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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Planète des singes

(Planet of the Apes)

Analyse et critique

ATTENTION : dans les lignes qui suivent, nous dévoilerons inévitablement les ressorts d'une intrigue qui joue en partie sur les révélations...

FUTUR RECOMPOSÉ

Le phénomène est devenu banal : régulièrement, les studios hollywoodiens n'hésitent pas à remettre au goût du jour des films qui furent en leur temps des succès. L'entreprise peut sembler blasphématoire lorsqu'il s'agit de toucher à des œuvres considérées depuis comme des classiques, mais aux États-unis le cinéma est une industrie et dans les affaires rien n'est sacré. Au début des années 1990, la 20th Century Fox envisage donc de produire un remake de Planet of the Apes, l'un de ses titres phares qui n'a pourtant que peu subi les outrages du temps. Les décors et costumes plutôt épurés de la réalisation de Franklin J. Schaffner en font en effet un film qui n'apparaît pas particulièrement démodé, contrairement à tant de productions SF de cette période, au charme considéré aujourd'hui avec condescendance comme kitsch. Et surtout son propos philosophique, bien qu’en phase avec la conscience américaine de la fin des sixties, demeure universel.


Ce projet de remake prend véritablement corps en 1993, passant par les affres de ce que l'on aime nommer à Hollywood le development hell. Sous la supervision d'Oliver Stone, le scénario est d’abord confié à Terry Hayes (Mad Max 2 et 3, Payback) qui, sous le titre Return of the Apes, élabore une histoire de scientifiques voyageant dans le temps pour sauver les humains d'un virus, développé à une époque où les singes dominaient le monde. Ce script connaîtra de multiples versions sans qu’aucune ne parvienne à convaincre le studio. Sollicité pour succéder à Charlton Heston, Arnold Schwarzenegger tente d'imposer successivement Chuck Russell puis Philip Noyce à la réalisation (Noyce qui avait justement mis en scène un précédent scénario de Hayes, Dead Calm). Stan Winston est chargé de réaliser quelques tests de maquillage et d'animatronique qui sont jugés probants. Le budget estimé dépasse les 100 millions de dollars.


La situation reste bloquée jusqu’à ce qu’en 1997 Chris Columbus, associé à Sam Hamm (Batman, Batman Returns), reparte à la source et rédige ce qui s'apparente à l'adaptation la plus fidèle du conte philosophique de Pierre Boulle. La civilisation singe possède désormais le même niveau de technologie que la nôtre tandis que le héros humain est réduit à l'état de bête de foire, le tout sur un ton propice à la satire. En 1998, libéré du tournage triomphal de Titanic mais peu pressé de repasser derrière la caméra, James Cameron déclare hésiter entre True Lies 2, Terminator 3, Spider-Man, Avatar... et ce remake de Planet of the Apes. Les fans jusqu’ici réticents expriment enfin leur confiance. Plus qu’un remake, le réalisateur envisage en fait une suite qui s’inscrirait dans la chronologie des cinq films de la saga. Mais son concept ne trouve pas grâce auprès du studio, et avant la fin de l'année le projet se retrouve une nouvelle fois orphelin, ce qui laissera libre cours à d’improbables rumeurs de reprises (parmi les noms relevés : Sam Raimi, Peter Jackson, les frères Hughes, Michael Bay ou encore Robert Rodriguez).


En 1999, la Fox y croit pourtant toujours au point d’annoncer officiellement une date de sortie pour l’été 2001. Sous le titre de travail The Visitor, William Broyles Jr. (Apollo 13, Cast Away, Jarhead, Flags of Our Fathers) développe un nouveau script répondant à l’exigence du studio d'un héros rajeuni. Au début de l'année 2000, Richard Zanuck est nommé producteur. Un choix particulièrement avisé puisque c’est ce même Zanuck, alors à la tête de la Fox, qui avait donné le feu vert à Arthur P. Jacobs pour mettre en chantier le premier film. D'abord réticent à entreprendre le remake d'un classique qu'il adule, c'est Tim Burton qui hérite du fauteuil de metteur en scène, lui qui a déjà travaillé pour le studio à l'époque de Edward Scissorhands. Après une série d’œuvres malchanceuses au box-office, son dernier film en date Sleepy Hollow a renoué avec le succès et il inspire à nouveau confiance aux investisseurs. Pas dupe des attentes commerciales d'une telle commande, Burton entrevoit dans cette aventure simiesque une possibilité d'exprimer malgré tout sa sensibilité et ses obsessions : « J'aime les gens qui se comportent comme des animaux et vice-versa. Pee-Wee agit comme un animal, Beetlejuice, le Pingouin, Catwoman... Batman, lui, est carrément un animal. Je dois avoir un faible pour les "humanimaux" » On retrouve là le cinéaste amoureux des freaks, fasciné par ces personnages qui, comme Willy Wonka, s'imposent une existence en marge et avancent masqués. On s'en doute déjà, ces belles intentions se retrouveront à peine dans le produit livré qui va simplement se révéler être le plus impersonnel de toute sa filmographie.

