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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Comtesse aux pieds nus

BLU-RAY - Région B
Carlotta Films
Parution : 22 novembre 2022

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Carlotta a conclu l'année 2022 avec, entre autres, sa nouvelle Edition Ultra Collector consacrée à La Comtesse aux pieds nus. Le transfert HD est identique à celui sorti en Blu-ray en 2018 en Angleterre (chez Eureka!), qui arrivait deux ans après celui de Twilight Time aux Etats-Unis. Il s'agit d'un master à la patine inégale et ancienne, sans doute issu de la copie restaurée en 2002 par l'UCLA Film & Archive, et malheureusement les plus récents travaux vraisemblablement effectués à ce jour.

Tourné avec le procédé Technicolor, La Comtesse aux pieds nus a été filmé à partir de trois négatifs (rouge/vert/bleu) que l'on devait ensuite superposer dans une tireuse afin d'obtenir des copies de référence. La difficulté était de réduire au maximum les décalages des photogrammes au risque de créer des trait dédoublés (donc flous) et de laisser apparaître des contours colorés. Des désagréments plus facilement évitables, pour peu qu'on y mette le prix (cf. le Blu-ray de L'Homme tranquille), grâce aux technologies numériques qui permettent aux images des trois négatifs d'être parfaitement superposées. Le procédé est plus compliqué avec une tireuse où l'alignement mécanique se fait avec beaucoup moins de précision : c'est cette méthode plus traditionnelle qui a été utilisée pour les travaux, anciens, de La Comtesse aux pieds nus. Le trait souffre donc régulièrement de ces fameux dédoublements qui affaiblissent la précision, couplés à des apparitions parfois peu discrètes de contours colorés. La source photochimique montre aussi quelques petites instabilités de luminosité et de colorimétrie qui n'ont pas été corrigées numériquement. La copie est assez propre, il subsiste quelques salissures superficielles qui n'ont pas été gommées, comme cette petite tache bleue qui apparaît pendant quelques dizaines de secondes en bord droit du cadre.

Le film a été scanné en "simple" HD, un transfert qui pourrait avoir été effectué il y a plus d'une dizaine d'années. L'aspect général apparaît correct mais manque de détail. La définition est, de plus, souvent affaiblie pendant les longs plans truqués, fondus enchaînés dont la fabrication imposait l'utilisation d'éléments dupliqués et occasionnait donc une perte de génération et de précision, avec pour conséquence une texture plus épaisse. La gestion du grain reste correcte, non filtrée, et bien gérée par l'encodage du disque. Les contrastes sont bien équilibrés, avec des noirs parfois denses. La colorimétrie fleure bon le traitement des anciens masters américains, avec sa dérive magenta assez nette, et pas uniquement sur les seules carnations, couplée à une saturation parfois peu modérée qui accentue encore davantage l'effet. Notez que le master américain sorti chez Twilight Time en 2017 tempérait légèrement cette dominante magenta par une tonalité légèrement plus orangée. La comparaison avec l'ancien DVD français, pour le coup trop peu coloré, et à considérer avec modération à cause de son ancienneté, montre un écart parfois saisissant. Certaines scènes s'en sortent régulièrement bien, comme dans les plans du cabaret (au début du film) qui transposent bien l'ambiance chaleureuse et intimiste des lieux.

Notez que le film est présenté en 1.85, un format panoramique qui tranche avec le 1.37 carré qui était celui utilisé jusqu'alors en vidéo. Il est important de préciser que La Comtesse aux pieds nus a été produit en pleine période de transition pour les salles de cinéma qui commençaient à s'équiper pour les nouveaux formats censés concurrencer la télévision, comme le Cinémascope ou le VistaVision. Mais toutes les salles ne possédaient pas encore forcément le matériel adéquat, le film pouvait donc être projeté en "open matte" (1.37) ou dans un ratio plus panoramique en masquant le haut et le bas de l'image. C'est cette version "mattée" qui est désormais présentée en Blu-ray. Sur le site dvdbeaver, le spécialiste en restauration Robert Furmanek indique que les publications de l'époque indiquaient un format de projection de 1.75, ce qui semble valider les caractéristiques de ce transfert. Concrètement, si les deux formats se valent au visionnage, on remarquera tout de même quelques cadrages parfois un peu serrés sur les visages, certains étant légèrement coupés sur la hauteur...

