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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Maison de Frankenstein

(House of Frankenstein)

L'histoire

Le docteur Niemann parvient à s’évader de prison grâce à un orage particulièrement violent. Dans sa fuite, il emmène Daniel, un homme difforme. Sur le chemin, Niemann tue le propriétaire d’une attraction horrifique itinérante et vole son attelage : l’attraction contient notamment le squelette du véritable comte Dracula. Le but de Niemann est de retrouver les écrits du docteur Henry Frankenstein afin de continuer son œuvre. Explorant les ruines du château de Frankenstein, il libère les corps du monstre et du loup-garou retenus par la glace depuis l’engloutissement de l’endroit par la rivière. Réveillé, Larry Talbot désespère de pouvoir mourir une fois pour toutes et demande au docteur Niemann de l’aider. Mais ce dernier n’en a cure, il a d’autres projets : continuer l’œuvre du docteur Frankenstein...

Analyse et critique


Forte du succès de Frankenstein Meets the Wolf Man, la Universal décide d’aller encore plus loin en offrant un film qui superposerait pêle-mêle Dracula, le loup-garou et le monstre de Frankenstein. Le fantastique au cinéma s’essoufflant à nouveau, la production lance tant bien que mal des projets de plus en plus alambiqués. Il est inutile de dire que House of Frankenstein ne prétend en aucune manière rivaliser avec les grands classiques du passé. Erle C. Kenton, déjà aux commandes de l’inégal mais très intéressant The Ghost of Frankenstein deux ans plus tôt, est appelé par la production pour réaliser cette nouvelle œuvre de commande. Handicapé par un scénario plus que douteux, par un casting sous-exploité ainsi que par le peu d’originalité de l’ensemble, Kenton essaye toutefois de faire de son mieux. Là où la première rencontre entre le monstre et le loup-garou donnait lieu à un film rythmé, visuellement irréprochable et rempli de bonnes idées, cette nouvelle tentative apparaît en revanche boursouflée et symptomatique d’une volonté de recycler à tout prix les franchises d’épouvante les plus célèbres de l’époque, tout en surchargeant le récit de tours de passe-passe inutiles et artistiquement voués à l’échec. Pourtant l’affiche est belle, cherchant à créer l’événement avec cette rencontre d’univers qui se veulent extraordinaires. Le début du film est prometteur, instaurant une ambiance macabre, brillant par ses beaux décors doublés d’une photographie appréciable. L’évasion de Boris Karloff est réussie, quoique invraisemblable, et l’œuvre se profile très agréablement. Mais c’était sans compter la présence d’un scénario catastrophique et d’une distribution perdue dans un flot de bonnes idées avortées. En effet, le film commence sur le mythe de Frankenstein pour ensuite très rapidement embrayer sur celui de Dracula. Une fois ce dernier ressuscité par une vague ineptie scénaristique (à laquelle il manque un zeste de poésie pour que l’on se laisse réellement porter par la naïveté de la séquence), l’histoire se concentre sur une petite famille qui va bientôt devenir la victime du vampire. Dracula s’incruste chez cette famille, puis tue le père et s’enfuie avec sa fille, laissant le soin au gendre et à la police de le poursuivre à cheval. Au terme de cette haletante course-poursuite, Dracula est tué par le soleil et le jeune homme récupère sa dulcinée dans une séquence aux allures de happy-end. Mortifiant.


