Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Octopussy

L'histoire

James Bond est chargé d'enquêter sur la mort très suspecte de l'agent 009. Pourquoi avait-il donc cet inestimable œuf Fabergé dans la main ? 007 assiste à la mise aux enchères de l’œuf, le richissime Kamal Khan en fait l'acquisition. Ce prince indien exilé semble nourrir de secrètes accointances avec le général soviétique renégat Orlov. Mais quel lien y a-t-il entre l’œuf, les complots du tandem russo-indien et la désirable, bien que mystérieuse, Octopussy ? Et si c'était tout simplement le déclenchement d’une Troisième Guerre mondiale...

Analyse et critique


L’aventure c’est l’aventure

Rien que pour vos yeux a magistralement permis à 007 d’entamer une nouvelle décennie, les années 1980. Dominée dès le départ par une industrie hollywoodienne littéralement revenue d’entre les morts, cette décennie va confronter James Bond à une énorme concurrence pas toujours évidente à juguler. Pour l’heure tout va bien, et la franchise est relancée sur de bons rails. Albert R. Broccoli et Michael G. Wilson reforment leur équipe, permettant à John Glen de réaliser son deuxième Bond. Sorti à la même époque que Rien que pour vos yeux, Les Aventuriers de l’Arche perdue (réalisé par Steven Spielberg et produit par George Lucas) n’est que le premier opus d’une franchise commercialement gigantesque qui va très fortement secouer les années 1980. Indiana Jones est en quelque sorte la réponse de Spielberg et Lucas au James Bond de Broccoli, son reflet daté nourri aux serials des années 1930 et autres films d’aventures des années 1950. Cet immense succès mondial a ravivé l’intérêt du public pour le cinéma d’aventures exotiques de façon générale, et le Bond suivant entend bien en profiter, tout en créant à son tour des influences pour le deuxième Indiana Jones à venir, en 1984. On peut y voir un dialogue par films interposés entre la franchise anglaise et la franchise américaine, entre un Broccoli et un Spielberg se connaissant un peu. (1) Faute de pouvoir réaliser un Bond, ce dernier s’est lancé dans un vieux projet de son ami George Lucas, une histoire autour d’une relique sacrée et d’un personnage intrépide parcourant le monde et affrontant les nazis peu avant la Deuxième Guerre mondiale. Octopussy renforcera donc la présence des soviétiques de la Guerre Froide et tournera en partie autour du Trésor des Tsars, manière comme une autre de singer intelligemment l’esprit Indiana Jones. Alors que Broccoli pensait éventuellement engager un nouvel acteur pour interpréter 007, en la personne de l’américain James Brolin (2), la nouvelle se répand que Kevin McClory a enfin pu réunir les financements en vue de produire son James Bond, son remake d’Opération Tonnerre prévu de longue date. (3) Sean Connery a accepté de reprendre son rôle d’agent secret, au grand dam d’Eon Productions. Il s’agit donc plus que jamais de rivaliser d’ardeur et de préparer une promotion forte, destinée à convaincre le public qu’il n’y a qu’un seul Bond, celui produit par Broccoli. Pour cela, Roger Moore est instamment rappelé pour donner vie à 007, ce qui ne manque pas de le ravir une fois encore. La production ne lésine pas et négocie son salaire à hauteur de 4 millions de dollars et 5 % sur les profits nets rapportés par le box-office américain. Moore est aux anges, Broccoli et Wilson rassurés, et le scénario rassurant.



Le budget d’Octopussy s’élève à 35 millions de dollars (4), pour un tournage qui va s’étaler du 10 août 1982 au 25 janvier 1983, de l’Inde aux deux parties de l’Allemagne (Est / Ouest), en passant par les studios de Pinewood. La séquence en jet, au début du film, fait appel à l’Acrostar, mesurant 3,5 mètres, soit le plus petit avion existant à l’époque. Appartenant à Corkey Fornof, il pouvait atteindre la vitesse de 482 km/h. D’autres véhicules ont été utilisés pour le film, tels que des taxis indiens pouvant atteindre 130 km/h ou encore deux vieux bateaux dont l’assemblage a créé la fière et luxueuse embarcation d’Octopussy. Quant au train, unique en son genre, il fut assemblé grâce à des wagons venant de toute l’Europe. La fameuse séquence en train fut par ailleurs tournée en Angleterre, tout comme l’ensemble de la partie située en Allemagne. Pour l’anecdote, la station-service près de laquelle atterrit Bond à la fin du pré-générique fut construite à l’exact emplacement où fut érigé en son temps le Fort Knox de Goldfinger. Au niveau de la distribution, Maud Adams revient pour la deuxième fois dans la saga, afin d’interpréter Octopussy elle-même. Elle avait préalablement tenu l’un des deux rôles féminins majeurs de L’Homme au pistolet d’or. Robert Brown fait son entrée dans la peau de M, engagé sur les conseils de son ami Roger Moore. Enfin, est engagé Vijay Amritraj, un champion de tennis de l’époque, pour être le contact de 007 en Inde. Ce qui explique les quelques gags et allusions au tennis concernant ce sympathique personnage. Le tournage s’achève avant celui de Jamais plus jamais, et dans une bien meilleure ambiance. L’équipe est confiante, elle a de nouveau fait des miracles, le public devrait y être sensible. De son côté, Moore annonce qu’il devrait sans doute s’agir de son dernier James Bond. L’avenir lui donnera néanmoins tort.

----------

Que le cirque commence !



