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Interviews

La sortie en Blu-ray du western italien Colorado de Sergio Sollima est l'occasion d'une rencontre avec Giordano Guillem, notamment responsable technique des sorties de patrimoine chez Wild Side Vidéo. Nous allons revenir avec lui sur les particularités des différents montages du film, présenté en vidéo pour la première fois en France dans sa version intégrale, et plus globalement sur les difficultés rencontrées par les éditeurs pour offrir aux spectateurs les meilleures images possibles...

Wild Side (Giordano Guillem) : Avant de parler précisément de Colorado, j’aimerais revenir sur ma façon de procéder pour récupérer le matériel technique. Avant son acquisition auprès de l’ayant-droit, je défriche un peu le terrain en faisant des recherches sur ce qui existe ou que l’on croit exister, avec quelques données essentielles comme la date de production (qui me permet d’avoir une idée du format de tournage), si le film a été distribué en France (et ainsi savoir si une version française circule). Je regarde les films-annonces, la durée du film, je fouille sur le net, sur des sites ou des blogs, j’appelle aussi des spécialistes : Bernard Eisenschitz pour des films de Fritz Lang, ou Patrick Brion pour un certain nombre de titres, etc. Tout cela me permet d’avoir une petite idée de ce que je peux demander à l’ayant-droit. Mais je ne suis pas trop directif : « Livrez-moi tout ce que vous avez en stock », en précisant surtout « issu du transfert HD le plus récent. » Et ils s‘exécutent, ils sont de très bonne volonté. C’est après avoir reçu le matériel que j’affine un peu les recherches par rapport à ce que j’attendais de recevoir. Mais on a toujours de bonnes surprises, on reçoit des masters HD de très bonne qualité...

DVDClassik : C’est ce qui s’est passé pour les films de Fritz Lang, la surprise des masters au format panoramique ?

Wild Side : C’est un très bon exemple qui illustre les difficultés que je rencontre pour récupérer du matériel. On avait un problème de format : celui du tournage était du 1.33, alors que Lang détestait le Cinémascope et les formats panoramiques. On sait que les films étaient sortis en "pseudo-scope", le RKO-scope, et j’ai reçu les éléments dans ce format, en 2.0 : 1, issus d’un transfert HD. Cela montre déjà que les Américains se moquent du format original : ils ont fait un transfert HD sur le mauvais format, simplement à cause d’une diffusion TV (le format RKO-scope est plus à même de convenir aux écrans TV) et n’ont fait aucune restauration sur le format 1.33. Cela démontre que les Américains ne sont pas complètement fiables. Quand je leur demande une version française, ils me disent clairement qu’ils n’en possèdent aucune. Je leur demande alors si elle existe malgré tout, mais ils ne peuvent pas me répondre. Etant moi-même incapable d'affirmer qu'elles existent, j’appelle alors Patrick Brion et Bernard Eisenschitz. Mais ils n’avaient vu les films qu’en VO.

DVDClassik : Il n’existe pas de registre au CNC ?

Wild Side : Non, alors je commence à mener mon enquête, j’appelle les laboratoires... sans résultat. Brion ne se souvenait pas avoir diffusé La Cinquième victime et L'Invraisemblable vérité en VF. J’étais presque sûr du contraire. Je contacte certaines de mes connaissances et il se trouve que l’une d’elles possédait l’enregistrement de La Cinquième victime sur VHS, diffusé sur FR3 il y a 20 ou 25 ans. La personne me fait une copie de la VHS sur un DVD que je récupère, mais le matériau est "dans son jus" : le laboratoire de restauration a fait un travail magnifique. Je retrouve ensuite une copie en très bon état de L'Invraisemblable vérité aux Archives du Film, et je peux ainsi ajouter la VF. Il ne faut pas voir de malice face au comportement des Américains : ils me livrent ce qu’ils possèdent mais ils ont une gestion assez aléatoire de leurs stocks. En fait, ils se moquent royalement de leur patrimoine. Les mots sont un peu durs mais c’est la vérité : tout ce qui les intéresse ce sont des titres monnayables rapidement à la télévision ou en vidéo.Je ne prends donc jamais pour argent comptant tout ce qu’ils me disent. Je ne vais pas raconter toutes les anecdotes, j’en ai pour Rendez-vous avec la peur (Curse of the Demon) de Jacques Tourneur ou Règlement de comptes (The Big Heat), un autre Fritz Lang, et on va aussi le voir pour Colorado, mais je vais toujours au devant de bonnes surprises en faisant des recherches par moi-même. J’obtiens toujours gain de cause auprès des Américains. Les bases de données au USA ne sont visiblement pas très au point et il n’y a aucune communication entre le bureau américain et, par exemple, le bureau parisien.  Je trouve ainsi, via la France, des éléments dont les Américains n’ont pas connaissance. Mais cela se passe de façon transparente, j’entretiens avec ces interlocuteurs de très bons rapports, je peux les informer de mes trouvailles et je ne cherche surtout pas à les mettre en porte-à-faux.