DVD MGM (2002) vs. Blu-ray Carlotta (2022) : 1 2 3 4 5 6 7 8

Son

La Comtesse aux pieds nus est proposé en version originale dans un mono plutôt correct. A l'exception de passages parfois un peu brouillons et légèrement saturés (durant le générique), on peut noter une belle présence des voix lorsqu'elles sont captées en prise de son direct, mais une qualité un peu moins probante en post-synchronisation (les voix off). Le champ sonore est bien perceptible, les ambiances sont conservées. Un souffle léger mais permanent n'a pas été gommé. Comme c'est le cas de ses confrères étrangers, Carlotta propose également une version originale remixée en 5.1. Une option dont l'origine reste curieuse, peut-être adaptée du mixage en Perspecta, procédé diffusé dans certaines grandes villes américaines à l'époque. Ce remix 5.1 semble un peu plus subtil en apparence tout en restant quand même un brin artificiel. La stéréophonie reste mesurée, surtout dans les voies arrière, le rendu bénéficiant surtout à la musique qui se détache un peu mieux de l'ensemble et apparaît moins saturée. Le souffle n'en est pas forcément plus discret. La version française est de facture correcte (d'époque) malgré une dynamique très faible. On relève quelques sifflantes, des voix claires, peu de souffle, mais des ambiances presque totalement neutralisées.

Suppléments

Ce 24e opus de la collection Ultra Collector de Carlotta, limité à 2 000 exemplaires, bénéfice d'un visuel de l'illustratrice, designer et graveuse américaine Anne Benjamin. Le film est proposé en Blu-ray et DVD, accompagné de Mankiewicz contre Cendrillon, un très bon recueil de 160 pages signé des plumes du périodique Revus & corrigés, supervisé par leur rédacteur en chef Marc Moquin. Le livre est aussi illustré d'une cinquantaine de magnifiques photographies de production et de tournage. Céline Staskiewicz revient sur le projet de La Comtesse aux pieds nus, premier scénario original de Mankiewicz et "tentative de liberté totale" qui se heurta au Code de censure. Le texte raconte de nombreuses anecdotes de tournage comme le manque de camaraderie de Mankiewicz et Bogart pour Ava Gardner, ou les menaces de procès d'un Howard Hughes très fâché d'avoir été pris pour modèle pour l'un des personnages. Alexandre Piletitch revient sur le cinéma de Joseph L. Mankiewicz et sa "traque obstinée de tous les faux-semblants" dont Eve, un "sommet d'orphèvrerie", est aussi un "faux film-miroir" de La Comtesse aux pieds nus, ce "diamant imparfait" dans lequel il peut de nouveau élaborer autour de la figure du flash-back, "sa grande forme". Alicia Arpaïa analyse les décors du film, ce "monde faux baigné dans un soleil trompeur", notant "l'irréalité" et les symboles "derrière la carte postale", "l'image mirage" de la vieille Europe refermée sur elle-même, masquée dans l'apparat "fantasmagorique" de la Côte d'Azur, "trop étincelant pour être vrai". Elsa Colombani observe un film sur "les démons du paradis perdu" hollywoodien, raconté sous le prisme du conte dont Mankiewicz déstructure les codes, entre Barbe-bleue et une Cendrillon à l'âme pure, trop désirée et libre, où il fait se croiser les motifs de la chaussure ou du bal, un parrain (Harry Dawes) sans pouvoirs magiques... et même un prince pas si charmant. Pierre Charpilloz s'intéresse aux "destins particuliers" de ces "étoiles filantes" d'Hollywood qui ont pu inspirer le personnage de Maria Vargas, notant des impressions de déjà-vu dans les vies de Rita Hayworth, Ava Gardner elle-même, l'actrice oubliée de Tabou Anne Chevalier ou Linda Darnell, compagne de Joseph L. Mankiewicz qu'elle quittera quand il lui refusera le rôle. Marc Moquin aborde enfin la masculinité de la société américaine des années 50 à travers les "princes discutables" du film, le "protecteur bienveillant" Harry Dawes qui nous vaut un beau portrait de Humphrey Bogart, la "personnalité paradoxale" d'Oscar Muldoon ou le comte Torlato-Favrini, "le dernier romantique" à l'homosexualité refoulée. Le livre se conclue sur quatre critiques publiées par les Cahiers du Cinéma en juillet 1955 : Jacques Doniol-Valcroze évoque un film au "grand pouvoir de suggestion poétique" et admire la liberté de Mankiewicz dans son "refus des recettes" ou son audace de "la corde raide entre le sublime et le ridicule" ; François Truffaut parle d'un "conte cruel et moral" qui "déroute, indiscutablement" ; Philippe Demonsablon revient sur "la beauté singulière" de La Comtesse aux pieds nus, "une oeuvre où tout se tient sans qu'il y paraisse" ; Claude Chabrol regrette l'incompréhension du public français pour ce "jeu de massacre, plein de colère et de haine" dont l'héroïne "est ce que les spectateurs ne sont pas".

