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Critique de film
Le film
Affiche du film

Opération Tonnerre

(Thunderball)

L'histoire

L'organisation criminelle SPECTRE détourne un avion de l'OTAN transportant deux bombes atomiques et réclame une rançon au gouvernement britannique. L'agent secret James Bond est envoyé aux Bahamas à la recherche de Domino, la soeur du commandant Derval, qui pilotait le Vulcan. Celui-ci a en fait été tué et remplacé par un sosie. 007 découvre que l'instigateur de l'opération est un dénommé Emilio Largo, un homme riche et cruel, passionné par les requins...

Analyse et critique


All that Bond !

Goldfinger occupe les écrans du monde entier. Personne n’a jamais vu ça, le film dépasse tous les records et fait rêver le monde. Les producteurs sont enchantés, leur formule vaut de l’or et s’affirme en fer de lance d’une nouvelle idée du cinéma de divertissement populaire. A l’époque, James Bond incarne l’aventure suprême, sans égal, sans adversaire à sa taille. Au milieu des années 1960, les ersatz se multiplient, en France (la série des OSS 117, ou bien les Fantômas qui en utilisent la folie, tous réalisés par André Hunebelle) comme en Angleterre (The Liquidator de Jack Cardiff). Mais pas un seul n’arrive à la cheville de la formule 007 telle qu’elle est préparée et présentée par le tandem Broccoli/Saltzman. Leur recette est unique, et il semble que personne ne parvienne à en reproduire le goût ni les sensations. Ainsi, tout de suite après la fin du tournage de Goldfinger, un nouvel épisode est rapidement mis en chantier. Respectant avec fougue le rythme d’un opus par an, la saga ne tient pas à laisser le public respirer, d’autant que le plus impressionnant reste à venir. Quelque peu effrayé par la tournure que prennent les choses, Sean Connery s’inquiète : son image est sans cesse associée à James Bond, et il ne parvient pas à s’imposer auprès du public en dehors de ce rôle, malgré des films de grande qualité. (1) De plus, il se sent financièrement floué et juge qu’on ne le paye pas à sa juste valeur. Son salaire sur Goldfinger était de 500 000 dollars (auquel il faut ajouter 5% sur le box-office total obtenu aux USA), ce qui est fort peu au vu de la somme phénoménale que le film a rapportée, non seulement aux USA mais aussi partout ailleurs. Opération Tonnerre ne lui octroiera pas non plus la somme qu’il juge souhaitable. Son salaire sera de 600 000 dollars et 25% sur le merchandising mondial (2), ce qu’il estimera insuffisant quand il verra les résultats époustouflants du film, du jamais vu à l’époque. Mais il reste sous contrat jusqu’à preuve du contraire, et ne peut ignorer le fait que James Bond lui permette de tourner ce qu’il désire à côté. Les choses ne vont donc pas si mal, même si la tension est désormais palpable.

A la fin de Goldfinger il était inscrit que James Bond reviendrait dans Au service secret de Sa Majesté. Or, la saison ne permettant pas de tourner en Suisse (à cause de conditions météorologiques trop douces), le projet est déplacé sur Opération Tonnerre. Détenus par Kevin McClory, les droits d’adaptation doivent donc passer par lui. Il sera producteur du film, aux côtés de Broccoli et Saltzman. Néanmoins, les deux hommes obtiendront devant un tribunal l’interdiction pour McClory de produire un remake dans les dix années qui suivront la sortie du film. (3) Richard Maibaum prépare une fois de plus le scénario, en collaboration avec John Hopkins et Jack Whittingham. (4) Doit en résulter une aventure plus démentielle encore que celle de Goldfinger, avec plus d’exotisme, de femmes et d’action. Si Goldfinger n’entretenait que l’illusion d’un blockbuster, grâce à son confortable budget, Opération Tonnerre a enfin droit à une enveloppe très importante : 5,6 millions de dollars. (5) Parfait, si l’on considère que le film va poser des problèmes logistiques encore inédits, mettant en scène de stupéfiantes séquences sous-marines. Lamar Boren (6) est en outre engagé sur le film pour filmer ces fameuses scènes de bravoure demandant une préparation gigantesque. Le tournage débuta le 16 février 1965 et s’étendit sur 18 semaines, de la France aux Bahamas en passant par les studios de Pinewood. Tandis que John Stears (7) fut attaché à la création des effets spéciaux, Ken Adam créa de nombreux décors pour le film ainsi que des engins ultra-modernes. Il s’occupa du fameux bateau nommé Disco Volante, un vieil hydroglisseur récupéré et rénové puis attaché à un cocon de 50 pieds entièrement créé de toutes pièces (avec son intérieur et ses armements). Le coût total de l’opération s’éleva à 500 000 dollars. Adam créa également les équipements sous-marins observés dans le film, tels que le réceptacle motorisé pour les deux bombes atomiques. En outre, des ingénieurs ont pu travailler autour d’un nouveau concept de gadget : le propulseur aérien utilisé dans le pré-générique. Enfin, le tournage de la célèbre bataille sous-marine présente à la fin du film ne dura pas moins de six jours (8), a employé soixante plongeurs et utilisé 60 000 dollars de matériel. Le film est achevé le 9 juillet 1965.

