Test blu-ray
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coffret trilogie de Damiano Damiani

BLU-RAY - Région B
Artus Films
Parution : 2 mai 2023

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Après plusieurs DVD dans les années 2010 et quelques blu-rays sortis plus récemment (dont Amityville 2El Chuncho et La Mafia fait la loi), le travail de Damiano Damiani est cette fois mis à l'honneur par Artus Films avec un beau coffret de trois films jusqu'alors inédits en DVD en France. Une sortie ô combien nécessaire pour ce cinéaste encore trop méconnu, Emmanuel Le Gagne soulignant dans le livre inclus dans le coffret que la rétrospective intégrale qui lui fût consacrée à la Cinémathèque française en mai 2022 passa quelque peu sous les radars. Ce coffret est une belle occasion d'explorer une filmographie riche et pleine de (bonnes) surprises, avant de pouvoir découvrir d'autres opus bientôt restaurés (Seule contre la Mafia, qui ressort en salles cet été et que l'on espère ensuite en Blu-ray...). Notez que Damiano Damiani est également célébré en Angleterre, fin juin, sous forme d'un coffret de trois films dont deux sont présents dans ce coffret Artus Films (le troisième, La Mafia fait la loi, était sorti dans la collection Make My Day! chez Studiocanal... en 2019).

Nous sommes tous en liberté provisoire a déjà eu les honneurs d'un Blu-Ray allemand en 2018, dont Artus Films reprend le même master. La restauration 2K, produite à partir du négatif original, est de très bonne facture, notamment pour la précision notable des images, fines et bien détaillées, à l'exception de quelques mises au point parfois plus fragiles. On appréciera le respect de la patine argentique avec un grain fin et plutôt présent, sans abus. La copie est très stable et totalement nettoyée, les contrastes sont équilibrés et assez bien ajustés. La colorimétrie est correctement saturée, souvent naturelle et respectueuse de la source photochimique. On regrettera, dans des scènes d'intérieur, quelques dérives magenta heureusement assez peu nombreuses : c'est le seul défaut notable de cette très convaincante présentation, la meilleure du coffret.

Comment tuer un juge semble être proposé pour la première fois au monde en Blu-ray, à quelques semaines du coffret britannique. La restauration, elle aussi effectuée à partir du négatif original, est cependant quelques petits crans en deçà de la précédente, essentiellement à cause d'un niveau de détail moins poussé et d'un patine argentique un peu plus lissée, des caractéristiques qui semblent d'origine (et non une conséquence de l'encodage du disque). La définition reste assez précise mais il ne faudra pas être trop exigeant sur le rendu des textures, d'autant plus que la photographie est régulièrement diffuse. C'est la même chose pour le grain, lui aussi plus tempéré, et même assez discret. Pour le reste, c'est assez satisfaisant : la copie est stable et très propre, les contrastes sont bien gérés, resserrés sans masquer les détails, et dénués de pulsations ; la colorimétrie respecte la palette vintage de l'époque sans glisser vers un modernisme abusif. Les tons sont sobres et très naturels pour un film italien des années 70.

Inédit en Blu-ray, lui aussi, Goodbye & Amen est pour l'instant exclusif au coffret Artus Films. La restauration 2K n'est pas forcément très récente ni irréprochable en qualité mais les conditions de visionnage restent honorables. Le piqué est correct, palpable mais peu soutenu par un faible niveau de détail et une patine argentique très atténuée : le grain fin reste très léger, avec une impression persistante d'infime lissage. La copie est globalement assez stable et totalement nettoyée, ce qui reste confortable. La colorimétrie est un peu terne, manquant de nuances et parfois de saturation. La palette de couleurs conserve un certain naturel photochimique, les dérives magenta étant plutôt discrètes. Les contrastes sont équilibrés mais parfois un peu relâchés conformément aux caractéristiques d'origine, ce qui occasionnera l'apparition de quelques artefacts de compression durant la scène finale (nocturne).

Son

Les films sont uniquement proposés en version originale italienne.

