une universitaire de Brest pour Outrage d'Ida Lupino qui sortira en fin d'année.

Est-ce que vous travaillez beaucoup sur l'aspect formel de vos bonus ? Je me souviens des entretiens passionnants entre deux critiques sur les éditions des Billy Wilder. Comment aviez-vous eu cette idée ?

Oui c'était très bien, très fluide. C'est Nicolas Billon, de la société de production Com'On Screen avec qui je travaille, qui m'a proposé ce format. Avec lui, pour le coup, on parle toujours du projet au préalable, il me suggère des noms. On va le refaire sur L'Homme tranquille. J'aimerais avoir deux critiques, un homme et une femme, pour avoir le point de vue féminin d'aujourd'hui sur certaines scènes du film.

Que prévoyez-vous d'autre comme supplément de L'Homme tranquille ?

Le bonus avec les deux journalistes est lancé. J'espère signer le documentaire John Ford : Dreaming The Quiet Man, 90 minutes autour de la réalisation du film, s'il se maintient à un prix raisonnable. Reste à savoir combien ils vont m'en demander. Si le prix atteint 6 000 ou 7 000 €, cela deviendra économiquement très risqué. Je prendrai la décision d'inclure ou non le documentaire d'ici 2 ou 3 semaines, puis La Plume me remettra le manuscrit du livre courant juin. Ce sera bouclé avant l'été, le temps de lancer la fabrication. Je sortirai en octobre les John Ford muets et L'Homme tranquille en novembre, dans la dernière ligne droite avant Noël. Avec Hamlet de Laurence Olivier et Freud, passions secrètes de John Huston, ce seront mes sorties importantes de fin d'année.

Sur Les Vikings, vous avez obtenu une intervention du fils de Richard Fleischer...

C'est La plume qui l'a retrouvée. Nous avons aussi pu ajouter un mot de John Milius dans le livre sur Le Lion et le vent. On était en contact avec son assistant. Ou avec le fils de Chatlon Heston pour Khartoum.

Justement, vous sortez régulièrement des films à grand spectacle comme Karthoum ou Le Cid. Il y a encore un attrait du public pour ce genre de films ?

Oui mais, encore une fois, c'est un ensemble, parce qu'il y a une belle édition autour. Si vous ne proposez ces films qu'en DVD ou en Blu-ray à l'unité, je pense que c'est plus compliqué et que vous n'arriverez à les écouler totalement que dans un 2e ou un 3e temps, et à des prix moindres. En revanche, arriver avec un vrai objet, le livre, les témoignages... c'est marquer le coup.

Vous vendez vos éditions à des tarifs assez raisonnables par rapport à certains de vos confrères qui en proposent simultanément dans plusieurs tarifs. Alors que le marché est très réduit, n'est-ce pas trop dissuasif pour un public qui n'a pas forcément les moyens de tout acheter ?

Cela peut m'arriver de proposer des éditions DVD et Blu-ray séparées. Après, j'ai choisi de rester à 30 € pour ces films-là. A Noël dernier, j'ai quand même fait une édition un peu plus chère avec un coffret de la série Monty Python's Flying Circus. C'était la période de Noël, les ventes ne se sont donc pas trop mal passées, cela s'amortira un peu sur la durée. Si j'achetais demain un film qui puisse justifier un prix à 50 ou 60 €, pourquoi pas, mais je considère que ce format de 30 € me semble bien aujourd'hui. Ce n'est pas trop grand, l'objet est beau, il y a le livre. Après, je pourrais ajouter des goodies. J'imagine que ces éditions très chères se vendent très bien. Et elles ressortent en général plus tard avec moins de contenu et donc à moindre prix. Ces éditions très élaborées sont parfois réservées à ceux qui vont sur le site de l'éditeur. Mais c'est vrai que, pour le consommateur, il y a un choix à faire. Quand on trouve un coffret avec le Blu-ray UHD plus le Blu-ray, cela commence à faire cher à fabriquer car ce sont des technologies nouvelles qui sont encore très chères.

Comment avez-vous découvert l'agence La Plume qui s'occupe de vos livres ?