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Toujours plus loin, plus haut, plus fort


Autant avouer immédiatement que la formule James Bond aura rarement été aussi enthousiasmante, ensoleillée, rythmée et disons-le, parfaite. Tout autant que Goldfinger, mais peut-être encore plus démonstratif, Opération Tonnerre assoit définitivement la popularité du héros. Il devient à la fois auprès du public un objet de société marquant du 20ème siècle et une franchise "d’entertainment" infaillible dont les codes sont aussi nombreux qu’exaltants. En l’occurrence, ce nouvel opus compile l’exotisme de Dr. No, la sécheresse de Bons baisers de Russie et la fantaisie de Goldfinger en un tout particulièrement audacieux visuellement parlant et foisonnant d’idées toutes plus amusantes les unes que les autres. Le pré-générique donne le ton, respectant la formule désormais établie qui veut que cette entrée en matière soit rapide, détonante d’action et totalement invraisemblable. Un enterrement, une messe, des initiales : JB. L’espace d’une seconde, le spectateur s’interroge : Bond serait-il mort ? Evidemment, non. Il s’agit en réalité des funérailles du colonel Jacques Bouvard, agent du SPECTRE. Mais voilà une ouverture cocasse durant laquelle la jeune demoiselle accompagnant James Bond soulignera la confusion première : « Il avait les mêmes initiales que vous. » La saga commence dès lors à jouer avec l’image invincible de son héros. Car si la mort fait partie de son univers, Bond est si invulnérable qu’il peut se permettre quelques plaisanteries à ce sujet. L’épisode suivant, On ne vit que deux fois, ira bien plus loin encore dans ce macabre canular. Au fond, dans un James Bond, l’invulnérabilité d’un personnage confronté à un danger de mort pourtant omniprésent, relève autant d’une prouesse scénaristique (9) que d’une facétie difficile à prendre au sérieux. Passé ce curieux intermède, Bond suit la veuve du défunt jusqu’à son château. Tout à coup, dans un rebondissement aussi inattendu que carnavalesque, l’agent secret frappe violemment l’épouse endeuillée en plein visage. Apparait alors, sous le déguisement de la veuve, un homme, le colonel Bouvard lui-même, avec qui s’engage une bagarre musclée. On remarquera, dans cette séquence, l’humour d’une mentalité britannique très progressiste et qui aime notamment à s’amuser du machisme et des genres sexuels, comme on le verra encore de façon plus ostentatoire dans Les Diamants sont éternels. La bagarre en elle-même est extrêmement dynamique, sur-découpée, et chorégraphiée au millimètre, sans oublier le fabuleux morceau de John Barry, d’une vaillance exceptionnelle. Une franche réussite, suivie d’une échappée de 007 équipé d’un propulseur, lui permettant de s’élever dans les airs et de rejoindre sa voiture, à quelques dizaines de mètres de là. Voiture qui s’empressera de déclencher de puissants arroseurs afin de mettre ses poursuivants hors-course. Action, séduction, gadgets et trouvailles énergiques, la recette démarre sur des chapeaux de roues.


Au générique, Tom Jones fait rugir son timbre puissant sur une nouvelle création de Maurice Binder, revenu pour cet épisode. (10) Magnifique générique, bien plus imposant que les deux précédents pourtant déjà superbes. Des silhouettes de femmes que l’on devine nues, une ambiance aquatique, de nombreux effets pop très colorés, le tout sur une dominante successivement bleue, verte, rouge. La chanson Thunderball est soutenue par le thème bondien réorchestré pour y incorporer un sentiment nouveau de plénitude. Le film est à peine commencé et l’ébahissement atteint déjà un paroxysme. Reste à dévoiler l’intrigue, très rigoureuse et captivante. Tout comme dans le pré-générique, l’action se déroule en France, où le SPECTRE semble posséder d’imposants bureaux secrets. La réunion des principaux "numéros" au service de l’organisation est un grand moment d’anthologie. Installé dans un décor luxueux et métallique, chacun des membres est assis sur un siège électrique mortel, pouvant subir à tout instant la sanction de mort du souverain, l’éternel n°1, dont on ignore encore le nom. Son visage mystérieux est soigneusement laissé hors du cadre qui ne rend visible que son buste. Caressant sur ses genoux un chat blanc, symbolisant sa placide cruauté, n°1 domine, exécute, maintient la terreur  parmi les membres du SPECTRE et fomente des plans machiavéliques d’une haute intelligence. Le nouveau forfait mis à leur actif est confié au n°2, un certain Emilio Largo, homme distingué et dont l’œil gauche est surmonté d’un cache noir, semblable à ceux portés par les pirates. Dans l’univers bondien, le méchant se caractérise non seulement par une psychologie démente, mais aussi par un trait physique souvent frappant. C’est le cas ici. Le but de cette réunion : mettre en action le nouveau plan du SPECTRE. Il s’agit d’extorquer au Royaume-Uni la somme de cent millions de dollars en échange de deux bombes nucléaires préalablement volées. Dès la séquence suivante, la narration se concentre sur un centre de soins curatifs dans lequel le hasard réunit 007, auquel on a imposé quelques jours de repos, et plusieurs membres du SPECTRE. Ainsi, la nuit au cours de laquelle les bombes sont dérobées, Bond est le témoin fortuit de situations pour le moins étranges à la clinique. Il aura tôt fait de déceler un lien entre ce vol considérable et ce qu’il a vu. L’intrigue est généreuse, bien écrite et surtout fluide Qu’importe les invraisemblances, les rebondissements bien commodes et les détours scénaristiques complaisants... L’ensemble fonctionne à la perfection, c’est l’essentiel.


