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Critique de film
Le film

Face au soleil levant

(Behind the Rising Sun)

L'histoire

Les Enfants d’Hitler
Berlin, 1933. La jeune Anna Müller, Américaine née en Allemagne, fréquente l’école américaine dirigée par le professeur Nichols. Face à cette institution se trouve un centre d’éducation pour les Jeunesses Hitlériennes. Les élèves des deux écoles sont régulièrement impliqués dans des bagarres. Le jeune Karl Bruner, chef de section aux Jeunesses Hitlériennes, est fortement attiré par la douce Anna. Même si cette dernière vomit l’idéologie nazie, elle se prend également d’affection pour Karl et espère modifier sa vision de la société. Mais les événements politiques vont les séparer. Six ans plus tard quand la guerre éclate, les élèves non américains sont arrachés à l’école et Anna, avant tout considérée comme allemande, est conduite dans un camp de travail pour sa rééducation. Nichols tente de la retrouver afin de la faire évader. Karl, devenu lieutenant dans la Gestapo, est éperdument amoureux d’Anna toujours éprise de liberté. D’abord furieux contre ses convictions et son opposition radicale au Führer, il commence peu à peu à douter des siennes...

Face au soleil levant
Taro Seki, un jeune Japonais ayant fait des études d’ingénieur aux Etats-Unis, revient au Japon, plein d’espoir pour sa nouvelle vie. Familier de la culture et des valeurs occidentales, il se heurte à son père, un traditionaliste convaincu de la supériorité de son peuple, qui espère une carrière toute autre pour son fils alors que le pays se prépare à la guerre contre les Chinois. Taro tombe amoureux de Tama, la secrétaire de son employeur américain O’Hara. Ils envisagent de se marier. Mais il est appelé sous les drapeaux et participe à l’invasion de la Chine. Ses idées changent radicalement : il épouse progressivement les convictions nationalistes de son père et considère comme naturelles les exactions commises par l’armée japonaise. De retour à Tokyo, son attitude déçoit et effraie ses amis. Son père, devenu ministre, commence à éprouver des regrets en observant la transformation de son fils et remet en question l’idéologie nationaliste qui présidait à son action. La guerre entre le Japon et les Etats-Unis est déclarée alors que l’attitude de Taro envers Tama et ses anciens amis américains devient de plus en plus détestable...

Analyse et critique

Le 7 décembre 1941 au petit matin, le Japon attaque la base américaine de Pearl Harbor située dans l’archipel d’Hawaï précipitant ainsi l’entrée - inéluctable - des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Le pays entier se met alors en branle et tous les secteurs de la société et de l’économie seront progressivement concernés. En 1942, le gouvernement présidé par Franklin D. Roosevelt demande à l’industrie florissante du cinéma de participer en produisant des films soutenant l’effort de guerre. Une cellule de liaison est justement créée à cet effet entre Washington et Hollywood, et de nombreuses sommités du milieu du cinéma sont convoquées à la Maison Blanche pour écouter les doléances du président. Certaines d’entre elles s’engagent même dans l’armée comme le comédien James Stewart ; et des réalisateurs de renom comme George Stevens, Frank Capra, John Huston, William Wyler et John Ford mettent leur savoir-faire à son service en allant filmer les soldats sur les terrains d’action. C’est ainsi que la formidable machine hollywoodienne va mettre tous ses moyens et ses hommes en œuvre afin de lancer à son tour une véritable entreprise de propagande comme seule l’URSS l’avait fait jusqu’à présent. Sergeï Eisenstein, pour ne citer que lui, avait démontré à maintes reprises qu’art cinématographique et propagande pouvaient faire bon ménage malgré les directives étatiques et les ciseaux de la censure. En serait-il de même pour Hollywood et ses majors toutes-puissantes ? Les exemples de réussites plus ou moins franches de ce côté du Pacifique tendraient également à le prouver ; on pourrait citer Sabotage à Berlin (Raoul Walsh, 1942), Air Force (Howard Hawks, 1943), Les Bourreaux meurent aussi (Fritz Lang, 1943), Casablanca (Michael Curtiz, 1943), The Memphis Belle (William Wyler, 1944) ou Les Sacrifiés (John Ford, 1945).

