Menu
Interviews

Est-il encore besoin de présenter Patrick Brion ? Le créateur (et la voix !) de l'indispensable Cinéma de Minuit de France 3, entre autres, et l'auteur de nombreux ouvrages dédiés à la passion cinéphile qui nous anime tous, représente pour beaucoup d'entre nous une figure essentielle de la transmission du plaisir et du savoir liés au 7ème art. Par ses émissions de télévision et ses livres à l'iconographie flamboyante, Patrick Brion est à la fois un témoin et un guide, un homme de conviction dont les travaux divers ont participé à notre éducation cinématographique. Depuis des années à DVDClassik, on espérait pouvoir un jour s'entretenir avec Patrick Brion ; d'autant plus que notre site est né de notre amour pour l'âge d'or hollywoodien, qui faisait l'objet de la quasi intégralité de nos chroniques à nos débuts. Grâce à notre collaborateur Julien Léonard, c'est chose faite. Merci à lui.

Nous remercions chaleureusement M. Patrick Brion pour l'interview qu'il nous a accordée le vendredi 20 mars 2009, entre 15.00 et 16.30, dans son bureau personnel au siège de France Télévisons. Nous avons fait la connaissance d'un homme très aimable, passionné, plutôt franc dans ses idées et au savoir aussi encyclopédique que passionnant. J'ai eu beaucoup de plaisir à lui poser ces questions et encore bien plus à écouter ses réponses. C'est quelqu'un de très actif, qui ne dispose pas de beaucoup de temps, mais qui n'en n'est jamais avare.

Quels sont vos premiers souvenirs de cinéma ? Un film en particulier, ou un genre ?

Eh bien, les premiers souvenirs sont ceux que l’on peut avoir quand on est enfant ou adolescent, pour ma part dans les années 1950. Je suis né en 1941, le surlendemain de Pearl Harbor, c'est-à-dire le 9 décembre. J’ai commencé à aller au cinéma dans les années 52, 53, 54 ; et quand vous allez au cinéma dans ces années-là, vous voyez Les Affameurs, L’Appât, Le Prisonnier de Zenda, Ivanhoé... des films formidables que l’on considère aujourd’hui, à raison, comme des chefs-d’œuvre, même si à l’époque ce n’était pas le cas. Et donc, lorsque l’on est enfant à cette époque-là, on ne peut qu’être fasciné par le cinéma hollywoodien. Plus que les films policiers et les comédies musicales, qui ne sortaient pas beaucoup à ce moment-là, c’était surtout ce formidable cinéma d’aventures avec Burt Lancaster, Stewart Granger ou Robert Taylor. Naturellement, il y avait aussi le western, l’un des genres majeurs de ces années-là, avec John Wayne ou Gary Cooper. Et c’était le bonheur de les voir à cette époque en salles de cinéma, et pas uniquement à la télévision et en DVD.

Est-ce difficile de retrouver cette même sensation de cinéma aujourd’hui ? Si, enfant, vous découvriez le cinéma aujourd’hui, ressentiriez-vous cette même fascination ?

Certainement pas. Si j’allais au cinéma aujourd’hui, à 12 ou 14 ans, pour voir les films qui sortent, ce ne serait certainement pas le cas. Aujourd’hui, je ne m’intéresserais pas au cinéma, mais peut-être plutôt aux jeux vidéos par exemple. Parce que je ne retrouverais pas l’enthousiasme de quelqu’un qui découvre des films, et surtout l’enthousiasme des gens qui ont fait les films. Et puis, voyez-vous, certains genres ont complètement disparu : le western, par exemple. De nos jours, il en sort un par semestre, et encore... La comédie musicale a disparu aussi, et le film d’aventures est miné par l’image de synthèse, qui n’est pas inintéressante sur un plan technique, mais qui donne tout de même beaucoup moins de vérité au film. Je ne m’enthousiasmerais pas pour ce que je vois actuellement. Et je parle en connaissance de cause : je vois ces films, je vais beaucoup au cinéma, presque tous les jours. Je ne fais pas d’ostracisme, je continue à voir quantité de films, aussi parce que j’aime beaucoup les salles de cinéma avec le public, choses auxquelles j’ai été habitué autrefois. J’aime l’odeur d’une salle et son atmosphère. Il ne faut pas oublier que le DVD ne reste qu’un succédané des salles de cinéma.

Pour vous, les producteurs à Hollywood avaient-ils une acuité et un jugement différents envers les réalisateurs, si l’on compare avec l’industrie hollywoodienne d’aujourd’hui ?