Le film parvient presque à une demi-heure de récit et toute la partie sur Dracula a déjà été expédiée. Jamais le seigneur des Carpates ne rencontrera le monstre de Frankenstein ou le loup-garou. Boris Karloff et son aide, qui s’étaient instantanément érigés en seconds couteaux depuis l’apparition du comte maléfique, reviennent au premier plan et continuent leur chemin. La surprise tenaille le spectateur, car le scénario principal du film ressemble fort à un libertinage sans conséquence. A quoi donc a pu servir cet intermède avec Dracula ? Aucun lien n’a été opéré avec la suite des événements, aucun des acteurs présents dans cette partie ne reviendra par la suite, et ce segment d’intrigue s’avère a fortiori totalement inutile, sorte de sketch de plus d’un quart d’heure apposé au reste du film dans l’optique de faire "chic". Effectivement, l’affiche avait raison : dans ce film on trouve tout ce que l’on veut, mais présenté n’importe comment. Pire encore, de surcroît quand on a vu Frankenstein Meets the Wolf Man, la créature indestructible et le loup-garou ne se rencontreront également jamais, malgré un rapport conjoint à l’histoire. Larry Talbot, alias le loup-garou, mourra de façon dérisoire avant même que le monstre ne se réveille. Ce dernier profitera d’ailleurs de moins de cinq minutes à l’écran, rencontrant à peine Boris karloff. Bref, dans ce film, tout le monde cohabite sans jamais vraiment parvenir à se rencontrer frontalement. La faute en incombe à une diégèse décousue d’une limpidité gravement douteuse.


L’ensemble se laisse pourtant suivre sans déplaisir, mais rien ne subsiste du génie des œuvres fondatrices du genre. Des films comme The Ghost of Frankenstein et surtout Frankenstein Meets the Wolf Man avaient au moins le mérite d’être adroitement conçus, bénéficiant chacun d’une qualité d’écriture tout à fait honorable. En l’occurrence, le pathos voulu par le script se montre régulièrement grotesque et contrarié par une musique trop envahissante. Lionel Atwill n’a en outre pas le temps de s’exprimer, son rôle ne dépassant pas quelques minutes. J. Carrol Naish interprète un Daniel difforme qui n’invite que très rarement à la compassion (en raison d’une écriture défaillante du personnage et d’une performance transparente de l’acteur). Glenn Strange endosse le rôle de la créature de Frankenstein la plus affligeante que l’on ait jamais vue, rendant de ce fait inutile toute comparaison avec ses trois prédécesseurs qui, même pour Chaney Jr., l’écrasent en totalité. John Carradine, récent nouveau venu de seconde catégorie à la Universal, incarne un Dracula terne et sans grand relief, à des années-lumière de celui de l’immense Bela Lugosi. Sa prestation n’a rien de mauvaise, mais l’acteur pâtit lui aussi d’une qualité d’écriture injurieuse qui ne lui laisse aucunement construire un personnage intéressant. Reste alors Lon Chaney Jr. en mode mineur, entre deux épisodes de la franchise Inner Sanctum Mysteries, qui peine à faire exister son très touchant personnage de Larry Talbot tourmenté par sa malédiction. En roue libre à cause d’un scénario absent et beaucoup trop répétitif, Chaney Jr. parvient tout juste à crédibiliser ses apparitions à l’écran. Son rôle reste inutile et trop loin des obsessions déployées par le docteur Niemann. Enfin, Boris Karloff joue un savant fou sans intérêt. Cela dit, le charisme de l’acteur et sa justesse de jeu constante hissent le personnage à un niveau plus que correct. Heureusement, le film offre de bons moments. La mise en scène fonctionne avec une relative efficacité et l’atmosphère demeure redoutablement délicieuse. Les effets spéciaux et les décors particulièrement réussis transcendent les trop nombreuses faiblesses du film pour enfin le rendre suffisamment intéressant à suivre. Le charme opère, le spectateur reste relativement conquis, mais la maîtrise absolue des années 1930 a complètement disparu.


House of Frankenstein relate des évènements sans cohésion, sombre dans un scénario fou et laborieux, utilise mal les possibilités d’une distribution pourtant exemplaire, et s’enferme dans une série de situations rocambolesques apposées les unes aux autres, tout juste destinées à appâter le public. Si l’on ne peut ignorer le maladroit but purement commercial du film qui se targue de pouvoir réunir trois des plus célèbres monstres de la Universal, et cela de manière totalement artificielle, il serait en revanche désolant de bouder le plaisir qu’offre tout de même une telle production. La photographie, parfois sublime, renoue en de rares circonstances avec les grands moments de l’épouvante passée au cinéma, et les décors exposent des instants de pure poésie qui culminent dans une caverne de glace à la beauté fulgurante et à la magie intacte.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Denis Bastien - le 2 décembre 2015