Néanmoins, on dénombrera malheureusement bien plus de films frôlant souvent le ridicule de par leur scénario improbable sacrifiant tout réalisme (psychologique ou militaire) au profit du message, ou de par la caractérisation de l’ennemi (les Japonais en faisant bien plus les frais que les Allemands comme il en sera question ici). Quelques cinéastes prestigieux tels Jean Renoir, Jacques Tourneur ou Julien Duvivier s’y sont parfois montrés plutôt mal à l’aise. Les contraintes exercées sur les majors par l’effort de guerre rendaient nécessairement les producteurs moins scrupuleux ; à titre de comparaison, les trois chefs-d’œuvre incontestables que sont Le Dictateur (Charles Chaplin, 1940), The Mortal Storm (Frank Borzage, 1940) et To Be or Not to Be (Ernst Lubitsch, 1942), mis en chantier avant l’entrée du pays dans le conflit mondial, n’avaient eu à subir aucune pression de cet ordre. Il faudra attendre la contribution au genre de réalisateurs comme Samuel Fuller et Robert Aldrich pour donner de la guerre et de l’armée une représentation autrement plus âpre et réaliste. La place manque ici pour débattre en profondeur du rôle de la propagande au cinéma et des rapports étroits unissant Hollywood et le Pentagone depuis plus de 80 ans. Il ne s’agit pas de démonter toute œuvre ayant pris partie dans une entreprise délibérément propagandiste. En premier lieu parce que de véritables artistes se sont illustrés dans ce domaine en produisant des œuvres réellement abouties sur le plan artistique. Ensuite et surtout parce qu’il s’agit le plus souvent d’opposer un système politique et moral à un autre, et si les armes culturelles employées par une démocratie et une dictature pour asseoir leur propagande se ressemblent dans leur essence, le choix entre la première et la seconde (en l’occurrence les Etats-Unis et l’Allemagne Nazie) n’a pas lieu de se poser. Renvoyer les deux parties dos-à-dos serait une offense faite à l’intelligence. Cependant, le recul aidant, il convient de conserver son esprit critique devant des films qui savent se faire efficaces dans l’exaltation de valeurs libérales et individuelles (mais aussi évidemment patriotiques) tout en tenant un discours parfois douteux. Les deux films qui nous intéressent ici se situent dans la norme moyenne des œuvres de propagande américaine de cette période. Tous deux réalisés par Edward Dmytryk en 1943 avec la même équipe technique, ils apportent un éclairage bienvenu sur un certain esprit présidant à leur production. Il faut bien reconnaître que ce n’est pas leur apport artistique qui constitue leur principal intérêt, même si le premier d’entre eux emporte bien plus l’adhésion sur un plan qualitatif.

Au moment de réaliser Hitler’s Children, Edward Dmytryk a déjà quinze films derrière lui, plus exactement quinze séries B, et une longue expérience au sein des studios. Entré à la Paramount en 1923 à l’âge de quinze ans comme coursier tout en poursuivant des études qu’il réussit brillamment, il découvre un peu tous les métiers du cinéma comme beaucoup de ses collègues avant de devenir chef monteur en 1930 (il travailla notamment avec Leo McCarey sur L’Extravagant Mr. Ruggles et Elle et lui). Né au Canada de parents émigrés ukrainiens, Dmytryk connut une enfance difficile : orphelin de mère à six ans et victime d’un père violent, il devint indépendant très jeune grâce à l’industrie du spectacle. Doué pour les tournages rapides et particulièrement intéressé par les sujets sociaux, il acquiert progressivement une notoriété certaine. Après une série de films de propagande servant l’effort de guerre, il se fait justement remarquer avec un film qui fait date dans l’histoire du Film noir : Murder, My Sweet en 1944, adaptation du roman Adieu, ma jolie de Raymond Chandler. En 1947, il frappe les esprits une nouvelle fois avec Crossfire, un drame militaire qui dénonce l’antisémitisme (le roman original dont il est adapté traitait de l’homosexualité). Ses idées progressistes l’amènent à rejoindre le Parti Communiste américain en 1946, où il retrouve son scénariste Adrian Scott avec lequel il collabore sur cinq films (dont les deux œuvres majeures citées ci-dessus). Dmytryk n’adhère qu’une seule année au parti mais ce seul événement suffit à bouleverser son existence.