Reposant sur l’usurpation de l’identité d’un pilote grâce à une technique pointue de chirurgie de l’œil (nécessitant le passage par la clinique), le vol des missiles est une idée palpitante, surtout de la façon dont elle est traitée à l’écran. Visuellement parlant, la séquence est remarquable, montrant avec dextérité l’amerrissage de l’avion et son immersion totale au fond de l’océan. Largo et ses hommes arrivent alors, transportés par des engins aquatiques high-tech. Ils tuent leur complice situé à bord d’une façon barbare et cruelle et récupèrent les deux bombes. S’écoule ensuite une dizaine de minutes silencieuses, délicieuses, au cours desquelles une équipe de plongée s’active à faire disparaitre les traces du forfait. Un immense filet de camouflage marin est étendu au-dessus de l’épave de l’avion et cloué au sol. Une nuit américaine, des feux de projecteurs sous-marins, des idées baroques. Et ce n’est pourtant pas la plus puissante des scènes inoubliables du film. Il convient d’admirer l’élégance et le raffinement qui déferlent sur le film depuis ses premières secondes, l’enchainement d’univers luxueux et l’originalité constante dont fait preuve l’ensemble de l’équipe artistique, pour comprendre à quel point James Bond est un véritable ovni dans la production cinématographique des années 1960. En outre, le film recèle de petits moments titillant la fibre acharnée des admirateurs de la série. Durant une réunion où 007 se fait encore désirer, ce que soulignera M avec désarroi, on aperçoit une longue table derrière laquelle sont assis tous les 00, représentations tangibles des autres membres clés du MI6, des doubles potentiels du plus célèbre des agents secrets, condamnés à rester dans l’ombre de celui-ci. Ils sont donc au nombre de neuf, prêts à écouter leurs affectations pour aller traquer ces bombes dont on ignore où elles sont dissimulées. Quelques échanges glamour entre Bond et Miss Moneypenny plus tard, ainsi que quelques réflexions instinctives du personnage, 007 est envoyé à Nassau, endroit paradisiaque entre tous, dans lequel se déroulera la totalité de l’intrigue. Plage de sable fin, eau turquoise, fonds marins recelant de magnifiques décors naturels, Opération Tonnerre ne pouvait pas se dérouler en meilleur lieu, respectant ainsi l’idée d’exotisme et de voyage de la série, conviant le spectateur dans univers aussi coloré et lumineux qu’agréable et dépaysant.


Si l’on se réfère aux inévitables motifs bondiens, force est de constater qu’ils répondent tous à l’appel, et souvent avec ardeur, de la voiture du héros (l’Aston Martin DB5 (11) et ses accessoires) aux gadgets imposés terriblement surprenants. (12) Notons par ailleurs l’apparition de la première montre véritablement importante de la série. Bond en a toujours porté une, la plupart du temps luxueuse, mais c’est la première fois que cet accessoire est utilisé avec importance dans l’une de ses aventures. Les bien connus M, Q et Miss Moneypenny concourent à une mécanique bien huilée, dont les accords métronomiques sont très attendus par le public, qu’il s’agisse de la présentation des gadgets, des dialogues à double sens, des bons mots dont James a le secret ou des rapports plus ou moins faciles que les autres personnages entretiennent avec lui. L’hôtel de 007 rivalise de confort avec la très belle propriété de Largo. Enfin, le casino, lieu clé de la saga, accueille, comme dans beaucoup d’autres épisodes, la rencontre des deux principaux antagonistes autour d’une table de jeu. Bond et son adversaire y laissent libre-cours à leur ego, et s’y dévoilent parcimonieusement pour annoncer leur dessein avec habileté et provocation. Tout y est dit sans être dit. Si le casino est un espace essentiel pour le personnage de Bond, c’est parce qu’il permet de tester le jeu de l’adversaire, son amour propre, tout en le poussant à la faute. Au jeu, les personnalités se révèlent entièrement lorsqu’on sait les mettre au jour. Au moment même où Bond découvre à qui il a affaire, le méchant comprend son petit jeu psychologique et entre dans une guerre d’ego. Ces parties de Baccara, de poker ou de Chemin de fer ne sont que des tests durant lesquels les joueurs, et 007 en tête, peuvent affirmer leur intelligence, leur culot, leur force de caractère, et peut-être leur manière de dompter la chance. Il est dangereux de s’attaquer à un individu qui a la chance avec soi. Invariablement, Bond gagne et affute la colère de son rival ; il met ce dernier dans une position inconfortable et se désigne en cible prioritaire. Métaphore des intrigues, mais aussi et surtout des personnages centraux lui faisant face, le jeu reste un élément capital pour qui veut comprendre le personnage de Bond et, plus que cela, sa raison d’être. Un jouisseur absolu qui n’a de cesse de remettre son ego en jeu et de maltraiter celui de ses adversaires, tout en risquant sa vie. Tout comme Goldfinger, Opération Tonnerre démontre un point important du personnage, son insatiable besoin de danger, son plaisir malicieux à côtoyer la mort en lui échappant in-extremis. Et le jeu en est la première mesure.