LES COULISSES DE LA PLANÈTE DES SINGES

Entre les repérages pour le tournage en extérieur et le casting, tout se met en place très vite durant l'été 2000. Contacté pour le rôle principal, Matt Damon préfère finalement endosser la peau d’un certain Jason Bourne. Et c'est Mark Wahlberg qui obtient le poste, engagé après seulement cinq minutes d'entretien avec le réalisateur, l'acteur étant le moins convaincu des deux. Bientôt, Tim Roth rejoint la distribution - on lui proposait en parallèle le rôle de Snape dans le Harry Potter and the Sorcerer's Stone... de Chris Columbus - ainsi que Paul Giamatti, Helena Bonham-Carter et Michael Clarke Duncan. Rick Heinrichs assurera la direction artistique. Collaborateur précieux de Burton dès ses tout premiers court métrages, Heinrichs sait comment transposer à l'écran les visions du réalisateur. Disposant de moyens inédits quelques années avant de pouvoir donner libre cours à son talent sur la franchise Pirates of the Caribbean, il dessine de fastueux décors pour créer de toutes pièces une planète des singes qui ne doit rien au travail de ses prédécesseurs. L’architecture d'Ape City et les gigantesques ruines de l'Oberon sont autant de réussites plastiques à mettre à son compte. Le chef opérateur Philippe Rousselot (La Lune dans le caniveau, The Emerald Forest, Thérèse, L'Ours, Les Liaisons dangereuses, La Reine Margot, Interview with a Vampire, Charlie and the Chocolate Factory) est l'autre indispensable complice qui garantira au projet d'être au moins un splendide spectacle visuel.


Conscient d’œuvrer dans un genre spectaculaire et pour un blockbuster très attendu, Burton a à cœur de ne pas laisser son film se faire dévorer par les effets spéciaux. Dès le départ, il était pour lui hors de question que les singes soient des créatures numériques. Au contraire, le fait de savoir qu'il filmera des acteurs costumés est l’une des raisons qui lui ont fait accepter la commande. Il souhaite que les maquillages vivent avec les décors. « On a d'abord évoqué les images de synthèse parce que c'est devenu un réflexe aujourd'hui. Mais Richard D. Zanuck et moi étions convaincus que seuls de vrais acteurs pourraient traduire l'énergie que nous recherchions. » Créateur d'Edward aux mains d'argent, Stan Winston n'est plus disponible, désormais mobilisé sur Jurassic Park III. De son côté, spécialiste des singes ayant lui-même régulièrement endossé des costumes de gorille, le maquilleur Rick Baker (Schlock, King Kong, An American Werewolf in London, Videodrome, Greystoke, Starman, Gorillas in the Mist, Men in Black) sort épuisé du travail fourni à temps plein sur Le Grinch de Ron Howard. Pourtant il n'hésite pas une seconde à saisir cette opportunité. Lui qui doit précisément sa vocation au travail de John Chambers pour Planet of the Apes se voit soudain chargé de concevoir en un temps record les prothèses nécessaires pour habiller des centaines de figurants. Baker va signer des maquillages absolument époustouflants, crédibles et incroyablement expressifs, ne craignant plus de dévoiler sous l'étoffe bras et jambes, et renvoyant donc les singes de Chambers à un déguisement de carnaval. Ce film représente l’aboutissement de sa carrière, et il livre sans doute là son grand-œuvre d'artisan (il s'offre pour l'occasion une brève apparition dans le rôle d'un vieux chimpanzé fumant un narguilé).


Méconnaissables, Roth, Bonham-Carter, Clarke Duncan, Giamatti et Lisa Marie portent ces habits poilus avec conviction et l'on imagine sans peine le calvaire que devaient représenter chaque matin les séances de maquillage (entre trois et cinq heures de pose). Durant plusieurs semaines, les acteurs vont suivre un intense stage de préparation, au cours duquel Giamatti se distingue particulièrement. Il s’agit d’apprendre à se déplacer, à manipuler des accessoires, à agir comme un singe, bref de trouver et d’exprimer son "singe intérieur". John Alexander, mime et spécialiste des costumes depuis Greystoke, et Terry Notary (X-Men 2, Superman Returns, The Hobbit), cascadeur issu du monde du cirque, supervisent cette formation. Ils assureront également le rôle de doublures sur certaines scènes. Ce travail sera si remarquable que la Fox fera à nouveau appel à Notary pour le reboot de 2011.

Comparés à leurs homologues de 1968, les singes de Burton sont à un niveau d'évolution antérieur, encore primitifs. Alors que chez Schaffner les comédiens conservaient une posture relativement droite, ceux de la version Burton s'efforcent de reproduire une gestuelle bien plus évocatrice de l'anatomie simiesque : trapus, courts sur pattes, la démarche accentuée par le balancement des épaules. Le réalisateur insiste sur les caractéristiques qui les distinguent des humains. Il nous les montre faisant usage de leurs quatre membres, ce qui leur permet de bondir comme de se pendre aux arbres. L'illusion est complétée par le travail sur les effets sonores, qui colore leurs fréquents grognements d'une sorte de brutalité animale. L'ensemble crée un comportement imprévisible particulièrement déstabilisant. Un étrange sentiment de familiarité qui trouble et fascine le spectateur.