DVDClassik : Et pour Colorado ? Connaissiez-vous l’existence des différents montages ?

Wild Side : Colorado, c’est l’exemple typique de trouvailles faites par hasard même si je savais qu’il existait une version plus longue par rapport au montage international. Cela étant dit, j’ai tendance à me méfier de ce que je peux lire sur le Net car on y trouve quand même beaucoup d’erreurs factuelles. J’en ai parlé à Jean-François Giré, qui a écrit le livre qui accompagne le film : il y a beaucoup de fantasmes sur la version longue, certains blogs qui faisaient état de scènes spécifiques contenues dans cette version longue se trompaient de film, confondant avec un autre film de Sollima avec Tomas Milian. Je prends donc acte de l’existence d’un director’s cut mais je ne rentre pas dans les détails car c’est toujours sujet à caution.

DVDClassik : Il y a souvent beaucoup de fantasmes autour des scènes coupées, comme celles d’Il était une fois en Amérique, par exemple...

Wild Side : Il faut s'en méfier mais s'en servir en même temps comme piste de réflexion. Pour Colorado, je récupère donc un élément de 90 mn, un somptueux master HD sur lequel nous avons une version française, une version anglaise et une version italienne. Je sonde le matériel, la VF est d’époque avec la voix de Milian, jouée par Gérard Hernandez. Sur la version italienne, dès la première séquence, je constate l’absence de dialogues. Il y avait seulement la musique et les effets sonores qui, en plus, ne correspondaient pas aux séquences. Je contacte aussitôt Columbia, l’ayant-droit aux Etats-Unis, qui me livre rapidement une version italienne sur un master HD, pour que je puisse procéder à une rustine. J’inspecte le film : le transfert HD est magnifique mais la définition est différente, l’étalonnage plus chaud. Ce n'est pas tout à fait le même film, en fait. Je n’y fais pas trop attention à ce moment-là car seule la piste sonore italienne m’intéressait. Je la prends, je la reporte sur mon premier master et cela ne va vraiment pas : le son ne correspond pas aux images.

DVDClassik : Aviez-vous relevé les durées des masters ?

Wild Side : Je n’avais pas donné une grande importance aux durées indiquées parce qu’en général on fournit en fin de programme - après les masters - ce qu’on appelle des "fonds neutres" : des images des génériques sans lettrages pour qu’on puisse nous-même les ajouter en français. La différence de durée ne m’a pas trop perturbé à cause de cela. C’est donc en essayant d’accoler la piste italienne à l’image que je me suis aperçu que la première séquence du film qui fait 2 min sur la version courte faisait le double sur la version longue. Je me suis retrouvé avec une version director’s cut dont l’existence était ignorée par la Columbia, qui n’était pas répertoriée chez eux. Après coup, je l’ai regardée attentivement et c’était bien celle que j’attendais.

DVDClassik : Cela veut-il dire que Columbia a financé les masters de deux versions différentes, sans le savoir ?

Wild Side : Je suis peut-être un peu caricatural mais je ne suis pas certain qu’ils aient conscience de ce qu’ils avaient entre les mains : mon interlocuteur américain me l’a envoyé sans spécifier quoi que ce soit. Quand je reçois du matériel, je suis toujours un peu sur mes gardes parce qu’il arrive que j’en sache plus qu’eux... Pour les Fritz Lang RKO, ce n’était pas gagné, ni pour Règlement de comptes car Sony ne retrouvait pas de master HD au format 1.33, le format original. C'est moi qui l'ai déniché en France : ils l’avaient livré au bureau français pour une diffusion TV mais ils n’en retrouvaient plus la trace. En tout cas, les rapports avec les Américains se passent de façon extrêmement cordiale, j’insiste là-dessus.