Leurs relations étaient totalement différentes. Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’à l’époque des grands studios, dans les années 1930 et cela jusque dans les années 1950, les studios étaient des usines, chose que l’on n’imagine pas du tout aujourd’hui. J’avais rencontré le directeur français de la Metro Goldwyn Mayer, Robert Lacoste. Et il m’avait raconté que, par exemple, dans les années 1950, la MGM pouvait tourner en autarcie complète pendant cinq ans, tout en pouvant produire 50 films par an sans avoir besoin de quoi que ce soit venant de l’extérieur, excepté la nourriture. Pour tout le reste, que ce soit le bois et les clous pour les décors ou le tissu pour les costumes, ils l’avaient sur place. C’était une ville avec des centaines, sinon des milliers de personnes. Et ces gens déjeunaient ensemble à la cantine du studio, vivaient ensemble. Il y avait une formidable camaraderie qui n’existe plus. Concernant les producteurs, je vais vous raconter une anecdote. Un jour, j’ai demandé à Richard Brooks de me décrire Louis B. Mayer, la MGM étant un studio qui m’intéresse particulièrement. Il m’a répondu : « Ah, c’était un homme méchant, dur, qui aurait trahi sa famille… etc… etc… » Puis il a continué en me disant : « Mais attendez, je vais nuancer ce que je vous dis. Il n’aurait pas fait ça pour l’argent (je crois que Mayer était la deuxième fortune des Etats-Unis, après le patron de General Motors), ni pour un ego personnel, mais pour le bien du film. » Alors évidemment, ça lui est arrivé de se tromper, ça arrive à tout le monde après tout. Mais s’il faisait cela, c’était parce qu’il pensait que le film en serait meilleur. Et Brooks a finit en me disant, et pourtant c’était il y a déjà longtemps : « Tandis qu’aujourd’hui, ce sont des types en costume trois pièces venant de UCLA, et qui ne vont jamais au cinéma. » A l’époque des grands studios, les patrons, que ce soit Louis B. Mayer ou Irving Thalberg quand il vivait encore, voyaient pratiquement deux films par jour, en dehors des rushes. Ils étaient au courant de ce que faisaient leurs confrères, ainsi que de ce qui se faisait en Europe. Ces gens adoraient le cinéma, ils avaient un vrai goût de l’image. Ils savaient ce qu’était la production et connaissaient toutes les ficelles du métier, parce qu’en plus ils allaient se promener dans les studios et voyaient travailler leurs employés et leurs collaborateurs, les uns sur des maquettes, les autres sur des costumes, ou bien encore d’autres écrivant des scénarios... Bref, c’était un univers totalement différent. Tous ces gens se voyaient entre eux, il y avait une véritable émulation. A cette époque, il n’y avait d’ailleurs aucun problème à ce qu’un réalisateur en remplace un autre sur un film, ce qui nous semble aujourd’hui impensable. Brooks était remplacé par Raoul Walsh, ou par Vincent Sherman, parce qu’il était malade ou bien parce qu’il faisait autre chose, et ce n’était pas gênant. Il n’y en a qu’un seul qui signait au générique, ce qui était pareil pour les scénaristes. On avait parfois sept ou huit scénaristes sur un même projet, et à l’arrivée seuls deux signaient au générique. Quand on commençait à faire une comédie, à un moment on voulait une séquence d’ambigüité, et on appelait Billy Wilder et Charles Brackett pour travailler pendant huit jours sur le scénario. Puis on les payait, et ils ne signaient pas au générique. Et inversement sur d’autres films, ils signaient et pourtant d’autres scénaristes avaient travaillé dessus. A Hollywood, ils ont toujours considéré que c’était un travail d’équipe, et c’est aussi cela qui faisait leur force. Ce qui n’a jamais été le cas en France ou en Italie. En France, on ne changeait pas un réalisateur par un autre, sinon celui qui était évincé du projet faisait un procès au producteur. Au Etats-Unis, il y avait cette formidable modestie. Aujourd’hui, on est tombé dans l’excès complètement inverse. En France ou aux Etats-Unis, les réalisateurs sont souvent devenus leur propre scénariste, leur propre producteur, et considèrent que le film est leur enfant. Pourquoi pas. J’ai mon opinion, mais je ne fais que constater. Ce qui manque énormément aujourd’hui, c’est le rôle du producteur. Le producteur était l’interface responsable entre les réalisateurs et les patrons des grands studios. C’était des gens qui avaient beaucoup d’importance, qui étaient cultivés, beaucoup plus qu’on ne le pense. Alors il n’y avait pas que des chefs-d’œuvre bien sûr, mais disons que ces gens savaient quels types de films on pouvait confier à tels types de réalisateurs. Ils ne confiaient pas n’importe quoi à n’importe qui. Je vais vous raconter une autre anecdote. J’ai rencontré Vincente Minnelli. Et Minnelli, c’est avant tout une carrière extrêmement structurée. C’est un homme dont vous pouvez suivre les obsessions au travers de ses films, avec notamment deux grands thèmes : le créateur, victime d’un monde qui l’entoure et qui ne le comprend pas, et le rapport entre le rêve et la réalité. Il y en a d’autres, mais ce sont là ses deux thèmes majeurs. Et donc Minnelli m’a dit : « Je n’ai jamais refusé un film de ma vie. » Quand quelqu’un vous dit cela, on se dit : quel idiot, il a accepté n’importe quoi, pour payer ses impôts ou ce que vous voulez… Et pourtant son œuvre est très structurée, et ceci on ne le comprend pas si l’on n’a pas en tête le rôle du producteur. Voyez quand John Houseman, le producteur, décide de faire La Vie passionnée de Van Gogh… Et d’abord, qui est Vincent Van Gogh ? C’est un peintre qui n’a vendu qu’un seul tableau de son vivant, complètement incompris. Eh bien c’est exactement le thème de Minnelli, quelqu’un qui ne vit pas dans le monde réel. Donc Houseman appelle Minnelli. Voyez quand Arthur Freed produit Brigadoon… Et de quoi ça parle Brigadoon ? D’un village écossais qui vit un jour par siècle, avec des héros qui évoluent en permanence entre le rêve et la réalité. C’est encore un thème pour Minnelli. Et quand Pandro S. Berman veut produire Madame Bovary… Que raconte Madame Bovary ? C’est une femme, Emma Bovary, totalement incomprise du monde qui l’entoure, qui se réfugie dans un autre univers. Et dans le même temps, c’est Flaubert, romancier incompris par son temps, ce dernier lui faisant un procès pour perversion. Donc Pandro S. Berman engage Minnelli pour faire le film et, de plus, fait débuter le film par une scène où Flaubert, joué par James Mason, se défend devant le tribunal et tente d’expliquer ce qu’est Madame Bovary, et ensuite le film commence. Bon, je peux faire de même pour tous les films de Minnelli. Il s’agissait de producteurs très intelligents, travaillant avec des cinéastes intelligents comme Minnelli, en lui proposant ce qui allait dans son sens. Vous obtenez en fin de compte une carrière parfaitement structurée avec un réalisateur qui peut vous dire, sans avoir l’air ridicule, qu’il n’a jamais refusé un film. Et si on ne connait pas le rôle du producteur américain, que trop souvent on imagine comme un type avec de gros cigares et en train de courir après les starlettes pour les sauter, alors on ne comprend pas bien ce qu’est le cinéma Hollywoodien.

Vous êtes rentré à la télévision en 1966...

Je suis rentré à L’ORTF en mars 1966, comme assistant de production sur l’émission Cinéastes de notre temps de Janine Bazin et André S. Labarthe. Je n’ai pas été réalisateur, parce que je n’avais pas fait l’IDHEC, donc j’étais assistant de production. C’est moi qui faisais tout le boulot quand il s’agissait de passer des coups de téléphone pour coincer Rossellini ou Orson Welles, pour aller chercher des extraits de films, ou pour vérifier le voltage au Royal Monceau quand on a tourné avec Sternberg. Et cela m’a appris beaucoup de choses. Parce que jusqu’ici, j’avais une idée livresque du cinéma, c'est-à-dire son histoire, mais je ne m’étais jamais coltiné avec des problèmes de production. Et en même temps, j’allais évidemment aussi chercher la bière pour le producteur, et vérifier que sa place de parking était libre pour qu’il puisse y garer sa voiture quand il arriverait. Un poste polyvalent, l’assistant fait tout. C’est un mot qui veut dire beaucoup de choses.


Y aviez-vous un but particulier et aviez-vous déjà le désir de constituer un Ciné-club (seconde chaine en 1971), quand vous avez commencé à travailler à l’ORTF ?

Ecoutez, quand j’ai terminé mon service militaire, mon premier but était de trouver un boulot. Je préférais trouver un travail au cinéma ou à la télévision, plutôt que dans un secteur qui m’intéressait beaucoup moins. Je me suis dit que ce serait bien d'entrer à la télévision, car une fois que j’y aurais mis mon pied, je verrais bien comment ça se passe là-bas, et au moins je toucherais de l’argent pour vivre. Ensuite, quand je suis vraiment entré à la télévision, j’ai vu qu’il y avait diverses possibilités. J’ai rencontré mon ami Claude-Jean Philippe, que je connaissais déjà. Et puis certaines personnes ont préféré que je m’occupe d’autre chose que de Cinéastes de notre temps. J’y étais très content et très bien, mais on m’a demandé de m’occuper des séries télévisées étrangères. C’était une très bonne période, puisque arrivaient des séries comme Mission : Impossible, Mannix, Le Prisonnier... Chapeau Melon et Bottes de cuir arrivait en couleur. Par exemple, j’ai vu le pilote du Prisonnier avant tout le monde. Le producteur d’ITC m’avait dit : « Je voudrais vous montrer une série qu’on est en train de faire, qu’on trouve un peu curieuse... On va vous envoyer le pilote. » On m’a envoyé l’épisode en 35mm. J’étais seul dans la salle de projection et ça m’a fait un choc, c’était effectivement très curieux. C’était une série formidable. Il y avait également Les Envahisseurs, très bonne aussi. C’était l’époque où commençaient les séries en couleurs. Et en même temps, je m’occupais des films avec mon ami Claude-Jean Philippe car nos bureaux étaient voisins. S’il y avait des films que je ne connaissais pas, j’en profitais pour les regarder. Il savait que je connaissais bien le cinéma américain, on déjeunait ensemble. Et quand il a quitté ce travail pour devenir producteur, pour avoir les mains libres et peut-être gagner un peu plus d’argent, j’ai obtenu le poste. Et dans l’éclatement de l’ORTF, dans la malheureuse application de la loi de 1974, je suis venu sur France 3 qui devait être, selon les vœux des législateurs, la chaine du cinéma, des régions et de la libre parole. J’ai donc abandonné le Ciné-club de la deuxième chaine, et on a très vite créé le Cinéma de Minuit.