Octopussy est le James Bond conspué par excellence, minoré, mal aimé, sous-estimé jusque dans ses moindres recoins. En l’occurrence souvent comparé à Jamais plus jamais, le James Bond dissident sorti la même année (et signant l'éphémère retour de Sean Connery), Octopussy fait régulièrement figure d'aventure médiocre, bien inférieure à celle concoctée par Irvin Kershner. Et pourtant, rarement un jugement aura été aussi discutable et souvent injuste envers un film de la saga. Le film possède évidemment quelques défauts, à commencer par une poignée de gags importée de l'époque Moonraker et qui ne fait guère dans la subtilité. L’ensemble n'est pas toujours un modèle de rythme et les personnages sont régulièrement sacrifiés sur l'autel de l'écriture plate et éculée. Mais ce serait sans compter une narration fluide, une solide constitution en deux parties extrêmement différentes mais très complémentaires, une distribution classieuse, le retour d'un John Barry toujours aussi inspiré, l'adaptation à l'actualité cinématographique du moment tout en coupant l'herbe sous le pied de Steven Spielberg, et un Roger Moore vieillissant mais pimpant et définitivement heureux d'être là. On a pu gloser sur son âge, 56 ans, faisant de lui un Bond en pré-retraite, mais il s'agit de regarder les choses comme elles sont véritablement : Moore reste énergique, le visage un peu plus ridé qu'auparavant mais une fois de plus élégant, raffiné, gouailleur et convaincant. Il fait par-dessus le marché plus jeune qu'un Sean Connery âgé de 53 ans dans Jamais plus jamais. Il reste en tout état de cause un peu facile de s'acharner sur la star anglaise en oubliant que son adversaire et ami écossais semble davantage marqué par les efforts du temps. Question de physique et de corpulence peut-être, mais le procès intenté à l'un pourrait tout aussi bien être valable pour l'autre. Souvent doublé, Moore assure toutefois encore le maximum de plans possibles dans les séquences d'action (5), et semble combattre l'inéluctabilité du temps de toutes ses forces. Il y a quelque chose de fascinant dans cette lutte perdue d'avance, soutenue par un Broccoli visiblement inquiet à l'idée de changer de vedette, au point de laisser le très populaire James Bond actuel faire son temps jusqu'à la dernière minute envisageable. Si les choses seront plus critiquables sur Dangereusement vôtre, Octopussy propose encore une fois un Moore fringant et décidé à en découdre avec une rythmique qui le dépasse désormais presque. Le film en lui-même est par ailleurs excellent, l'un des sommets de la période Moore, n'en déplaise à ses nombreux dépréciateurs. Il occupe ainsi une confortable troisième place sur le podium de tête, derrière L'Espion qui m'aimait et Rien que pour vos yeux, certes supérieurs sur bien des points. Régulièrement habile, souvent brillant, Octopussy convoque la tradition bondienne et la mode contemporaine avec brio, cédant au cliché pittoresque avec bonheur (la vision colorée de l'Inde), invitant les sens à une fête sophistiquée parcourue d'éclairs clownesques bienvenus en dépit de l'idée reçue généralement dégagée à leur propos. Hommage appuyé au serial des années 1930, avec ses rebondissements improbables et ses airs de visite guidée fantasmée de la jungle et d'Udaipur, Octopussy n'en n'oublie pas pour autant de mentionner les silhouettes inquiétantes d'un cinéma d'aventure dépassé, ringard, mais chaleureux et largement évocateur dans la mémoire collective. Les tueurs de la nuit, armés de scies tranchantes, ne sortent-ils pas de l'eau dans une forme iconique comme sortaient de l'ombre les fameux Etrangleurs de Bombay de Terence Fisher ou les maléfiques hommes de main silencieux d'un Dr. Fu Manchu ? Mieux, Octopussy profite du regain d'intérêt pour le cinéma d'aventure que vient de provoquer l'immense triomphe commercial des Aventuriers de l'Arche perdue de Steven Spielberg pour mieux se le réapproprier, tout en préfigurant la suite des péripéties d'Indiana Jones. En effet, le palais de Kamal Khan renvoie clairement au palais de Pankot dans Indiana Jones et le temple maudit. Le repas chez Kamal Khan renvoie lui aussi au fameux repas dégoulinant et peu ragoutant du film de Spielberg. On y voit aussi un bestiaire fort présent et qui sera de nouveau aperçu chez le cinéaste américain : éléphants, crocodiles, serpents... Excepté que, si ce deuxième volet des aventures d'Indiana Jones représente une date capitale dans l'histoire du cinéma d'action et d'aventures de par son rythme infernal (statut qu'Octopussy n'occupe pas nécessairement), il s'avèrera postérieur d'une année à ce treizième opus bondien. Intéressant suiveur cependant jonché d'influences pour ses successeurs, 007 garde donc la primeur, et gageons que Spielberg saura y puiser une partie de sa matière. Il est grand temps d'entamer ce retour nécessaire sur un film débordant d'idées, visuellement léché et emballé par un John Glen performant.




Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Octopussy démarre sur des chapeaux de roue, grâce à un pré-générique parmi les plus fous et les plus réussis de la saga, tout au moins au sein de la période Moore. James Bond doit faire exploser un entrepôt de recherche à Cuba, déguisé en officier militaire. Fait prisonnier, il s'évade dans une séquence agréable, passant d'un véhicule à un autre et se débarrassant de ses ennemis sans les tuer. Ou comment l'empreinte Roger Moore familiale atteint un degré d'initiative rare, allant jusqu'à refuser de verser le sang à l'écran. Pourquoi pas, d'autant que cela s'inscrit discrètement dans l'optique du retour à l'importance du permis de tuer et de ses enjeux. (6) Bond s'enfuit ensuite en dévoilant un petit avion monoplace (7) sortant d'un camion à chevaux factice duquel, pensait-on, dépassait le derrière d'un cheval. Amusant, sans compter que toute l'action aérienne qui suit relève du miracle. Bien réalisée et fluide, la poursuite aérienne entre Bond et un missile guidé fonctionne du tonnerre, jusqu'à la traversée de l'avion au travers de l'entrepôt et l'explosion de celui-ci. Un modèle d'entrée en matière pyrotechnique à souhait et dominé par la bonne humeur, ouvrant sur un générique absolument superbe de Maurice Binder. La chanson de Rita Coolidge semble souhaiter retrouver un peu l'ambiance de Nobody does it better de Carly Simon, en scandant notamment un refrain concentré sur l'identité du personnage et la force de la saga. (8) Nobody does it better (ou « Personne ne le fait mieux ») trouve ici son écho dans All Time High (ou « Toujours en haut »). Une manière comme une autre d'annoncer à quel point Bond reste au faîte de sa gloire. C'est alors que débute une première partie placée donc sous le signe du serial américain, du film d'aventure exotique ancestral, de la tradition du cliché exotique et finalement du retour à une forme de divertissement anodin et ensoleillé proche de Dr. No. Le film stationne quelques minutes à Londres, notamment pour une vente aux enchères particulièrement réussie en terme de rebondissement diégétique (9), obligeant les méchants potentiels à dévoiler leur obstination, Bond à faire preuve de roublardise et l'intrigue à démarrer. Du grand art, avec un départ imminent pour l'Inde, et plus précisément pour Udaipur et ses alentours. L'arrivée en hélicoptère fait grand effet, piégeant quelques monuments et paysages importants de la culture indienne sur pellicule, soutenue par le génie musical de John Barry. L'enquête et la provocation bondienne habituelles peuvent commencer, laissant tout le loisir à notre agent secret préféré de promener son élégance dans le plus étonnant hôtel de la ville, les meilleures tables de jeux et les lieux touristiques obligés. Catalogue d'images effréné, Octopussy est aussi un festival de couleurs chaudes, souvent éclatantes, privilégiant rouges, roses, beiges et bleus avec un goût manifeste pour la stylisation visuelle dopée par une photographie au diapason. Si la formule bondienne est certes en mode totalement automatique, elle n'a paradoxalement jamais autant parue maîtrisée et habitée par une définitive envie de réadapter sa contenance aux lieux locaux. La confrontation entre Bond et Kamal Khan à une table de jeu est l'une des meilleures du genre, tout simplement parce qu'elle ne dévie pas une seule seconde du carcan habituel de provocation du méchant par 007, non sans ironie et assurance. Voir Bond utiliser les dés pipés de Khan en annonçant son résultat sans même le regarder apparaît totalement cocasse. Cette première partie permet à l'intrigue de s'installer et d'évoluer tranquillement, calmement, sans excès de vitesse. Tout n'y est qu'élégance, sophistication, raffinement, et surtout onctuosité. Douce, la mise en scène de John Glen délaisse la sécheresse et l'efficacité de Rien que pour vos yeux, et opte pour la fluidité poétique. Il suffit pour s’en convaincre d’apprécier le personnage de Magda quitter la chambre de Bond dans une sortie funambulesque d'une rare délicatesse chorégraphique. Sublime, un moment de grâce chaleureux et aérien, ambassadeur idéal pour décrire l'étonnante sensibilité plastique du film.




Le palais de Kamal Khan est ici l'un des joyaux architecturaux, une prison dorée où se croisent un 007 détendu, un ennemi trop séduisant pour être honnête, un homme de main brutal et sans limites, et un général soviétique devenu fou dangereux. Entre un repas aux relents immangeables burlesques et une fuite pittoresque à travers la jungle aux allures de visite guidée, le scénario prend ses aises, grâce à des fils complexifiés, mais sans complication inutile. Simple au demeurant, le récit va de fait trahir son imprécise direction première pour la juguler vers quelque chose de terrible dans la deuxième partie, et mettant en jeu des millions de vies humaines. Puis 007 rencontrera enfin Octopussy, la Bond girl en titre, interprétée par la séduisante Maud Adams qui effectue ici son grand retour. Cette femme mystérieuse, propriétaire d'un cirque et d'une vaste organisation voleuse à échelle mondiale, est en réalité la partenaire de Kamal Khan, autant que son contraire sentimental puisqu'elle l'empêche de s'attaquer à Bond par la suite. Voici donc une galerie de personnages antagonistes astucieusement mêlés, impliquant l'agent secret dans une série de face-à-face structurellement différents de ceux habituellement entretenus dans la franchise, car moins frontaux de prime abord. Grotesques, les scènes de bravoure en Inde ne font qu’amonceler les débordements bien connus de la période Moore : une poursuite en taxis indiens durant laquelle se déroule une improbable partie de tennis improvisée, des bagarres et une arrivée triomphale dans les locaux délocalisés de Q. Bond traverse cette véritable foire en monsieur Loyal inventif et distrait, multipliant les numéros de magie (faussement transpercé par une lame, sortant une épée de la gorge d'un quidam...) et participant à des tours bouffons, entouré d'animaux du cirque. Jusque dans la jungle où se déroule une chasse donnée par Kamal Khan afin de tuer 007, celui-ci est entouré par le bestiaire naturel peuplant les lieux : les éléphants, les serpents, les tigres, les araignées, les crocodiles, les sangsues... Il triomphe de tout et de tout le monde tel l'increvable Tintin d'Hergé, saute d'arbres en arbres à la manière de Tarzan (10) - soit dit en passant l'un des plus mauvais et fâcheux gags de toute la saga -, et réintègre la civilisation au détour d'une branche écartée dévoilant la liberté. Régulièrement prégnante, la présence du cirque reste, depuis Les Diamants sont éternels et dans une bien moindre mesure L'Homme au pistolet d'or, une constante de la saga. Mais c'est Octopussy qui donnera ses lettres de noblesse à ce motif, puisqu'il en occupe dès lors l'entièreté du film. Plus qu'un terrain de jeux, Octopussy est en réalité le cirque grandeur nature de James Bond, son chapiteau le plus déployé, bien devant les débordements des Diamants sont éternels et de L'Espion qui m'aimait, tout en restant bien plus maîtrisé et enthousiasmant que Moonraker. Ce nouvel épisode fonctionne sur le fil du rasoir, prêt à encourager le ridicule à la moindre faute d'inattention. Forçant le trait, le film se perd parfois au creux de virages incontrôlés, de l'imitation de Tarzan au déguisement en gorille dans un wagon de train en Allemagne par la suite. Cependant sous haute surveillance, Octopussy réussit l'exploit de tenir admirablement sa conduite sur la distance, trouvant sa raison d'être dans l'humour et la dérision, mais sans jamais y sacrifier l'intrigue ni son suspense. Là où certains n'y verront que folie destructrice d'une identité bondienne ridiculisée, d'autres pourront y voir l'accession suprême à des hauteurs clownesques estimables car participant d'un rythme global, et qui ne seront jamais ré-envisagées par la suite sous cet angle-là. Clownesque est bien le terme qui convient à Octopussy, dépassé par le cirque itinérant de son héroïne en titre, contaminé par ses couleurs et son entrain, sa pesanteur et son continuel tour de piste insensé.




