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Critique de film
Le film
Affiche du film

Effi Briest

(Fontane - Effi Briest)

L'histoire

A la fin du 19ème siècle, Effi épouse très jeune le baron Van Innstetten, ancien prétendant de sa mère. Effi sera bientôt prise dans l'étau de la vie conjugale et des conventions.

Analyse et critique

Tournés sur la même période – le téléfilm Martha fut produit pendant une pause (un an) sur le tournage d'Effi Briest -, ce sont deux variations sur un même thème (complété par le téléfilm Peur de la Peur) : le mariage comme prison. Variations : Fassbinder fait sa madame Bovary avec Effi Briest, travaille la mémoire hollywoodienne sur Martha. Mais elles sont parentes, l'une anesthésiée par les usages, l'autre rendue hystérique à l'usage.

Le choix d'adapter Effi Briest surprit, surprend chez notre cinéaste de cuisine Seventies : le classique de Fontane (1894), moins connu mais tout aussi important qu'Anna Karenine ou Madame Bovary, était le risque d'une adaptation compassée, petite-bourgeoise. Il n'en est rien : la reconstitution d'époque en renforce le côté carcéral, comme si Fassbinder peignait une miniature pour la mettre sous cloche. Le cinéaste déclara qu'il adaptait uniquement des romans pour lesquels il avait un rapport passionnel intense (Despair de Nabokov, Querelle de Brest de Genet). Minutieux (dans les cadres, la théâtralité, le noir et blanc), le film impressionne car RWF évite adroitement les écueils de la transposition roman / film. Effi Briest est un film qui évoque au contraire merveilleusement un livre : personnages mis en page ou dans la marge, fondus au blanc figurant la page qu'on tourne, cartons sentencieux. Et la voix de Fassbinder narrateur, lisant des passages du roman pour combler les ellipses, mais aussi nous mettre à distance de ce livre d'images. On disait que le cinéma de Fassbinder évoquait une vitrine derrière laquelle un drame avait eu lieu, une bombe avait explosé. Nous y sommes et le gâchis s'expose à nos yeux. "La difficulté est qu'Effi Briest est un film à lire", dira Fassbinder.

Effi Briest est un film implacable sur le devoir : "fantasque" selon sa mère, trop rationnelle, trop athée, trop jeune, Effi (délicate Hanna Schygulla, et comme mystérieusement rajeunie par le noir et blanc) est soigneusement broyée par la bienséance. Cette destruction a pour nom éducation : c'est pour l'éduquer, lui faire peur, que son époux lui agite une histoire de fantôme chinois qui hanterait leur maison. Elle aime un peu son mari mais en a peur. Elle a une aventure comme on veut sortir de l'étouffement. C'est encore le devoir qui motive son mari quand il lui faut laver son honneur, même s'il doute un moment que venger un affront commis il y a six ans ait encore un sens. Cette idée de crime sans prescription rajoute une couche de sens, de nuance à ce film féministe. N'y aurait-t-il pas d'autres crimes "impardonnables" plus éprouvants que la lèse-majesté? Décès de la vie conjugale, c'est l'écho domestique d'un autre crime sans prescription qu'on retrouve aussi dans Martha : le crime nazi. Un miroir (il y en partout dans Effi Briest, chez Fassbinder), c'est aussi un écho. Dans Martha, il y a aussi une maison du crime et un large refoulé mais avec d'autres couleurs.

DANS LES SALLES

CYCLE FASSBINDER PARTIE 2

DISTRIBUTEUR : CARLOTTA
DATE DE SORTIE : 2 mai 2018

Présentation du cycle

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Leo Soesanto - le 27 octobre 2006