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Critique de film
Le film
Affiche du film

Désir d'amour

(Easy to Love)

L'histoire

Ray (Van Johnson) est le gérant des Cypress Gardens de Floride, lieu paradisiaque où viennent se prélasser de riches touristes. Il fait travailler durement ses employés, et notamment les filles qui doivent sans cesse durant des dizaines d’heures par jour se pavaner et se laisser photographier en plus de participer aux spectacles nautiques. Julie (Esther Williams), qui travaille pour lui depuis des années, en a marre de ce rythme imposé et est sur le point de tout abandonner. C’est alors que Ray, qui est secrètement amoureux d’elle, décide de l’emmener faire une virée à New York "uniquement pour s’y reposer et s'y amuser". Sauf que sur place il avait pris de nombreux rendez-vous pour mettre en valeur sa vedette. Agacée, Julie tombe dans les bras du premier venu, en l’occurrence Barry (Tony Gordon), un chanteur de cabaret qui la présente à un gros producteur. Bien évidemment la jalousie s’empare de Ray, qui va tout faire pour récupérer sa sirène d’autant que cette dernière a également déjà un amoureux transi en Floride, son partenaire de natation, Hank (John Bromfield), qui ne rêve que de l’épouser. Un quartet amoureux qu’il va falloir faire éclater...

Analyse et critique

Troisième et dernier film de la collaboration entre Esther Williams et le talentueux Charles Walters après Texas Carnival et Dangerous When Wet (Traversons la Manche), Easy to Love a été tourné pour une bonne partie en Floride dans les magnifiques Cypress Gardens et est surtout réputé pour le numéro final mis en place par Busby Berkeley, un spectaculaire morceau de bravoure qui voit une trentaine de personnes en skis nautiques effectuer des arabesques et des figures acrobatiques avec Esther Williams en leur sein, des hors-bord, un hélicoptère, des tremplins. Il s'agit bien évidemment du clou du film qui a dû coûter une somme assez colossale et qui se révèle être encore un coup de génie de ce maître de la chorégraphie bigger than life, auparavant aussi très bon réalisateur notamment durant les années 30 à la Warner. Après cette séquence ébouriffante dans le film de Charles Walters, il ne fera plus rien par la suite sauf une exception dix ans plus tard, acceptant toujours pour ce même réalisateur de mettre en place les numéros de cirque également très étonnants de La Plus belle fille du monde (Billy Rose's Jumbo) avec Doris Day et Jimmy Durante.


Pour le reste, il s'agit d'un vaudeville assez enlevé grâce surtout au couple formé par Van Johnson et Esther Williams - déjà ensemble à deux reprises, dans Thrill of a Romance et Easy to Wed - qui relève de la pure screwball comedy, les deux protagonistes (patron et employée) faisant semblant de se détester tout du long et de provoquer la jalousie de l'autre pour mieux se tomber dans les bras au final. Van Johnson est parfait en macho assez odieux qui fait travailler ses employés d’arrache-pied et son duo avec Esther Williams fonctionne à merveille ; l’actrice, indécente de beauté, souvent vilipendée pour son manque de talent dramatique, a d’ailleurs l’occasion ici de prouver le contraire et nous dévoile son humour et son aptitude pour la comédie, son personnage moins "bourgeois" que la plupart des rôles qui lui avaient été auparavant attribués lui a permis d'apparaître tour à tour froide, enthousiaste, énervée, pétulante et enamourée, toujours avec la même conviction. Il s’agirait d’ailleurs de son film préféré alors même que le tournage dut être éprouvant par le fait qu’elle ait été enceinte à ce moment-là. Voici un extrait de leurs savoureux duels de punchlines ; alors que Ray/Van fait la remarque suivante à Julie/Esther qui se plaignait de ses conditions de travail et de son "exploitation" : « Most girls would cut off their arm to be in your position  , son employée lui rétorque : « This girl would like to cut your throat. »


Dommage en revanche que les seconds rôles soient aussi fades, que ce soit Tony Martin ou John Bromfield, les deux autres membres du quatuor amoureux. Hormis cela, nous nous amuserons à essayer de reconnaitre Carroll "Baby Doll" Baker dans son premier rôle et apprécierons le cameo de dernière minute de Cyd Charisse qui apparaît quelques secondes auprès de Tony Martin, son époux à la ville. Au menu du programme musical - puisque avec Tony Martin au générique, il était évident qu’il y aurait tout un panel de chansons -, les sympathiques Coquette et Didja Ever, mais surtout une délicieuse That's What a Rainy Day Is For reprise par tout un groupe de gentilles vieilles dames ne s’offusquant absolument pas de clamer à tue-tête qu’un jour pluvieux est un jour idéal pour faire l’amour. Outre ces quelques chansons bien sympathiques, n’oublions quand même pas la plus importante, celle qui reprend le titre du film, écrite par Cole Porter et dont la mélodie rythme entre autre les quelques longueurs de nage qu’effectue Esther Williams au milieu d’une piscine d’une longueur ahurissante et d’une forme extravagante, à l’image des numéros concoctés par Berkeley qui n’a jamais manqué d’imagination tout au long de sa carrière. Il est quand même dommage que Van "Brigadoon" Johnson n’ait pas été mis à contribution concernant le chant, une discipline pour laquelle il n’est pas mauvais du tout ; j’oserais même dire, me concernant, que sa voix passe aujourd’hui beaucoup mieux que celle bien trop suave de Tony Martin.


D’autres numéros colorés, dont celui excellent avec Esther Williams grimée en clown, un exotisme dépaysant pour un très honnête divertissement rendu encore plus attrayant par l’utilisation du Technicolor qu’on dirait inventé pour les films avec Esther Williams : on ne se lasse pas de sa garde-robe - dont la rose - et encore moins de ses ballets aquatiques dont celui en nage synchronisée avec John Bromfield au milieu de fleurs aquatiques. De la part de Charles Walters, qui venait de tourner coup sur coup deux petites merveilles comme Lili et Dangerous When Wet, on aurait peut-être pu s’attendre encore à mieux, mais en l’état, les amateurs de comédies musicales kitsch et gentiment idiotes, mais surtout très amusantes et remplies de numéros inouïs de grandiloquence, devraient en sortir ravis. Pour ceux qui se demanderaient ce qu’est devenu ce lieu magique qu’est Cypress Gardens, après avoir été l’une des destinations principales des touristes et vacanciers en Floride, sa popularité commença à décliner dès l’installation dans la région d’un parc d’attractions Disney en 1971.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 9 avril 2020