Conte défait (29 min - HD)
Une analyse de La Comtesse aux pieds nus par l'éminent journaliste et critique de cinéma Samuel Blumenfeld. De manière simple et toujours claire, il explique la "dimension dépressive" du film et comment le scénario traduit le mal-être de son auteur Joseph L. Mankiewicz, cinéaste en crise dans un Hollywood maudit dont il souhaite prendre son indépendance et sur lequel il porte un regard à la fois sévère et mélancolique. Samuel Blumenfeld rapproche le film de son pendant théâtral All About Eve et précise pourquoi il est sans doute moins réussi, Mankiewicz n'ayant pu exprimer tout ce qu'il souhaitait dans une histoire sans doute trop en avance sur son temps. Il évoque d'autres aspects "très gonflés" pour l'époque, comme cette tragédie d'une héroïne à la sexualité manifeste mais jamais épanouie, ou l'aspect "anti-Cendrillon" avec ce prince charmant "pas si charmant" qui cache son homosexualité aux côtés d'une "épouse de façade". Il détaille ce qu'a apporté Ava Gardner à son personnage de "vraie fausse star", parle de Harry Dawes, "autoportrait" de Mankiewicz "libre, réussi et convaincant", et raconte comment le réalisateur réussit à dépeindre l'aristocratie italienne qu'il ne connaissait pas par l'entremise de son "double rêvé" Michal Waszynski, obscur cinéaste réinventé en prince polonais dont Blumenfeld a raconté l'étonnant parcours dans son roman L'Homme qui voulait être un prince, en 2006. Foisonnant et passionnant.


Ciné-regards : Joseph L. Mankiewicz (52 min - SD upscalé HD - VOSTF) 
Dans ce document rare, réalisé par Jean Douchet et diffusé sur FR3 en octobre 1981, le réalisateur Joseph L. Mankiewicz, de passage à Avignon, est interrogé sur divers aspects de son métier. Il revient sur "la définition neuve de l'écriture" née avec le cinéma parlant, l'engagement de grands écrivains littéraires à Hollywood, l'importance de "la musique du discours" dans la conception des dialogues. Assumant une conception classique du cinéma, il ne cache pas son désaccord avec certaines tendances de l'époque, préférant une caméra invisible qui ne s'interpose pas entre le spectateur et les personnages (il considère l'inverse comme un "exercice pour séduire la critique"). Il revient sur certains acteurs qu'il a dirigés comme Cary Grant qui, selon lui, resta prisonnier des exigences du public, ou Elizabeth Taylor qui n'a plus fait de progrès dans son jeu après le traumatisme de Cléopâtre. Il raconte certains combats qu'il dut mener en coulisses, contre Darryl F. Zanuck pour imposer son casting de Eve ou face à Katharine Hepburn qui cherchait à prendre le contrôle de Soudain l'été dernier. Réfutant les techniques de l'Actor's Studio, Joseph Mankiewicz explique que l'acteur idéal doit avoir des affinités naturelles avec son rôle, et raconte les fièvres patriotiques dont il fut victime au moment du maccarthysme dans les années 50. Dans la deuxième moitié du documentaire, il raconte en détail la tentative d'éviction de son poste de président de la Guilde des Réalisateurs, menée par Cecil B. DeMille, et comment il fut soutenu par John Ford lors d'une intervention devenue célèbre. Un document d'époque suggéré par le spécialiste des archives Jérôme Wybon, et présenté "dans son jus" avec sous-titres incrustés sur la pellicule.

Bande-annonce (1 min 49 s - HD - VOSTF)


En savoir plus

Taille du Disque : 48 636 068 270 bytes
Taille du Film : 37 066 657 152 bytes
Durée : 2:10:14.223
Total Bitrate: 37,95 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,98 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29982 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 5.1 / 48 kHz / 3644 kbps / 24-bit (DTS Core: 5.1 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1102 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1074 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 41,204 kbps
Subtitle: French / 0,022 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 28 décembre 2022