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Critique de film
Le film
Affiche du film

Les Chasseurs de scalps

(The Scalphunters)

L'histoire

Au milieu du 19ème siècle dans les Montagnes rocheuses. Le trappeur Joe Bass (Burt Lancaster) redescend de sa saison de chasse hivernale avec un beau paquet de peaux. Croisant des Indiens Kiowas, il est obligé d’échanger les produits de son travail contre un esclave noir évadé que la tribu a fait prisonnier, Joseph Lee (Ossie Davis). Joe n’a pas envie de s’encombrer de cet homme de couleur d’autant que ce dernier se révèle bien plus cultivé et intelligent que lui, ce qui vient un peu heurter son ego. Il est néanmoins fortement déterminé à récupérer son bien. Mais alors qu’il est sur le point de subtiliser les fourrures à ses voleurs, un groupe de bandits sans scrupules commandé par Jim Howie (Telly Savalas) vient massacrer les Indiens, prenant leurs scalps à la demande du gouvernement et accaparant par la même occasion le butin de Joe. Notre cocasse duo va se mettre à les suivre de loin en espérant une opportunité de récupérer les fourrures…

Analyse et critique


Les Chasseurs de scalps est le troisième long métrage du réalisateur Sidney Pollack. Trois ans plus tôt il signait son premier film, Trente minutes de sursis (The Splendor Thread), avec Sidney Poitier et Anne Bancroft, puis, plus connu en nos contrées, Propriété interdite (This Property is Condemned) avec un autre couple de stars, Robert Redford et Natalie Wood. Son western humoristique sera un plus grand succès commercial que ses opus précédents même s’il fut toujours considéré à juste titre comme une œuvre très mineure au sein de sa féconde et passionnante filmographie. S’ensuivront donc beaucoup de titres qui parleront beaucoup plus aux amateurs de cinéma, car devenus de grands classiques – ceci aussi totalement justifiés – dans des domaines divers et variés tels le drame social (On achève bien les chevaux – They Shoot Horses, Don’t They ?), le western humaniste et écologique (Jeremiah Johnson), le thriller paranoïaque (Les Trois jours du Condor – Three Days of the Condor), la comédie (Tootsie) ou encore la fresque romanesque avec son magnifique Out of Africa pour lequel il récoltera une belle moisson d’Oscars pas volés eux non plus. Nous n’oublierons pas pour autant d’autres films beaucoup trop mésestimés à mon humble avis, les pourtant tout aussi réussis et captivants Yakuza avec Robert Mitchum en détective enquêtant au Japon, ou bien Havana dans lequel le cinéaste faisait tourner une dernière fois son acteur fétiche, Robert Redford. J’aurais pu encore citer les réussites que constituaient Nos plus belles années (The Way We Were), Absence of Malice ou même son adaptation de John Grisham avec La Firme


…cette énumération pour bien faire comprendre que le western iconoclaste qui nous concerne ici n’est malheureusement pas de la même trempe que tout ces illustres successeurs, sans qu’il ne se révèle indigne pour autant. Car en effet Sidney Pollack s’est tout de suite senti à l’aise avec une caméra en main et cela se voit déjà ici. Le rythme imposé aux scènes d’action, leur lisibilité et leur efficacité n'est pas à remettre en question, pas plus que sa maîtrise du cadrage, son sens de la topographie et sa formidable capacité à filmer au mieux les paysages à sa disposition. Quant à la direction d’acteurs, elle ne souffre d’aucune faiblesse ; car que ce soient Burt Lancaster, Ossie Davis, Telly Savalas ou Shelley Winters, ils s’avèrent tous aussi savoureux les uns que les autres. Burt Lancaster c’est Joe Bass, un trappeur dont le générique raconte en dessins très stylisés sa saison d’hiver en pleine montagne. Redescendant en ville pour vendre les produits de sa chasse, il est pris à parti par une troupe de Kiowas – là on regrette que Pollack n’ait pas été plus attentif à la crédibilité des Indiens en engageant visiblement des blancs pour tenir leurs rôles – qui ne lui laissent pas le choix et l’obligent à troquer son chargement de peaux contre un esclave noir évadé qu’ils ont fait prisonnier, un certain Joseph Lee incarné par Ossie Davis. Un duo imprévu, contraint et forcé mais cocasse se forme ainsi, faisant du western de Pollack une sorte de Buddy Movie : d’un côté un Mountain Man inculte mais sachant à merveille se débrouiller au sein de la nature sauvage ; de l’autre un esclave loquace, faussement candide mais réellement intelligent et lettré (il cite Esope) qui ne souhaite que recouvrer dignement sa liberté mais qui semble totalement incapable de survivre une seule journée en territoire hostile. Un duo complémentaire qui fait contre mauvaise fortune bon cœur, Joe mû par une seule idée fixe, celle de récupérer ses fourrures, Joseph ne pensant qu'à se libérer de tous ces gens encombrants.