A la langueur mesurée de la première heure répondra la frénésie de la seconde. Située en Allemagne durant la partie suivante, l'intrigue ne délaisse en rien le grotesque des situations, mais les enrobe d'une enveloppe différente. Plus froide, graphiquement plus sobre et réaliste, extrêmement soignée dans ses cadrages et sa photographie, cette direction artistique différente démontre une meilleure aise de John Glen et tranche énormément avec la première partie. Il ne s'agira dès lors que d'une longue course poursuite mêlant Bond, Octopussy, Kamal Khan, le général Orlov, l'armée soviétique, l'armée américaine, la police allemande et un cirque rempli de clowns et d'animaux dressés. La sensation de vitesse est solidement entretenue au travers d'un habile suspense entretenu par de nombreux rebondissements, d'incroyables péripéties et une fuite en avant ayant pour objectif de désamorcer la bombe nucléaire qui menace toute une population à son insu. Il faut dire que le scénario est dans l’ensemble très bien écrit, débutant par la mort d'un agent secret, puis continuant sur une affaire de vol d’œufs de Fabergé et du Trésor des Tsars, pour enfin déboucher sur l'objectif d'un désarmement unilatéral en Europe afin de permettre aux soviétiques d'envahir l’Ouest. Plus complexe que le scénario de Rien que pour vos yeux, celui d'Octopussy en partage cependant le retour à des questions plus terre-à-terre et actuelles en 1983 (le désarmement nucléaire). Thématiquement plus consistant que le précédent, ce nouvel épisode n'en reste pas moins inférieur à lui, tout en proposant quelques personnages un peu plus riches et développés. Le concept éphémère de crédibilité exposé par Rien que pour vos yeux est en partie repris en ces lieux, toutefois mélangé au concept de grandeur homérique appartenant à la fin des années 1970. On en retrouve la saveur épique, volontairement mise de côté par Rien que pour vos yeux, une propension au gigantisme (le palais de Kamal Khan, les palaces luxueux, les scènes d'action s'étirant sur des centaines de kilomètres...) et un appel au divertissement bondien débarrassé des codes du film d'espionnage. On peut dire qu'Octopussy est à la fois la continuation et le contraire de Rien que pour vos yeux, une subtile bizarrerie qui en dit long sur la volonté absolue des producteurs de ne pas reprendre des motifs à la lettre, ni de les éliminer du paysage de la saga. Passionnante, l'entière partie en Allemagne permet à Bond de passer d'un bout à l'autre du Rideau de fer, de ré-inclure son identité au cœur même de ses fondements (la Guerre Froide entre deux superpuissances, matérialisée par le Rideau de fer en Europe, et plus particulièrement en Allemagne), tout en offrant un florilège de scènes d'action outrancières et superbement réalisées. Bagarres innombrables, gunfights efficaces entre Bond (11) et les hommes d'Orlov, voiture roulant sur des rails et allant à la rencontre d'un train, impacts de véhicules, poursuites sur la toiture d'un train, chassé-croisé de voitures de police aux trousses de 007, humour des situations voyant Bond faire un bras d'honneur à des jeunes et se faire offrir de la saucisse par un couple qui l'a pris en stop... L'équation "moorienne" s'avère rutilante et pleinement employée, grâce à une véritable cohésion des domaines artistiques fondant cette deuxième partie en un tout téméraire parmi les meilleurs moments de la saga sous l'ère Moore. Absolument superbe, jusqu'à ce dénouement clownesque au centre du cirque d'Octopussy, souvent étrillé par les détracteurs du film mais en réalité superbement édifié. Roger Moore s'y déguise certes en clown, mais ne fait presque jamais rire. Tendue, la séquence en question est fabuleusement soutenue par la musique de Barry, laissant voir l'inquiétude d'un public sous le choc, le fatras des gens du cirque autour de Bond et l'attitude de Moore, sérieuse, concernée par l'horrible destin potentiel de la population autour de lui. Un surprenant moment de suspense qui, à l'inverse de ce que cela pouvait présager de douteux sur le papier, contribue à solidariser un ensemble la plupart du temps exemplaire. Il s'agit de la première fois où 007 doit sauver des populations alors même qu'elles apparaissent dans le cadre de la caméra. Bond sauve des gens qui, cette fois-ci, ne sont pas à des milliers de kilomètres de lui, mais seulement à quelques mètres. La performance de Moore dans cette séquence se doit en outre d'être soulignée pour son intégrité vis-à-vis du scénario et non pour une avalanche de gags qui, heureusement ici, brillent par leur absence.




