Fritz Lang : rétrospective personnelle

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Inspiré par le sujet sur Alfred Hitchcock, je propose ici de visionner tous les films de Fritz Lang et d'en donner mes impressions. En espérant que ce sujet saura susciter la curiosité de certains et les amener à visionner les oeuvres de cet icône du septième art. Veuillez noter que certains de ses films étant extrêmement difficiles à se procurer en DVD au Canada, il se peut qu'il y ait quelques petits trous dans la filmographie couverte. Mais je ferai de mon mieux. Ne vous gênez pas de combler les lacunes!

Bon, commençons...

Filmographie de Lang et films couverts en date du 18 juin 2010

Première période allemande:

Les Trois Lumières
Docteur Mabuse le joueur
Les Nibelungen
Metropolis
Les Espions
La Femme sur la lune
M
Le Testament du docteur Mabuse

De passage en France:

Liliom

Période américaine:

Furie
J'ai le droit de vivre
Casier judiciaire
Le Retour de Frank James -- VOIR CHRONIQUE SUR LE SITE
Les Pionniers de la Western Union NON-DISPONIBLE Z1
Chasse à l'homme
Les bourreaux meurent aussi
Espions sur la Tamise
La Femme au portrait
La Rue rouge
Cape et poignard
Le Secret derrière la porte
House by the River
Guérillas NON-DISPONIBLE
L'Ange des maudits NON-DISPONIBLE Z1
Le démon s'éveille la nuit
La Femme au gardénia
Règlement de comptes
Désirs humains
Les Contrebandiers de Moonfleet NON-DISPONIBLE Z1
La Cinquième Victime
L' Invraisemblable Vérité

Seconde période allemande:

Le Tigre du Bengale
Le Tombeau hindou
Le Diabolique docteur Mabuse

--------------------------------------------

Der Müde Tod (Les Trois lumières)

Image

Fritz Lang réalise en 1921 Der Müde Tod, film qui le rendra célèbre auprès de ses contemporains et qui marquera le cinéma dans son ensemble, faisant sentir ses échos à travers les années et ce jusqu'à nos jours. Aussi important que d'autres films muets de la même époque tels que Le Cabinet du Dr. Caligari et Nosferatu, mais ne bénéficiant pas de la même notoriété publique, ce classique de l'expressionnisme allemand jette les bases de plusieurs techniques visuelles et narratives qui seront récupérées par une foule de grands noms.

Film favori d'Alfred Hitchcock, encensé par Bunuel comme l'oeuvre qui lui a donné la piqûre du cinéma, inspiration du personnage de la mort dans le Septième Sceau de Bergman, les éloges ne se comptent plus et la portée de l'oeuvre ne saurait être décrite à sa juste valeur. Pionnier du film à sketch, du Décaméron aux Contes de la crypte, Der Müde Tod est également un film d'aventure, une méditation philosophique et une réalisation visuelle époustouflante.

Image

Le spectateur moderne sera surpris de voir comme ce film a somme toute bien vieilli. Il faut évidemment laisser de côté ses habitudes de cinéphile gavé au CGI, mais le souci artistique et la débrouillardise dont fait preuve Fritz Lang ne manqueront pas de surprendre. Les moments d'ennui sont étonnamment rares et le tout demeure fort divertissant, surtout pour un film qui a plus de 80 ans. Dommage qu'aucune restauration sérieuse n'ait été effectuée. Croisons les doigts.
Dernière modification par M le maudit le 18 juin 10, 19:26, modifié 43 fois.
Avatar de l’utilisateur
Tommy Udo
Producteur
Messages : 8689
Inscription : 22 août 06, 14:23

Re: Fritz Lang

Message par Tommy Udo »

Grâce au CDM, début janvier, on pourra déjà combler avec Das Wandernde Bild (1920) :D
Bienvenue :wink:
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17064
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Watkinssien »