Collaboratrice privilégiée de Burton depuis Edward Scissorhands, Colleen Atwood dessine les magnifiques costumes du film. Jouant sur les matières lourdes et sombres, elle crée d’impressionnantes armures qui composent d’inquiétantes et massives silhouettes, tant pour les singes que pour les chevaux. En face, les peaux de bêtes des humains manquent cruellement d’audace, font trop cinéma bis, sentent le bâclé. Seule la combinaison rapiécée de Mark Wahlberg évoque l’univers burtonien, telle une momie rescapée de The Nightmare Before Christmas. Et il est intéressant de noter qu'une grande part de l'esthétique du film liée à la civilisation simiesque s’inspire d'un même référent visuel : la forme en spirale des petites capsules exploratrices de l'Oberon, qu'on va retrouver jusque dans les casques portés par les singes. Ces "pods" portent les noms des premières lettres de l'alphabet grec. De l'alpha comme le commencement de toutes choses, au delta comme la bifurcation depuis laquelle tout peut dégénérer. Cette spirale originelle s'apparente donc un peu à la graine à partir de laquelle tout a germé.

Les effets spéciaux ont évidemment fait un bond de géant depuis 1968. Nous sommes à l'ère du numérique et Burton fait partie des pionniers dans l'utilisation de cette technologie : en 1993, Batman Returns proposait une intégration encore timide de créatures numériques (chauves-souris, pingouins). Pour Planet of the Apes, les effets visuels sont supervisés par Bill George (spécialiste des maquettes chez ILM et lauréat d'un Oscar pour Innerspace) et George Murphy (Oscar pour Forrest Gump). En dehors de quelques effets lumineux pour la tempête spatiale, il s'agit pour la majeure partie de matte paintings numériques qui viennent prolonger certains décors et de multiplication de figurants dans les scènes de bataille. Employés avec parcimonie en association avec des éléments en dur (contrairement à ce qu'on pourrait penser, l'Oberon et les pods ne sont pas des créations numériques mais des maquettes), ces effets apparaissent aujourd'hui encore impeccablement réalistes et avant tout au service de la mise en scène.

Danny Elfman, enfin, enregistre dans le studio même où Jerry Goldsmith avait dirigé son exceptionnelle partition du premier film, qui fait clairement partie de l'Histoire de la musique de film. Le compositeur attitré de Tim Burton opte pour un score particulièrement agressif, lourd en percussions, amplifié par de puissants cuivres et subtilement soutenu par quelques sonorités électroniques. Brutale, sa musique rompt, dès le splendide thème principal, avec le registre lyrique qu'on était jusqu'ici habitué à entendre du compositeur. Elle sonne certes moins aventureuse que celle de Goldsmith mais il y avait peu d'intérêt à marcher sur les plates-bandes du maître. Visuellement, avec son défilé d'armes et d'armures, le majestueux générique qui ouvre le film n'est pas sans évoquer celui de Spartacus. Il est l’œuvre de Robert Dawson, et l’homme sait rendre son travail dans ce domaine mémorable. Les génériques d'Edward Scissorhands, Batman Returns, Mars Attacks !, Charlie and the Chocolate Factory, c'est à lui qu'on les doit.

FRUIT POURRI

Au mois d'octobre 2000, à la demande du studio, le duo Lawrence Konner et Mark Rosenthal (Le Diamant du Nil, Superman IV), déjà responsable du remake de Mighty Joe Young, va retravailler et restructurer le script de Broyles, pourtant validé mais qui s'avère maintenant trop coûteux à produire. La caractérisation de certains personnages est modifiée, les enjeux clarifiés. Le mystère est savamment entretenu concernant la fin, y compris auprès des acteurs. Burton échouera cependant à vraiment s’accaparer ce scénario dont l’écriture se poursuivra pendant le tournage. Pour lui, l’idée d’une attirance possible entre Leo (Wahlberg) et Ari (Bonham-Carter) ne devait pas seulement être suggérée, mais devenir un des éléments centraux de l'intrigue. La Fox jugeant cela de mauvais goût pour son blockbuster estival, et craignant de voir lui échapper le jeune public, fait au contraire pression pour orienter le film vers l'action. Un personnage d'adolescent est ajouté artificiellement pour favoriser l'identification des jeunes spectateurs et c'est une relation plus décente entre Wahlberg et Estella Warren qui se voit développée. Pressé par le temps et sans doute désireux de mener le projet à son terme maintenant qu'il l'a accepté, le réalisateur cède au cahier des charges. Mais ces compromissions se voient comme le museau au milieu de la figure. Le personnage du gamin apparaît clairement comme un poids mort, tout juste bon à trébucher pour ralentir la fuite du héros, tandis que l’ex-mannequin et championne de natation canadienne qui démarre sa carrière hollywoodienne nous est présentée avec un pathétique manque de conviction. Le film semblerait presque pouvoir fonctionner en supprimant chacun de ses gros plans, dont le moindre insert s'avère au mieux embarrassant au pire agaçant. Burton parviendra néanmoins à réduire drastiquement la part de dialogue prévue pour tous ces encombrants compagnons humains. La démarche est louable mais elle a le défaut de les rendre encore plus transparents, vidés de leur personnalité, et leur sort nous importe finalement peu. Preuve de ce remaniement, le générique de fin leur attribue des prénoms alors qu'ils ne sont jamais évoqués dans le film. Dans la version de Schaffner, Linda Harrison n’avait pas une seule ligne de dialogue et elle parvenait pourtant à faire de Nova un inoubliable personnage. Ce fragile équilibre n'a pas été retrouvé ici.