Sean Connery durcit le ton pour ce nouveau film. Il est plus dur que dans le précédent, forcément poussé par l’urgence de la situation. L’heure n’est pas à la détente, et il n’hésite pas à frapper Felix Leiter (ici Rik Van Nutter) dans le ventre au moment où celui-ci s’apprête à commettre une faute involontaire. Les femmes se retournent plus que jamais sur son passage et il profite des plaisirs qui lui sont donnés, sans néanmoins s’y arrêter bien longtemps. Les sports nautiques, la séduction, les bons cocktails et le sexe ne sont cette fois-ci pour lui que des moyens d’atteindre son but. Plus que des qualités de vie, Bond en fait ici des qualités professionnelles. Car ses atouts de séduction et son goût pour les bonnes choses sont compilées à l’extrême afin de parvenir à démêler l’intrigue. A son premier dialogue avec la belle Domino, détendu et sympathique, répond un échange plus froid et plus tendu (dans lequel il lui avouera à la véritable raison de sa présence aux Bahamas) avant que ne s’engage la dernière partie du film. Si le personnage ose tout et tente les plus extravagantes prouesses épicuriennes, comme faire l’amour au fond de l’eau ou danser au cabaret dans la ligne de mire de redoutables tueurs, c’est pour mieux les accorder avec sa mission ici très pressante. Trois jours pour sauver le monde, éviter des millions de morts, retrouver les responsables du vol des bombes et profiter de la vie : rien n’est plus bondien que cette équation et aucun film ne l’a autant mis en exergue qu’Opération Tonnerre.


Les autres personnages sont souvent passionnants. Interprété par l’excellent Adolfo Celi, Largo est un méchant de la pire espèce, un agent hors pair du SPECTRE bénéficiant des meilleures conditions pour réussir sa mission. Un nanti dont la propriété et les moyens matériels surclassent totalement ses prédécesseurs, Goldfinger excepté. Ses moyens d’action sont nombreux et ses employés fidèles. Son calme olympien contraste avec la violence qu’il affiche à l’égard de ceux qu’il méprise, à savoir les incompétents et les individus représentant un danger potentiel. Moins mégalomaniaque, serviteur d’une cause terroriste qui le dépasse, Largo est différent d’un Goldfinger, mais tout aussi ingénieux et décidé à tenir sa mission bien en main. Sans être particulièrement beau, il dégage un magnétisme certain. Son œil bleu sonde les pensées et fait de lui un de ces méchants qui dénudent l’âme et en devinent le sentiment. De par une forte sexualité qu’il semble tout à fait contrôler, il préfigure le Blofeld d’Au service secret de Sa Majesté en ce qu’il participe largement aux manœuvres et combats, ainsi que le Elliot Carver de Demain ne meurt jamais en ce qu’il contrôle les mécanismes de l’opération de A jusqu’à Z. Largo, c’est l’homme d’action, le réflexif instantané, capable de s’adapter aux problèmes qui s’opposent à lui et de garder son calme. Son principal homme de main, Vargas, est à la fois son alter-ego (violent, sadique, intelligent) et son contraire (asexué, trop impulsif). Largo est en outre fasciné par les requins des grottes d’or, ou requins-tigres (13), de féroces créatures maritimes qu’il garde dans sa piscine, tels des animaux inapprivoisables mais familiers. La beauté du requin, son mouvement dans l’onde, c’est le contraire même du symbole mortel qu’il représente. C’est tout le paradoxe du personnage : une grande violence débordante d’activité contenue sous une enveloppe froide et raffinée. On peut d’ailleurs tout à fait penser qu’Opération Tonnerre a malheureusement beaucoup œuvré pour la réputation de tueur que possède toujours, et à tort, le requin aujourd’hui, et cela dix années avant Les Dents de la mer. Les séquences où apparaissent les squales sont assez régulières et les montrent dans des postures dangereuses : autour de l’appareil englouti, en arbitre naturel de rixe sous-marine (vers la fin du film) ou bien encore dans ces fameuses séquences autour de la piscine. La bagarre nocturne entre 007 et l’un des hommes de Largo en est le meilleur exemple : les deux hommes tombent dans l’eau, Largo ferme le panneau de la piscine, empêchant ainsi quiconque de remonter à la surface. Il lâche ensuite les requins, via un couloir qui relie deux bassins de sa propriété. Sean Connery a pris quelques risques en tournant cette scène (14), mais cela en valait la peine tant le résultat reste terriblement tendu et diablement divertissant.