Je pense que le tout premier contact avec Stéphane Chevalier remonte à l'achat d'une interview de Giulio Testi pour l'édition de Tire encore si tu peux, qu'il avait faite lui-même et conservait en archive. C'est surtout une agence de communication mais ils adorent le cinéma. Du coup, nous avons commencé à travailler ensemble sur un certain nombre de livrets comme celui de Dieu seul le sait, par exemple, pour lequel j'avais eu de bons retours. L'auteur, Christophe Chavdia, est en train de travailler sur L'Homme tranquille. J'ai aussi lancé deux projets de rédaction avec d'autres personnes : un livre sur Freud et l'autre sur Hamlet, qui sera écrit par Sarah Hatchuel, une universitaire qui enseigne à Toulouse. Je l'avais déjà interviewée pour Jules César et Antoine et Cléopâtre, et dans une autre vie, chez Opening, déjà pour un DVD de Hamlet. C'est une spécialiste des adaptations de Shakespeare au cinéma.

Est-ce que vous lancez l'idée du livre avant d'acquérir le film ? Ou trouvez-vous l'auteur ensuite ?

Cela peut venir dès l'achat du film, si j'ai envie de le sortir dans une belle édition. Pour certains titres, je me dis que c'est peut-être un peu trop pointu. Mais Hamlet est un titre qui parle. Quitte à le sortir, autant proposer quelque chose qui soit un peu conséquent. L'idée peut aussi venir en discutant, les gens de La Plume m'ont proposé de faire un livret sur Le Coup de l'escalier de Robert Wise. Le livret des Amants traqués était intéressant parce qu'il explorait plusieurs pistes et racontait une histoire autour du roman et du titre original, qu'on pourrait traduire par « Lèche le sang sur mes mains ». C'était le titre du roman, que les studios ne voulaient pas garder parce que trop violent, mais que Burt Lancaster a quand même imposé à la production.

Entre le moment où vous achetez les droits et la date de sortie, il peut se passer combien de temps ?

Cela dépend. Là, par exemple, je viens d'acheter des films qui ne sortiront qu'en 2023, pour me donner une perspective d'activité pour l'année prochaine et anticiper un changement à la MGM, après son rachat par Amazon. J'ai pris un peu les devants. Il va donc s'écouler 12 à 18 mois avant la sortie. Cela peut être plus long mais ce n'est pas souhaitable car l'achat des droits est limité dans le temps, à 5 ans en général, et qu'on a ensuite besoin d'un délai suffisant pour pouvoir écouler l'édition. Mais il y a toujours une petite perte de temps, 6 mois, 7 mois, un an.

Avez-vous subi des décalages ou des retards de sortie à cause du COVID ?

J'ai eu deux sorties mort-nées, dont Avanti ! de Billy Wilder, des films qui étaient livrés en magasin le jour du premier confinement. Pour eux, c'était fini car les boutiques ont fermé pendant 3 mois. Ensuite c'était la réouverture, mais avec toutes nouveautés qui sortaient en retard au même moment, le film était noyé sous l'offre. Et comme on sait que le gros des ventes se passe dans les 2 ou 3 premiers mois... Je crois que je n'ai vendu que 200 ou 300 unités d'Avanti ! Autant dire rien du tout... Un château en enfer de Sydney Pollack a souffert, lui aussi. Cela avait tout pour bien marcher, un film de guerre, Burt Lancaster... Je ne pouvais pas non plus sortir 15 films dès le mois de la reprise. Il fallait étaler dans le temps donc j'ai retardé des sorties à l'été.
Les délais de fabrication ont également été rallongés. Le Cid et La Chute de l'Empire romain devaient sortir en novembre 2021. J 'ai décalé les sorties à février 2022 parce que, alors que j'avais habituellement 6 semaines de délai de fabrication, le laboratoire m'a annoncé que cela passerait à 10 semaines et que les deux films ne pourraient pas sortir à temps pour les fêtes de Noël. Il y a eu le problème de disponibilité pour le papier, on en a entendu parler en librairie où certains livres ont été retardés ou fabriqués en moindre quantité. Les coûts ont aussi augmenté parce que le pétrole est nécessaire à la fabrication des boitiers en plastique et des DVD. Pourtant, je ne répercuterai pas la hausse de prix sur le tarif en magasin : le public ne suivrait pas si on leur annonçait une augmentation du prix des DVD et Blu-ray. Les temps sont difficiles, les prix de consommation courante augmentent, ils ont d'autres achats plus prioritaires à faire. Ce furent de drôles de mois... Et encore je travaille tout seul, j'ai une structure très légère donc je pouvais faire face. Mais pour des sociétés avec des salariés, cela a été beaucoup plus compliqué. Les distributeurs qui devaient sortir des films en salles en mars-avril 2020, qui avaient acheté des films qui ont dû dormir sur les étagères, qui ont fait des investissements publicitaires conséquents, pour eux c'était encore plus lourd...