En octobre 1947, il comparaît devant la Commission des Activités Anti-américaines. Refusant de dénoncer les sympathisants communistes, il aura le triste honneur de figurer parmi les célèbres "Dix de Hollywood", seul réalisateur au sein d’une liste composée de scénaristes comme Dalton Trumbo, Ring Lardner Jr. et son camarade Adrian Scott. Condamné à un an de prison, Dmytryk quitte son pays et s’installe en Angleterre où il réalise deux films. Victime de problèmes financiers et familiaux, il décide alors de revenir en Amérique et change son fusil d’épaule : tout en rédigeant pour le Saturday Evening Post un article accusatoire titré What Makes a Hollywood Communist ?, il reparaît devant la commission en avril 1951 et livre des noms dont celui de son ami Scott. Victime du maccarthysme, il en devient complice et se retrouve désormais libre de ses mouvements à Hollywood. Il se justifiera à plusieurs reprises de son revirement et n’éprouvera jamais un cas de conscience similaire à celui ressenti par Elia Kazan, dont les questions autour de la culpabilité et de la transgression nourriront son œuvre de façon bénéfique. Dmytryk, malgré un intérêt pour des personnages à la psychologie parfois complexe, ne peut soutenir la comparaison avec le réalisateur de Sur les quais. En dehors de quelques réussites comme Ouragan sur le Caine (1954), La Lance brisée (1954), Le Bal des maudits (1958) et surtout L’Homme aux colts d’or (1959), superbe western psychologique et d’une belle ambiguïté, le cinéaste peine à retrouver l’inspiration et se compromet dans des mélodrames poussifs et des films d’action sans originalité. Réalisateur intelligent, efficace mais sans génie, qui finit par enseigner son art à l’Université du Texas puis à la fameuse USC, il lui manquait la virtuosité justement attribuée à nombre de ses grands confrères. De même, il ne lui aura jamais été pardonné son attitude au moment de la "chasse aux sorcières", même si des recherches récentes effectuées par des historiens contemporains tendent à modérer le manichéisme qui surgit dès que l’on évoque cette sombre période de l’histoire américaine.


Les Enfants d’Hitler et Face au soleil levant, tous les deux adaptés d’un roman par le même scénariste Emmet Lavery, sont basés sur un schéma narratif présentant de nombreuses similitudes. Dans les deux cas, il s’agit d’enfants, et plus généralement d’une jeune génération, en proie à l’asservissement physique, psychologique et moral. Une idéologie totalitaire et criminelle broie les jeunes esprits afin de les endoctriner pour former une élite apte à dominer le monde. Les deux films présentent deux personnages, l’un féminin l’autre masculin, qui sont entrés en contact avec la culture américaine et qui, par un concours malheureux de circonstances, doivent renouer avec leurs origines en reniant les valeurs occidentales justement assimilées. Ainsi prend forme l’opposition entre les deux systèmes, le recours à des héros jeunes et symbolisant l’avenir est censé conférer aux récits une grande puissance dramatique. Si le destin funeste rencontré par ces deux personnages est opposé sur le plan de l’éthique personnelle, leur cheminement permet également à un autre protagoniste de l’histoire de se remettre profondément en question et de connaître un sort plus ou moins similaire. Enfin, la mise en scène utilise bon nombre d’images d’archives - Face au soleil levant en abuse particulièrement - qui non seulement renseignent sur la maigreur des budgets mais témoignent surtout de la volonté des auteurs d’inscrire la fiction dans la réalité du conflit. De son côté, la voix off, autre caractéristique commune, permet de tenir un discours sachant allier l’émotion au didactisme le plus basique. Pris séparément, ces deux productions, malgré leurs qualités et surtout leurs défauts, inspirent donc plus la curiosité que l’adhésion mais sous la forme d’un diptyque, ils peuvent heureusement faire l’objet d’un exercice analytique qui dépasse l’intérêt proprement cinématographique.