A rrive donc le Cinéma de Minuit, en 1976. Ce programme vous permet de proposer un film par semaine, en version originale sous-titrée, afin de permettre aux téléspectateurs de découvrir des films invisibles depuis de nombreuses années, voire quasiment inconnus. Racontez-nous un peu l’aventure de cette émission.

Quand FR3 a commencé, en janvier 1975, on avait quatre films en batterie à 20h30. Les quatre films étaient en version française, la chaine démarrait. Il n’y avait pas de télécommande, chose impensable aujourd’hui, et il fallait tomber sur la chaine en tournant le bouton rotatif de la télévision. On avait besoin des films pour booster la chaine. Et ça s’est bien passé, puisque la chaine existe encore aujourd’hui. Mais il manquait une case pour diffuser des films muets et des films en version originale. Les films difficiles, on en plaçait toujours un parmi les quatre autres, entre deux films plus "costauds". Les premières parties de soirée dans les premières semaines de FR3 étaient assez originales, car on avait quelques films assez difficiles, c'est-à-dire aussi en noir et blanc, chose qui est impensable aujourd’hui. Mais donc, il manquait une case. J’en ai parlé et j’ai convaincu, sans trop de problème, Maurice Cazeneuve, qui était directeur des programmes, et Claude Contamine, qui était le président de la chaine, de la nécessité d’avoir une telle case. En revanche, là où on a eu un problème, c’est que la profession cinématographique, qui n’est pas tellement intéressée par ce type de cinéma, s’y est opposée. On nous a dit : « Vous avez déjà quatre films, pas question d’en avoir un cinquième. » Même si celui-ci était totalement différent de genre et d’heure, puisqu’il devait passer à 22h30 et pas en prime time. Donc il a fallu négocier et pour obtenir le Cinéma de Minuit, on a abandonné la télédiffusion du Masque et la plume, aussi parce que de toute façon ça il allait devenir problématique de la garder. Le principe de cette émission était justement de la télédiffuser, or les gens du cinéma l’ont très mal pris. Ils considéraient que la télévision leur arrachait leur public, ce qui n’est pas entièrement faux et cela même si c’est la marche du temps, et ils voulaient bien admettre qu’il y ait des réserves sur la qualité des films, des critiques, à la radio mais pas à la télé. Quand on a commencé à diffuser Le Masque et la plume à la télévision, ça s’est très mal passé. Donc, on a commencé à diffuser le Cinéma de Minuit, avec une volonté de passer des films différents, d’essayer de couvrir dans la mesure du possible une partie du patrimoine cinématographique par le biais de cycles d’acteurs, de réalisateurs, de thèmes, de périodes... Et j’ai tenu à proposer une programmation par cycles, parce que je crois énormément à la vertu pédagogique des cycles. Je pense que si on passe six films de Fritz Lang à la suite, même si les gens n’en voient que trois ou quatre, ils auront établi, même inconsciemment, des liens entre certains de ces films. Si en revanche on passait les six films sur une période de six ans, il faudrait être très fort pour établir des connexions. Alors il y avait cela, puis une petite présentation que je faisais et dans laquelle je ne donnais absolument aucun goût. Et Maurice Cazeneuve, notre directeur des programmes, a souhaité à ce moment-là que ce soit moi qui la dise. Au départ, je voulais qu’il y ait une présentation, mais j’avoue que j’aurais préféré que la speakerine s’en occupe plutôt que moi. Et comme il n’y avait pas d’argent pour payer quelqu’un d’autre de toute façon, c’est comme ça que je l’ai fait.

C’est devenu un gimmick célèbre, et votre voix est l’une des caractéristiques de l’émission, et également du fait qu’on la reconnaisse. Une marque de fabrique en quelque sorte.

[Rires] C’est devenu une habitude, oui. Depuis le temps...

Comment s’est posé le problème des droits pour obtenir l’autorisation de diffuser certains films ?

C'est très très très compliqué. Et c’est de pire en pire depuis trois / quatre ans. Parce qu’on arrive aujourd’hui à des périodes où les droits de certains films doivent être renouvelés, ce qu’on appelle les droits d’auteur. Bon, si vous voulez, moi je suis auteur, j’écris des livres et je suis très respectueux du droit d’auteur, attention. Mais les héritiers abusifs me fatiguent beaucoup. Alors quand ce sont des enfants ou des petits-enfants… [Il hoche un peu la tête] Quand aujourd’hui, vous ne pouvez pas passer de films, parce qu’il y a des petits cousins ou des petits-neveux, qui souvent n’ont jamais rencontré la personne dont ils sont les héritiers, et qui exigent des sommes aberrantes des producteurs ou des distributeurs, qui du coup ne les leur donnent pas, on se retrouve avec des films bloqués. Là, il y a un vrai problème. Aujourd’hui, il y a tout de même beaucoup de films, de notre patrimoine français notamment, qui sont bloqués pour des questions de droits d’auteur, et c’est invraisemblable ! On ne peut pas diffuser La Fête à Henriette de Duvivier... Je voulais le passer en décembre, on n’y est jamais parvenu. J’avais pourtant à peu près tout déminé, et puis non... mais il ne faut pas prendre de risque, à France Télévisions tout doit être réglé. Toujours pour rester dans le domaine de Duvivier, on ne peut plus voir ni La Belle équipe ni La Fin du jour, qui sont des films marquants, ni en salles, ni à la télévision, ni en DVD. J’espère que ça va se régler, mais on ne peut plus voir non plus Monsieur Ripoix, ni Le Diable au corps, tous deux avec Gérard Philippe. Et je peux en citer d’autres ! Quand le droit d’auteur aboutit à une espèce de gel de films marquants du patrimoine, il y a un problème... qui ne cesse d'empirer. Je me bats sur des problèmes de droits. D’abord, je perds un temps énorme avec ça, et je ne parviens pas tout le temps à les régler, même si j’ai une certaine connaissance juridique, notamment des droits cinématographiques. Il y a des héritiers, complètement azimutés par le DVD, la VOD, etc…, qui demandent tout de même 50% de l’opération financière faite sur un film ! Evidemment, les producteurs ne les donnent pas, et je trouve qu’ils ont raison.

Dans les années 80, le problème était moins présent.