Les premiers tours de manivelle sont donnés début novembre 2000 dans le désert de Page et au bord du lac Powell, en Arizona. C’est ici même que trente ans plus tôt Schaffner avait tourné ses scènes d’ouverture. Cette volonté quasi superstitieuse de démarrer ainsi la production sous les auspices du film d'origine est assez typique de la mentalité hollywoodienne. Les autres scènes d’extérieur seront tournées à Hawaï et en Californie, le reste du film étant mis en boîte sur les plus grands plateaux des studios Sony (ex-MGM).

Histoire de maintenir un buzz lancé depuis plus de six ans, un premier teaser est lâché dès le mois de décembre, proclamant fièrement « From the director of Batman and Sleepy Hollow... » Bouclé début avril 2001, le tournage reprendra durant douze jours de juin aux studios Pinewood de Londres, alors que la sortie reste fixée au 27 juillet. Il s’agit du tournage de l'épilogue (contrairement aux rumeurs, une seule fin fut tournée). La postproduction va alors se transformer en course contre la montre qui ne laissera personne réellement satisfait, Wahlberg et Burton en premier lieu : « C'était un de ces projets victimes de cette triste spirale hollywoodienne où vous avez une date de sortie, un scénario que le studio apprécie mais qui coûte la peau des fesses, et où vous vous retrouvez pendant des mois, non pas à travailler sur le film lui-même, mais à essayer de réduire les frais. » On suggère à Elfman de réviser sa partition pour la rendre plus « héroïque. » Les effets spéciaux sont encore en phase de finalisation dans la semaine qui précède la sortie mais la date ne sera pas reportée. Tel un train fou qu'on n'arrête pas, le film est attendu depuis trop longtemps, le studio a depuis des mois avancé des sommes fabuleuses dans sa campagne de publicité, espérant beaucoup du remake d'un film qui fut l'un des plus rentables de son temps. Des animations sont organisées dans diverses conventions SF à travers le pays, la saga est éditée en DVD, une nouvelle série de comic books est publiée, un partenariat est conclu avec Hasbro pour les produits dérivés, avec Ubi soft pour le jeu vidéo officiel. On se passera donc de projections tests.

Sixième des avatars filmiques nés d'un tout petit livre que son auteur lui-même jugeait parfaitement mineur, Planet of the Apes se retrouve en concurrence cet été-là avec Pearl Harbor, Rush Hour 2 et Jurassic Park III. Le film rentrera dans ses frais grâce à un démarrage en trombe et surtout grâce aux produits dérivés. Si prometteur, ce Planet of the Apes millésime 2001 a pourtant rencontré le rejet quasi unanime tant des critiques que des fans du réalisateur. Zéro nomination aux Oscars, pas même pour le maquillage de Rick Baker, ce qui nous semble être une injustice incompréhensible (c'est Richard Taylor pour Weta Workshop qui remportera la statuette cette année-là avec The Fellowship of the Ring). En août, John Chambers meurt, âgé de 78 ans, et l' on se retiendra d'y voir un lien de cause à effet... Le film obtiendra en revanche les Razzie Awards du pire remake et des pires seconds rôles pour Charlton Heston et Estella Warren (là par contre, on ne discutera pas). Ressuscité au terme d'un processus laborieux, produit finalement sans enthousiasme, la franchise retombe une nouvelle fois en sommeil. Tim Burton, plus qu'échaudé par la façon dont la Fox a traité le projet, ne veut plus entendre parler de singes. Le seul point positif de cette expérience sera finalement pour lui sa rencontre avec Helena Bonham-Carter, qui deviendra sa compagne et la mère de ses enfants.

À l'heure actuelle où la mode du remake / reboot / prequel semble plus active que jamais dans un Hollywood en panne dramatique d'inspiration, persuadé d'avoir affaire à un public amnésique, on fut néanmoins assez étonné de voir surgir un nouvel opus en 2011 (Rise of the Planet of the Apes, réalisé par Rupert Wyatt). La conjonction semblait être enfin favorable, le film d'anticipation pessimiste typique de ce cinéma américain des années 70 semblant retrouver les honneurs et les trilogies ayant à nouveau le vent en poupe.