DVDClassik : Peut-être parce qu’ils sont réalistes sur leurs capacités, leurs faiblesses...

Wild Side : Exactement. Parce que, quelque part, je fais leur travail. Dans les contrats d’acquisition, les annexes techniques qui précisent ce que nous sommes censés recevoir de l’ayant-droit sont suffisamment floues. Pour Colorado, par exemple, j’ai eu une bonne surprise : les Américains m’ont livré deux films-annonces. Ils sont à peu près identiques mais pas tout à fait. Il y a une version internationale, plutôt neutre, et une seconde version qui présente : « Mr Ugly est de retour. » Ils ont rebondi, à l’époque, sur la sortie du Bon, la Brute et le Truand de Sergio Leone, en faisant une erreur : Lee Van Cleef n’est pas « the Ugly » mais « the Bad » (la Brute). Historiquement, c’est intéressant, c’est une erreur de la part de la distribution américaine qui l’a affublé du pseudonyme d’Eli Wallach.

DVDClassik : Pensez-vous que la gestion aléatoire des stocks américains changera un jour ?

Wild Side : Jamais. Mon rêve serait de plonger dans les archives à Burbank, à New York... Mais cela a un coût phénoménal. Aller dépêcher quelqu’un pour trouver les bandes, les expertiser... Car il faut rentrer dans les bandes, dans les masters, voir ce qu’ils possèdent, les comparer, les répertorier puis les restaurer. C’est un travail colossal. Je commence tout juste à travailler sur Lord Jim de Richard Brooks dont il existe plusieurs versions : une longue et une autre un peu plus courte. Je suis aux prémices de mes enquêtes. De mémoire, j’ai récupéré un élément original américain d’une durée de 2h45 et une version française un peu plus courte qui doit faire 2h30. On va essayer d’offrir l’ensemble de ce qui a été proposé à l’époque. Mais il faut être clair : quand on finit une édition, on n’est jamais sûr d’avoir fait le tour de la question. C’est une grosse frustration.

DVDClassik : C’est ce qui vous est arrivé il y a peu de temps avec The Outfit de John Flynn, que vous deviez sortir en juin et que vous avez choisi de reporter après que la fille du réalisateur vous a fourni des archives supplémentaires...

Wild Side : Exactement. Je crois que c’est Philippe Garnier qui l’a contacté pour le livre que nous préparons. Elle était enthousiaste et nous a proposé d’utiliser les archives de son père.

DVDClassik : Comme pour le livre sur Colorado, avec la fille du réalisateur Sergio Sollima qui vous a fourni en documents.

Wild Side : Tout à fait. Sollima ne va pas très bien, il est très fatigué, et n’a pas pu intervenir personnellement dans notre édition. On nous a remis quelques photos, nous avons aussi contacté Sergio Donati, le scénariste. C’est une édition « Ultimate », comme on dit aujourd’hui.

DVDClassik : Le livre de Jean-François Giré et le supplément avec Sergio Donati abordent surtout le western italien en général, et remettent le film dans ce contexte.

Wild Side : Le livre est très érudit. J’ai souvent en ligne Jean-François Giré pour échanger quelques points de vue. Ce que j’aime beaucoup dans le livre, c’est qu’il se met en scène : « J’ai vu à l’époque. » J’aime cette façon de s’approprier le film. Il se met à la place du lecteur, le « je » c’est nous, on aurait pu être à sa place. Il y a une proximité enthousiasmante et cela nous pousse à aller voir le film.

DVDCclassik : Avez-vous procédé à une restauration supplémentaire de ces deux masters ?