Il a toujours un peu existé, mais il s'est considérablement accentué ! Et c’est très grave, parce que cela veut dire qu’aujourd’hui, dans des compagnies qui ont des gros catalogues de films, quand il y a un problème avec une œuvre, alors elle sort du catalogue. Ce qui signifie que plus personne ne parle de ce film-là. Et que si un jour, et je parle notamment des films américains, il y a un problème sur le négatif et qu’il faut sortir de l’argent pour le rénover, ils ne le feront pas. Ils ne vont pas sortir de l’argent pour rénover un film qu’ils ne peuvent pas vendre. Ce ne sont pas des humanistes, il faut se mettre à leur place aussi. Et ces films disparaissent... J’ai passé des films au Cinéma de Minuit il y a quelques années que je ne peux plus passer. Certains films italiens par exemple. Au siècle dernier, le cinéma a déjà été victime de destructions épouvantables : 80% de tout ce qui a été tourné à l’époque du muet est perdu à tout jamais, de tout ce qui a été tourné avant 1927... Imaginez si tout ce qui a été écrit entre 1895 et 1927 avait été détruit ! Si vous voulez lire n’importe quel roman qui a été écrit en 1920, vous prenez la ligne Météor, vous allez à la Grande Bibliothèque et vous le lisez. C’est effrayant, John Ford a tourné 150 films et il y en a 50 qui sont perdus. Mais aussi Lubitsch, Hitchcock, Capra, Hawks, Murnau, Lang, etc... Et aujourd’hui, ce sont des problèmes juridiques qui empêchent de voir des films ! Tout ça commence à faire beaucoup... Quand on arrive en fin de contrat et qu’il faut que le producteur ou le distributeur le renouvellent, c’est à ce moment-là qu’ils tombent sur des ayants droits qui ont des avocats leur disant : « N’acceptez pas ça. Demandez plus. »

Le Cinéma de Minuit est aujourd’hui l’unique représentant d’un cinéma qui n’est plus diffusé à heure de grande écoute sur les chaines hertziennes. Que pensez-vous de cette situation ? Et selon vous, en parallèle, les chaînes sur le satellite réussissent-elles à présenter une bonne programmation, régulière et équilibrée (CinéCinéma Classic, CinéCinéma Club, CinéCinéma Star, TCM, etc… ) ?

Concernant les chaînes hertziennes, ça fait malheureusement partie de la marche du temps. Le cinéma qui était un produit d’appel exceptionnel, le fer de lance des chaines autrefois, ne l’est plus aujourd’hui, et pour de multiples raisons. Moins il l’est, et moins il est en prime time, et donc moins il y a de films. Et puis c’est un produit qui reste cher, les distributeurs demandent beaucoup d’argent, et je pense même pour certains beaucoup trop. Alors entre des distributeurs qui exigent trop d’argent et des chaînes qui savent que les films marchent moins bien qu’avant... De plus, les distributeurs ont gardé cette habitude du fait que les films marchent très bien et qu’ils valent donc toujours très cher. C’est une histoire de vases communicants qui ne vont pas dans le sens du cinéma. Quant à ce qui se passe sur les autres chaines, je ne vais pas donner de leçons aux autres mais... Par exemple, je regarde TCM qui a la chance d’avoir deux catalogues exceptionnels, celui de la MGM et celui de la Warner. Je ne comprends pas pourquoi ils adorent acheter des films à la Fox, à la Columbia ou à United Artists. Mais c’est leur problème, ce n’est pas le mien. Je pense qu’il vaudrait mieux qu’ils se contentent de puiser dans ce superbe vivier qu’ils ont en leur possession. Mais ils ont peut-être leurs propres raisons. Ce n’est que mon opinion de téléspectateur après tout. Pourtant, avec 4 000 films, ils ont de quoi programmer sans aller chercher ailleurs. Cela dit, je suis très content de découvrir de temps en temps des films que je ne connais pas.

Pour terminer sur la question du Cinéma de Minuit, comment voyez-vous l’avenir de cette émission qui dure depuis maintenant 33 ans, à raison d’une cinquantaine de films par an ?

Eh bien, je ne sais pas trop. J’ai ma boule de cristal, mais [Rires]… D’abord je n’en sais rien, car ça ne dépend pas uniquement de moi. 33 ans que ça dure, c’est déjà énorme ! C’est exceptionnel. J’ai vu passer un nombre énorme de présidents. On va me reprocher d’être de parti pris, c’est évident ; mais en tant qu’historien du cinéma, je trouve que l’émission a toujours sa raison d’être. L’année dernière, on a réussi à diffuser au moins une quinzaine de films qui n’étaient jamais passés au Cinéma de Minuit auparavant. On a passé des films très rares. Grâce au Cinéma de Minuit, on a fait tirer des copies, rénover des négatifs, on fait régler des droits d’auteur. On a passé Das wandernde Bild de Fritz Lang, l’année dernière. C’est un film qui avait la renommée d’être perdu, on a passé des mois à se rappeler au bon souvenir des archives allemandes pour qu’ils le retrouvent, pour faire une petite sonorisation du film et pour qu’on puisse le diffuser. C’était la première diffusion mondiale de ce film à la télévision. On a passé deux films de Douglas Sirk de sa période allemande, Stützen der Gesellschaft et Das Mädchen vom Moorhof, inédits à la télévision en France. On a aussi passé City Girl de Murnau et Hello, Sister ! d’Erich von Stroheim, c'est-à-dire pas n’importe quoi, mais des films qui n’étaient pas diffusés depuis des décennies en France. Il y a toujours énormément de travail à faire. On va recommencer notre cycle raretés / curiosités vers juillet ou août ; on a par ailleurs déjà un film rarissime de Lang qui est Harakiri, deux films de Lubitsch de la période muette, un film de Duvivier qui est la première version de Poil de carotte et qui n’est jamais passée à la télé, la version allemande de Marianne de ma jeunesse qui a été tournée avec des acteurs allemands.. On connaît tous la version française de Duvivier, mais pas celle-là. Donc ne serait-ce que pour cela, je pense que le Cinéma de Minuit a sa raison d’être et doit exister sur une chaine de service public. Maintenant, quel sera son avenir ? Il sera celui que voudront lui donner mes patrons. Mais c’est vrai que c’est une émission qui est peut-être moins couverte par la presse qu’auparavant. Je parle de la presse de télévision bien sûr. Parce que l'émission passe un peu plus tard aussi. Je sais qu’en tant que programmateur, je peux tenir 40 ans, mais le Cinéma de Minuit peut s’arrêter quand mes patrons le jugeront. Pour l’instant, je pense qu’on a des dirigeants qui sont des gens cultivés, qui s’intéressent au cinéma, qui considèrent que la culture cinématographique fait partie de la culture générale. Donc l’émission continue. Pour cela, je leur en suis très reconnaissant.

Dans les années 1980, vous avez également participé à l’émission La Dernière séance, présentée par Eddy Mitchell. Quel a été votre rôle au sein de ces diffusions, et pourquoi cette émission a-t-elle finalement disparu ?