Voilà un topic qui s'annonce intéressant ! :)
Image

Mother, I miss you :(
misterleo
Doublure lumière
Messages : 469
Inscription : 21 juil. 08, 14:46
Localisation : bien au chaud dans la salle de cinéma
Contact :

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par misterleo »

+1 :D
Image
- Eh bien faisons les présentations, moi je suis Damien Karras.
- Moi je suis le diable !
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par someone1600 »

Un autre topic tres intéressant en effet. Et un réalisateur de plus a découvrir. :D
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Comme par un fait exprès, le prochain film à voir est Dr. Mabuse le joueur, épique muet de 270 minutes que je ne possède pas, mais que j'ai commandé et qui devrait arriver la semaine prochaine. Je m'empresserai de le visionner dès que possible.

Ne perdons pas espoir! :D
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2009
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par allen john »

M le maudit a écrit :Comme par un fait exprès, le prochain film à voir est Dr. Mabuse le joueur, épique muet de 270 minutes que je ne possède pas, mais que j'ai commandé et qui devrait arriver la semaine prochaine. Je m'empresserai de le visionner dès que possible.

Ne perdons pas espoir! :D
Et apprêtons-nous à voir un chef d'oeuvre, un beau, un gros. :D
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2009
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par allen john »

M le maudit a écrit : Der Müde Tod (Les Trois lumières)
Film favori d'Alfred Hitchcock, encensé par Bunuel comme l'oeuvre qui lui a donné la piqûre du cinéma, inspiration du personnage de la mort dans le Septième Sceau de Bergman, les éloges ne se comptent plus et la portée de l'oeuvre ne saurait être décrite à sa juste valeur. Pionnier du film à sketch, du Décaméron aux Contes de la crypte, Der Müde Tod est également un film d'aventure, une méditation philosophique et une réalisation visuelle époustouflante.
Un film d'autant plus fascinant qu'il jette les bases d'une oeuvre protéïforme, aux confluents du serial (L'épisode oriental fait parfois penser, notamment par son héros en tenue d'explorateur, aux Araignées/Die Spinnen de 1919 du même Lang) , des films fantastiques plus noirs de la cinématographie Germanique (Caligari, Homunculus), des films-fleuves à sketches et prétentions philosophique (Intolerance, Pages arrachées, etc), et le tout avec une structure parfaitement maitrisée. La mise en abyme, figure Langienne fréquente, est ici mise en oeuvre afin d'intégrer trois récits indépendants en un flux unique d'une grande cohérence, unifié par la présence minérale de Bernhard Goetzke.
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2009
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par allen john »

M le maudit a écrit :Ne vous gênez pas de combler les lacunes!
Bon, alors dans ce cas:

Die Spinnen (1919)
Dans ce qui n'est que son troisième film, Lang expose déja toute sa verve feuilletoniste: bouteilles mystérieuse, signes venus de nulle part, sociétés secrètres, miroirs sans tain, héros athlétique et astucueux, voyages intrépides: toute la panoplie y est, y compris un trait éminemment Langien: le film est en deux parties, comme Mabuse, Die Nibelungen, Le tigre du Bengale... C'est souvent gratuit, un peu décérébré, et sous l'influence de Feuillade: voir à ce sujet un commentaire audio du spécialiste de Mabuse, David Kalat (Sur l'édition Image de Dr Mabuse der Spieler) : il retrace la filiation entre le père des vampires et le metteur en scène de Dr Mabuse, en passant immanquablement par ce petit film (Qui dure quand même longtemps). Il manque ici ce qui fera le succès du Mabuse de 1922: les personnages plus consistants, dotés de motivations, et surtout interprétés par des acteurs géniaux, de Goetzke à Klein-Rogge en passant par Paul Richter et Aud Egede Nissen. En attendant, si on veut se frotter à du Lang de jeunesse, c'est-à-dire avant Der müde Tod, c'est ce film qui nous le permettra; mais ses promesses seront tenues dans le reste de la filmographie fascinante de Lang
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