Octopussy est enfin peuplé de personnages intéressants, démesurés eux aussi, en accord constant avec l'ensemble artistique du film. Pour la première fois, c'est un personnage féminin qui donne son nom au titre, Octopussy, symboliquement vue comme l'actualisation de la déesse Kali avec ses bras multiples, tentaculaires, prête à fondre sur sa proie. Octopussy, c'est l'organisation féminine uniquement régie par des idéaux féministes, la meneuse d'un ordre nouveau où chaque femme occupe une place particulière et un rôle important. Athlètes, intelligentes, sensuelles, libérées du joug phallocrate de notre monde, les femmes gravitant autour d'Octopussy sont des amazones en rupture avec le monde extérieur, habitant sur leur petite île palace, tournées vers le monde de l'enfance (leur implication dans un cirque itinérant) et donc de l'émerveillement. Une société criminelle non-violente, solide et noble en son sein. Troublée par la disparition de son père, tué par les services secrets britanniques, Octopussy reconnaît en Bond l'homme qui fut jadis chargé de l'exécuter. Mais elle n'éprouve envers lui qu'un profond respect et une sensible affection. En effet, Bond avait en réalité permis à son père de se suicider, et donc de partir sur une mort honorable. Dès le départ s'installe entre les deux êtres une véritable douceur, même si de tangibles effets d'ego se font ressentir. Ni elle ni lui ne désirent s'assujettir aux désirs de l'autre, pas plus que de rejoindre sa vision du monde. Ils sont pareils et opposés à la fois, éternellement situés dans ce Janus irréconciliable. Dans une dernière ligne droite surplombant les deux parties principales du film, elle reviendra avec ses subordonnées pour rattraper l'infâme Kamal Khan, son odieux partenaire qui l'a doublée. L'attaque du château ressemble une fois encore à une succession de numéros de cirque fantasmagoriques. Les trapèzes semblent se fixer naturellement dans les airs, les éléphants accompagner ces charmantes créatures féminines avec douceur, l'assaut se passer dans un silence presque assourdissant. Une belle occasion de mesurer encore l'impact esthétique irréaliste et voluptueux du film, de même que l'ensemble de la « ruche » soulevant une perche sur laquelle est juchée Octopussy afin d'atteindre une fenêtre. Prise au piège, elle doit néanmoins son salut à 007 qui donnera l'assaut à son tour, d'une façon bien plus grotesque et remarquée. Descendu du ciel dans un ballon dirigeable en compagnie de Q, le dit ballon arborant fièrement les couleurs de l'Union Jack (12), Bond enfonce les fenêtres du palais et affronte ses ennemis dans une redoutable succession de scènes efficaces, dont la plus notable demeure une glissade à califourchon sur la rampe de l'escalier principal tout en tirant sur ses ennemis à l'aide d'un fusil mitrailleur. Superbe, et drôle, quand il tire sur l'obstacle fièrement dressé au-devant de ses attributs virils afin de l’éviter. Une poursuite à cheval plus tard, Bond doit s'accrocher au petit avion que Kamal Khan fait décoller avec la belle à son bord. On sait bien entendu à quel point la saga est devenue une référence en matière de cascades, et notamment de cascades aériennes, mais le face à face entre Bond et Gobinda (l'homme de main de Khan) vaut à lui seul la vision de cette dernière partie, ne serait-ce que pour les prouesses physiques incroyables dont les cascadeurs nous régalent encore. Ou comment faire de la fin d'Octopussy cet éternel modèle féérique de chevalier allant sauver sa princesse des griffes du prince noir.




Parmi les proches d'Octopussy, le plus notable est sans aucun doute le très belle Magda, séductrice avisée ainsi qu'agent de confiance de sa supérieure et amie. Elle saura s'emparer de l'œuf de Fabergé détenu par Bond dans sa chambre d'hôtel. D'abord pressentie pour être une adversaire, elle apparaît tout comme Octopussy et les autres femmes de sa condition comme la victime de la traitrise de Kamal Khan. Ce dernier est par ailleurs l'un des meilleurs méchants de l'époque Roger Moore, tout simplement parce qu'il affûte son style avec une grande finesse. On a pu railler l'interprétation de Louis Jourdan, dont la teneur dramatique n'a guère été jugée subtile. Malgré tout, voici un exemple frappant de l'investissement personnel d'un acteur dans la peau de son personnage qui fait honneur à la saga. Si Kamal Khan est aussi séduisant, calme, autoritaire et succulent, il le doit énormément à la personnalité délicate de son interprète. Bien plus mémorable que l'excellent mais très discret méchant de Rien que pour vos yeux, Khan est le traître intelligent, l'esthète protéiforme (amateur de belles choses, consommateur de repas discutables). Avec lui, la définition du « beau » prend une autre forme, entre tradition et modernité. Adepte de la chasse, il n'est pas sans faire penser au terrible mais éduqué comte Zaroff du film d'Ernest B. Shoedsack en 1932, Les Chasses du comte Zaroff. Louis Jourdan domine sa prestation, suave, distingué, toujours agréable à suivre : le type même du méchant que l'on adore détester. Une belle performance, secondée par Kabir Bedi dans le rôle de Gobinda, le bras droit fort comme Hercule, dans la droite lignée d'Oddjob le Coréen (Goldfinger), Tee-Hee (Vivre et laisser mourir) ou encore Jaws (L'Espion qui m'aimait, Moonraker). Rigide, et réduisant en poussières une paire de dés comme Oddjob le faisait avec une balle de golf. La filiation est évidente, et même totalement assumée, pour ce personnage efficace qui n'a de cesse de vouloir tuer Bond. Reste les jumeaux lanceurs de couteaux. Silhouettes sans profondeur, ils sont des tueurs redoutables et redoutés, lançant leurs lames sur l'ennemi avec une grande précision. Rois du cirque, tueurs de l'ombre, c'est eux qui assassinent l'agent 009 en début de récit. Si le premier est tué par Bond sans trop de difficultés, le second se défend beaucoup plus et le poursuit jusque dans une cabane, alors que les deux hommes sont tombés du train. Le James Bond de Roger Moore endosse alors un tempérament inattendu lors de cette courte scène, quand il se sert de l'un des couteaux de son adversaire pour le réduire au silence. Au jumeau lui disant qu'il va lui donner le coup fatal pour venger son frère, Bond l'évite et le tue en répliquant qu'il le fait pour 009. Le visage énervé de Moore fait partie de ces quelques instants où la personnalité sérieuse de l'acteur est rappelée. Ce qui n'en rend ce genre de moments que plus précieux, à la manière du coup de pied donné sur la voiture de Locque au-dessus du précipice dans Rien que pour vos yeux. Enfin, le général Orlov, dissident soviétique décidé à en finir avec la Détente Est/Ouest, incarne l'agitateur, le méchant donné en pâture aux détracteurs du régime communiste. Steven Berkoff (13) lui offre une stature décomplexée, totalement absurde et magistrale dans le cabotinage. Vivant son rôle jusqu'à la pointe des nerfs, Berkoff fait merveille, même s'il en agacera forcément certain(e)s. Névropathe au bout du rouleau, Orlov ne rêve que de guerre et de profit personnel, désirant redonner son profond rayonnement à son pays. Il a pour adversaire le général Gogol, toujours chef des services secrets soviétiques, et bien plus concerné par de francs idéaux de paix. Gogol est un personnage récurrent qui apparaît dans tous les James Bond depuis L'Espion qui m'aimait, mais c'est bien dans Octopussy que perce enfin l'humaniste responsable. D'ordinaire sympathique, quoique borné et forcément opposé aux Anglais (en dépit d'une collaboration ponctuelle), il donne ici à voir une autre facette de sa personnalité bonhomme. Il incarne l'URSS progressiste, tandis qu'Orlov incarne une URSS nostalgique d'un temps de terreur et de guerre victorieuse.