Cette émission a été lancée par Serge Moati, directeur des programmes de FR3 à cette époque. Je me suis occupé du choix des films avec Gérard Jourd’hui. On voyait moins souvent Eddy Mitchell. C’est Gérard Jourd’hui qui le voyait, qu’il connait depuis très longtemps. Je ne m’occupais pas du tout du tournage, de l’aspect production. Je m’occupais du choix des films et des dessins animés. Et ça s’est très bien passé avec Gérard Jourd’hui et Eddy Mitchell. Pourquoi l’émission s’est-elle arrêtée ? Alors, l’audience a un peu diminué, mais c’est toujours le cas pour une émission qui perdure. Et puis surtout, je pense qu’ils avaient envie de faire autre chose l’un et l’autre, ça j’en suis sûr. Ils pensaient peut-être que c’était toujours la même chose, que cela ronronnait un peu. Et je pense ègalement que ça a été plutôt de leur fait que de celui de la chaine.

Je souhaiterais maintenant en venir aux ouvrages que vous avez écrits. Il y en a eu plusieurs, très variés, dont je retiendrais pour ma part tout spécialement ceux que vous avez faits sur le cinéma fantastique, le film noir et le western, ainsi que ceux que vous avez écrits sur Hitchcock, Ford, Huston et Eastwood. Qu’est-ce qui vous a poussé à l’écriture de plusieurs ouvrages sur le cinéma ? Quelqu’un comme Noël Simsolo écrit surtout sur le cinéma en tant qu’essayiste. Vous choisissez plutôt une approche que l’on qualifierait « d’anthologique ». Qu’il s’agisse du film noir ou d’un cinéaste, vous présentez la chose par un contexte historique chronologique, une biographie aussi ramassée que complète du cinéaste, la filmographie présentée dans une iconographie impressionnante, puis enfin un article sur chaque film, composant entres fiches techniques, anecdotes historiques, contextualisations et pistes de lectures. Cela donne finalement quelque chose d’aussi passionnant qu’accessible. Pourquoi un tel choix éditorial ?

J’ai fait la connaissance d’Hervé de la Martinière en 1983 et j’ai fait avec lui l’un de mes premiers livres qui est celui sur Tex Avery, un auteur qui m’a toujours beaucoup intéressé et sur lequel j’ai fait des recherches. Il a eu envie que l’on continue à faire des livres sur le cinéma, donc j’ai fait celui sur Greta Garbo, un autre sur Richard Brooks, et une série de livres thématiques, sur le western, le film noir, le fantastique, etc... On est arrivé à peu près à faire le tour des genres du cinéma américain. Donc on a envisagé de faire des monographies et de commencer avec Hitchcock. C’est à ce moment-là que Hervé de la Martinière m’a dit : « Ce serait bien qu’on mette toutes les photos ensemble », afin d’avoir une sorte de double lecture, avec tout d’abord la biographie, ensuite une lecture iconographique, et enfin une lecture de textes. C’est l’éditeur qui reste le patron, alors pourquoi pas. Moi, ça ne me gênait pas, même si aujourd’hui je pense qu’on a intérêt à avoir le texte et les images ensemble. Mais c’était quelque-chose d’inhabituel dans l’édition sur le cinéma, qui se tenait assez bien en fin de compte. Il y a beaucoup de photos, près de 500 même, et cela donnait finalement une carrière en photos. Ensuite seulement, il y avait le texte. En revanche, quand on a fait Le Film noir, le dernier, c'est-à-dire L’héritage du film noir, on a choisi de placer les photos avec le film. Par rapport à mes livres en général, ce que je souhaitais, c’était d’avoir beaucoup de photos. Et grâce à Hervé de la Martinière, j’ai pu les obtenir. Je trouve souvent qu’il est beaucoup plus utile d’avoir une photo qui explique quelque chose, qui la montre tout de suite, que quelqu’un qui essaie laborieusement d’expliquer sur quatre pages ce qu’il y a sur cette photo. Ceci dit, est-ce que tout cela pourra continuer ? Je n’en sais rien. J’aimerais beaucoup faire un livre sur Raoul Walsh, sur Michael Curtiz, ou même sur Cukor, Elia Kazan ou Preminger... Mais pour ne rien vous cacher, aujourd’hui, ce n’est pas évident du tout. Se faire éditer devient difficile. Par exemple, je ne regrette pas du tout d’avoir fait ce livre sur L’héritage du film noir, mais… [Il hésite] j’avoue que j’aurais préféré faire un livre sur Walsh ou sur Curtiz. On m’a dit qu’un livre sur l’un de ces deux réalisateurs ne se vendrait pas et qu’on ne pourrait pas le faire. Alors...

C’est dommage. Un livre sur Raoul Walsh, ce serait formidable.

La carrière de Walsh est une carrière que je connais bien. Curtiz aussi, même si je ne connais pas du tout sa carrière hongroise. J’ai vu sept ou huit films de sa carrière autrichienne et je connais très bien sa carrière américaine. Bref, ça m’aurait intéressé, mais vous savez, je suis comme un réalisateur qui a besoin d’un producteur. Maintenant, je continuerai toujours à écrire des livres, c’est quelque chose dont j’ai besoin et que je fais depuis longtemps. J’ai écrit des centaines d’articles et j’aime écrire des livres, j’en ai besoin psychologiquement. Je ne sais pas comment, je ne sais pas où, mais je continuerais à écrire.

Sans parler des soucis de publication bien sûr, si vous pouviez choisir pour le prochain, quel livre feriez-vous ?

Si vous me dites, comme ça : « J’ai gagné au loto, je vous finance ! Vous voulez écrire un livre sur qui ? », eh bien je vous dirais que j’écrirais un livre sur Richard Thorpe. Parce que ce n’est pas un auteur comme Preminger par exemple, mais c’est un homme qui a fait 185 films. Il y en a qui sont inégaux, et d’autres qui sont remarquables. De plus, il n’existe rien du tout sur lui, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. C’est quelqu’un sur lequel j’ai beaucoup d’informations, et je dois avoir vu, sans prétention, à peu près tout ce qui existe encore de lui, environ 110 ou 115 films. Je crois que les autres ont disparu, ce sont des petits westerns muets. J’en ai vu un il y a un an, j’étais très content. Mais j’adorerais naturellement écrire sur Curtiz. Sur Curtiz, il y a très peu de choses. Il n’y a même rien. Si, il existe un mauvais livre américain, un tout petit truc.

L’exemple qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est aussi le cinéma fantastique hollywoodien des années 30 et 40. Votre livre, mis à part peut-être l’ouvrage sur Boris Karloff paru chez Henri Veyrier, est le seul à parler de cette période en France. Aux Etats-Unis, il y en a plusieurs, encyclopédiques et passionnants, mais en France, c’est encore assez désert.

Et encore, le livre que j’ai écrit sur le cinéma fantastique couvrait une grande période, il est très généraliste. C’est vrai qu’il y avait plein de films très intéressants, toute une production de séries B souvent inégale, mais très originale. Oui, très originale par les sujets traités. The Raven ou The Black Cat sont des films brillants. Mais pour en revenir à la question de l’édition, c’est vrai qu’aujourd’hui les éditeurs sont très frileux.

Y compris les Editions de la Martinière ?

[Hochements de tête] Oui. Peut-être que ça ne se vend pas assez. Disons que ça équilibre les frais, mais est-ce que cela suffit aujourd’hui ? Ce sont de beaux livres, mais très chers, très très chers. Enfin, vous savez, on n’est peut-être pas obligé d’avoir 500 photos.

