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Test blu-ray
Image de la jaquette

coffret Le cinéma Quinqui de Eloy de la Iglesia

BLU-RAY - Région B
Artus Films
Parution : 5 septembre 2023

Image

Encore trop méconnu en dehors de certaines figures comme Carlos Saura ou Pedro Almodovar, le cinéma espagnol des années 70 et 80 commence enfin à trouver une visibilité en France, grâce notamment à Artus Films. Après le remarqué Cannibal Man, l'éditeur propose aujourd'hui trois films de Eloy de la Iglesia produits au sein de la vague Quinqui, belle opportunité de sortir ce coffret thématique sur un genre quasiment jamais exploité en France.
Au verso du coffret, les films sont signalés comme étant des restaurations 2K mais il s'agit en fait de travaux anciens, sans doute restaurés en "simple" HD, et donc à la qualité plus modeste. Des transferts techniquement un peu datés mais heureusement suffisamment corrects en qualité, repris des Blu-rays sortis en Espagne il y a peu et, pour El Pico 1 et 2, du double Blu-ray Quinqui collection édité aux Etats-Unis chez Severin Films, en 2021. Les trois masters semblent en tout cas provenir d'un même laboratoire et d'un flux de restauration très proche.

L'image de Colegas propose une finesse modérée mais appréciable, et un niveau de détail surtout palpable dans les gros plans. Les limites techniques se font sentir sur la qualité du grain, à l'aspect fin presque plus électronique que véritablement argentique. De plus, la texture de l'image et les éléments fins sont légèrement rognés par l'encodage du Blu-ray, malgré un débit vidéo confortable. L'étalonnage évolue dans une palette légèrement modernisée, avec quelques blancs bleutés ou des carnations un peu trop magenta, mais l'ensemble reste encore naturel, assez lumineux, coloré, avec des contrastes équilibrés. La copie est plutôt stable et bien nettoyée.

Bien qu'il soit le plus gros succès du cinéma Quinqui, le master de El Pico est le moins réussi du coffret, restauré à partir d'un élément positif et non du négatif. Le rendu apparaît un cran en deçà de Colegas, déjà par la douceur plus affirmée et le niveau de détail affaibli. Quelques gros plans font presque illusion mais c'est quand même peu précis. Un bref passage où se succèdent de multiples fondus enchaînés est logiquement encore plus épais. Le grain est palpable mais encore électronique et surtout très irrégulier, comme sur Colegas, à cause d'un encodage mal paramétré qui altère les plus petits détails : certaines zones granuleuses sont plus lissées, par exemple sur les vêtements ou les aplats (cf. comparatif avec le Blu-ray Severin Films). L'étalonnage est un petit peu plus vintage, sans modernisation trop poussée mais avec une patine moins pimpante, une palette plus terne et une saturation des couleurs plus fragile. Les contrastes restent à peu près équilibrés, manquant parfois d'un peu de densité. Si la copie reste assez propre (il y a quelques brefs passages plus sales), elle n'a pas été stabilisée : il persiste des tremblements plus ou moins discrets et on remarquera que la fenêtre 1.66 (et ses deux bandes noires latérales) est régulièrement "glissante"...

Des trois films, El Pico 2 est celui qui possède une image se rapprochant le plus d'un rendu 2K. On reste dans un aspect globalement similaire à celui de Colegas, mais avec une finesse nettement plus perceptible, surtout par les nombreux gros plans qui sont d'une belle efficacité. Le grain semble plus homogène, même si l'on retrouve régulièrement les défauts d'encodage aperçus précédemment, les détail fins rognés dans les textures de vêtements ou les aplats, créant des zones plus floues inexpliquées (cf. comparatif avec le Blu-ray Severin Films). La copie, assez stable, est profondément nettoyée. L'image bénéficie d'un étalonnage honnête, assez naturel et dans la droite lignée des précédents opus, mais avec une palette de couleurs sans éclats particulier et finalement peu nuancée.