La famille bondienne est de nouveau au grand complet autour de notre héros. M est revenu, mais sous un autre visage. C'est désormais Robert Brown qui lui donne vie. (14) Moins charismatique que ne l'était Bernard Lee, il ne restera pas dans les annales de la franchise, éclipsé par son successeur féminin dans les années 1990. Mais son jeu austère et réservé lui vaut notre profond respect, car nous offrant un M très convaincant. Desmond Llewelyn participe un peu plus à l'action dans la peau de l'inaltérable Q. Il se paye le luxe d'aller jusqu'à sauver des demoiselles en détresse en abattant le ballon dirigeable sur la tête de leur agresseur. Mignon, drôle, et surtout vieillissant, Q continue néanmoins de réprimander Bond lorsqu'il abime le matériel. Les gadgets sont ici assez discrets, empêchant Bond de retomber dans les délires technologiques de la fin des années 1970. Quant à Lois Maxwell dans le rôle de Miss Moneypenny, elle semble poussée vers la sortie. (15) Alors qu'elle forme une jeune et séduisante jeune femme, il est clairement prévu de la faire partir à la retraire très prochainement. Il y a longtemps que ne transparait plus aucune tentative de séduction entre Bond et Moneypenny. Ce sont juste deux vieux amis qui se chamaillent amicalement, courtoisement, dans un profond respect mutuel. Quant à Vijay, l’agent établi en Inde, il demeure l’un des personnages les plus sympathiques de la saga toute entière, et sa mort était bien entendu assez prévisible. Pour finir, louons une nouvelle fois le travail de John Barry pour la musique du film, véritable tour de force refusant de suggérer l'humour, à l'instar de ses compositions pour Moonraker. Souvent grave ou bien doucereuse, la musique épouse les scènes clés avec maestria. Les thèmes d'action sont superbes et pourtant très calmes, posés, réfléchis. Il ne subsiste rien dans cet ensemble orchestral qui ne soit pas dédié au bon goût et à la poésie actantielle. La réussite du film lui doit encore énormément, s'agissant ici peut-être pour Barry de son premier chef-d'œuvre depuis Les Diamants sont éternels.




Octopussy est un James Bond qu'il faut impérativement prendre le temps de redécouvrir, loin des clichés qui l'ont durement attaqué toutes ces années. Emmené par un Roger Moore toujours alerte, le film est un délice structurel, bâti sur deux parties principales aussi divergentes que complémentaires. Plus doux que le précédent épisode, il n'en reste pas moins accompagné de superbes séquences de bravoure. Et malgré ses rares défauts bien trop voyants pour ne pas être soulignés, il incarne une certaine idée du divertissement bondien abouti, méticuleusement préparé, et surtout bien plus intrépide et jubilatoire que le très quelconque Jamais plus jamais sorti la même année. Une valeur sûre pour occuper une soirée seul(e), en couple ou en famille, grâce à un dépaysement garanti. On peut seulement se demander dans quelle direction va pouvoir se diriger James Bond après ce film, sorte d'impasse stratégique de laquelle il faudra bien sortir très prochainement.