Nous sommes tous en liberté provisoire bénéficie d'une piste propre et claire, dénuée de craquements, avec de légères sifflantes et un souffle un peu prononcé. Le rendu est simple et sans effets, en adéquation avec le mixage d'origine. Les voix conservent une bonne présence malgré un spectre sonore modeste, aux basses fréquences sensiblement réduites. C'est un peu mieux équilibré pour Comment tuer un juge. Les voix conservent une proximité et une belle clarté, les ambiances sont davantage sollicitées. Il y a toujours un souffle léger. Le rendu est conforme au travail de l'époque. Goodbye & Amen bénéficie d'un rendu un tout petit peu couvert, moins détaillé. Les voix sont toujours claires mais on sent un peu l'étroitesse de la cabine de doublage. L'ensemble est lui aussi très propre, dénué des usures du temps, craquements ou sifflantes. Le souffle est très discret.

On regrettera évidemment l'absence de versions françaises sur les trois films, toujours regrettable pour les fans nostalgiques. Mais surtout  il n'y a pas la piste anglaise de Goodbye & Amen, qui était la langue utilisée au tournage. Dommage...

Suppléments

La trilogie est proposée à la fois en DVD et en Blu-ray, présentée dans un digipack 4 volets avec fourreau. Si la qualité des suppléments ne permettra pas toujours de rivaliser avec ceux de l'édition britannique, les moyens financiers n'étant pas les mêmes, Artus Films marque néanmoins le coup en incluant un livret de 98 pages que l’on pourrait considérer comme le premier écrit conséquent publié en France autour du réalisateur. Avec Damiano Damiani, un cinéaste se rebelle, le critique au site culturopoing.com Emmanuel Le Gagne nous offre un guide chronologique de son travail, parfois classé par genre ou par période, et abondamment illustré. Il évoque la carrière très éclectique de Damiani qui affirme "sa vision du monde désenchantée" dès sa première péridode auteurisante, avec des films "très audacieux", "intenses" ou éclatants de modernité. En se rapprochant du cinéma de genre, le cinéaste aborde de front les problèmes politiques de son pays avec des oeuvres engagées qui auscultent "les mécanismes d’une société pourrie de l’intérieur", observant les conséquences de "la barbarie du capitalisme et du crime organisé". Damiani se pose aussi en "témoin alarmiste" avec le "remarquable" Nous sommes tous en liberté surveillée, "du Capra avec la gueule de bois" et un "miroir à peine déformant de la société italienne" des années 70.

Emmanuel Le Gagne revient sur des films méconnus dont le "foudroyant brûlot anti-fasciste" Il Mostro Di Roma et quelques polars noirs "remarquables" mais restés confidentiels, parmi lesquels le film d’espionnage paranoïaque Goodbye & Amen ou l’"œuvre mineure" Comment tuer un juge, malgré un "plaisir cinéphilique pour le défilé de seconds couteaux". Il revient aussi sur sa brève incursion dans le fantastique, notamment avec "le choix incongru" d’Amityville 2 qui "se révèle pourtant payant", dans lequel il peut intégrer "sa rage d’auteur". Après "un quasi sans faute", la carrière de Damiani va accompagner le lent déclin du cinéma italien, traversant les années Berlusconi avec beaucoup de bas mais aussi quelques hauts comme la série Mafia ou Pizza Connection, "sa dernière grande réussite". Le critique ne cache pas ces ratés mais se permet aussi quelques réhabilitations comme pour Un génie deux associés une cloche dont il souligne "le charme retrouvé" en dépit de l’influence "écrasante" du producteur Sergio Leone. Malgré quelques coquilles à répétition, il s’agit d’un excellent ouvrage qui permet de mieux appréhender l‘oeuvre riche et "difficile à cerner" d’un cinéaste "tortueux et âpre", parfois incompris des critiques pour qui "son pessimisme était perçu comme une facilité". En attendant, nous l’espérons, que d’autres Blu-rays des films de Damiano Damiani continuent de sortir dans l’hexagone...

