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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Grande illusion

L'histoire

1916, durant la Première Guerre mondiale. Alors qu'il effectuait une mission de reconnaissance, l'avion du lieutenant Maréchal transportant le capitaine Boieldieu de l'état-major a été abattu. Les deux hommes sont faits prisonniers par le capitaine Von Rauffenstein, qui les traite avec grand respect. Maréchal et Boieldieu sont internés dans un camp de prisonniers en Allemagne où ils rejoignent d'autres compatriotes. Rapidement des relations de camaraderie se nouent, notamment avec le juif Rosenthal, alors qu'une tentative d'évasion est organisée. Mais les trois prisonniers vont hélas se trouver transférés dans la forteresse Wintersborn que dirige dorénavant Von Rauffenstein suite à des blessures de guerre. C'est alors que Boieldieu et Von Rauffenstein, deux aristocrates, se lient d'amitié. Se rapprochant également de leur côté, Maréchal et Rosenthal envisagent de s'évader. Un plan se met en place, dans lequel Boieldieu jouera un rôle central et dangereux.

Analyse et critique

En parlant de son scénariste Charles Spaak, Renoir déclare : « Aux liens de notre amitié s’ajouta celle de notre foi commune dans l’égalité et la fraternité des hommes ». Tourné alors que l’ombre d’un nouveau conflit mondial vient à nouveau assombrir l’Europe, La Grande illusion est une œuvre d’une humanité confondante dont le constat est souvent amer. Optimiste, Renoir, qui au sein de ce camp et au travers des relations qui se nouent entre Boieldieu et von Rauffenstein, abolit les frontières dressées entre les hommes. Pessimiste lorsqu’il nous montre que ces barrières sont en fait sociales, qu’il y a un fossé entre Boieldieu et Maréchal (Jean Gabin) que même la fraternité ne peut complètement effacer. Dans ce film, Renoir est plein d’espoir en l’homme, il a foi en chaque individu. C’est la société, elle, qui porte tous les maux, qui pousse les hommes à s’affronter et à se haïr. Peut-être au final Maréchal et Boieldieu sont-ils séparés non pas autant par leur appartenance à deux classes distinctes, mais par deux conceptions différentes de la guerre, ou plutôt deux manières de surmonter son absurdité. Boieldieu et von Rauffenstein font partie d’un monde qui s’éteint, croyant dans une chevalerie imaginaire des faits d’armes. Maréchal fait partie du peuple qui veut croire au devoir patriotique, défendre la nation et la démocratie pour laquelle leurs ancêtres ont versé leur sang.

Renoir, avec La Marseillaise notamment, croit sincèrement en la légitimité des guerres de libération et combattant en 14/18 dans l’aviation, est également animé par cette chevalerie incarnée par les deux aristocrates du film. Renoir donne la parole aux deux camps, aux différentes couches sociales, aux idéaux qui diffèrent. Il ne décrit que des actes justes, des hommes intègres et fraternels, nous emportant dans une ronde humaine qui nous étreint profondément le cœur. Le cinéaste nous offre également un spectacle d’une rare intelligence. D’abord récit de prison comprenant nombre de personnages hauts en couleur, le film se resserre sur quelques individus emblématiques, prisonniers d’un nid d’aigle, sombre forteresse qui appelle le drame. Puis, dans la blancheur éclatante de l’hiver, ce sont trois individus qui vont cristalliser les enjeux du film tout entier. Ce récit à trois temps s’approche comme dans un lent travelling avant (figure que Renoir utilise à merveille) de l’individu. C’est à la fois un récit d’évasion palpitant et une aventure humaine sans équivalent, servie par la mise en scène de Renoir, véritablement au sommet de son art. Un des plus grands chefs d’œuvre du cinéma français aux dialogues et aux interprètes inoubliables, une œuvre où palpite le génie, drame poignant et chant d’amour dans l’humanité.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 26 mars 2012