House by the River
En 1950, hanté par la crainte de ne pas se trouver de travail, Fritz Lang tourne "House by the River" pour le compte de Republic Pictures, une petite maison de production hollywoodienne. Howard Welsch, son producteur, lui laisse une liberté artistique quasi-totale mais son budget est très restreint; or, cela se sent quand on regarde le film. Le minimalisme forcé des décors et le côté dépouillé du scénario contribuent toutefois, dans une certaine mesure, à la simplicité générale du long métrage qui se laisse regarder sans effort. Au niveau esthétique, "House by the River" est à cheval entre la série de films noirs que Lang venait de réaliser et le cinéma gothique affectionné par American International.
Le talent de Fritz Lang demeure bien présent et transpire à travers chacune des scènes. L'exploitation de l'ombre et de la clarté est impressionnante et se marie sans peine avec le travail de photographie soigné et la direction artistique minutieuse. La mélancolie des lieux n'a d'égale que celle du bon frère de l'histoire, tourmenté par un crime qu'il n'a pas commis. La relative obscurité du film, surtout en sol européen, s'explique davantage par des lacunes de distribution que par quelque défaut de qualité que ce soit. Bien au contraire, ce petit film a tout pour plaire aux enthousiastes langiens: un meurtre pulsionnel ("M", "Scarlet Street", "Secret Beyond the Door", ...), une population prompte à faire circuler des ragots ("Fury") et une utilisation judicieuse des techniques expressionnistes du clair-obscur.
On peut cependant arguer que Lang réalise l'oeuvre les yeux fermés, par expérience, en appliquant les formules qui ont fait sa renommée. Le suspense général est un peu mou, attendu que nous connaissons d'emblée l'identité du meurtrier et que son gentil frère n'est peut-être pas interprété avec la passion nécessaire pour susciter l'intérêt soutenu du spectateur. L'ensemble est digne d'être vu, contient quelques bons moments, quelques motifs très langiens, mais force m'est d'avouer qu'il n'a pas le panache des grands classiques américains du réalisateur.