Les films sont tous accompagnés de suppléments :

Nous sommes tous en liberté Provisoire

Le Fantôme de la liberté (23 min - HD)
Fidèle collaborateur d'Artus Films et spécialiste du cinéma italien dont il ne manque pas de conseiller de nombreux films à découvrir, Curd Ridel présente une partie de l'équipe du "film coup de poing" Nous sommes tous en liberté provisoire. Il revient sur le parcours de Damiano Damiani, débuté dans la bande dessinée (ce qui nous vaut quelques explications inédites sur cette période) puis au cinéma pour des films marquants et "beaucoup de chefs d'oeuvre à découvrir". Il retrace brièvement les carrières de certains acteurs du film : Franco Nero, l'un des "plus aimés du cinéma italien", qui a travaillé avec les plus grands, et les seconds rôles John Steiner, Georges Wilson ou Riccardo Cucciolla à la "carrière bien remplie". Il s'étonne enfin d'entendre la musique du générique signée Luis Enriquez Bacalov, utilisée dans plusieurs films depuis 1965, mais créditée au seul Ennio Morricone...

Derrière les barreaux (27 min - HD - VOSTF)
Trois membres de l’équipe du film se souviennent de Damiano Damiani. L’assistant réalisateur Enrique Berger, et son ami pendant 35 ans malgré quelques "désaccords temporaires", évoque "un sacré personnage" et un si bon directeur d’acteurs qu’il "savait même faire jouer une pierre". Pour l’acteur Corrado Solari, il était avant tout "un être humain qui fait du cinéma", tandis que le monteur Antonio Siciliano parle de son talent de peintre et des dessins qu’il s’amusait à faire lors des sessions de doublage, précisant que Damiani était un réalisateur très préparé qui utilisait peu de pellicule grâce à la précision de ses storyboards. On évoque un peu le tournage dans une ancienne prison, les cellules étant reconstituées en studio, pour davantage se concentrer sur la distribution : Franco Nero était "le bon camarade typique" qui ne pouvait s’empêcher "d’en faire des tonnes", mais surtout "un véritable acteur" avec "une bonne technique", qui pouvait cependant être quelque peu désorienté dans cet univers carcéral. Riccardo Cucciolla était "un homme exquis" et "un acteur moderne", dont le jeu portait "le sens de la mesure". On apprend que parmi les prisonniers du film, l’un d’entre eux avait été récemment gracié et avait fourni de nombreux petits détails réalistes sur la vie en cellule. Enrique Berger revient sur la sortie conjointe "assez malheureuse" de Détenu en attente de jugement avec Alberto Sordi qui a parasité la visibilité du film de Damiani, provoquant une "indifférence" totale du public. Un module de Federico Taddeo (Freak-o-rama), sans doute assez proche de l’un des suppléments édités chez Radiance, en Angleterre.


Bande-annonce (3min 05s - HD - non sous-titrée)

Galerie d'affiches et de photos (2min - HD)

Comment tuer un juge

Justice sauvage (13min - HD)
Retour de Curd Ridel qui, comme à son habitude, ne s'étend malheureusement pas dans une analyse du film mais se focalise sur la présentation wikipediesque du casting, certes informative mais un peu redondante à la longue. Il revient sur la carrière "très riche" de Françoise Fabian, ou les filmographies de Marco Guglielmi, Tano Civarosa, "l'une des tronches les plus improbables du cinéma italien", Luciano Catenacci et sa "gueule de salopard", ou les parcours des "seconds couteaux de qualité".

 

Les ciseaux d'or (26min - HD - VOSTF)
"Ciseaux d'or" était le surnom donné par Damiano Damiani à son monteur Antonio Siciliano, qui est au générique des trois films de ce coffret et que l'on retrouve pour un entretien récent et surtout passionnant dans lequel il revient sur sa "passion pour la pellicule" depuis l’enfance, grâce à un père qui travaillait pour les films d’actualité projetés dans les salles. Il raconte ses débuts dans le métier comme concierge pour une société de post-production, avant de gravir petit à petit les échelons car il était "un drôle de personnage qui savait un peu tout faire". Il s’est fait la main sur des petites émissions télévisées (notamment avec Fernandel) avant d'entamer une longue carrière au cinéma de plus de cinquante ans grâce à Damiano Damiani qui eut l'audace de l'engager. Il se souvient d'une fructueuse collaboration (dix films au total) lancée avec Seule contre la Mafia, et un réalisateur "incroyablement arrangeant" qui lui a tout de suite fait confiance alors qu’il débutait et travaillait à l’instinct. Il évoque de nouveau la méthode de travail d’un cinéaste qui tournait peu de plans et était "incroyablement sûr de ce qu’il faisait", rappelant sa déception de ne pas avoir conservé les scripts storyboardés de la main de Damiani, peintre et dessinateur accompli. Antonio Siciliano dit quelques mots sur Comment tuer un juge, qui n’est pas "un pur film de Mafia" ni son film préféré de Damiani ("il lui manque un petit quelque chose") et raconte comment il montait les scènes avec Franco Nero en se focalisant sur son visage davantage que sur son texte. Il explique que le cinéaste appréciait l'acteur pour son côté "aussi physique qu’expressif", précisant que ce dernier prit des cours de diction pour pouvoir se doubler lui-même dans ses films. Un excellent supplément produit par Federico Taddeo.