DES ANIMAUX DÉNATURÉS

Depuis la fin des années 70, l'industrie cinématographique a bien évolué, imposant le règne des blockbusters. En 2001, nous sommes précisément dans une conception inversée par rapport à la recette du film original. Le spectaculaire prend désormais le pas sur les dialogues. On ne s'adresse pas particulièrement à l'intelligence du spectateur, on veut avant tout lui en mettre plein les yeux. De version en version, cette nouvelle adaptation du récit de Boulle a progressivement fait disparaître toutes ses ambitions philosophiques. La confrontation singes / humains ne donnera lieu à aucun questionnement métaphysique. Ce Planet of the Apes "revisited" n'est finalement pas plus un remake qu'une suite. Plutôt une reprise du postulat proposé par le romancier, ne cherchant plus du tout à s'inscrire dans la chronologie vaguement établie par les productions Jacobs. Le point de départ est sensiblement le même : en 2029, un astronaute de l'US Air Force pris dans une tempête spatiale électromagnétique est contraint d'atterrir sur une planète où les humains sont réduits en esclavage par une civilisation simiesque. Mais cette planète n'est pas la Terre (on note la présence de deux lunes). Les personnages sont entièrement nouveaux, et il n'y aura aucun clin d'œil au Dr Zaïus, ni à Cesar ou Cornelius. Ce qu'on découvrira, c'est que cette civilisation est née suite au crash du vaisseau Oberon, projeté dans le passé alors qu’il partait secourir Leo. Il n'est donc plus question d'un anéantissement d'une civilisation due à la folie guerrière de l'humanité mais d'une société nouvelle, créée par accident, proposant une autre forme d'évolution selon les lois de la sélection naturelle. Les singes que transportait le vaisseau, déjà d'une intelligence supérieure, ont fini par se révolter contre leurs seigneurs. L'idée d'une faute humaine originelle demeure donc en partie. Leo mettait d'ailleurs en garde dès les premières scènes : « Never send a monkey to do a man's job ! »

Mais cette origine de la planète des singes évacue de fait toute la dimension alarmiste du film originel, de même que l'aspect fable du roman. Le film prend bien soin d'éviter le trouble et préfère jouer la carte du film d'action, en mode survival. On peut raisonnablement trouver dommage une telle orientation, qui se prive de tout le potentiel du concept initial, réduisant l'ambition de son propos à peau de chagrin, à l'inverse d'un budget devenu colossal. Comme le déplorait Mort Abrahams - coproducteur du film de Schaffner avec Jacobs - lorsqu’on l’interrogea sur la tournure du script, une fois retirés les éléments politiques et sociaux du scénario, il ne reste rien, juste un titre. Boulle avait inventé un formidable terrain de jeu pour renvoyer à l'humanité sa propre image, ses travers. Ce faux remake passe complètement à côté de ces intentions. En dehors de quelques situations au détour d'une rue d'Ape City, la satire est désespérément absente. La condition humaine semble réellement être le cadet des soucis de cette production, sans doute au grand soulagement du studio. Planet of the Apes 2001 offre tout de même quelques pistes de réflexion sur l'humanité et ce qui la distingue de l'animal. L'essentiel est dit durant la scène du dîner, mais il est certain que cette discussion sur les préjugés n'est qu'un faible écho de la querelle entre singes lors du procès de Taylor. Ari appartient à un milieu d'activistes, elle défend les droits des humains qu'elle préfèrerait presque à ses semblables, et elle est tolérée uniquement parce qu'elle est fille de sénateur. Par son souci d'objectivité scientifique, elle synthétise les personnages de Cornelius et Zira.

Si les gorilles occupent toujours le rôle de militaires, les autres races sont plus développées que dans le film d'origine, moins cataloguées. Les chimpanzés ne sont plus d'inoffensifs pacifistes (ainsi le terrifiant général Thade), les orangs-outans ne sont pas forcément de vieux sages (Limbo est un escroc), les babouins et les mandrills font leur apparition. Leur niveau technologique de type rural / médiéval reste cependant identique aux films précédents, évacuant par contre plutôt intelligemment les armes à feu, comportement logique pour justifier la méfiance des singes, voire leur peur à l'égard de la science. Le rejet des armes à feu permet au passage de rééquilibrer les rapports de force entre singes et humains. Ces derniers ont, quant à eux, conservé toutes leurs facultés de raisonnement et de parole. Ils ne sont pas encore retournés à l'animalité de leurs homologues de 1968, et seraient donc plutôt à rapprocher de ceux de la série télévisée de 1974. Le fait que tous les hommes, comme les singes, parlent parfaitement anglais laisse à penser qu'il s'agit là des descendants des survivants de l'Oberon. Étrangement, Leo est peu surpris par ce détail linguistique, et devra attendre la découverte de l'épave pour faire le rapprochement. Mais on pourra toujours estimer qu'il a eu peu de temps pour s'interroger sur ce point, la présence de singes savants suffisant à alimenter son étonnement. On apprendra que, sur Terre, la déforestation a conduit à une quasi-extinction de l'espèce et que les animaux survivants ont fini dans des laboratoires et des zoos (cet état des lieux est une allusion à la situation décrite dans Conquest of the Planet of the Apes). La vérité sur l’origine du peuple singe est une nouvelle fois détenue par les anciens et dissimulée au peuple sous couvert de religion dans le seul but de préserver la cohésion sociale et une hiérarchie raciale. Ils savent que leurs ancêtres étaient autrefois esclaves des hommes. Ils ont inventé la zone interdite qui circonscrit l'épave de l'Oberon, berceau de leur civilisation. Leur divinité a pour nom Semos et les textes sacrés prétendent que Semos a fait le singe à son image. Il s'agit certainement du chimpanzé qui a mené la mutinerie contre l’équipage de l'Oberon, ne faisant au final que reproduire un comportement humain (esclavage-révolte-tyrannie). Et il est plus que probable que la famille de Thade soit sa directe descendance.