----------

Promotion, sortie, réception : Bond en chiffres et en dollars

La sortie d’Octopussy est préparée dans l’anxiété. Le James Bond concurrent, Jamais plus jamais, peut faire du tort à la nouvelle production d’Eon. Le retour de Sean Connery fait sensation dans la presse, et le public semble intéressé. Plus que jamais, les affiches d’Octopussy défendent l’idée d’un James Bond coloré, bourré d’action et dominé par Roger Moore, ce dernier étant présenté comme le vrai 007. On y voit Bond dans les multiples bras d’Octopussy qui, telle Kali, tient les éléments de sa légende : ici, un œuf de Fabergé, une coupe représentant l’éternel vodka-martini et un poignard menaçant. L’une de ses mains caresse le pistolet de Bond nanti d’un silencieux afin de renforcer le symbole phallique. Tout autour surgissent des femmes exotiques en tenues légères, un train à grande vitesse, des explosions, le petit avion monoplace du pré-générique ou bien celui sur lequel Bond et Gobinda se battent dans les dernières minutes du film... On nous promet une grande aventure de James Bond, située quelque part entre Indiana Jones et le film d’action américain moderne. Les bandes-annonces rugissent bientôt sur les écrans, il s’agit de défendre les couleurs de la franchise originale contre l’offensive de la copie avec Connery. Pour sa treizième aventure officielle, 007 doit donc affronter le plus grand danger de toute son histoire, son propre reflet. Les codes sont renforcés, et l’identité habituelle scandée par tous les moyens. La presse parle malicieusement de la guerre des Bond et commence à faire des pronostics. Le chiffre 13 porterait-il malheur à Bond ? Octopussy obtient de pouvoir sortir sur les écrans avant son adversaire, afin que les deux films ne se rencontrent pas directement.

L’Angleterre ouvre les festivités le 6 juin 1983, le succès est immédiat. Les USA accueillent ensuite ce nouveau film avec un plaisir visible le 10 juin, environ quatre mois avant la sortie de Jamais plus jamais. Commercialement plus vigoureux aux USA que Rien que pour vos yeux, Octopussy obtient la 6ème place au box-office annuel (trois places de mieux que pour le précédent film) et la somme impressionnante de 67,8 millions de dollars. L’effet Indiana Jones a semble-t-il fonctionné. Le film sera à nouveau battu par le phénomène Star Wars (Le Retour du Jedi, 1er), Flashdance (3ème) ou encore WarGames (5ème), mais surpassera facilement Jamais plus jamais (14ème). En Allemagne, Octopussy sort le 5 août et y entame sa suprématie commerciale attendue. Il engrange 4 324 692 entrées, soit près de 500 000 entrées de moins que Rien que pour vos yeux et près de 1 000 000 d’entrées de moins que Moonraker. L’érosion du succès est palpable depuis la fin des années 1970, mais absolument pas inquiétante : le phénomène est normal, confronté aux nombreuses productions américaines envahissant désormais les écrans du monde entier, et heureusement maîtrisé. Octopussy s’octroie la 3ème place de l’année sur le territoire allemand, à quelques encablures du Retour du Jedi (1er) et de Tootsie (2ème). Le triomphe reste exceptionnel. En outre, Jamais plus jamais ne sortira qu’au tout début de l’année 1984 en Allemagne, n’affrontant donc pas du tout la production Eon et faisant près de 750 000 entrées de moins que cette dernière. La France accueille Octopussy le 5 octobre, cette fois-ci à peine deux mois avant Jamais plus jamais. Les deux films devraient donc dans cette optique se confronter davantage. Malgré une concurrence extrêmement forte, Octopussy tient bon et termine sa course à 2 944 481 entrées, soit à un tout petit peu plus de 50 000 spectateurs à peine de la barre mythique des 3 000 000 d’entrées. A cela plusieurs raisons : une concurrence multiple et très rude imposée par un calendrier de sorties plein à craquer, et dans une bien moindre mesure la présence de Jamais plus jamais. Cette année-là, Octopussy doit en effet affronter Les Dieux sont tombés sur la tête de Jamie Uys (1er), L’Eté meurtrier de Jean Becker (2ème), Le Marginal de Jacques Deray (avec le poids lourd commercial Jean-Paul Belmondo, 3ème), Les Compères de Francis Veber (4ème), Le Retour du Jedi de Richard Marquand (5ème), Flashdance d’Adrian Lyne (6ème), Papy fait de la résistance (7ème), mais aussi Tootsie de Sydney Pollack (8ème), Tchao pantin de Claude Berri (avec un Coluche en pleine gloire, 9ème), Banzaï de Claude Zidi (toujours avec Coluche, 10ème) et Le Ruffian de José Giovanni (11ème). Le nouveau cinéma d’action incarné par Sylvester Stallone fait également des ravages, avec Rocky III (réalisé par l’acteur, 12ème) et Rambo de Ted Kotcheff (13ème). Ces deux films permettent à la star américaine de faire un peu plus de 6 000 000 d’entrées en à peine deux films (ces deux productions étant par contre sorties durant l’année 1982 aux USA). Effarant ! Face à tout cela, Octopussy montre un James Bond vieillissant (quoique très énergique) et une formule de plus de vingt ans d’âge. Le film a beau moderniser tout ce qu’il tente, il n’en reste pas moins confronté à un impact hollywoodien désormais sévère. Jamais plus jamais fera environ 360 000 entrées de moins, mais entamera quelque peu son parc de spectateurs, même si l’effet est sans aucun doute limité. Bloqué à la 14ème place (soit sept places de moins que son prédécesseur), Octopussy fait sortir Bond du top 10 hexagonal pour la première fois depuis L’Homme au pistolet d’or. Rassurons-nous, le film demeure un très grand succès, avec finalement à peine moins de 240 000 entrées que Rien que pour vos yeux. Le coup de semonce est sans pitié, mais Bond garde presque intact son pouvoir de séduction. Au niveau mondial, le film reste l’un des dix plus gros succès de l’année, avec un box-office total de 187,5 millions de dollars. (16) C’est environ 15 millions de moins que pour la cuvée 81, faisant repasser la franchise en-dessous de la barre des 200 millions, mais cela reste cependant gigantesque. D’autant que le film bat sans peine Jamais plus jamais, très gros succès mais stoppé à 160 millions de dollars sur la planète. Tout va plus que bien, mais Broccoli va rapidement devoir tout faire afin de rafraichir la franchise, sous peine de voir Bond péricliter de façon plus démonstrative prochainement.