Galerie d'affiches et de photos (1min - HD)

Goodbye & Amen

Dieu reconnaîtra les siens (19min - HD)
Toujours posté près de sa cheminée crépitante, Curd Ridel retrace les filmographies des principales têtes d'affiche de Goodbye & Amen : Tony Musante connu pour L'Oiseau au plumage de cristal qui a cependant joué dans quelques pépites intéressantes ; John Steiner, déjà croisé dans Nous sommes tous en liberté provisoire, qui a eu une certaine notoriété en Italie avant de devenir agent immobilier à Beverly Hills au début des années 90 ; Renzo Palmer, un second rôle au cinéma qui était aussi présentateur sur la RAI et un doubleur émérite (pour Charles Bronson, par exemple). Spécialiste de la série B, on sent Curd Ridel moins à son aise pour parler de la pourtant immense carrière de Claudia Cardinale, l'"une des actrices italiennes les plus importantes et les plus connues". Le dessinateur de BD conclue sur le parcours prolifique des frères De Angelis, musiciens qui composeront pour le cinéma dès 1971, accompagneront 15 fois le duo Bud Spencer-Terrence Hill, et travailleront dans la chanson ou pour la télévision.

Pour un grain de beauté (24min - HD)
Antonio Siciliano revient brièvement sur Goodbye & Amen, "presque un giallo" et "récit très compliqué" qu'il trouva dépaysant après de nombreux projets autour de la Mafia. Il se souvient avoir dû faire inverser un plan dans la scène finale pour raccorder la direction du regard, et évoque ensuite sa collaboration avec Damiano Damiani dans une intimité professionnelle et "une harmonie de l’esprit". Il loue de nouveau un artiste ouvert qui avait accepté de travailler avec un monteur débutant, et parle du cinéma de cet "adorable grincheux" qui n’aimait pas la violence et faisait ressortir dans ses films la tension par la parole. Il se souvient de ses films engagés et précis sur le monde de la Mafia, comme s’"il était dans le milieu", ou de son grand savoir-faire quand il fallait couper dans les scènes pour ne pas les gâcher. Siciliano raconte sa dernière collaboration avec Damiani en 1992, sa dégradation physique et mentale suite à une opération. Pour le monteur, Damiani était "l’un des derniers grands" qui a "laissé un héritage que personne n’a récupéré" : il ne retrouve pas la même qualité dans le cinéma d’aujourd’hui, se rappelant de scénarios précis qui correspondaient à la durée finale, contrairement aux traitements actuels plus flous qui atteignent de très longues durées. C'est une des conséquences des progrès du numérique qui permet de tourner en quantité alors qu’à l’époque il fallait économiser la pellicule, comme il le raconte avec une intéressante anecdote sur Luigi Comencini, qui ne filmait pas les claps de début de prise pour ne pas gâcher de film.

Galerie d'affiches et de photos (1min - HD)

En savoir plus

Nous sommes tous en liberté provisoire

Taille du Disque : 45 081 363 788 bytes
Taille du Film : 31 405 888 128 bytes
Durée : 1:46:00.020
Total Bitrate: 39,50 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 35,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 35993 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italian / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 25,730 kbps

Comment tuer un juge

Taille du Disque : 37 290 903 224 bytes
Taille du Film : 27 568 902 144 bytes
Durée : 1:50:34.083
Total Bitrate: 33,25 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29996 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italian / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 25,549 kbps

Goodbye & amen

Taille du Disque : 37 804 774 896 bytes
Taille du Film : 26 858 563 584 bytes
Durée : 1:47:45.708
Total Bitrate: 33,23 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,98 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29986 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italian / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 22,578 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 29 juin 2023