Mais voilà que le trappeur assiste impuissant au massacre de ses voleurs par des ‘Scalphunters’, blancs sans scrupules payés par le gouvernement pour exterminer les indiens et ramener leurs scalps qui seront ensuite destinés à être vendus. Le 'couple' improbable décide de les suivre et de les traquer jusqu’à ce qu’une opportunité se présente de pouvoir recouvrer le ‘butin’ de peaux. Sauf que par maladresse, débaroulant d’une anfractuosité rocheuse où il s’était caché pour les épier (façon splastick/cartoon assez amusante d’ailleurs), voici Joseph Lee tombant entre les mains des chasseurs de scalps. Et après donc une première demi-heure assez jubilatoire par la description des relations de duplicité puis d’estime qui s’établissent entre deux hommes aussi différents - le tout au travers de dialogues absolument délectables permettant au passage quelques réflexions sur le racisme ordinaire, la ségrégation, l’émancipation ou le rapport à la nature - le film bifurque d’un coup vers une deuxième heure moins convaincante. Non seulement ce groupe de tueurs d’indiens que nous n’avions vu jusqu’à présent qu'opérer de loin avec une violence inouïe (la séquence du massacre est d’une étonnante férocité, surtout au sein d’un film que nous avons vite compris être une comédie) se montre à nous comme une troupe un peu théâtrale constituée d’imbéciles alcooliques sanguins ou soumis, plus pathétiques que réellement inquiétants. A leur tête un couple tout aussi cocasse que celui formé par nos ‘héros’, celui du chef de bande (Telly Savalas) et sa compagne (Shelley Winters) qui comme on peut s’en douter cabotinent ici sans retenue mais pour le plus grand plaisir de leurs admirateurs.


On ne peut pas dire qu’ils sont pénibles – au contraire assez drôles – mais c’est le scénario qui se met malheureusement à patiner et à devenir répétitif d’autant que le film n’évolue alors plus beaucoup et ne tourne alors pratiquement plus qu’autour des tentatives laborieuses de Joe Bass pour récupérer ses peaux. Alors, certes, l’ennui ne parviendra pas vraiment à pointer le bout de son nez mais néanmoins une certaine lassitude s'installera malgré la musique entraînante de Elmer Bernstein et l’énergie dégagée par l’ensemble, aussi bien par la mise en scène que par les comédiens. Le visionnage n’aura pas été du tout mauvais mais un peu décevant, surtout connaissant à posteriori le reste de la filmographie de Sidney Pollack ; il faut dire qu’il s’agissait d’un de ses projets les moins personnels. Une comédie westernienne certes assez progressiste pour l’époque – à l’image de son réalisateur - mais néanmoins un peu laborieuse ; une de plus qui a un peu mal vieilli, bien moins cependant que d’autres titres du genre tels Texas nous voilà de Michael Gordon ou le célèbre mais pénible Cat Ballou d’Elliot Silverstein pour ne prendre que deux exemples parmi une dizaine d’autres. Cependant, les amateurs de Burt Lancaster ou Shelley Winters devraient en avoir pour leur argent ainsi que ceux qui apprécient qu’un film de genre aborde par la parodie, la dérision et l’humour des thématiques plus sérieuses et (ou) propose une dimension politique et allégorique, ce qui est tout à fait le cas ici sans non plus que toutes ces péripéties ne dépassent de beaucoup la simple bouffonnerie sans grandes conséquences ni subtile profondeur.


Dans le domaine du western, adoptant une démarche et un ton totalement différents, Jeremiah Johnson quelques années plus tard sera d’un tout autre niveau ; mais celui-ci tout le monde le connaît ! Scalphunters demeure cependant un drôle de western pittoresque et picaresque sans manichéisme et aux valeurs et stéréotypes un peu inversés : ici par exemple ce sont les blancs qui scalpent et les Indiens qui font office de cavalerie pour in fine venir en aide aux héros. Pas inoubliable, un peu bancal mais peu banal et surtout pas déshonorant grâce à la solidité de la mise en scène et la justesse de la direction d’acteurs !

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Eric Maurel - le 14 avril 2022