Parmi vos ouvrages, avez-vous un favori en particulier ?

Si je devais en choisir un... En même temps, je les aime tous, ce sont mes enfants. Mais ceux que j’aimerais le plus, ce seraient Le Cinéma d’aventure, et aussi le livre sur j’ai fait sur Albert Lewin pour la Bifi et qui est un tout petit livre. Et je pense qu’il y aurait aussi... [Il hésite] le Hitchcock ou le Mankiewicz. J’ai fait plus de recherches sur ceux-là peut-être, même s’il y a d’autres livres très bien écrits sur le sujet. Le livre de Pascal Mérigeau sur Mankiewicz est très bien. Et sur Hitchcock, il y a déjà eu beaucoup de choses. C’est un peu faux ce que je vais vous dire, mais je pense que je choisirais des auteurs qui auraient peut-être un univers plus complet, plus facile à pénétrer que Huston qui part dans tous les sens. Et ça ne veut pas dire qu’Hitchcock est facile, mais c’est peut-être plus clair avec lui qu’avec Huston. Hitchcock est un cinéaste beaucoup plus pervers, beaucoup plus difficile, beaucoup plus "auteur", beaucoup plus exigeant, beaucoup plus méchant, qui a beaucoup plus contrôlé sa carrière. Contrairement à Huston qui est allé un peu selon le gré du vent, en réalisant d’ailleurs régulièrement, et jusqu’à la fin, des films remarquables. Pas tous, mais c’est aussi une filmographie un peu plus inégale que celle d’Hitchcock. Celle d’Hitchcock est plus tenue en main. Et même les films d’Hitchcock mineurs... J’aime moins Le Faux coupable par exemple, mais il est tout de même très intéressant sur les thèmes, et il permet de comprendre d’autres films. Sinon, j’aime beaucoup mon livre sur Richard Brooks aussi. Il n’y en a pas eu d’autres depuis, y compris aux Etats-Unis. C’est le seul livre qui existe sur Brooks. D’ailleurs, quand il a reçu le livre, j’ai eu sa secrétaire au téléphone qui m’a dit : « Je suis tout à fait surprise, un livre sur mon patron… » C’est un cinéaste sur lequel personne ne travaille aujourd’hui, c’est très dommage. J’aime beaucoup Brooks. Minnelli, Brooks et Mankiewicz, ce sont des cinéastes qui, quand j’étais beaucoup plus jeune, m’ont beaucoup marqué. J’aime l’œuvre de Richard Brooks, et l’homme aussi. A part une ou deux œuvres moins intéressantes, ce sont vraiment tous de très bons films.

Parlons du DVD maintenant. Pour vous, en quoi le DVD change-t-il quelque chose aujourd’hui dans la conceptualisation de la cinéphilie ? A-t-il modifié la vôtre ?

J’appartiens à une certaine génération... C’est quelque chose que les gens de la vôtre ne peuvent absolument pas imaginer. Les gens de ma génération avons été extrêmement frustrés. On avait une chance, c’est qu’il existait beaucoup de salles de cinéma dans les quartiers. Il y avait un grand vivier de copies qui circulaient encore. Voilà pour le côté positif. Le côté négatif, c’est qu’il y avait des films qu’on ne voyait jamais. Pour vous donner une idée, à l’époque, on a mis pratiquement quatre, cinq ou six ans pour voir La Rivière rouge de Hawks, Les Amants du Capricorne d’Hitchcock, Pandora d’Albert Lewin, des films comme ça. On les traquait sans arrêt bien sûr. Aujourd’hui, vous allez à Virgin ou à la Fnac, vous les trouvez tout de suite. C’était des films mythiques. Impossible de les voir. C’est pour ça qu’on allait en Belgique voir des films, avec Tavernier, avec Boisset, parce qu’il y avait des films qui n’étaient jamais sortis en France. A cause du double programme. En Belgique ça existait, mais pas en France. Des films de Boetticher, d'André De Toth, ou House by the River de Fritz Lang, des films majeurs. Bref, de tout. Et ceux-là circulaient en Belgique, et plus en France. Donc, il y a eu une énorme frustration. J’avoue que si vous m'aviez posé la question il y a quarante ans, jamais je n’aurais pu imaginer avoir les films que j’aimais sous la main, comme j’avais sous la main les livres que j’aimais. C’est une chance exceptionnelle qu’on a maintenant, dont on ne se rend même pas compte. Les gens de votre âge, ou bien mes enfants, ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont. Je pense en même temps que les films se méritent, que l’effort qu’on a pu faire pour voir les films, pour les découvrir, pour les retrouver... tout ça fait partie de la connaissance que l’on peut avoir des films. Et aujourd’hui, c’est en effet très souvent facile. Peut-être trop facile. Tenez, par exemple, j’ai des amis qui font venir des tonnes de DVD des Etats-Unis et qui ne vont plus jamais au cinéma. Ils ont perdu le contact avec la salle, et avec le public en même temps. Sinon, blague à part, moi je suis ravi de posséder les DVD des films que j’aime. Déjà, ça permet de travailler dessus, au lieu de se dire : « Ah mince, le film est passé une fois à la télé, je vais attendre cinq ans pour le voir, ou six ans ! » Mais ce que je dis pour le DVD, à la limite j’aurais pu le dire pour la VHS. Le vrai changement a été la VHS. L’apport du DVD est dans le fait d’avoir les différentes langues et une qualité d’image bien souvent meilleure.

Des éditeurs indépendants comme Montparnasse ou Bach Films privilégient souvent la quantité à la qualité. Montparnasse, par exemple, a mis la main sur de belles copies en de nombreuses occasions, mais parfois aussi sur des films aux copies médiocres. Bach Films est assez coutumier du fait en ce qui le concerne. Malgré tout, la très bonne volonté de ces éditeurs nous permet de redécouvrir des films souvent ignorés ou inconnus du grand public. Par ce biais, selon vous, quelle semble être la meilleure politique éditorialiste ?