L’un des points d’excellence du film repose aussi sur son superbe trio féminin, trois James Bond girls parmi les plus belles et intéressantes de la saga. Martine Beswick (15) incarne Paula, un agent de terrain accompagnant Bond à Nassau. C’est un petit rôle, certes, mais marquant de par la stature particulière du personnage. Tout d’abord, Paula n’est reliée à Bond que par une relation strictement professionnelle. On verra par la suite dans la saga qu’entretenir des relations à la fois professionnelles et sexuelles avec un agent féminin ne posera pas le moindre problème au fougueux 007. Mais en ces lieux, et à la manière de Miss Moneypenny, il semble que Paula soit un agent de l’administration et que cela empêche le Bond de Connery de procéder à un rapprochement physique. Les deux protagonistes entretiennent de bonnes relations de travail, basées sous le signe du respect mutuel. Ensuite, Paula mourra en se suicidant à l’aide d’une capsule de cyanure qu’elle avait dans la bouche. Tombée entre les mains du SPECTRE, elle sait ce qui lui reste à faire. Venu la libérer, 007 ne pourra que constater l’irréparable. Le temps d’un ultime regard de collègue à collègue posé sur sa partenaire, puis il s’échappe de chez Largo. Une jolie relation, bien qu’à peine esquissée. Les deux autres rôles féminins sont en revanche bien plus importants. Domino, interprétée par la sublime Claudine Auger (assurément l’une des plus belles femmes de l’univers bondien), est un personnage foncièrement intéressant. Sous la tutelle de Largo, qui exerce sur elle une emprise mentale et sexuelle, Domino est une jeune femme presque lassée, désabusée. De sa condition de résidente dans une belle prison dorée, elle s’est faite une raison. Ses jolis yeux de biche ont l’air de respirer la vie et l’inexpérience, autant que la noirceur et le désespoir. Pour s’assurer sa totale soumission, Largo entretient chez sa pupille l’espoir de revoir son frère, le seul repère, le seul espoir de bonheur qui lui reste de la vie. Pourtant celui-ci, jalon essentiel du plan de vol des missiles, a déjà été éliminé par les SPECTRE, qui l’a remplacé par son parfait sosie (façonné de toutes pièces durant des mois) à bord de l’avion contenant les bombes. Etrange personnage de chagrin et de détresse, perdu dans un monde sur lequel elle n’a pas de prise, Domino ne parait néanmoins jamais céder à quelque forme de douleur que ce soit. La perte de son frère semble à peine craquer le vernis de ses tourments, et la torture physique infligée par Largo ne l’atteint pas au-delà de la souffrance charnelle immédiate. Il s’agit d’un personnage vivant dans le délestage permanent de tout ce qui pourrait le toucher. C’est avec la même froideur qu’elle dira à Bond que leur histoire est finie et qu’elle tuera Largo d’un harpon dans le dos, dans un geste furieux mais calme, sans le moindre remord. On aurait tort de penser que Domino n’est qu’une Bond girl parmi d’autres, elle représente au contraire un envoûtant portrait de femme.



Mais le meilleur rôle de femme échoit à l’indétrônable Luciana Paluzzi, la plus belle et la plus convaincante de toutes les méchantes de la série. Une rousse flamboyante, au tempérament de feu, sûre d’elle et dominant toutes les situations. Femme fatale, tireuse émérite, son personnage de Fiona Volpe est de surcroît très efficace dans l’action (elle fait exploser une voiture à grande vitesse grâce à des roquettes placées sur sa moto) et apparait ainsi comme un savoureux contrepoint à celui de Domino. Cheveux au vent ou en tenue de soirée, fusil en main avec l’intention de tuer, ou dénudée avec celle de séduire pour entrainer les hommes dans ses pièges, rarement un personnage de la saga aura autant mérité cette expression : quelle femme ! Très belle, très intelligente, elle incarne également le premier choc frontal égratignant l’ego de James Bond. Elle affirme pour la première fois la résistance du sexe dit "faible" face au pouvoir de séduction de l’agent secret qui n’avait auparavant jamais failli. Sa tirade à propos de l’échec de cette domination sexuelle s’avère délectable à plus d’un titre, et la réponse débonnaire de Bond est historique : « On ne peut pas gagner à tous les coups. » La posture "d’homme au masculin" affichée par Sean Connery prend un sérieux coup de semonce, son orgueil est mis à mal. Fiona Volpe est le genre de femme à assassiner froidement et sans hystérie. Elle tire au fusil comme un homme et prend des décisions avec plus d’aplomb qu’un homme. Sa fidélité au SPECTRE est inébranlable et ses charmes n’amenuisent jamais sa dangerosité. Parfait équilibre de tout ce qui fait une femme émancipée et professionnelle, elle possède l’âme d’une chef, ordonnant, dirigeant et exécutant avec la même force de conviction. La poursuite en plein milieu du Junkanoo (16) est un moment d’anthologie tenu entre autre par la présence de ce personnage féminin hors norme : avec plusieurs hommes, elle traque un James Bond blessé et inquiet. Dans l’atmosphère déroutante de ce carnaval bariolé et chaotique, Luciana Paluzzi conserve des gestes sûrs et maîtrise complètement la situation, donnant une grande crédibilité à son personnage. Le montage suit le rythme endiablé d’une musique infernale, jusqu’à ce que les deux protagonistes se retrouvent sur une piste de danse. Cherchant à faire de Bond une cible parfaite pour les tueurs qu’elle a elle-même placés autour de la piste, elle l’étreint comme une parfaite partenaire et guide ses pas et positions. Ayant aperçu in extremis un tireur embusqué, Bond se sert finalement d’elle comme d’un bouclier : elle reçoit la balle qui lui était destinée. Sa dernière danse mortelle avec l’agent 007 figure parmi les moments les plus illustres de toute la franchise, dans une séquence musicale qui n’est pas sans faire penser à la fameuse scène d’orchestre de L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock. Une mort dérisoire, presque insolite, que notre héros aura la bonne idée d’accompagner d’un dernier trait d’esprit parmi les plus légendaires qu’il ait prononcés.