----------

(1) En 1977, allongés sur une plage et profitant du succès colossal de leurs films respectifs, Rencontres du troisième type et Star Wars, Steven Spielberg et George Lucas envisageaient ensemble un projet futur : Indiana Jones. Spielberg lui rapportant qu’il adorerait réaliser un James Bond, Lucas lui propose l’histoire d’un archéologue aventurier parcourant le monde à la recherche d’une relique sacrée. L’idée plait tout de suite à Spielberg. Dans ses mémoires, My Word is my Bond (Amicalement vôtre étant son titre français), Roger Moore raconte qu’il avait croisé Spielberg peu après le tournage de Moonraker, et que celui-ci lui avait fait part de sa grande envie de réaliser un film de la franchise. Moore était allé en parler à Broccoli qui l’avait immédiatement stoppé dans son enthousiasme, arguant que Spielberg demandait bien trop cher. Spielberg et Broccoli ont cependant glissé des clins d’œil croisés dans leurs travaux respectifs. Ainsi peut-on entendre le thème de Rencontres du troisième type dans Moonraker ou encore le thème bondien dans Les Goonies, une production Spielberg réalisée par Richard Donner en 1985.

(2) James Brolin avait passé des tests pour obtenir le rôle de James Bond. Broccoli avait même pris le temps de le connaître l’espace de quelques jours et de le familiariser avec son style de vie amical et chatoyant. Le rôle allait vraisemblablement lui revenir. Mais la réapparition de Moore sur le projet en a décidé autrement. Brolin n’en garde, semble-t-il, que de bons souvenirs.

(3) Voir la chronique de L’Espion qui m’aimait.

(4) La totalité des données financières présentes sur cette page est tirée des sources officielles de la MGM et de la United Artists.

(5) Selon Roger Moore, les séquences d’action qu’il fallait compléter en studio étaient parfois exténuantes, lui faisant affirmer qu’une condition physique optimale était tout à fait nécessaire pour interpréter le rôle. Rappelons que si le cascadeur prend effectivement la grande majorité des risques les plus importants, les acteurs doivent cependant en restituer l’énergie dans des scènes et plans raccords tournés en studio, ce qui demande en général aux participants une certaine énergie.

(6) Voir la chronique de Rien que pour vos yeux.

(7) Cette séquence aérienne présente dans le pré-générique du film était à l’origine prévue pour apparaître dans Moonraker.

(8) Pour chacun des films de la franchise, la chanson tourne autour de la personnalité de James Bond, bien souvent de façon symbolique. Certaines de ces chansons ont vu leur titre devenir un slogan célèbre sur les affiches du film concerné, comme ce fut le cas pour L’Espion qui m’aimait ou Octopussy.

(9) Dans la séquence précédant la vente aux enchères, durant laquelle sera vendu un œuf de Fabergé, 007 pose l’œuf récupéré sur le corps de 009 à côté d’un livre ouvert à la page indiquant le chapitre The Property of a Lady. Il s’agit en réalité du titre original de la nouvelle d’Ian Fleming ayant servi de base au scénario d’Octopussy.

(10) Le cri de Tarzan utilisé dans Octopussy provient des films de la MGM ayant mis en scène ce personnage dans les années 1930 et 1940, et avec pour vedette l’ancien champion olympique de natation Johnny Weissmuller.

(11) James Bond utilise exceptionnellement ici le nouveau pistolet de la gamme Walther conçu à l’époque : le Walther P5. Censé moderniser l’arme de 007, ce modèle ne reviendra pas dans les films suivants et fera de nouveau place au Walther PPK classique. Curieusement, le Walther P5 est également l’arme utilisée par le James Bond de Sean Connery dans Jamais plus jamais la même année.

(12) Le drapeau britannique (ou l’Union Jack) arboré par Bond apparait dans L’Espion qui m’aimait (le parachute de 007), dans Octopussy (le ballon dirigeable de 007 et Q) et dans Dangereusement vôtre (le sas d’ouverture du mini sous-marin en Sibérie). Cela coïncide avec la période où l’image de Bond a commencé à devenir un véritable instrument patriotique pour l’Angleterre. C’était déjà le cas auparavant, mais avec le temps et en face d’une industrie cinématographique ultra-américanisée et toute-puissante, l’agent secret est non seulement devenu un ambassadeur culturel proéminent et reconnu pour le pays, mais aussi le premier symbole d’un cinéma anglais chancelant mais encore présent.

(13) Steven Berkoff jouera également l’officier soviétique sadique dans Rambo II, la mission de George Pan Cosmatos en 1985, avec Sylvester Stallone. Il faut croire que ce rôle de fou dangereux lui a collé à la peau durant quelques années.

(14) Robert Brown interprètera M dans Octopussy, Dangereusement vôtre, Tuer n’est pas jouer et Permis de tuer. Remplacé par l’actrice Judi Dench dès Goldeneye en 1995, Robert Brown restera donc à jamais le M des années 1980.

(15) Loïs Maxwell fera encore un James Bond, Dangereusement vôtre en 1985. Par la suite, trop âgée pour incarner la Miss Moneypenny de la période Timothy Dalton, elle s’éclipsera, laissant derrière elle toute une époque désormais révolue.

(16) En dollars constants, c'est-à-dire en recalculant le box-office du film au cours du dollar de l'année 2012, le film aurait rapporté 426,71 millions de dollars, soit autant qu'un blockbuster actuel. Calcul effectué par le Cost of living calculator de l'American Institute for Economic Research.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Lisez l'éditorial consacré au 50ème anniversaire de James Bond

Par Julien Léonard - le 25 janvier 2013