Fritz Lang : rétrospective personnelle

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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M le maudit
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Petite question: dois-je continuer? Est-ce que quelqu'un lit au moins mes petits textes? :P
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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

Bien sur :P !
(mais avant tout, il faut que cela reste un plaisir pour toi)
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Strum »

M le maudit a écrit :Petite question: dois-je continuer? Est-ce que quelqu'un lit au moins mes petits textes? :P
Comme tu peux le constater, il y a trente réponses à ton fuseau, et surtout à cette minute pas moins de 665 "vus". Si tu retires 50 "vus", pour les fois où tu es toi-même venu poster et modifier tes textes, ou lire nos réponses, il te reste plus de 600 vus correspondant aux visites cumulées des autres forumeurs. Tes textes sont donc lus et appréciés. Bref, continue sans crainte. :wink:

J'ajouterai que pour moi, le cinéma, à l'instar de la littérature, raconte des récits. Chaque film est un récit. Mais aussi, chaque filmographie de cinéaste est prise dans son ensemble un récit ayant pour protagoniste principal le cinéaste lui-même, avec ses évolutions, et les hauts et les bas de sa vie. Alors, je trouve cette idée de parler des films d'un cinéaste dans l'ordre chronologique, comme a pu le faire Grimmy pour Hitchcock, comme le fait Jérémy pour Minnelli, et comme tu le fais maintenant pour Lang, tout à fait pertinente.
M le maudit
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

Cela est bien entendu pour moi un grand plaisir, mais je ne voudrais pas vous soûler.
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par allen john »

M le maudit a écrit :Petite question: dois-je continuer? Est-ce que quelqu'un lit au moins mes petits textes? :P
Bien sur qu'il faut continuer! C'ets un régal et c'est pertinent, en plus. :D
Je suis content d'avoir un avis frais à lire sur des films généralement négligés comme Les Espions et La femme dans la lune (Tu le signales toi-même, d'ailleurs); et puis, après un feullieton sur Hitchcock, un feuilleton sur Lang, quoi de plus approprié? :mrgreen:
Julien Léonard
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Julien Léonard »

Bonjour à toi. J'ai pris le temps de lire ce topic hier soir, c'est une très bonne initiative. Ces textes donnent envie de se replonger au cœur de ces films, et pour ceux qui ne les connaissent pas, c'est une approche efficace qui, j'espère, leur en donnera le goût. Je suis assez d'accord avec toi sur Mabuse et sur Les espions, un peu moins sur Metropolis (j'ai toujours trouvé son histoire grandiose et universelle, largement à la hauteur de l'ensemble artistique, et j'avoue être l'un des rares à trouver la morale finale aussi maladroite que magnifique). La musique de Metropolis par Gottfried Huppertz est également assez incroyable.

Quand on pense en plus que la copie intégrale a été retrouvée il y a peu de temps à Buenos Aires (je crois), on n'a qu'une envie : découvrir l'entièreté de cette œuvre majeure qui, en l'état (dans le DVD MK2 notamment), apparait parfois inachevée. A part 1 minute 30 environ (qui demeure introuvable), la fondation Murnau devrait pouvoir tout monter...

Le fabuleux coffret DVD sorti par le MK2 m'a permis de découvrir 3 autres œuvres majeures (dont tu parle jusqu'ici) : Dr Mabuse, Les espions (finalement, c'est une sorte de James Bond avant l'heure... Lang avait tout compris au divertissement d'action, avant même Hitchcock) et Les Niebelungen (là encore, Lang avait tout saisi d'emblée, préfigurant le cinéma d'Héroïc Fantasy avec 70 ans d'avance). Découvert par contre sur France 3 (au cinéma de Minuit), La femme sur la lune est un très beau film (pour lequel je nourris une affection toute particulière, grâce à sa poésie, son esthétique visuelle, ses personnages, son scénario proche d'une aventure bien connue de Tintin, et son actrice qui m'émeut toujours). A quand la même chose en DVD pour Les trois lumières ?