NOTE: PEUT CONTENIR DES SPOILERS

Docteur Mabuse le joueur

Image

Scénario : Thea von Harbou, d'après le roman de Norbert Jacques
Année de sortie: 1922
Durée: 270 minutes


Moins d'une année après le dévoilement de son chef-d'oeuvre Der Müde Tod, Fritz Lang récidive avec Docteur Mabuse le joueur, oeuvre aux proportions épiques, divisée en deux parties et totalisant quatre heures et demi de pur bonheur. Véritable fresque de l'Allemagne sous la république de Weimar, ce puissant long métrage démontre toute l'étendue du génie intuitif de Lang, et ce dès les premières scènes. Le plan d'ouverture montrant les mains de Mabuse qui tiennent une série de cartes à l'effigie de ses multiples déguisements, puis la scène de la bourse, où il trône sur un piédestal et regarde la foule apeurée gigoter comme des mouches, tous deux contribuent à donner le ton au public, à cerner en quelques instants cet homme étrange qui semble peu à peu prendre les rênes de la ville.

Cette ville, Lang la présente comme le berceau de tous les vices, étalant une vaste galerie de personnages rebutants: cocaïnomanes, joueurs compulsifs, danseuses nues et prostituées se donnent la réplique, alors que le terrifiant Mabuse jette son ombre sur cette plèbe pervertie, exploitant leur vice avec l'intelligence d'un véritable maître-arnaqueur. Dans le contexte de l'économie chancelante de l'époque, Mabuse fait figure de vautour, se nourrissant à satiété de corps qui n'ont pas encore exhaler leur dernier souffle. Il est fort probable que de tels hommes aient existé sous diverses formes, et en ce sens le personnage de Mabuse, avec ses mille visages, les regroupe tous, en plus d'être l'archétype de ses nouveaux riches dont le seul but était d'amasser du pécule.

Le jeu de Rudolf Klein-Rogge, qui interprète avec brio l'énigmatique Docteur Mabuse, est encore davantage rehaussé en qualité par la présence de son alter-ego von Wenk, personnifié par nul autre que Bernhard Goetzke, la Mort de Der Müde Tod. Ces deux grands acteurs du cinéma muet s'entrechoquent merveilleusement pour donner lieu à l'une des plus enlevantes courses folles de l'histoire du cinéma policier. Docteur Mabuse le joueur annonce d'ailleurs un genre à venir, avec son montage rapide et sa progression "nerveuse", qui trouvent aujourd'hui leur aboutissement dans plusieurs blockbusters américains et semblent être à la base du film noir qui se développera davantage dans les années 30, 40 et 50.

Bien que le cinéma allemand nage en plein expressionnisme (le Caligari de Weine datant de 1919, le Golem de Wegener de 1920, et le Nosferatu de Murnau de 1921), Lang nie avec virulence sa participation au mouvement. Cependant, bien des scènes de Docteur Mabuse le joueur y sont profondément ancrées: pensons notamment à celle du suicide du comte Told, qui se jette de part et d'autre de l'immense pièce centrale de son manoir en hallucinant une représentation fantomatique de lui-même, ou encore à celle du meurtre de Hull dans une rue sombre et peu accueillante, étroite et pleine d'ombres effrayants. S'il est vrai donc que le film ne s'inscrit pas dans la pure tradition de l'expressionnisme allemand, il est indéniable que Lang n'échappe pas complètement à la tendance. Docteur Mabuse le joueur est cependant plus influent qu'il n'est influencé et amène le spectateur vers des avenues qui sont aujourd'hui des lieux communs, mais avec la fraîcheur de celui qui fait le premier pas.
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2009
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par allen john »

Bravo pour cette initiative, forumeur au nom approprié. Voilà qui donne envie de se replonger dans les films de fritz Lang...
M le maudit a écrit :
Docteur Mabuse le joueur

