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Personnalités

Rainer Werner Fassbinder

Rainer Werner Fassbinder

Biographie

Ménage

Rainer Werner Fassbinder. Je vous vois venir : Querelle et ses marcels. Du cinoche d'intérieur, de cuisine Helmut Schmidt dans un bar homo, où l'on s'attend à voir surgir Derrick dans le salon. Vis-à-vis de son cinéma, les clichés demeurent ou alors, ses films ont un peu été oubliés, même dans son pays d'origine. Le réalisateur a un jour comparé sa filmographie à une maison : les films en sont les pièces, les fenêtres. Manière pour le chantre du mélodrame de chambranle de porte de nous inviter, de nous dire d'entrer. C'est ouvert. Mais vous devriez accrocher toute espérance au portemanteau. Un état des lieux sera frappant : le kitsch le dispute à l'austère mais derrière le papier peint anxiogène ou les lumières criardes de tapin, une même violence. La vaste maison Fassbinder est donc devenue un musée, visité par intermittences par messieurs Haynes, Kollek et Ozon.

Intermède

Je ne suis pas un enfant de la troisième génération allemande. Mais comme aux Galeries Lafayette, à tout moment, il se passe toujours quelque chose chez lui, vous appelant contre la vitre. Difficile de rester de marbre devant ses belles héroïnes, ses beautés fêlées - Fassbinder n'a jamais cherché à être totalement hermétique, planqué dans son salon. La première image de son cinéma qui m'ait hanté vient du Mariage de Maria Braun : le retour fantomatique d'Herman Braun - curieusement de l'ordre du fantastique, inhabituel chez Fassbinder. Scène où tout se bouscule : le poids de son regard, l'homme qui n'était pas là, après le rêve, l'amour plus froid que la mort. Il y eurent ensuite d'autres images, d'autres diamants bruts : toutes les scènes d'étreintes dans Ali, l'abattoir de L'Année des 13 lunes, le générique de La Troisième Génération, la beuverie finale du Marchand de Quatre Saisons, le glamour entre ciel et terre d'Hanna Schygulla, Irm Hermann et ses airs pincés de Margaret Thatcher teutonne.

Ménage [reprise]

Les films de Fassbinder sont avant tout honnêtes et violents dans leur rapport au monde, aux sentiments. Il y ainsi une idée théâtrale, carcérale et économique de l'amour, nécessairement violente. Venez voir, messieurs dames, les traces du drame sur les murs et les planches ! Vous tous et toutes, hétéros ou homosexuels, égaux devant les grandes lois du Marché de l'amour. Pour citer un de ses personnages, c'est l'amour tellement grand qu'il va de la Bavière au Maroc, avec ses frissons de peur, de plaisir. Le cinéaste a une manière très particulière de faire couler le monde en soi, dans des autofictions parcellaires et passionnantes [la vie de Fassbinder fut assez agitée, excessive, légèrement plus sadique que masochiste sur les plans amicaux et sentimentaux]. Ou le rapport très critique d'un pédé allemand des années 70 au monde. Un rapport toujours d'actualité, notre époque étant parait-il communautariste, crispant toute tentative de contestation sur des intérêts particuliers. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit.

Le cinéma de Fassbinder est une maison témoin, celle de la mauvaise conscience de l'Allemagne après-guerre [et qu'on pourrait appliquer à d'autres démocraties européennes en plein ronronnement post-soixante-huitard]. Volker Schlöndorff disait qu'il était le "moteur du nouveau cinéma allemand" d'après-guerre. Et voulant tout dire, tout répéter sur son pays, il allait vite, carburant à la vie, aux autres. Il bouffait tout, jusqu'à l'accident. La rage. Chez Fassbinder, tout est réversible : il parle des marginaux pour mieux faire la lumière sur un état général de la société - la RFA prise en flagrant délit de pacte faustien en guise de miracle économique. Il use de l'artifice le plus outrancier pour dire la vérité. "Pas d'utopie est une utopie", écrivait-il. Dans le même temps, il succombe de son plein gré au glamour hollywoodien, sous lumière germanique certes - Hanna Schygulla était sa face B, sa Marlène, lui qui se rêvait plus Marilyn qu'Orson Welles, look vers lequel il tendait de plus en plus. Sous une douce glace, les films de Fassbinder sont tour à tour lucides et attendris, politiques et triviaux, frontaux et distanciés, solitaires et familiaux. Beaucoup de choses seront répétées dans les lignes à venir - situations, noms, éthique de réalisation - mais le cinéaste a composé un univers propre, de variations sur une même cellule, où l'on prend plaisir à retrouver les mêmes têtes dans les mêmes rôles mais pas toujours, où un film est gigogne. On est bien à la maison, on y a chaud et froid.

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La fiche IMDb
Par Leo Soesanto - le 27 mars 2018

Informations

Naissance : 31 mai 1945
Décès : 10 juin 1982
Pays : Allemagne
Métiers : scénariste, acteur, monteur, réalisateur, directeur artistique, directeur photo