Ces films mort-nés, vous n'avez pas la possibilité de les relancer ensuite ?

On peut les replacer dans des opérations « 2 achetés / 1 offert » par exemple, mais c'est compliqué de refaire une campagne une fois que c'est sorti.

C'est un peu révélateur du comportement de l'acheteur qui ne surveille pas forcément ce qui sort, et sur l'importance de l'achat impulsif en boutique...

Oui, il y a cet aspect d'achat d'impulsion, le petit plaisir des amateurs de cinéma ou de livres de farfouiller dans les rayons. Je pense que c'est assez rare que les gens se lèvent le matin en se disant « Je vais acheter tel film aujourd'hui. » Après, la communication réussie d'un éditeur peut donner l'envie d'acheter, bien sûr... Mais c'est pour cela qu'Amazon ne pourra jamais remplacer la Fnac ou les libraires : sur Amazon, on trouve ce qu'on vient y chercher, en magasin il y a la surprise dans les rayons. Ma femme refuse que je rentre dans une librairie ! Je sortirais forcément avec quelque chose. (Rires)

On constate malheureusement que les rayons vidéo dans les Fnac se réduisent comme peau de chagrin...

En fin d'année, ils font le bilan des ventes de livres, de jeux vidéo... Celui-ci a gagné, celui-là a perdu. Cela veut dire que si on vend plus de jeux vidéo que de DVD, on va agrandir ce rayon-là et réduire celui-ci. C'est un mouvement qui est amorcé depuis pas mal de temps. La première difficulté pour le DVD est de conserver des réseaux de distribution. La grande distribution, peu ou prou, n'en veut plus : ils prendront Spiderman 2, The Batman ou Les Tuche 4 mais dès que c'est un peu moins exposable, ils n'en veulent plus. La Fnac réduit ses rayons, en effet, mais il reste un acteur majeur pour notre métier. Amazon également mais c'est un fonctionnement un peu différent. Il reste heureusement quelques points de vente indépendants. Après, les éditeurs commencent tous à avoir leurs propres sites, pour vendre en direct. Il y a même des éditeurs qui ont décidé de se passer directement des magasins pour ne vendre que sur leur propre site. Tout cela évolue rapidement. Il n'y a pas que les magasins qui réduisent puisqu'on constate que l'appétence pour le support physique diminue malgré tout. Vous et moi, et d'autres, formons un milieu qui est un peu trompeur mais, globalement, cela se réduit un peu, on le sait bien. J'ai deux filles de 29 et 27 ans : parmi leurs amis, je pense qu'il n'y en a pas un seul qui possède du support physique, d'abord parce qu'ils n'ont plus de lecteur. Ma fille aînée s'intéresse au support physique parce qu'elle doit avoir une PlayStation, mais l'autre a un ordinateur sans le moindre lecteur.

Le moment est actuellement aux plateformes numériques, c'est ce qui attire le public, Netflix est le Canal+ des années 90...

Je n'arrive pas à savoir si c'est d'abord un mode de consommation ou si ce qu'ils regardent les intéresse. Ce qu'on peut déjà constater, c'est que la cinéphilie change. J'ai toujours beaucoup travaillé sur le cinéma hollywoodien des années 40/50 et on voit bien que, même pour les acheteurs de produits physiques, une partie de ce cinéma est délaissée. On va bien vendre des films des années 70 ou 80, mais pour ce qui précède c'est beaucoup plus compliqué. Pour un supplément de mon édition de Moby Dick, j'avais interviewé l'enseignant Pierre Berthomieu qui m'avait dit que ses étudiants n'étaient pas très intéressés par le cinéma hollywoodien. Même Hitchcock, qui était pourtant une de nos grandes références quand j'étais étudiant, les intéresse beaucoup moins que Coppola, Scorsese ou De Palma. Et donc, encore une fois, si vous ne possédez plus d'appareil pour lire les DVD et Blu-ray, le pli est assez vite pris : on verra le film en ligne, et ce sera un film récent, les plateformes proposant rarement des films au-delà des années 70. C'est vrai que la machine Netflix est une machine énorme en termes de puissance d'attrait.