Opération Tonnerre repose enfin sur une équipe artistique au diapason de son scénario. C’est avec grand plaisir que l’on retrouve Terence Young à la mise en scène, d’autant qu’il a dorénavant les moyens de ses ambitions. Sous l’œil de sa caméra experte, filmant désormais en Cinémascope (17), le film est racé, toujours inventif et coloré, sans cesse animé d’idées visuelles intrépides. Du mouvement, toujours, tout le temps, rehaussé par le montage survolté de Peter Hunt et la splendide photographie de Ted Moore. Le film d’action ultime, véritable feu d’artifices aux scènes pétaradantes et à la réalisation ultramoderne. Rendons hommage à l’équipe de cascadeurs qui, une fois encore et avant pléthore d’autres occasions, prennent tous les risques, à grande vitesse, dans les airs et sous les mers. On ne dira jamais à quel point leur contribution capitale agit pour beaucoup dans l’effet de prestidigitation auprès du public, ainsi que dans le suspense et le sentiment de vérité, de crédibilité, que les James Bond parviennent toujours à donner malgré leur aura ouvertement extravagante. Ces magiciens de l’extrême, ou hommes de l’ombre, combinés aux effets spéciaux de John Stears, permettent ici de créer des scènes d’action magistrales. Parmi celles encore non désignées dans ces lignes, citons les diverses bagarres sous-marines, et en particulier l’ultime bataille rangée entre plongeurs, unique en son genre et jamais revue au cinéma depuis. (18) Reste la dernière ligne droite, avec le détachement du Disco Volante de son cocon, séquence renversante rythmée par une bagarre dopée à l’adrénaline et une vitesse de course frénétique. John Barry lui-même semble affranchi de toute contrainte, laissant libre court à son génie. Faisant à nouveau hurler les cuivres, et battre les percussions, il crée plusieurs thèmes grisants. Il reprend de plus belle le 007 Theme (19) et y accole un autre morceau d’action, punchy et entrainant, que l’on entend durant le Junkanoo et pendant la bataille sous-marine finale. Barry signe un deuxième chef-d’œuvre de la musique de film pour James Bond, simultanément fringant, subtil et musclé. Il va sans dire qu’un James Bond, c’est un moment d’évasion unique et sensationnel. Et Opération Tonnerre le reste indéniablement, près de cinquante ans après sa sortie.


Opération Tonnerre demeure l’expérience ultime du film d’aventures, à la fois décomplexé et entièrement dédié au divertissement. Parfait du début à la fin, avec son rythme en fanfare et sa distribution remarquable, le film peut être considéré comme le symbole même d’une formule bondienne toute-puissante et pleinement aboutie. Il s’agit d’un véritable chef-d’œuvre à l’ambiance délicieusement sixties, l’un des plus hauts sommets d’une saga alors en plein âge d’or. James Bond reviendra en respectant désormais un nouveau calendrier de production, afin de générer au maximum la qualité toujours constante d’une franchise devenue gargantuesque et de réfléchir aux nouveaux défis à venir. Toujours plus haut, plus grand et plus ambitieux devra être On ne vit que deux fois.

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Promotion, sortie, réception : Bond en chiffres et en dollars