Je pense qu’il faut un peu des deux. Pour des films très connus et dont on sait qu’il existe un matériel en parfait état, on doit être exigeant. En revanche, c’est vrai que par Bach Films, on découvre des films rarissimes, souvent d’ailleurs dans des copies bien meilleures qu’on ne le dit. Parce qu’il y a une espèce de réputation, et les gens de dire : « Ah mais leurs copies, elles sont mauvaises. » Attendez, si on regarde bien, c’est tout de même Bach Films qui a sorti des films comme les Mary Pickford, les films muets de Cecil B. DeMille... C’est une production d’une originalité et d’un courage exceptionnels. On découvre des trucs. Ils ont, je crois, une collection qui s’appelle les inédits ou les raretés de la télévision américaine. Et bien j’ai découvert un téléfilm de Robert Mulligan avec Steve McQueen, ou la première version de Casino Royale avec Peter Lorre ! Ce sont tout de même des films présentés dans de très bonnes copies. Moi, je n’ai qu’une chose à leur dire, c’est merci. Et puis, tout de même, je préfère voir un film dans une copie moyenne que de ne jamais le voir. Quand je vois les films muets qui existent grâce à eux... Il est sorti récemment des films très très rares, certains Lon Chaney par exemple. Ils sont les seuls à sortir ça. C’est un souci patrimonial cinématographique exceptionnel. Je ne sais pas comment ils font leurs opérations, et j’espère qu’ils vont continuer, mais ils ne doivent pas en vendre 6 000. Et c’est plus courageux d'éditer ça que de sortir n’importe quel film d’horreur de 25ème catégorie qui est sorti il y a trois ans en salles et qui ne vaut rien. Et honnêtement, j’ai vu pas mal de films venant de chez eux, et non seulement les copies n’étaient pas si mal, mais en plus je trouve que parfois elles étaient très bonnes. Bien sûr, il faut un minimum de qualité dans la visibilité d’un film. Mais vraiment, grâce à eux, j’ai découvert des films. Et bravo pour le courage. Parce que tous les éditeurs ne sont pas aussi courageux. C’est ce que je pense. Tout le monde se félicite d’aller voir les DeMille muets à la Cinémathèque actuellement, mais ils ne les ont pas attendus pour en sortir, je crois, une dizaine en DVD. Et ils ont eu, dans leur collection de polars à laquelle participe Stéphane Bourgoin, des films tout à fait curieux. Quicksand, par exemple, avec Mickey Rooney, que je ne connaissais pas, est un film très curieux. Ils font un gros boulot en tout cas. Si vous voulez, je pense qu’ils font la même chose que René Château pour le cinéma français. Alors souvent, on dit : « René Château, il n’y a pas de bonus, ils ne remasterisent pas tout… » D’abord, les bonus, c’est très bien, mais l’important c’est le film. Quand vous voyez le nombre de séries B qui existaient avant en VHS et maintenant en DVD chez eux... Mais il n’y a pas un pays au monde où il y a autant de films de son patrimoine accessibles ! Et on trouve souvent de tout petits films ! Alors la plupart du temps, les gens préfèrent le collector, avec une jaquette comme ceci et un boitier comme cela, et ils payent ça 19 euros. Bon... Comme je le disais, pour de très grands classiques, il faut être très exigeant. Et s’il peut y avoir des bonus de grande qualité en complément, c’est très bien. Ce que fait Carlotta est superbe. Le coffret Douglas Sirk, où l'on trouve une interview de Sirk et des témoignages de Fassbinder, c’est passionnant.

Et justement, le principe du DVD est aussi de pouvoir offrir en de nombreuses occasions ce que l’on appelle des bonus, autour du film présenté. Quel est pour vous le bonus digne de ce nom ? Pourriez-vous en citer certains qui vont ont particulièrement intéressé ?

Il m’arrive d’en faire, donc je peux difficilement vous dire que ça ne sert à rien. Mais le vrai supplément, selon moi, c’est une interview de 50 minutes du réalisateur parlant du film. C’est l’idéal. Ce qui est bien aussi avec le bonus, c’est qu’il donne l’impression aux gens qui ne connaissent pas bien le cinéma que c’est un film assez important pour que quelqu’un le présente et en parle, et que ce n’est pas un auteur qu’on a trouvé par terre et mis en DVD. On va dire que ça donne l’impression d'une collection, du produit plus intéressant. Ceci dit, j’ai vu quelques bonus qui étaient sans intérêt... C’est comme les films, il y a de tout. Quand on a un film prestigieux et qu’il n’y a rien avec, eh bien tant pis. Je le répète, le principal, c’est le film. Ce que j’essaie de faire quand je présente des bonus, c’est de remettre un peu le film dans son contexte, en rapport avec son cinéaste, etc... Ce sont des trucs peu prétentieux. Par exemple, Jean Douchet sur Les 400 coups, c’était très bien, très intelligent ! Je me souviens du bonus qu’avait fait Tavernier sur Le Passage du canyon, il y avait des choses très intelligentes... pas tout, mais il y avait des choses très justes. Et en effet, chez Carlotta, c’est souvent très bien aussi. Il y a des cinématographies que je ne connais pas bien, je ne vous le cache pas, comme le cinéma chinois ou le cinéma coréen. Mais quand ils sortent un de ces films en DVD, on a vraiment l’impression qu’il y a des bonus costauds.

On a d’ailleurs l’impression que beaucoup de gens se sectorisent avec ce support DVD. On commence à avoir des fans de films de Kung-Fu, de westerns italiens pure souche... Pensez-vous que cela sert à découvrir des films peu connus ou au contraire que cela biaise un peu la vision des gens quant aux films plus importants ?

Tout existe en DVD, donc tout le monde est content. Mais on établit malgré tout une hiérarchie des valeurs. Il y a les très grands films, les films intéressants, les films moyens et les films peu intéressants. Mais si on veut mettre ces derniers sur DVD, qu’on le fasse, moi ça ne me gène pas. Que ça sectorise le public ? Oui, bon, il y a toujours eu des gens pour dire que le western italien est meilleur que le western américain. Pourquoi pas. Je suis très libéral, après tout. [Rires] Ils ont le droit de se tromper. Si l’abondance de films aboutit à une nivelisation complète des œuvres, c’est dangereux. Il y a toujours des gens qui ne comprendront pas qu’il y a des chefs-d’œuvre, des films moins bons, etc... On le voit bien dans les magasins de DVD, tout est présenté de la même manière. Il y a des espèces de gondoles énormes avec plein de films, on a l’impression d’être à Rungis. Et même là où il y a une volonté de mettre en avant les réalisateurs, il y a des films qui ne sont pas bons. Et il y en a d’intéressants qui n’y sont pas. Ce n’est pas une démarche culturelle, mais plutôt économique. Mais il faut bien que tout le monde vive. Il faut qu’il existe beaucoup de choses, mais il faut des passeurs. Il faut des gens qui, dans des émissions, dans des revues ou dans des magasins, soient des guides. Parce qu’il y a tout de même des œuvres plus intéressantes que d’autres. Et ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas regarder les films des autres, mais simplement qu’il faut aller à l’essentiel. On ne peut pas voir 1 000 DVD par an, donc il faut d’abord commencer par les films essentiels. Commencer par des films comme La Prisonnière du désert. Après, si les gens veulent voir un Trinita de quatrième catégorie, pourquoi pas. Ils en ont le droit. Et d’ailleurs, s’ils sont intelligents, ils verront bien que La Prisonnière du désert est un meilleur film. Cela devrait être évident, mais en même temps soyons justes, ça n’a pas été évident à l’époque. On considérait que c’était du tout venant. Non, le danger d’une production de masse, c’est qu’elle n’est pas nécessairement dictée par un véhicule culturel, voilà tout. A chacun d’essayer de séparer le bon grain de l’ivraie. Mais ce n’est pas évident. Et là, je ne veux pas être pessimiste, mais rien ne prouve que le DVD contribue énormément à la culture cinématographique. Est-ce qu’il crée des générations de cinéphiles purs et durs ? Je ne sais pas. Les films anciens ne marchent pas beaucoup. On parlait de Bach Films, et bien je serais vraiment curieux de savoir combien ils en vendent. Enfin, on achètera un Kubrick... mais est-ce qu’on achètera un Walsh ? On achètera un Almodovar... mais est-ce qu’on achètera un Curtiz ? Casablanca, oui, peut-être. The Walking Dead, non. D’ailleurs il n’existe même pas, j’ai recopié ma VHS. On ne voit pas vraiment les grands studios sortir plus de classiques un peu plus difficiles en DVD.