Et ce sont des moyens de diffusion qui n'offrent pas beaucoup de diversité. C'est une majorité de productions récentes, qui visent le public jeune...

Et les algorithmes vont vous proposer la même chose. Pour l'instant, en tout cas, ce n'est pas fait pour le patrimoine. Il y a deux ans, en mai 2020, Netflix annonce des films MK2, Truffaut et Chaplin. Ce même mois en France, le premier film classique vu sur Netflix est arrivé 100e, c'était La Ruée vers l'or. Arriver 100e durant le mois où on a beaucoup communiqué, cela veut dire que les utilisateurs ne vont pas vers ces offres. En même temps, il y a en littérature des choses qu'on peut encore étudier mais qu'on ne lit plus. Il y a des textes à la fois difficiles et aussi des choses pas spécialement compliquées, comme Rabelais, par exemple, qui sont réservés à l'école ou à la fac. Peut-être qu'une partie de l'histoire du cinéma ne sera peut-être plus réservée qu'à des connaisseurs ou des étudiants, et le public n'ira plus voir le noir et blanc, le muet...

C'est Jean-Baptiste Thoret qui sous-entendait, dans un entretien il y a quelques années, que le cinéphile finirait par être considéré de la même façon que l'est l'amateur de musique classique aujourd'hui.

Beaucoup de gens lisent encore, mais pour combien de classiques ? Il y a encore du Victor Hugo ou du Balzac, mais Rabelais ou Voltaire ? Moi-même j'avoue ne pas me précipiter pour en lire. Ce sont des auteurs qui sont plutôt réservés aux études scolaires. Il en sera peut-être de même pour la cinéphilie.

Ce n'est pas déjà le cas ?

Sans doute. Et encore, je ne discute pas beaucoup avec les enseignants de cinéma mais, quand ça m'arrive, ils me disent qu'à part quelques intéressés évidemment, les étudiants viennent plutôt par le biais de la télévision, qu'ils sont fascinés par l'image mais pas forcément par le cinéma.

Pourtant, le Festival Lumière à Lyon remplit les salles. Carlotta connaît actuellement un beau succès avec la reprise des films de Kinuyo Tanaka. Que se passe-t-il ?

C'est le paradoxe. Mais il faudrait aussi voir quel public se déplace, quelles tranches d'âge sont concernées. Je suis allé voir deux films à Lumière, cette année, et je n'ai pas croisé de public super jeune. Mais la force du Festival Lumière est d'arriver à proposer sur une période assez courte un mélange de films anciens et grand public à la fois, on peut croiser Gabin et Grangier, Robert Redford et Sydney Pollack. Lors du dernier festival Travelling à Rennes, je suis allé voir Trains étroitement surveillés de Jirí Menzel. Il y avait beaucoup de jeunes à la projection mais il s’agissait, me semble-t-il, de groupes scolaires venus avec leurs profs. 

Quel est votre record de vente ?

Je dirais Les Vikings. L'Invasion des profanateurs et La Garçonnière ont également très bien fonctionné. Mais les ventes qui ont généré le plus de chiffre d'affaires sont quand même ces films à grand spectacle : Khartoum, Le Lion et le vent...

Ces succès étaient-ils des surprises pour vous ?

Non car quand j'achète Les Vikings, je me dis que cela va marcher, même si je ne sais pas à quelle hauteur. Il n'y avait jamais eu le Blu-ray ni le livre...

Et des déceptions, à part les "morts" du COVID ?

Peut-être les Films noirs... Ce n'est pas une déception et cela ne m'empêchera pas d'en faire d'autres, mais le marché se contracte sur ce genre, on va dire. Je sais que Le Salaire du diable de Jack Arnold, malgré la presse favorable et le bon accueil, restera une vente limitée. J'en sors un autre en juillet, Une âme perdue avec Ray Milland, et cela me fait plaisir, mais je pense que le résultat des ventes sera serré, on verra bien.
La Maison des sept pignons, celui-là c'est un échec total. J'ai raté le visuel et le film n'était pas assez connu, à la limite du fantastique-gothique. Je me disais qu'avec George Sanders cela pourrait être intéressant, la Plume me faisait un livret, la presse en parlait un peu mais le public n'a pas accroché : il rachète ce qu'il connaît déjà, un titre, un acteur, un nom...