Alors que Goldfinger cartonne partout dans le monde, explosant des records et engrangeant les dollars à grande vitesse, la sortie d’Opération Tonnerre est annoncée à l’aide d’une campagne marketing désormais très agressive et rodée dans ses moindres détails. Le film étant plus cher, sa promotion le sera aussi. Ainsi les affiches sont-elles flamboyantes et très détaillées. Sur l’une d’entre elles, on observe trois niveaux d’action : Bond dans les airs, Bond sous les mers, Bond entouré de femmes se pâmant devant lui, le tout rehaussé par de nombreux détails présentant l’action explosive du film. Quelle que soit la situation, Bond domine tout et tout le monde, et trône fièrement au milieu des affiches, harpon ou pistolet au poing. Les slogans font forte impression : « Look up ! Look down ! Look out ! » De nombreuses photographies de plateau font le tour du monde, montrant Nassau, ses plages de sable fin, un Sean Connery au teint bronzé et le sourire aux lèvres, ainsi que le trio de James Bond girls dans des maillots de bain scandaleusement suggestifs. James Bond est partout, dans les rues, dans les journaux, dans les publicités, à la radio et même à la télévision. Restent les bandes-annonces, rythmées, mettant l’accent sur la combinaison de plus en plus extravagante d’action, d’érotisme et de luxe. Le film est ensoleillé, l’intrigue palpitante, les femmes extraordinaires. On y souligne également l’importance des nouveaux gadgets de 007, qu’il s’agisse d’un propulseur aérien ou d’une panoplie de plongée inédite. La France figure parmi les premiers pays à accueillir la sortie d’Opération Tonnerre sur ses écrans de cinéma, le 17 décembre 1965. Le message est clair, James Bond représente le cadeau de Noël absolu, le film que l’on s’offre en famille, l’accession à deux heures de soleil en plein hiver. Les spectateurs s’engouffrent dans une énorme combinaison de salles, le succès est dantesque. Avec un total de 5 734 877 entrées, le film accède à la 3ème place au box-office de l’année, juste derrière Le Corniaud de Gérard Oury (1er) et Goldfinger (2ème). Si le film fait moins d’entrées que le précédent, c’est aussi tout simplement parce que les deux Bond se font eux-mêmes concurrence (car sortis la même année dans l’Hexagone) et qu’Opération Tonnerre bénéficiera d’une exploitation plus courte. Néanmoins, James Bond totalise plus de 12 000 000 d’entrées sur la France pour l’année 1965, en seulement deux films. Sans Louis de Funès, qui occupe trois places dans le top 10 de l’année (1er, 4ème et 6ème), nous tenions là une hégémonie commerciale unique. Le film explose les records dans toute l’Europe.

L’Allemagne fait un nouveau triomphe à 007, avec 12 000 000 d’entrées au compteur, battant ainsi Goldfinger sorti la même année là-bas, et élevant le score final total des deux films à 23 000 000 d’entrées sur le territoire, leur donnant fort logiquement la 1ère et la 2ème places de l’année. Un score incroyable, rehaussé par un succès démentiel en Angleterre où les salles ne désemplissent pas, certaines proposant la projection du film 24h/24 ! Mais le meilleur appartient encore aux USA, pays dans lequel Opération Tonnerre atteint les plus hauts sommets, en remportant la somme impensable de 63,5 millions de dollars, ce qui en fait encore aujourd’hui le James Bond le plus lucratif sur le territoire américain (20), et l’un des plus grands succès de l’histoire de son box-office. Le niveau mondial est tel que de nombreux pays prolongent l’exploitation des films précédents, permettant à Dr. No et à Bons baisers de Russie de faire fructifier leurs intérêts. Des séances double-programme sont organisées, on y projette deux films à la fois, par exemple Dr. No/Goldfinger ou Bons baisers de Russie/Opération Tonnerre. Cette formule rencontre un franc succès. Les ventes de merchandising sont également très importantes, donnant au film une aura que jamais aucun autre film n’avait eue jusque-là. Jamais en effet des stars mythiques comme John Wayne, Cary Grant ou Errol Flynn n’avaient eu de figurines et de jouets à leur effigie comme ce fut le cas pour James Bond et Sean Connery. La franchise crée ainsi définitivement le marché des produits dérivés et accole son image à toutes les marques prestigieuses intéressées. Au bout du compte, Opération Tonnerre amasse 141,2 millions de dollars au box-office mondial (21), devenant très facilement le plus gros succès de l’année, ainsi que le plus important succès des années 1960. (22) Un cas d’école qu’il va maintenant falloir maintenir à son plus haut niveau avec les films suivants. Le défi est de taile... Pourra-t-il être relevé ?

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(1) Il vient de tourner Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock (1964) et surtout La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet (1965).

(2) Le merchandising fonctionnant à plein à l’époque du film, on peut sans aucun doute penser que la somme d’argent devait être extrêmement conséquente.

(3) Dès 1975, Kevin McClory commencera à monter un projet autour du remake d’Opération Tonnerre, en réadaptant l’histoire. Il en sortira un film en 1983, avec Sean Connery et réalisé par Irvin Kershner : Jamais plus jamais. Le film n’arborera aucun des codes visuels ou sonores de la série officielle (pour cause de détention légale de ces codes par Broccoli) et ressemblera davantage à un pastiche qu’à un véritable James Bond. Mais ceci est une autre histoire.

(4) Jack Whittingham avait participé à l’élaboration du scénario original co-écrit avec Ian Fleming et Kevin McClory à la fin des années 1950 (voir la chronique de James Bond contre Dr. No).

(5) La totalité des données financières présentes sur cette page est tirée des sources officielles de la MGM et de la United Artists.

(6) Lamar Boren est un cinéaste qui a développé l’une de premières caméras sous-marines indépendantes au monde. Il utilisait ses poumons afin de contrôler les mouvements de sa caméra, en inspirant ou expirant pour la lever ou la baisser. Il utilisa sur Opération Tonnerre une caméra Panavision spécialement conçue pour le tournage.