Finalement, les liens les plus tangibles avec le film d'origine résident peut-être dans de brefs clins d'œil destinés aux connaisseurs : apparition muette d’une Linda Harrison toujours en cage, répliques inversés (le général gorille alpaguant Leo : « Take your stinking hands off me, you damn dirty human ! »), présence de Charlton Heston qu'on imagine avoir accepté le rôle par amitié pour Dick Zanuck, alors que pendant des années il refusait toute idée de participation, surtout grimé en singe. Heston est évidemment la figure tutélaire qui légitime toute l'entreprise. L'ironie est savoureuse puisque le président d'honneur de la NRA, association américaine défendant le droit au port d'armes, incarne ici un vieux chimpanzé qui s’avère le gardien de la seule arme à feu conservée par les singes. Il maudira une énième fois les hommes, et les spectateurs avertis souriront à ses derniers mots : « Damn them all to hell ! » On est à peu près persuadé que s'il avait toujours été de ce monde, Roddy McDowall aurait certainement eu lui aussi les honneurs d'un cameo. L'acteur le plus emblématique de la saga est hélas décédé en 1998 d'un cancer. Il faudrait noter enfin la ressemblance assurément non fortuite entre la silhouette de l'Oberon enfoui dans le sable et la couronne de la Statue de la Liberté. Burton reproduit pour la filmer le travelling en plongée immortalisé par Schaffner, certainement l'un des plans les plus marquants de l'Histoire du cinéma ; et l'on mesure ici l'audace qu'il y avait à entreprendre un tel remake dès lors qu'on éprouve du respect pour le film d'origine.

IT'S SHOWTIME, FOLKS !

En 1968, Schaffner imposait à sa narration une certaine lenteur qui permettait d'une part de prolonger l'exploration de la planète et son mystère, d'autre part de développer le caractère profondément misanthrope de Taylor le protagoniste. La version de Burton - pourtant plus longue de quinze minutes - choisit d’expédier les scènes d'exposition et plonge d'emblée son héros dans l'aventure, soutenu par la partition d'Elfman. Une fois expulsé de sa coquille, surgissant des eaux et renaissant à la planète, Leo se retrouve aussitôt dans la peau de la bête traquée (son prénom le renvoyait déjà du côté de l’animal). Le temps n'est plus à la réflexion. Wahlberg possède un incontestable talent d'acteur mais son personnage est ici bien fade, à ce point défini par ses seules actions, par sa seule volonté de fuir ce cauchemar. Même lors de ses rares instants de pause, la nuit, on le sent impatient de reprendre sa course. Le rôle se veut avant tout physique. Telle fut la direction de son metteur en scène : « Je me rappelle très bien avoir dit à Mark de jouer à fond la carte du "Sortez-moi-de-ce-bordel". Et il a adopté cette sorte d'entêtement à tailler sa route comme aurait pu le faire un Steve McQueen. »

Taylor avait, lui, le temps d'accepter sa nouvelle situation avec d'être amené à se révolter. Ses premiers mots une fois sur la planète dont il se voyait maître étaient : « Okay, we're here to stay. » Du capitaine Leo Davidson, représentant le plus évolué de l'espèce humaine, on ne saura pas grand-chose à part qu'il peut se montrer buté et réfractaire à l'autorité. C'est un individualiste, prêt à rejeter les ordres et à abandonner son équipage pour récupérer son singe. Ce statut d'homme à part suffit en soi à en faire un héros burtonien, bien qu'il soit sans doute le personnage le moins névrosé de toute la filmographie du cinéaste. Au cours de son odyssée, il va se transformer en véritable leader, forcé d'embrasser une destinée qu'il n'a pas voulue, tel un messie descendu du ciel et sauveur de la race humaine. En découvrant les origines de la planète des singes, il prend en effet conscience que c'est son initiative qui a causé le crash de l'Oberon et tout ce qui en a suivi. Il aura préféré sauver "son" singe Périclès, plutôt que d'écouter les ordres de ses semblables, choisissant imprudemment son camp. La culpabilité du personnage sera sans doute ce qui le motivera à se battre malgré tout pour, si ce n'est expier sa faute, aller au moins au bout de son chemin. Une fois mis au pied du mur, sa fuite s'étant révélée vaine, il doit assumer sa responsabilité et combattre. Quittant la planète, Leo entrera dans l'Histoire. Ari lui annonce en effet que son aventure prendra plus tard les allures d'un conte de fée. Sur ce plan-là non plus, rien n'a été réellement développé, aucune mythologie ou prophétie ne semblant habiter ces hommes.