Suite à la projection de deux films, Hitler’s Children se révèle le plus intéressant sur le fond comme sur la forme. Il permet aussi de constater à quel point une œuvre aussi dense que somptueuse comme The Mortal Storm de Borzage a pu constituer une sorte de matrice pour toute une série de films. Toute petite production, Hitler’s Children remporta un succès considérable au box-office. On ne s’en étonnera guère tant ce long métrage assène son discours avec une réelle efficacité dramatique. Le générique place les enjeux du film avec radicalisme : la couverture du roman dont est adapté le film se détache au premier plan devant un autodafé de livres et brûle à son tour. Apparaissent alors des enfants de la jeunesse hitlérienne réunis autour du feu purificateur qui prêtent allégeance au Führer, le bras tendu. On assiste d’une certaine manière à l’une de ces fameuses cérémonies nazies (que l’on verra plus tard sous forme de stock-shots), recréée en miniature. Il est donc ici question de la jeunesse et des valeurs culturelles qu’il convient de promouvoir et sauvegarder contre la menace de la barbarie. Le récit débute donc logiquement sur le terrain de l’éducation, à Berlin en 1933, et confronte l’école américaine à l’enseignement nazi sous la forme d’un montage parallèle entre la propagande d’un officier SA allemand et le cours donné par le professeur américain Nichols (le narrateur) qui laisse ses élèves débattre passionnément et en toute liberté. Le destin tragique unissant la jeune Anna Müller écartelée entre ses deux nationalités, allemande et américaine, et le futur lieutenant de la Gestapo Karl Bruner (incarné par Tim Holt, l’un des trois aventuriers du Trésor de la Sierra Madre de John Huston) prend sa source dès l’adolescence. Cette introduction au temps de l’insouciance et des premières amours permet d’amplifier l’empathie pour les personnages ainsi que pour le discours (quête du bonheur contre politique de la haine, liberté de pensée contre fascisme, rêve américain contre cauchemar nazi). Quand le film atteint le "temps présent", à savoir le début de la guerre, le récit peut se concentrer sur l’action proprement dite qui consiste à dévoiler l’horreur du système nazi à travers les arrestations arbitraires, les camps de travail (ici plutôt un camp de rééducation pour la jeunesse allemande), la stérilisation des "faibles" et les crimes de sang. Dmytryk a également bien saisi que le charisme d’Adolf Hitler s’incarnait principalement au travers de sa voix. Ainsi il veille à faire commenter ses stock-shots par une voix censée imiter celle du dictateur... puisqu’en anglais. Le réalisme y perd des plumes mais l’effet est bien au rendez-vous.


Face au soleil levant installe ses enjeux peu ou prou de la même façon. L’étudiant Taro Seki revient dans son pays natal alors qu’il est pétri de culture américaine. Il est indifférent à la culture ancestrale et familiale, il a des idées progressistes dont il veut faire profiter le Japon en travaillant comme ingénieur. Taro trouve un emploi dans une société américaine et tombe amoureux de la secrétaire de son patron... qui rêve d’Amérique, le paradis de la liberté. L’opposition avec son père appelé à de hautes fonctions au sein de l’appareil étatique japonais constitue le moteur du récit. Reo Seki est le personnage par lequel le film distille sa propagande : il est présenté comme un être fondamentalement agressif, d’une rectitude caricaturale et promoteur enthousiaste de la supériorité raciale japonaise dont la destinée est de dominer le monde. Taro est donc également un personnage tiraillé entre deux cultures. De sa lente contamination par les idéaux de son père naît la tragédie. D’officier dans le génie à pilote d’escadrille, son parcours terrifiant le transforme en monstre d’indifférence devant la barbarie à l’œuvre et en apôtre de la propagande nationaliste et guerrière de son pays. Il est alors temps de dévoiler l’ampleur des crimes : l’agression contre la Chine (et le racisme associé), avec comme sommet de l’horreur l’empalement d’un bébé chinois, puis la torture des ressortissants américains une fois la guerre déclarée aux Etats-Unis.


La perversité mise en œuvre par le film provient du fait que Face au soleil levant est narré par la voix off du père (l’introduction du film lance en fait un flash-back au moment où il rédige sa profession de foi devant l’urne contenant les cendres de son fils). L’action de Hitler’s Children était racontée par la voix off du professeur Nichols, donc un témoin du drame plus qu’un acteur. Le personnage rédempteur qui se remettait alors en question était le jeune Karl. Ici, les deux sont confondus en la personne du fanatique Reo Seki. Le point de vue adopté par le film est celui d’un Japonais. Or, le portrait du Japon esquissé par Face au soleil levant est d’une caricature risible (les comédiens tenant le rôle des Japonais sont des Occidentaux affreusement grimés ! On s’attend presque à voir surgir Peter Lorre en Mr. Moto.). Et l’on se souvient du carton du générique qui insistait sur l’authenticité des faits présentés.. Il suffit par exemple de contempler un soldat pratiquant la danse dite « du sabre du samouraï » pour s’esclaffer devant la prétention affichée. Autre motif de rigolade : le combat symbolique entre Américains et Japonais censé laver l’affront fait à Seki par son ancien patron O’Hara oppose un sergent lutteur/judoka à Lefty O’Doyle, entraîneur de base-ball et boxeur pour l’occasion. Il est joué par le débutant Robert Ryan qui donne réellement de sa personne. L’issue du combat ne sera évidemment pas une surprise et l’on se consolera en donnant un satisfecit à Dmytryk pour la qualité de cette séquence.