(7) John Stears est le futur superviseur des effets spéciaux du film Star Wars en 1977. Il gagnera un Oscar pour son travail sur Opération Tonnerre. Il s’occupa notamment de l’explosion du Disco Volante, visible à la fin du film, et qui brisa de nombreuses vitres dans la baie de Nassau, pourtant située à plus de 50 km.

(8) Les répétitions de la séquence se firent sur le parking d’un centre commercial.

(9) Voir la chronique de Goldfinger.

(10) A partir de ce film, Maurice Binder s’occupera de tous les génériques de la saga, jusqu’à Permis de tuer inclus, en 1989.

(11) L’Astion Martin DB5 n’est toutefois présente qu’au début du film, c'est-à-dire bien moins que dans Goldfinger. Une façon de dire au spectateur qu’Opération Tonnerre commence là où Goldfinger s’arrêtait, c'est-à-dire très haut.

(12) La panoplie de plongée de 007 comporte, entre autres choses, une montre à compteur Geiger, un système de bouteille d’oxygène à propulsion et à l’armement varié, ou encore un cigare de poche à oxygène.

(13) Le requin-tigre est sans doute l’un des requins les plus dangereux au monde, probablement plus dangereux que le grand requin blanc. On dénote environ six espèces potentiellement dangereuses pour l’homme, il en occupe assurément la première place. Toutefois, le requin reste un être animal dénué de volonté de tuer. Il n’agit que par instinct et dans un seul but, se nourrir.

(14) Dans la scène de la piscine, Sean Connery était derrière des vitres en plexiglas, afin de rester en sécurité. Mais l’un des requins est passé entre deux vitres et est venu sur lui. La peur qu’il affiche sur son visage au moment de s’écarter n’est pas feinte.

(15) Martine Beswick avait déjà joué un rôle dans Bons baisers de Russie en 1963, celui de l’une des deux Gitanes qui se battent à mort. Elle est l’une des rares Bond girls, avec Eunice Gayson (Dr. No, Bons baisers de Russie) et Maud Adams (L’Homme au pistolet d’or, Octopussy), à avoir joué dans deux films de la série.

(16) Le Junkanoo est une fête dansante donnée aux Bahamas le 26 décembre de chaque année, mais également durant le jour de l’an.

(17) Opération Tonnerre est le premier épisode de la saga filmé en Cinémascope 2.35. Exceptés Vivre et laisser mourir et L’Homme au pistolet d’or par la suite, ce sera le format usuel adopté pour chaque film jusqu’à aujourd’hui.

(18) Notons en outre que de nombreuses séquences d’action de la série n’ont jamais eu d’équivalent par la suite. C’est aussi ce qui confectionne l’aspect incroyable et très particulier de l’action dans un Bond film, cette capacité à créer des moments de bravoure sans équivalent à l’époque ni aujourd’hui. On peut par exemple trouver ce genre de réussite dans certaines spécialités de la série : cascades aériennes, poursuites à ski, scènes sous-marines...

(19) Le 007 Theme a été écrit et orchestré par John Barry dans Bons baisers de Russie en 1963. Ce thème, secondaire et moins connu que le fameux James Bond Theme, apparait dans cinq films de la série (voir la chronique de Bons baisers de Russie).

(20) N’oublions pas que le dollar est très inconstant et qu’il a progressivement perdu de sa valeur depuis les cinquante dernières années. Il est impossible de calculer de la même façon le box-office en dollars d’un film de 1965, de 1970, de 1980 ou de 2012. Il faut impérativement recalculer le résultat de l’époque en dollars d’aujourd’hui, et si possible le confronter au nombre de spectateurs réels. 63,5 millions de dollars aux USA représentent environ 75 millions de spectateurs à l’époque (selon le prix du billet d’entrée alors en vigueur), soit bien davantage que la plupart des blockbusters américains actuels.

(21) En dollars constants, c'est-à-dire en recalculant le box-office du film au cours du dollar de l’année 2012, le film aurait rapporté 1 016,05 millions de dollars, soit autant voire bien davantage qu’un blockbuster actuel. Calcul effectué par le Cost of living calculator de l’American Institute for Economic Research.

(22) Il faut avoir connaissance d’une donnée capitale : à l’époque, les James Bond (comme la totalité des films anglais et américains, ou plus largement de pays dits "capitalistes") ne sont distribués que dans les pays de l’Ouest, ou en tout cas dans les pays n’étant pas soumis au régime communiste. Le rideau de fer a empêché pendant des années les films d’être distribués en URSS ou en Chine, pour ne prendre que ces exemples-là. Imaginons un instant le succès encore plus énorme qu’auraient obtenu ces films s’ils avaient pu être projetés dans ces pays... A partir de la fin de la guerre froide, au début des années 1990, les films anglo-saxons commenceront à inonder ces marchés-là. En 2012, la Chine représente par exemple un vivier de spectateurs assez important pour le marché du film anglo-saxon. Le premier James Bond à avoir pu bénéficier d’une distribution en Russie fut Goldeneye en 1995.

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Lisez l'éditorial consacré au 50ème anniversaire de James Bond

Par Julien Léonard - le 17 novembre 2012