Qu'est-ce que cela change de travailler en province ?

Pas grand-chose. Et puis Rennes est à 1h30 de Paris en train, j'y vais régulièrement. Je ne sais pas si c'est très important mais c'est sûr que je ne participe pas aux évènements parisiens, des soirées qui peuvent être intéressantes pour croiser les gens du métier. Si mon distributeur fait une sorte de séminaire, je vais me déplacer, je pourrai rencontrer les confrères, mais sinon... Je n'étais pas à Paris auparavant, j'étais en Normandie. Je n'ai pas l'impression que cela change énormément de choses.

Et travailler tout seul ?

Alors ça, oui, cela change quelque chose. Il manque un retour, des avis que je suis obligé de solliciter et qu'on peut plus facilement trouver quand on travaille en équipe. Chez Opening, je ne m'occupais pas d'édition à proprement parler, je gérais les acquisitions et les relations avec les distributeurs. Pour Rimini Editions, j'ai par exemple appris à travailler avec les laboratoires : certains travaillent beaucoup pour la télévision et préparent parfois les masters d'une façon conforme aux attentes des chaînes, et pas forcément celle qu'on demande pour l'édition vidéo de films de patrimoine. Au départ, j'ai dû leur rendre visite et constater cela, leur montrer des avis de la presse pour qu'ils m'expliquent et qu'on essaie ensemble d'améliorer les choses. Cela a pris quelques mois pour ce caler, aujourd’hui tout va bien, et les retours des labos sont très importants. J'essaie de compenser ce manque d'avis extérieur en discutant beaucoup avec mes prestataires, quand j'ai des bonus à fabriquer, quand mes graphistes envoient des projets de visuels. Je ne vais pas forcément avoir la même réaction face à une jaquette s'il est 9h du matin ou 18h. Je laisse parfois un peu reposer, je prends un jour ou deux de réflexion pour voir si cela me fait le même effet, on est parfois interloqué et puis finalement ça passe. Ou je peux laisser passer des choses que je regrette trop tard, parce qu'on est pris par le temps, etc. Cela manque d'avoir un dialogue permanent avec quelqu'un...

Quels problèmes vous posent les stocks d'invendus ?

Cela coûte de l'argent et fait augmenter l'impôt sur les sociétés. J'ai un stock chez mon distributeur, et un autre pour moi parce que je travaille en direct avec la Belgique, la Suisse et les réseaux institutionnels (les médiathèques, etc.). Pour chaque titre, mon distributeur va me commander un certain nombre d'exemplaires. Je vais d'abord réfléchir à savoir si c'est une quantité correcte ou si ce n'est pas trop ambitieux, car il faut éviter de surstocker. Il faut faire attention, surtout qu'aujourd'hui, avec la diminution des offres spéciales en magasin (type 3 pour 2 achetés), il n'y a plus tellement de deuxième vie pour les invendus. Et au final, quand il faut vraiment libérer de la place dans les entrepôts, il reste le destockeur. Mais il vend beaucoup aux marketplaces et cela fait parallèlement baisser les prix sur les sites de vente. Il faut surtout patienter quand on doit faire un prix plus bas, pour ne pas créer de confusion chez l'acheteur qui se procure un film à 30 € et pourrait le retrouver à peine quelques mois plus tard à 10 ou 15 €. Cette histoire de stock est un casse-tête régulier.

Vous travaillez avec plusieurs distributeurs, c'est en fonction des styles des films ?

Grosso modo, Arcadès et ESC travaillent à peu près les mêmes types de films, beaucoup de patrimoine. Avec Seven7, je fais la collection des films d'horreur, un genre qu'ils connaissent bien, des films de guerre ainsi que quelques nouveautés : j'ai un partenariat avec des gens qui m'ont bien épaulé quand j'ai lancé la société, qui m'ont permis de générer un peu de trésorerie, et pour qui je sors régulièrement quelques titres, des films d'action par exemple, qui ne m'appartiennent pas. Je donne de plus en plus de patrimoine à Seven7 puisque j'en achète de plus en plus. J'ai un stock par distributeur.