Histoire de ne pas non plus réduire à néant les motivations des personnages, le scénario s’efforce tout de même de créer des rapports d’opposition entre certains couples : jalousie entre les deux femelles Bonham-Carter et Warren, rivalité maître / disciple entre les deux gorilles. De leur côté, Thade (Tim Roth) et Leo se rejoignent dans la conscience aiguë qu’ils ont de ce qui les menace respectivement. Concernant  plus précisément Thade, Burton a eu l’excellente idée d’en faire un chimpanzé au lieu du gorille albinos que prévoyait le scénario, caractérisation un peu facile pour ce qui serait devenu un vilain de cinéma trop évident. Roth ne dispose dès lors que de son talent de comédien pour composer un méchant qui se révèle particulièrement réussi. Animé par une soif de pouvoir meurtrière, il est prêt à tout pour parvenir à ses fins : séduire Ari la fille du sénateur, assassiner des témoins gênants, manipuler ses troupes, tirer prétexte de la fuite de Leo et ses compagnons pour réclamer les pleins pouvoirs (et dès cet instant, Ari ne l'intéressera plus). Il faudra attendre l'irruption opportune de Périclès, parfait deus ex machina, pour à la fois mettre un terme à ses ambitions, révéler ses mensonges et accomplir la prophétie - et renforcer le mal de crâne du spectateur tenté de mettre à plat les paradoxes spatio-temporels du récit. Thade se verra offrir une fin pathétique, retourné à l'état d'animal en cage, maître d'un savoir désormais inefficace puisqu'il est seul. Réalisant qu'il a été trompé et n'ayant plus que son propre code moral à respecter, son aide de camp gorille lui refusera son aide.

Bien que prétendant au seul divertissement, le film opte en fait pour un ton plutôt sombre, voire adulte, qui lui vaudra un classement PG-13 (à partir de 13 ans). L'atmosphère est assez tendue, voire désespérée, le héros étant constamment tenu de conserver son sang-froid pour faire face au danger. On note très peu d'effets de distanciation, de second degré. Les singes, par leur corpulence et leur attitude, apparaissent particulièrement menaçants. Seul l'orang-outan lâche interprété par Giamatti semble avoir à sa charge le quota de répliques humoristiques. Cela étant, les scènes de violence sont nombreuses mais graphiquement avares en sang versé. Burton est amené à remaker par la même occasion le piteux final de Battle for the Planet of the Apes (pour un budget cent fois supérieur). Le film de Schaffner était lui-même dépourvu d'un climax aussi gigantesque, privilégiant au contraire une épure qui jouait sur les nerfs. Ici, c'est plutôt le choc des titans qui nous est offert, avec cet affrontement de centaines de figurants, à pied ou à cheval, incluant de grandioses explosions. Une fois assouvies les attentes en matière d'épate, Burton va heureusement réduire la lutte à une série de duels entre les différents couples antagonistes du film : Warren découvrira la marque au fer rouge d'Ari - atroce scarification qui prouve définitivement son appartenance au même camp -, le disciple gorille dépassera le maître, Thade et Leo ayant droit au dernier face-à-face alors que la paix a été miraculeusement ramenée.

C'est la première fois que Burton se voit offrir une véritable scène de bataille, et l'on sent son plaisir à disposer tous les éléments propres au genre avec ces plans qui montrent l'arrivée des belligérants, le premier assaut, les corps-à-corps. Puisqu'il souhaite réduire au maximum les trucages numériques sur son film, il privilégie également sur ces scènes complexes des effets exécutés sur plateau. Frère du vétéran Vic, Andy Armstrong (Stargate, Charlie's Angels, I, Robot, The Amazing Spider-Man) assure la réalisation de la seconde équipe, coordonnant les cascades avec Charles Croughwell (Back to the Future, Hook, Batman Returns, Big Dish, Die Hard 4) et Scott Sproule (Face/Off, Blade, Minority Report). Ils usent de toutes une série d'artifices (câbles, tapis roulants) pour respecter au mieux la volonté du réalisateur. Malgré les réserves qu'on peut légitimement avoir à propos des choix scénaristiques du film, la fluidité du découpage sur ces séquences ne souffre d'aucun reproche. Sur Batman Returns, le découpage avait beau être extrêmement précis et travaillé (cf. les premiers exploits de Catwoman), la plupart des scènes d'action semblaient cruellement manquer de dynamisme. Les combats du premier Batman étaient encore plus lourds, le héros y perdant même pas mal de son aura. Ce n'est qu'à partir de Sleepy Hollow que l'on a pu constater d'importants progrès dans la représentation de l'action de la part du réalisateur. Tirant partie des moyens mis à sa disposition (travellings, steadycam, grue) et aidé par son monteur désormais attitré Chris Lebenzon (également fidèle à Tony Scott), Burton y témoignait d'une maîtrise nouvelle. De ce point de vue-là, Planet of the Apes représente une véritable apogée. La spectaculaire scène de crash de l'Alpha Pod, la première scène de chasse dans la forêt, le franchissement à cheval du camp au bord du lac et bien sûr la bataille finale au pied de l'Oberon révèlent à quel point Burton est désormais en pleine possession de ses moyens. S'adaptant aux déplacements très particuliers des singes, capables de surgir des arbres, de faire de grands sauts, de courir plus vite qu'un cheval, le réalisateur multiplie les mouvements de caméra et les angles de prises de vues avec une parfaite lisibilité. Il crée des séquences à la fois belles, fougueuses et spectaculaires, rendant parfaitement compte de la vitesse et des impacts de violence. Ceci prouve finalement le sérieux avec lequel Burton a toujours abordé ces scènes lorsqu'elles s'imposaient, et qu'il n'a cessé d'apprendre et de se dépasser.