Wild Side : Les restaurations américaines ne sont généralement pas du même niveau que les restaurations françaises. Une restauration américaine, c’est d’abord un transfert HD avec un nettoyage partiel, principalement sur les gros défauts (poinçons de fin de bobine, grosses rayures, gros éclats, etc.). Malgré tout, le film reste encore très sale et cela ne leur pose aucun problème. Nous avons fait pour Colorado un traitement Archangel HD : on supprime tous les points blancs et les poussières qui sont légion (le master de The Killer Elite de Sam Peckinpah en était truffé, par exemple). Avec le laboratoire, nous n’étions pas tout à fait d’accord sur la qualité des deux versions de Colorado. Le laboratoire préférait la version longue et son étalonnage plus doux et plus chaud mais, le film étant assez cru, je préférais celui de la version courte : un meilleur piqué, une image un peu plus saturée. La scène avec le taureau était aussi extrêmement floue sur la version courte quand la même scène sur la version longue était correcte. Nous avons récupéré la scène bien définie de la version longue et nous l’avons insérée dans la version courte à la place du matériau flou. Le problème, comme nous l’avions noté, est que ce n’était pas le même étalonnage, ni la même définition. Nous avons re-étalonné les images selon les caractéristiques du master de la version courte pour les raccorder au mieux. C’est invisible à l’œil nu. C’est le genre de modification que l’on ne crie pas sur les toits, cela fait partie de notre travail. Pour ma part, j’ai redécouvert Colorado, un film pour lequel j’ai vraiment beaucoup d’affection. J’ai été particulièrement sensible à la version longue, très émouvante. Je l’ai regardée sous tous les angles, des dizaines de fois, en relevant les différences. Au-delà des scènes supprimées dans la version courte, le montage est complètement différent sur toutes les séquences. Celle du duel au début du film, coupée puis remontée pour la version courte, n’a aucun sens. Les malfrats disent ne plus avoir de munitions et dégainent soudain, alors qu’on peut voir le moment où Lee Van Cleef dépose les balles dans un plan magnifique de la version longue. La séquence de poursuite dans le champ de canne à sucre est aussi radicalement différente d’une version à l’autre. Il y a un "cut" dans la version courte qui ne supprime pas la musique mais qui amène à un autre moment de la partition. Il y a beaucoup d’aberrations de ce genre.

DVDClassik : Comment le public réagissait-il à l’époque ?

Wild Side : Il ne s’en rendait pas compte. C’est aussi le génie d’un réalisateur dont on pouvait saborder le film quand il tient quand même la route pour ceux qui le découvrent. A titre personnel, j’espère que cette édition aura du succès, ou tout au moins permettra de découvrir le western européen et surtout Sergio Sollima, qui le mérite.

DVDClassik : Connaît-on la raison des coupes ? Etait-ce uniquement pour réduire sa durée ?

Wild Side : Aujourd’hui, le seul intérêt de la version courte est de montrer la façon dont on peut charcuter un film pour une distribution internationale. Toutes les séquences supprimées se suffisent à elles-mêmes et ne perturbent en rien la narration. Par exemple la séquence avec les moines a été totalement supprimée dans la version courte. Dans la version longue, il y a pourtant une séquence-clé où l’un des frères qui se nomme Smith "révèle" à Corbett que le fugitif n’est peut-être pas celui qu’on croit, ce qui le désarçonne un peu. Juste après, on le voit déambuler dans la ville. Il croise une procession religieuse et se remémore les paroles du frère. Cette scène anecdotique, qui n’a a priori aucune importance, est la conséquence de ce qu’il vient d’entendre. Il est désemparé par cette procession.

DVDClassik : Et cette subtilité n’apparaît pas dans la version courte puisque tout a été coupé.

Wild Side : Oui, cela donne une assise assez poignante à la version longue. Colorado est assez caricatural dans la version courte, il n’y a aucune émotion. Le film est bancal, avec des ellipses visibles, des séquences qui se télescopent de manière illogique. La version longue assoit les personnages, surtout Corbett. Cuchillo, lui, est à peu près identique dans les deux versions.

DVDClassik : Sauf dans la scène avec sa femme...

Wild Side : Il y a effectivement une séquence où il est au lit avec Rosita, il lui promet d’aller voir la mer. C’est un moment important puisque, quelques temps après, avant de s’enfuir définitivement, on fait allusion à cette promesse. La version courte a seulement gardé le deuxième moment, ce qui fait qu’on ne comprend pas pourquoi ils parlent de la mer. Beaucoup de scènes donnent de la densité à Corbett, un personnage sans espoir : la version longue est plutôt désabusée. S’il y a une fin heureuse, Corbett et Cuchillo s’enfuient en fait vers un destin qui ne sera pas meilleur que celui qu’ils ont vécu. La version longue met davantage l’accent là-dessus. La version courte est plus centrée sur le rythme et l’action.

DVDClassik : Monter les films dans des versions différentes selon les pays était une pratique courante à cette époque...

Wild Side : Tout à fait. Ils ne réfléchissaient pas trop à la fluidité de l’intrigue, ils tentaient de récupérer ce qui était "en trop", ce qui a généré des contradictions, des malentendus, voire des erreurs factuelles.