Même si l’on connaît les horreurs dont se sont rendus responsables les Japonais au cours de la Seconde Guerre mondiale, il est franchement affligeant de voir traiter un pays et une culture de façon aussi peu cavalière et parodique. Le "péril jaune" faisait déjà recette dans le monde occidental dans les années 1920 et 1930, il était donc prévisible que les fantasmes xénophobes de ce type atteignent leur apogée pendant le conflit mondial et suite à l’attaque surprise de Pearl Harbor. Les Japonais sont présentés comme des personnages fourbes et malfaisants de par leur culture impérialiste et guerrière. Leur salut ne peut provenir que de l’adhésion à la culture américaine. Si dans Hitler’s Children, les Allemands pouvaient toujours compter sur Goethe pour s’en sortir et retrouver le chemin de la civilisation, les Japonais dans Face au soleil levant n’ont même pas le droit à un référent de leur propre culture, seul Oncle Sam pourvoira à leur salut (la secrétaire Tama Shimamura symbolise cet appel vers l’extérieur). Quand on pense au traitement réservé aux ressortissants japonais et aux citoyens américains d’origine japonaise aux Etats-Unis pendant la guerre - leur privation de libertés et/ou leur internement dans des camps - il nous sera permis de rire... jaune. Là où les deux productions RKO se rejoignent une nouvelle fois, c’est dans le rôle réservé à la religion catholique : dans le premier film, un homme d’église qui se destinait à sauver Anna de ses poursuivants tient tête aux dignitaires nazis et oppose sa foi à la barbarie que ces derniers représentent, dans le second film il est fait mention d’un érudit japonais converti au catholicisme dont il est conseillé de s’inspirer pour lutter contre l’oppression.


On l’aura compris, la première caractéristique de ces deux films aux récits comparables est une forte dose de didactisme. La mise en scène, plus inspirée dans Hitler’s Children avec quelques idées fortes, se révèle généralement fonctionnelle (elle tend même vers une théâtralisation de l’espace et une certaine pauvreté dans l’enchaînement des plans dans Behind the Rising Sun). Les dialogues priment sur le reste. Le professionnalisme de Dmytryk n’est pas en cause ; il sera simplement permis de dire que sa prestation ne le différencie pas de la cohorte de réalisateurs de studios qui officient à la même époque, et que l’on ne pourra heureusement pas se satisfaire de ces deux réalisations pour apprécier son talent. Surtout, les deux films ne se privent pas de recourir à quelques raccourcis scénaristiques comme les revirements de conscience du lieutenant Bruner et du patriarche Seki, deux personnages pourtant si viscéralement attachés à leur dogme qui leur tient lieu de religion. L’amour aura eu raison de leur endoctrinement, voilà une nouvelle preuve de l’individualisme occidental pourvoyeur de bonheur et d’émancipation face au totalitarisme source d’aliénation. Si Hitler’s Children parvient tant bien que mal à louvoyer autour de la caricature, même dans sa conclusion lyrique, Behind the Rising Sun y plonge sans l’ombre d’une hésitation (en 1942 / 1943, les Japonais sont encore les ennemis principaux des Etats-Unis). L’intérêt d’évaluer ces deux films est de voir de quelle manière ce deuxième film se dresse comme un miroir du premier, agissant a posteriori comme une réflexion déformée qui pousse jusque dans ses retranchements les enjeux dramatiques de ce dernier. De fait, il permet aussi de poser un regard plus indulgent sur Hitler’s Children, c’est bien là son principal mérite.


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La fiche IMDb du film

Par Ronny Chester - le 16 mai 2006