Pour finir, une petite série de questions toute simples. Quels sont les cinéastes de ces 20 ou 25 dernières années qui vous ont le plus intéressé ? Quels sont les films les plus récents que vous êtes allés voir au cinéma ; et par là-même, quels sont ceux qui vous ont vraiment épaté ?

Je suis très attaché à Clint Eastwood. Je trouve que c’est un très grand cinéaste, manifestement. De la race et du niveau des très grands, un type qui va tout droit, une grande cohérence dans son univers. Malheureusement, des gens de grand talent comme Cimino ou Coppola ne tournent pas... ou pas assez. C’est le problème de la disparition des producteurs. Parce que quand vous voyez La Porte du paradis, vous vous dites que c’est aberrant que ce type ne tourne pas. Quand vous voyez Le Parrain III ou Apocalypse Now, là encore c’est aberrant qu’il ne tourne pas... Enfin, quand on voit ce qu’il vient de tourner, on se dit qu’il y a un vrai problème. Il y a Woody Allen, même si c’est une œuvre que je ne comprends pas très bien, mais ça reste un cinéaste qui m’intéresse. Sinon, je ne vais pas être très original, mais je trouve des cinéastes comme James Gray ou Sean Penn tout à fait intéressants. Penn, c’est remarquable. Bon, ce sont des cinéastes qui tournent malgré tout assez peu, à part Woody Allen et Clint Eastwood. Mais le système a complètement changé, on n’est plus dans l’époque où Michael Curtiz tournait quatre films par an. Vous ne voyez pas Sean Penn tourner quatre films par an, ce n’est pas possible. Alors comme acteur, oui. Mais pas comme réalisateur. Et puis, parallèlement à ça, on a vu des cinématographies s’effondrer complètement : le cinéma italien, le cinéma allemand, le cinéma scandinave... Pour les cinéastes de genre, il y a John Carpenter. Mais je trouve que c’est un cinéaste inégal. Intéressant, mais décevant, parce que c’est tout de même une carrière dont on pouvait attendre beaucoup plus au vu des premiers films. Il est manifestement victime d’un système de production qui n’est pas bon. C’est malheureusement la même chose pour Tim Burton, ce qui est encore plus dommage. Il y a eu mieux que Charlie et la chocolaterie ! Le dernier n’est pas trop mal par contre, même si ce n’est pas terrible. Sleepy Hollow, c’est pareil. Mais pour le type qui a fait Edward aux mains d’argent, des films comme ça, c’est une carrière finalement très décevante... ça aurait pu être bien meilleur. Pour Carpenter, Assaut est formidable, New York 1997 et The Thing aussi. Il se veut être proche d’un cinéma d’avant, notamment de Howard Hawks, et paradoxalement il est très dépendant de son sujet, ce qui n’était pas le cas de Hawks. En même temps, Hawks avait une carrière toujours en haut, à part quelques films. Celle de Carpenter est plutôt en bas. Mais tout ça a commencé avec le cinéma des années 70. Toute une génération de cinéastes, comme Mulligan, Schaffner, Frankenheimer, Arthur Penn, étaient des gens dont on pouvait attendre des carrières prestigieuses. Ils avaient vraiment du talent. Il y a d’ailleurs des films formidables dans leur carrière. Si on prend Schaffner, Que le meilleur l’emporte, La Planète des singes ou Papillon sont de très grands films. Si on prend Frankenheimer, Opération diabolique ou Sept jours en mai sont superbes. Et finalement vous assistez à des carrières qui s’effilochent, avec des films tout de même pas bons du tout. Souvent des films qui sont des sortes de compromis de production. Alors, il faut bien faire des compromis avec les producteurs et autres, mais c’est là où l’on voit le danger de ne plus avoir de bons producteurs. C’est une génération qui a beaucoup déçu. Mais ce n’est pas de sa faute, c’est le système qui est mauvais. S’ils avaient vécu dans les années 30, je suis persuadé que Frankenheimer ou Schaffner auraient fait des carrières superbes. Un Carpenter aurait été pris en main. Tandis que là, les films coûtent tellement cher qu’ils sont obligés de courir les studios pour des plans de financements énormes. Avant, les cinéastes touchaient leur chèque à la fin de la semaine, et on leur proposait des scénarios qui les intéressaient. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que la carrière de Burton est prestigieuse. Les gens qui disent : « Ah, on va voir un Tim Burton, on va voir un chef-d’œuvre… » Non. Et sans être méchant, ça fait longtemps qu’on n’a pas vu de chef-d’œuvre de lui. Je ne pense pas que les cinéastes soient moins bons qu’avant. C’est vraiment le système. Pour les derniers films que j’ai vus, le dernier Eastwood est un très bon film, meilleur que le précédent je trouve, The Changeling. Benjamin Button est un film très intelligent dans sa conception. Ce n’est pas très original de dire ça, mais les deux derniers James Gray sont intéressants aussi. Two Lovers est un bon film. Les frères Coen ont du talent, manifestement, mais c’est tout de même souvent n’importe quoi. Le remake de Tueurs de dames, c’est vraiment nul ! Et le dernier, Burn After Reading, je ne le trouve pas si bon que ça... Alors qu’il y en a eu des meilleurs. Je ne suis pas pour la dictature du producteur, mais c’est dommage que ces cinéastes soient livrés à eux-mêmes. Hawks n’avait pas besoin de financement. C’était la Warner qui donnait l’argent. Curtiz n’est jamais allé voir la Warner en lui disant qu’il aimerait faire un film avec Karloff qui joue quelqu’un qui a été électrocuté. Le sujet lui était donné et on lui disait qu’il pouvait utiliser Karloff s’il le voulait. Il lisait le sujet trois jours avant le tournage, et il tournait. Hawks et Wayne pouvaient décider de tourner un western sur un coup de tête. Et même si ce n'était pas Rio Bravo, c’était tout de même très bien ! Le système était bon, et les très grands cinéastes ne s’en sont jamais plaints. Quand on compare les carrières des gens d’aujourd’hui avec celles des gens d’hier, on voit quand même qu’il y a une sacrée déperdition de talents. Mais par exemple, vous avez Eastwood, qui est quelqu’un de très malin, de très puissant aujourd’hui à Hollywood, eh bien il est son propre producteur. Donc il a la paix. Il dirige les trois secteurs : il est producteur, réalisateur et acteur. Il a le pouvoir de faire Bird quand il veut le faire, de tourner un film en japonais s’il a envie de le faire, ce qui n’est pas évident habituellement aujourd’hui. Et il arrive à faire des films très différents les uns des autres. Il ne s’est pas contenté de faire un 24ème Dirty Harry, ce qui est certainement la seule chose qu’aurait souhaité la Warner. Pour Million Dollar Baby, ils ne l’ont pas aidé non plus, parce qu’ils trouvaient que le sujet était gênant. Et quand on voit Mystic River... Ce sont tout de même de sacrés films ! Je l’ai d’ailleurs classé dans mon livre, L’héritage du film noir, en dernier, volontairement. J’aurais pu terminer par un film de James Gray, mais je préférais le faire avec Mystic River que j’aime beaucoup. De ce fait, ça allait du Coup de l’escalier à Mystic River.

Par Julien Léonard - le 20 mars 2009