SOYEZ MAUDITS JUSQU'À LA FIN DES SIÈCLES !

La toute dernière scène du film se permet d’ajouter un "twist" supplémentaire puisque la découverte de l'Oberon en forme de première révélation arrivait bien tôt dans le récit. Cette conclusion ne gagne pas à être explicitée de manière trop définitive. Laissons-nous plutôt porter par les interrogations qu'elle suscite. Je doute même que les scénaristes aient voulu proposer un système fermé, et Burton lui-même commente la scène en disant qu'il ne faut pas trop chercher à comprendre : « L'idée était de revenir à une sorte de temporalité distordue, de revisiter la juxtaposition humain / animal et de retourner dans un monde où tout semble normal mais où quelque chose s'est cependant produit. » Si cette fin ouverte laisse évidemment place à une possible suite, le retour sur Terre nous apparaît surtout comme une citation littérale de l’épilogue du roman. Burton conserve ainsi la construction cyclique présente dans tous les films de la saga, proche en cela de l'esprit Twilight Zone (rappelons que le créateur de la série, Rod Serling, coscénarisa le premier film). Leo s'éveille dans un nouveau cauchemar. Il est de retour sur une planète des singes dont l'évolution historique a en quelque sorte singé l'Histoire terrienne, Thade se substituant à Lincoln. Il est vain cependant de chercher à reconstituer les événements qui auraient pu mener à cette situation précise révélée sur les marches du Lincoln Memorial, et surtout de croire que Leo ait pu avoir une influence sur ceux-là. Le temps ne se manipule pas et l'on n'en finit jamais de le rattraper, car la moindre intervention aura forcément des répercussions sur l'avenir.

Malgré le battage médiatique orchestré par le studio au sujet d'une fin audacieuse, on ne sort pas du film avec le sentiment d'avoir été interpellé sur une question morale, philosophique ou politique. Ce n’est qu’un retournement de situation au mieux amusant sinon inconséquent. Comment de toute façon espérer concurrencer le final de la version d'origine, aussi stupéfiant que mythique ? Finalement, nul n'y a jamais vraiment prétendu, pas même les dirigeants de la Fox qui n'ont cessé de présenter le projet comme une "ré-imagination" du premier film. Le message de Planet of the Apes 1968 répondait aux inquiétudes d'une époque troublée. Doit-on en conclure que le début du XXIe siècle n'a que ce vide de conscience à proposer ?


Film de commande dans tous les sens du terme, il est certain que Planet of the Apes apparaît à sa sortie comme l'œuvre la plus décevante de Tim Burton. On n'y trouve ni sa poésie, ni ses obsessions, rien de son petit monde si amoureusement construit au cours des années précédentes et qui séduisit légitimement tant de spectateurs. À ce titre, il est le mal-aimé de sa filmographie, celui qui embarrasse autant l'auteur que l'amateur. Condamné à être mis en concurrence avec le film de Schaffner, il est encore moins défendable. Pourtant, en soi, ce n'est pas un film dénué de qualités, et en tant que spectateur nous n'avons jamais boudé notre plaisir dès sa découverte en salle. Il faut parvenir à ne juger le film que sur ses seules prétentions, qui sont d'offrir un grand spectacle tourné vers l'action et l'aventure. Planet of the Apes 2001 est simplement une autre proposition de cinéma, l'essentiel étant ici de déboucher sur des situations dramatiquement intéressantes. « Je crois que le principal problème du film tient au fait que je ne pouvais pas tourner le scénario qu'ils voulaient. On vous donne une date butoir de sortie, et pour la respecter, il faut d'abord déconstruire le scénario pour des raisons de budget et puis, très vite, c'est tout le film qui finit par se déconstruire. » Si l'on accepte de ne prendre en considération que ce qu'il a choisi d'offrir au public, et si l'on oublie le potentiel de l'histoire originelle, on a en effet un film d'aventures séduisant, plastiquement splendide et remarquablement mis en scène, qui peut se revoir avec plaisir et fascination.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

The Forbidden zone : http://www.theforbidden-zone.com
Article de Philippe Heurtel : http://www.philippe.heurtel.info/SingesIndex.htm

Bibliographie
Pierre Boulle, La Planète des singes, Pocket éditions
Tim Burton, Entretiens avec Mark Salisbury, Sonatine éditions, Paris, 2009

Par Elias Fares - le 3 avril 2017