Bien que le cinéma allemand nage en plein expressionnisme (le Caligari de Weine datant de 1919, le Golem de Wegener de 1920, et le Nosferatu de Murnau de 1921), Lang nie avec virulence sa participation au mouvement. Cependant, bien des scènes de Docteur Mabuse le joueur y sont profondément ancrées: pensons notamment à celle du suicide du comte Told, qui se jette de part et d'autre de l'immense pièce centrale de son manoir en hallucinant une représentation fantomatique de lui-même, ou encore à celle du meurtre de Hull dans une rue sombre et peu accueillante, étroite et pleine d'ombres effrayants.
C'est en effet mon sentiment: on n'a que trop tendance à assimiler les films allemands à l'expressionisme, et on peut lire des fadaises (Loulou, chef d'oeuvre expressioniste, par exemple) à ce sujet, mais la vérité, comme tu le dis, est plus complexe: l'Expressionisme (Et les personnages en débattent eux-même de façon avec une franchise troublante) est une mode, l'une des voies possibles du cinéma Allemandd, et Lang l'explore, mais juste un peu, au même titre que d'autres. Le jeu sur les formes, déja présent à travers les variétés de style, de décor et d'intetitres pour le film précédent selon les épisodes, prend ici des allures différentes suivant les points de vue.
M le maudit a écrit : Docteur Mabuse le joueur est cependant plus influent qu'il n'est influencé et amène le spectateur vers des avenues qui sont aujourd'hui des lieux communs, mais avec la fraîcheur de celui qui fait le premier pas.
Je pense quand même que l'influence des feuilletons, en particulier ceux de Feuillade ou de Victorin Jasset, est prédominante ici, même si Lang a fait évoluer le genre et se l'est, au final, totalement approprié.
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Oui, tu fais bien de noter cette dette de Lang envers les romanciers de feuilletons.

Fantômas ayant d'ailleurs fait grande impression sur un jeune Lang de passage à Paris.
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

J'ai ajouté au premier post un index cliquable des films couverts.
Avatar de l’utilisateur
Stagger Lee
Assistant(e) machine à café
Messages : 293
Inscription : 9 oct. 07, 22:18
Localisation : "Where the Sidewalk Ends"

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Stagger Lee »

Cher M le maudit,

Pourras-tu voir, du lointain Canada, Das Wandernde Bild (1920), qui sera diffusé au Cinéma de Minuit début 2009 et en rendre compte ? Je me demande d'ailleurs si ça ne sera pas la première diffusion mondiale à la télévision...
Est-ce que tu vas suivre la filmographie chronologiquement comme Grimmy avec Hitch ?

Bravo pour ton initiative !
M le maudit
Stagiaire
Messages : 98
Inscription : 18 déc. 08, 19:40

Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Malheureusement, je ne pourrai pas voir Das Wandernde Bild puisque je ne possède pas d'antenne satellite, mais si quelqu'un veut bien se donner la peine de l'enregistrer et de le convertir en fichier vidéo (ce dont je doute), je me ferai un plaisir de le visionner et de l'ajouter à ma rétrospective.

Et oui, je procède par ordre chronologique, mais comme je l'ai mentionné dans mon premier post, plusieurs films de Lang sont pratiquement introuvables au Canada. Cependant, je me suis déniché des copies de Human Desire, qui n'existe en DVD que dans un coffret asiatique discontinué, et de While the City Sleeps, qui à ma connaissance n'existe pas en DVD et est même très difficile à trouver en VHS (je ne l'ai jamais vu). Je suis également en train de télécharger You and Me (Casier judiciaire), pas dispo en DVD non plus, et Western Union, qui n'existe pas en copie DVD zone 1. Donc vous ne direz pas que je ne me donne pas la peine. :D

J'essaie aussi d'alimenter mes impressions d'un peu d'histoire langienne, pour que ce soit plus pertinent et intéressant.
Répondre