Combien de sorties faites-vous par an ?

Environ 35 / 40.

Recevez-vous des aides du CNC ?

Oui, sur le patrimoine. Malgré les baisses de dotation, ils ont réussi à sauver l'essentiel. Des gens au CNC se battent pour cela, défendent les éditeurs et le support physique. On a craint un moment que l’institution essaie de favoriser le streaming, mais le patrimoine en streaming n'existe pas encore pour le public. La commission vidéo du CNC nous aide selon plusieurs critères : le type de film proposé, la qualité du master, la qualité des suppléments, et aussi l'effort pour faire connaître les sorties, le faire savoir par la collaboration avec des attachés de presse ou via les réseaux sociaux. Ces aides sont importantes dans le fonctionnement de l'entreprise. Le support physique a encore de bons avocats et avocates au CNC !

Sans ces aides, cela signifierait combien de sorties en moins, par exemple ?

Peut-être un tiers en moins, voire plus. Sur certains projets, l'aide du CNC peut représenter 30 ou 40 % du coût, c'est une aide conséquente. Le raisonnement est aussi de faire fonctionner un écosystème : j'achète des droits à quelques sociétés françaises, je fais travailler des laboratoires français, des sociétés de production françaises pour les bonus, des sous-titreurs, des attachés de presse... Quelque part, cette aide du CNC génère aussi de la TVA pour l'Etat, de l'impôt sur les sociétés, crée de l'activité en magasin. C'est un cercle vertueux et une façon de sauvegarder la diffusion du patrimoine. Sans ces aides, il y aurait moins de sorties, chaque éditeur restreindrait le nombre d'éditions et les contenus... Le marché en serait-il là où il en est aujourd'hui ? Rien n'est moins sûr.

Pour un si petit marché, l'offre française de patrimoine en vidéo reste quand même développée.

En France, nous avons des éditeurs qui font un très gros travail. Et pourtant, on ne peut pas compter sur le monde universitaire, contrairement au marché américain. Le succès de Criterion tient beaucoup aux campus où il y a beaucoup d'argent. Le CNC a aussi permis au cinéma français d'être aujourd'hui le 2e exportateur au monde, derrière les USA, et de proposer plein de films en salles. Ce n'est pas rien.

Vous avez fait partie de "L'appel des 85", des éditeurs qui se sont réunis pour défendre la place de la vidéo dans l'industrie culturelle...

Il y a eu des débats au CNC sur le fait de transférer une partie des aides dédiées aujourd'hui au support physique vers le dématérialisé, avec l'idée que l'avenir est dans les plateformes. Nous, éditeurs, avons donc réagi contre ce risque, arguant que nous étions le principal acteur dans la défense du patrimoine cinématographique, presque inexistante dans l'univers dématérialisé. Cet appel a permis de prolonger la politique d'aides, et parmi les pistes peut-être pourrons-nous nous fédérer entre éditeurs pour lancer des campagnes de communication autour du support physique. C'est ce qu'avaient un peu fait les Majors l'an dernier, en s'associant pour mettre en valeur les coffrets de Noël dans des spots TV communs, pour compenser le manque de grosses sorties à cause du COVID. C'est ce genre d'effort qui peut générer du flux dans les magasins. Pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, les 85, favoriser des campagnes comme celle-là ou être consultés sur la chronologie des médias, par exemple ? Il y a bien une association de distributeurs en salle, c'est donc une bonne chose d'avoir créé une association qui puisse défendre les intérêts des professions de la vidéo. Le marché était très éparpillé, avec quelques grosses structures mais beaucoup de toutes petites. Le fait de s'être rassemblés va permettre de parler d'une même voix et de réfléchir sur des problématiques communes :  les réseaux de distribution, l’augmentation des coûts des matières premières... Autre exemple : comment optimiser les retours presse quand on sort énormément de titres et que la place dans les journaux est limitée ? La plupart d’entre nous travaillons avec des attachés de presse, ce qui a un coût. Et pourtant, il faut vraiment que cela sorte de l'ordinaire pour qu'il y ait beaucoup d'articles. Et, contrairement à la presse Internet, moins limitée en espace, la presse écrite aura plus tendance à parler de choses qu'elle connaît ou que ses lecteurs connaissent et identifient. J'aurai toujours plus de retours presse sur Les Vikings que sur un Film noir peu connu, même aussi bon que Le Salaire du diable. J’imagine que mes confrères ont ces problèmes : c’est bien de pouvoir partager nos expériences.