J'ai hâte de lire tes textes sur M Le maudit et Le testament du dr Mabuse (deux de mes Fritz Lang préférés). :wink:
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someone1600
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par someone1600 »

Je suis aussi un des tes lecteurs et je dois dire que tu me donnes vraiment tres envie des découvrir les films de Lang, dont je n'ai vu que Metropolis (fantastique) et M le maudit (excellent).

Faudra que j'arrive a me procurer les autres un jour en espérant la diffusion sur TCM de certains, deja c'est la que j'y ai découvert Metropolis. :D

Lache pas mon ami. :D
M le maudit
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par M le maudit »

M

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Scénario: Fritz Lang et Thea von Harbou
Année de sortie: 1931
Durée: 110 minutes


À la fin des années 20, Fritz Lang n'est déjà plus le grand réalisateur qu'il a déjà été. L'échec retentissant de Metropolis et de Frau im Mond, en plus de la relative indifférence avec laquelle le public a reçu Spione, le place dans une position un peu désagréable. Ses accords avec la UFA étant rompus et sa compagnie de production s'étant écroulée, il n'a plus les moyens financiers pour réaliser une autre méga-production. Inspiré de l'affaire du "vampire de Düsseldorf", meurtrier en série arrêté en mai 1930, ainsi que d'une panoplie de cas semblables sévissant en Allemagne à l'époque, Lang rédige avec sa femme le scénario de M, qui deviendra sans doute son plus grand film. Le réalisateur envisageait cette oeuvre comme un "petit film", qu'il tournera d'ailleurs à petit budget en un modeste six semaines.

L'ère du cinéma parlant est bien entamée, et Lang décide de s'y adapter. Mais loin de souffrir de la lourdeur des techniques de sonorisation qui font des premiers "talkies" de petites productions au rendu théâtral, M fait figure de pionnier et démontre une fois de plus toute l'audace et l'intuition dont Fritz Lang fait preuve. Le son est ici utilisé comme élément dramatique. Par exemple, lorsque l'aveugle se bouche les oreilles pour ne pas entendre le sifflement horrible de Beckert, le public ne l'entend pas non plus. Puis lorsque le silence complet et anormal de la rue est rompu par un sifflet autoritaire, le spectateur est automatiquement placé en position d'attente anxieuse, se préparant pour quelque chose de significatif, voire même de grave. Lang utilise également les dialogues comme moyens de faire des raccords entre les scènes, en poursuivant par exemple la phrase d'un passant au sujet de l'affiche de rançon du meurtrier dans une autre scène où il se trouve autour d'une table, et ce sans effectuer de cassure sonore. Cette technique permet également une grande économie narrative et se révélera essentielle à l'art cinématographique tel qu'on le connaît aujourd'hui.

Le sifflement du meurtrier Beckert est d'ailleurs d'une grande importance, puisqu'il s'investit d'un puissant pouvoir de suggestion et se révèle être un accessoire de premier plan dans le déroulement de l'intrigue. Encore une brillante utilisation du son de la part de Lang. Mais ce qui frappe également dans M, c'est la psychologie des personnages qui est développée avec un grand réalisme. Plutôt que de dépeindre le meurtrier comme un imbécile dégénéré, Lang le présente sous les traits d'un homme malade mais intellectuellement capable. Sa présence plonge la ville dans la paranoïa la plus basse. Chacun est prêt à accuser l'autre. Un vieillard qui parle gentiment à une petite fille devient la cible d'un tribunal improvisé qui le condamne d'emblée. La pègre même se mêle de la course folle pour mettre un terme aux interventions incessantes et dérangeantes des policiers. Tous se réunissent dans le seul dessein d'attraper le tueur et de venger le meurtre des enfants de la seule façon possible: l'éliminer.

