L'histoire
Durant la Seconde Guerre Mondiale, en France, Freda Thompson, une journaliste déterminée, est déportée dans un camp allemand. Une nuit, alors que les bombardements font rage, un avion britannique est touché. Trois de ses occupants échappent miraculeusement à la mort grâce à leur parachute, mais atterrissent dans le camp nazi qu'ils étaient en train de survoler. Frida et ses camarades décident alors de les cacher pour mieux les aider à s'évader...
Analyse et critique
Lorsque le studio Gainsborough contribue à l’effort de guerre du cinéma anglais, ce sera forcément sous un angle romanesque et féminin avec ce Two Thousand Women. Frank Launder aura su brosser le portrait de l’Angleterre en guerre sous un angle intimiste à travers une trilogie (coécrite et coréalisée avec son partenaire Sidney Gilliat) composée de Ceux de chez nous (1943) illustrant la mobilisation des femmes en usine d’armement et Waterloo Road (1945) narrant un triangle amoureux sur fond de blitz. Two Thousand Women est plus frontal dans sa dimension de film de guerre (avec la confrontation directe à l’ennemi nazi quand il restait une menace invisible dans les deux autres films) et mélange la touche humaniste de Frank Launder avec le côté plus piquant typique de Gainsborough, tout en maintenant la tension attendue dans le genre. Pour rappel la Gainsborough fut un des studios phares du cinéma anglais des années 40, produisant des mélodrames en costumes éblouissants de provocation, d’inventivité et d’audace comme The Wicked Lady (1945), The Man in grey (1943) ou Caravan (1946) mais qui savait faire état de la situation d’alors en Angleterre notamment dans le beau Love Story (1944).
Durant la Seconde Guerre Mondiale, un groupe de jeune femmes, anglaises pour la plupart, sont déportées dans un camp allemand assez particulier, un ancien hôtel de luxe reconvertit en geôle. La première partie permet d’expliquer l’incongruité de cette présence anglaise par le portrait des prisonnières qui dessine tout un pan de classes sociales. On aura ainsi une vieille fille loin de sa villégiature (Flora Robson), une journaliste en voyage (Phyllis Calvert), une religieuse arrachée à son couvent (Patricia Roc) et surtout des jeunes « aventurières » ayant exercées les professions diverses et plus ou moins recommandables (Jean Kent et son passé de stripteaseuse). Ce contraste permet quelques moments amusant comme quand, pénurie d’eau oblige, les femmes se déshabillent sans gêne et partagent leur bain tout en dégustant une tasse de thé sous le regard horrifié des plus collet-monté peu habituées à cette promiscuité.
La cohabitation se fera tant bien que mal, si ce n’est que plane la menace d’une espionne allemande parmi les prisonnières. Lorsque des pilotes anglais abattus trouveront refuge dans l’hôtel, nos héroïnes devront jouer avec cette menace intérieure et celle de leurs geôliers allemands pour les faire échapper. On démarre ainsi dans une touche légère du fait de ce cadre pénitentiaire inhabituel d’où les Français ne sont pas absents (le propriétaire de l’hôtel joué par Guy Le Feuvre). La tonalité change quelque peu du fait de cette orientation féminine et la facette patriotique se conjuguera constamment aux passions de nos héroïnes, faisant l’originalité du film par rapport à d’autres avatars du genre comme La Grande Illusion de Jean Renoir ou Stalag 17 (1953) de Billy Wilder.
La tension grimpera progressivement, de disparition mystérieuse d’objets en punition envers certaines que seule une trahison peut justifier, jusqu’au le jeu de dupe lorsqu’il faudra dissimuler les pilotes. Le scénario tout en en faisant des personnages forts se joue aussi de certains « travers » et archétype féminins comme une scène mémorable où le caquetage va répandre la rumeur de la présence des prisonniers jusqu’à arriver aux oreilles de l’espionne allemande infiltrée. Le tempérament passionné de ces femmes est source de courage et de danger à la fois, à l’image du personnage de Jean Kent prêt à tout pour la perte puis la survie d’un des pilotes coupables d’un machisme révoltant envers celle qui l’a sauvé. On aura également une approche plus tendre avec la romance entre Patricia Roc et un autre pilote.
On reconnaît bien là le mélange des genres de la Gainsborough et Frank Launder regrettera par la suite de n’avoir pas adopté un ton plus globalement sérieux au film. C’est pourtant ce qui en fait tout le sel, passant du cliché sur la femme frivole et précieuse à la vraie héroïne et patriote anglaise digne de ses comparses masculins lorsque le danger se fait jour. On vibre d’autant plus tout en étant confronté à des situations inédites dans le genre (le final est un modèle de suspense). Ces femmes ont mérité notre admiration (le casting des habituées de la Gainsborough est parfait avec Phyllis Calvert, Jean Kent et Patricia Roc, ne manque que Margaret Lockwood) lors du final triomphal où elles chantent la gloire de l’Angleterre face aux allemands qu’elles ont dupés.
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