On est quand même surpris de constater qu'un Blu-ray de patrimoine s'écoule difficilement à plus de 1 000 ou 1 500 exemplaires pour une population de près de 70 millions d'habitants...

Il y a un désintérêt du public pour le support physique qui a accéléré avec l'explosion des plateformes. Je ne suis pas très fan de l'expression mais on me dit parfois que notre marché va peut-être devenir un marché de niche. Et pour de multiples raisons. Je vais très souvent chez des gens qui n'ont plus de lecteur, ils préfèrent aller sur Netflix, suivre des séries, ou assurent les succès de grosses franchises au cinéma sans forcément regarder de films chez eux. S'il y a encore une démarche cadeau pour les nouveautés en vidéo, « dès que le dernier Batman sera sorti, je me l'achèterai ou je l'offrirai à quelqu'un », pour la cinéphilie, c'est plutôt une démarche de collectionneur. Mais s'il s'agit uniquement de regarder des images animées sur un écran, le public peut se contenter de séries sur Netflix, et certaines sont très bien faites.

Est-ce que l'avenir des ventes de support physique n'est pas dans ce que fait Le Chat qui Fume, par exemple, qui vend directement et presque uniquement sur son propre site ?

Leur genre de cinéma était dans un premier temps très ciblé, destiné à un certain public, qu’ils ont réussi à fidéliser. Aujourd’hui, ils sont très bien identifiés, ont bonne réputation et se diversifient en éditant du cinéma français. Avoir son propre site est l'un des axes d'avenir. Je suis en train de créer mon propre site, comme l’ont fait Carlotta, L'Atelier d'Images ou Sidonis. Mais je suis plus lent que mes collègues et sans doute moins bien organisé. C'est quelqu'un qui va s'en occuper pour moi, qui sera chargé des commandes et des envois. The Jokers vend des produits spécifiques, disponibles exclusivement sur son site : cela peut être une solution. Ca bouge énormément : il y a des éditeurs qui ne vendent que sur leur site, d’autres qui vendent en direct à la Fnac et à deux / trois enseignes sans passer par un distributeur. Les magasins ne prennent plus de risques aujourd'hui. Des sorties fonctionnent quand on est un peu dans l'évènementiel. Chaque année, le Festival Lumière de Lyon met en place cette fameuse boutique du DVD qui marche très très bien. Elle est installée pendant une semaine et il se vend 10 000 ou 15 000 références. Quand on entre dans la boutique, on ressort forcément avec quelque chose. Imaginez quelqu'un qui monte un tel projet en faisant un tour de France, 5 jours ici, 5 jours là-bas, etc. Après, c'est compliqué à réaliser. C'est ESC qui s'en occupe à Lyon, il faut gérer les DVD de tous les éditeurs, les livrer à un endroit précis, remonter les chiffres de vente et gérer les comptes... Cette boutique prouve que lorsque c'est bien concentré et bien exposé, il y a encore un intérêt pour le public.

La commission vidéo du CNC est assez réticente à attribuer des aides pour des éditions qui ne seraient vendues que sur un site. Si vous ne les réservez qu'aux abonnés de tel site, cela n'est pas assez diffusé et ne rentre pas dans les conditions de bonne mise à disposition du public. Ce n'est pas un jugement de valeur mais elle considère que notre mission, à nous éditeurs, c'est que le film soit disponible partout. La commission n'est pas non plus très fan des exclusivités, type exclus Fnac. Comment vont faire les gens qui habitent dans des villes où il n'y a pas la Fnac, par exemple, et qui ne sont pas adeptes des ventes en lignes ? Mais on voit bien que les modes d'achat sont en pleine évolution, que tout le monde est aujourd'hui capable d'acheter sur Internet. Nos métiers vont encore beaucoup bouger...

Propos recueillis le 5 avril 2022, à Rennes. Tous nos remerciements à Jean-Pierre Vasseur pour sa grande disponibilité et la rare franchise dont il a fait preuve, qui font tout l'intérêt de ce précieux témoignage.

Par Stéphane Beauchet - le 2 mai 2022