Ce qui nous mène à la scène finale, le procès de Beckert devant le tribunal de la pègre, d'ailleurs composé en partie de véritables criminels (24 d'entre eux seront emprisonnés d'ici la fin du tournage...). Peter Lorre, que l'on retrouve ici pour la première fois à l'écran dans un rôle principal, surpasse à peu près tous les acteurs ayant incarnés des meurtriers psychopathes dans l'histoire du cinéma. La puissance de son jeu est inouïe. Ses mimiques expressionnistes projettent les émotions au travers de l'écran pour percer d'un seul jet l'esprit et le coeur du spectateur, ce qui fait de son monologue final un véritable monument. Un type de jeu qu'on ne voit plus de nos jours et sur lequel plusieurs aspirants comédiens devraient se modeler. Il y a dans tous les films de suspense modernes et moins modernes des traces de M. Tout ici est suggéré, mais suggéré avec tant d'adresse que l'absence de violence à l'écran est plus efficace que si tout était montré. L'intrigue est simple mais percutante. Un chef-d'oeuvre incontournable, une leçon de réalisation pour tout aspirant metteur en scène, un film colossal et étonnant.
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cinephage
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par cinephage »

Un très grand film, totalement indémodable.

Noter au passage une citation rigolote du film dans Monsters, Inc. (Pixar)
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Bon, ma capture est 2 secondes trop tôt, mais dans ce même plan, le monstre se retourne et voit la chaussette qu'il a sur l'épaule comme Peter Lorre sa marque.
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Strum »

cinephage a écrit :Noter au passage une citation rigolote du film dans Monsters, Inc. (Pixar)
Ma citation préférée du film reste le M sur l'épaule de Blake dans la fabuleuse Marque Jaune de Jacobs. Sinon, bonne critique, M le Maudit.
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cinephage
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par cinephage »

Je ne l'avais pas repérée à l'époque où je l'ai lu (mais je ne connaissais pas encore ce classique).

Parce que tous les livres de cette collection ne sont pas de la même qualité, je signale cette analyse du film de Lang qui est vraiment très éclairante, bien fichue, et facile à lire (apparemment, elle est disponible pour 10 euros sur amazon.fr, mais j'imagine qu'on la trouve d'occasion pour moins cher).
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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

Une photo de plateau de M pendant une célèbre scène :
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par someone1600 »

Excellent film en tout cas. :D
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par DaveDevil666 »

M le maudit a écrit :M

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Ce qui nous mène à la scène finale, le procès de Beckert devant le tribunal de la pègre, d'ailleurs composé en partie de véritables criminels (24 d'entre eux seront emprisonnés d'ici la fin du tournage...). Peter Lorre, que l'on retrouve ici pour la première fois à l'écran dans un rôle principal, surpasse à peu près tous les acteurs ayant incarnés des meurtriers psychopathes dans l'histoire du cinéma. La puissance de son jeu est inouïe. Ses mimiques expressionnistes projettent les émotions au travers de l'écran pour percer d'un seul jet l'esprit et le coeur du spectateur, ce qui fait de son monologue final un véritable monument. Un type de jeu qu'on ne voit plus de nos jours et sur lequel plusieurs aspirants comédiens devraient se modeler. Il y a dans tous les films de suspense modernes et moins modernes des traces de M. Tout ici est suggéré, mais suggéré avec tant d'adresse que l'absence de violence à l'écran est plus efficace que si tout était montré. L'intrigue est simple mais percutante. Un chef-d'oeuvre incontournable, une leçon de réalisation pour tout aspirant metteur en scène, un film colossal et étonnant.
Faut-il voir dans le film une vision de la future dictature nazie ?

Beckert est "victime" d'une véritable chasse à l'homme, la pègre veut l'éliminer parce qu'il est "nuisible" à la société, et leur chef a le profil d'un bourreau SS/de la Gestapo : gabardine en cuir, absence totale de pitié et de scrupules, la fin justifiant les moyens (afin d'obtenir des renseignements, le gardien de l'usine est torturé).

Fritz Lang souhaitait-il donner à son film un aspect prophétique et/ou dénonciateur ?
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Jack Griffin
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Re: Fritz Lang : rétrospective personnelle

Message par Jack Griffin »

M le maudit a écrit :Petite question: dois-je continuer? Est-ce que quelqu'un lit au moins mes petits textes? :P
Oui et puis ça fait du bien de voir quelqu'un s'attarder un peu plus longuement sur les Espions et la Femme sur la lune, deux bien beaux films.
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