DVDClassik : Pourquoi ne pas avoir proposé une version française sur la version longue, en plus de la piste italienne d’origine ?

Wild Side : C’est ce que nous avions fait sur The Killer Elite qui comptait quatre scènes supplémentaires, coupées dans le montage français, que nous avions sous-titré dans la version française. Mais les deux montages de Colorado sont beaucoup trop différents : les plans sont beaucoup plus longs dans la version d’origine, et ce dans toutes les scènes. Nous aurions criblé le film de sous-titres. Nous faisons ces adaptations quand il n’y a que quelques scènes bien définies que nous pouvons insérer dans un seul et même master. Là, cela aurait été de la dentelle fine, pas très agréable à l’œil. On ne peut évidemment pas contenter tout le monde, mais je ne suis pas sûr qu’on aurait rendu service aux spectateurs en leur offrant cette version entrecoupée. Pour l’anecdote, je suis en train de travailler sur Fat City de John Huston, un film magnifique avec un excellent master. J’ai pu récupérer une version française qui n’est pas d’origine mais qui n’est pas vilaine. Alors que fait-on ? Doit-on la proposer ou non ? Le film est sorti en France en 1973, uniquement en VO.  Il n’a été doublé que quelques années plus tard mais je ne sais pas dans quelles conditions. Etait-ce pour la télévision ? Je trouve cette VF très agréable à écouter et nous allons la proposer avec un avertissement : « Attention le film n’est pas sorti en VF à l’époque. » Il se passe la même chose pour Rendez-vous avec la peur (Curse of the Demon) de Jacques Tourneur : j’ai récupéré une version française pour la version longue, la version UK. Je crois savoir que le film a été doublé pour une diffusion sur les chaînes cinéma de Canal+, il y a quelques années, peut-être dans les années 2000.

DVDClassik : Je me souviens de certains Hitchcock - Les 39 marches, L’Ombre d'un doute - qui étaient diffusés à la télévision avec un doublage datant des années 90. Le décalage de sonorité, de qualité, était horrible...

Wild Side : Cela ne m’étonne pas, ce n’est pas la même écriture ni les mêmes comédiens. Il y avait un âge d’or du doublage à une certaine époque, des voix mythiques qu’on reconnaissait et qui ont bercé notre enfance. Mais ces nouveaux doublages permettent aussi à ces classiques d’être découverts par un public qui n’irait pas les voir spontanément.

DVDClassik : Est-ce que la sortie de Colorado est un test pour éditer d’autres westerns italiens en Blu-ray ?

Wild Side : Beaucoup de paramètres entrent en compte : la disponibilité des droits, le potentiel commercial et l’intérêt intrinsèque que nous portons au film. Mais la sortie de Colorado sera sans doute considérée comme un test.

DVDClassik : Même si son intérêt est surtout historique, c’est intéressant d’avoir proposé les deux versions dans une qualité aussi satisfaisante.

Wild Side : Pour le coup, nous n’avons privilégié aucune des versions. Il avait été question à un moment de privilégier la version courte et ses différentes pistes audio (à l’impact plus sûr auprès du public) et de proposer la version longue en bonus. Je n’étais pas très satisfait de cette présentation parce qu’on oblitérait complètement la vraie version. J’étais persuadé que les amateurs préfèreraient la version longue, même en VOST. On a trouvé un compromis en présentant les deux films au même niveau. Ce sera, à mon avis, la même chose pour Curse of the Demon de Jacques Tourneur à la fin de l’année. Je travaille également sur Gun Crazy de Joseph H. Lewis qui a connu quelques péripéties, des reculs dans le planning.

DVDClassik : Et le matériau de Gun Crazy ?

Wild Side : Ah, c’est une très belle copie fournie par la Warner. Nous avions commencé à travailler sur le film pour la collection Classics Confidential, couplé à un autre film, Lady Without Passport. Mais nous avons pu récupérer une iconographie exceptionnelle et inédite. Manuel Chiche vous en avait parlé, je crois. Le hasard fait que nous allons sortir simultanément Curse of the Demon et Gun Crazy, deux films avec Peggy Cummins, une actrice aujourd’hui mésestimée, peu connue en France.

Nous remercions très chaleureusement Giordano Guillem pour son enthousiasme et sa passion, et Benjamin Gaessler pour avoir permis cette rencontre.

Par Stéphane Beauchet - le 4 juillet 2013