Critique de film
Le film
Affiche du film

Goodbye & Amen

L'histoire

Dhannay, un agent de la CIA en poste à Rome planifie avec son équipe un coup d’état dans un pays africain. L’arrivée dans la capitale italienne d’un agent ennemi menace ses plans, d’autant que ce dernier prend contact avec Lambert, un employé de l’ambassade américaine et ami de Dhannay. Lorsqu’une prise d’otage a lieu dans un prestigieux hôtel de la ville et que tous les indices désignent Lambert comme le forcené, la situation devient critique pour Dhannay. Il doit mettre un terme à la prise d’otage pour sauver son opération.

Analyse et critique

Après avoir construit sa filmographie autour d’un cinéma essentiellement politique, Damiani prend un virage en 1977, après Un Juge en danger, en s’orientant vers des thrillers noirs plus modernes, et à première vue moins concernés par le regard précis et critique que le cinéaste porte sur la société italienne. Son premier film dans ce registre est Goodbye & Amen, adaptation libre d’un roman de Francis Clifford, Sulla Pelle di lui. Le film s’ouvre comme un récit d’espionnage avec une scène où Dhannay, le personnage principal du film, un agent de la CIA, donne ses consignes à son équipe de Barbouzes pour préparer un coup d’état dans un pays africain non identifié. On s’attend alors à un film qui suivrait la vague de la série des James Bond, peut-être mêlé avec des éléments de films de commando exotiques, un genre qui faisait alors florès dans le cinéma de genre italien.


Pourtant le récit prend immédiatement un virage, oubliant presque définitivement cette affaire dont on ne connaitra jamais les tenant et les aboutissants, pour s’orienter vers une situation tenant plutôt du thriller paranoïaque, centrée sur une prise d’otage menée par un employé de l’ambassade américaine dont l’identité reste à définir. Goodbye & Amen prend alors un ton presque claustrophobe, l’enfermement dans la chambre de l’hôtel, et dans ses couloirs pour les forces de l’ordre, étant plutôt bien rendu par la mise en scène. Le film tourne alors autour de la question du syndrome de Stockholm, et de la relation presque sadomasochiste qui s’installe entre le preneur d’otage et le couple qu’il retient prisonnier, particulièrement la femme, interprétée par la toujours sublime Claudia Cardinale. Lorsque l’ambassadeur des Etats-Unis se sacrifie pour entrer dans la chambre, le film prend un nouveau virage, pour entrer plus nettement dans le registre du suspense, voire de l’action, notamment dans sa conclusion remarquablement menée par Damiani. Goodbye & Amen pourrait alors donner l’impression d’un film composite, qui navigue entre les genres et les tonalités. Pourtant le scénario coécrit par Damiani et Nicola Badalucco est un modèle d’efficacité et parvient à donner une unité au récit, malgré les pistes abandonnées et les personnages qui pourraient à première vue manquer de développement, comme celui interprété par Claudia Cardinale, qui disparait tout bonnement au deux tiers du film.


Goodbye & Amen est rythmé, multipliant les rebondissements et les révélations, et s’offre quelques très belles séquences, visuellement convaincantes, embellies par la photographie moderne de Luigi Kuveiller. Nous avons affaire à un thriller qui fonctionne, qui maintient une tension passionnante jusqu’à son final malgré une histoire qui pourrait, sur le papier paraitre faite de bric et de broc. Il faut saluer le sens du montage d’Antonio Siciliano, collaborateur récurrent de Damiani, ainsi que les intentions du cinéaste, toujours prêt à sacrifier une scène tournée pour la qualité de son film. Goodbye & Amen est structuré autour d’un étrange personnage, celui de Dhannay. Interprété avec une certaine tristesse par Tony Musante, il apparait essentiellement impuissant. Viré par ses supérieurs, contesté par ses subordonnés, on sait qu’il reste sur un échec, et il semble en préparer un autre. C’est un espion peu aimable, à l’opposé des héros traditionnels du cinéma d’espionnage, parfois durs, mais qui sont habituellement conçus pour susciter l’empathie du spectateur. Damiani ne tourne pas un ersatz de James Bond, loin de là, mais plutôt un film qui présente l’espionnage sous un jour sombre, voire néfaste.


Pour l’habitué du cinéma de Damiani, un personnage, abstrait, apparait totalement absent du film, la mafia. On peut même s’étonné, à première vue, de la distance politique prise le cinéaste qui s’éloigne de ses habituels discours explicites pour un récit à première vue centré à première vue sur son intrigue et sur des mécaniques de suspense. Toutefois à mieux y regarder, la politique n’est pas absente de Goodbye & Amen, et on pourrait comparer le rôle que Damiani donne à la CIA dans son film à celui qu’il attribuait dans d’autres œuvres au crime organisé italien. On pourrait même dire que l’agence américaine, et par extension les Etats-Unis, y supplante la mafia, dépassée par sa puissance internationale. Dans Goodbye & Amen, les Américains commentent des crimes, les résolvent, jouent au héros comme lorsque l’ambassadeur se constitue otage, et décident finalement lorsque cela compte. Ils font tout en Italie, y compris utiliser le pays comme la base arrière de leurs opérations d’espionnage. Voilà certainement le message du film, qui raconte indirectement l’emprise américaine sur la vie italienne depuis la seconde guerre mondiale, tant du point de vue économique que politique.

Et dans Goodbye & Amen, il n’est pas de Franco Nero pour porter le combat contre la menace, même lorsqu’il est perdu d’avance. Les représentants de la CIA et des Etats-Unis agissent dans le récit sans contrepouvoir, hormis quelques tiraillements internes. L’Italie n’y est qu’un terrain de jeu, sans arbitre. Un message particulièrement pessimiste, qui est un filigrane intéressant à un récit qui peut aussi être vu comme un simple divertissement, efficace et bien huilé, qui vient introduire une nouvelle couleur à la palette du cinéaste Damiani.

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La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 27 septembre 2023