Son

Proposées en version originale plein débit, les pistes audio des trois films ont été post-synchronisés, il n'y a pas de prise de son direct. Le mixage de Colegas reste sobre tout en conservant du détail. La dynamique est limitée et l'on sent une infime saturation. L'ensemble est propre, sans souffle, avec de légères sifflantes. La piste de El Pico est la plus convaincante, plus claire et avec une dynamique perceptible. Les voix ont une bonne présence, le mixage est équilibré, il n'y a pas de souffle. Le rendu de El Pico 2 est un peu couvert, ce qui limite le niveau de détail d'un mixage déjà très sobre, aux arrière-plans mesurés. La dynamique est modérée, on sentira d'infimes sifflantes, il y a peu de souffle.
Seul film à être sorti dans l'hexagone, El Pico a bénéficié d'un doublage français à l'époque, peut-être au moment de la sortie en vidéo ? Il s'agit en tout cas d'un document plutôt rare puisque le rendu est assez déterioré, très couvert au point d'effacer toute subtilité et détails dans les ambiances et la musique. On distinguera également en fond de spectre des relents de compression très électroniques, façon mp3.

Suppléments

Le coffret est présenté dans un beau digipack avec fourreau, les films sont proposés en Blu Ray et en DVD. Avec Les loups sont dans la rue, un livre de 98 pages, Artus Films retrouve l'auteur David Didelot, déjà à l'origine de l'excellent livret de Cannibal Man. Romancier à ses heures, biographe, créateur de fanzine et surtout grand amateur de cinéma bis, Didelot évoque cette fois le cinéma Quinqui, ignoré en France, dont l'importance est enfin reconnue dans l'histoire du cinéma espagnol. Il recontextualise ce courant né comme un appel d'air libertaire après la mort de Franco et la fin de la censure (en 1977), "un  genre aussi fugace qu'explosif" et surtout "miroir de son temps" et des bouleversements politiques ou culturels de la société espagnole, comme le furent la blaxploitation aux USA et le poliziottesco en Italie. "Cinéma de la prise de conscience", le Quinqui est l'"antithèse parfaite des films d'autodéfense et de justice expéditive" qui étaient légion à l'époque. Entre spectacle populaire et cinéma d'auteur nourri aux faits divers, le cinéma Quinqui suit l'explosion des violences urbaines dans une Espagne paupérisée, et montre une jeunesse désoeuvrée en recherche de paradis artificiels, "voyous pris dans leur jus" et non acteurs jouant parfois leurs propres rôles, dont les destinées tragiques ressembleront beaucoup à du cinéma, entre prison, overdoses et SIDA.

David Didelot évoque quelques titres emblématiques du genre, comme Perros Callejeros, oeuvre fondatrice de José Antonio de la Loma, "artisan majeur du filon", Vivre vite de Carlos Saura, Coto de caza, Chocolate, Matar Al Nani... Il revient ensuite sur la filmographie de Eloy de la Iglesia, cinéaste transgressif encore méconnu, "particulièrement provocateur" et audacieux d'"un cinoche pleinement inconfortable", aux thèmes borderline. Son cinéma ne pouvait que déboucher sur le Quinqui, "une sorte d'aboutissement de son oeuvre" et comme "une espèce de prolongement artistique à sa vie", gangrénée par la drogue. Il réalisera notamment l'"immanquable" mélodrame Colegas, "tableau noir d'une jeunesse déprimée", "parfois considéré comme son chef d'oeuvre quinqui" ; l'"inclassable" El Pico, "film d'initiation à rebours" et "plus gros succès du cinéma quinqui" ;  El Pico 2, à "l'excès calculé", "sent un peu l'exploitation mercantile", un "film total, en quelque sorte", qui ne laisse pas indifférent "malgré ses défauts". Un livre passionnant, très bien écrit, et une belle ouverture au genre pour le spectateur débutant.
Quelques pages sont également consacrées au dyptique El Pico 1 et 2 par Simon Laperrière, doctorant en études cinématographiques à l'Université de Montréal et auteur de plusieurs essais. "Constat pessimiste de la nouvelle génération", le premier opus est pour lui le récit d'une union nationale impossible et une "anomalie" dans la filmographie de Eloy de la Iglesia, car ressemblant davantage à des divertissements familiaux, façon telenovela. Laperrière n'a pas vu le même film que Didelot et cela reste un brin exagéré, même si la remarque n'est pas infondée. Le second volet est "étonnamment conservateur" malgré la volonté d'en mettre plein la vue, et signale peut-être un cinéaste qui sera bientôt "mis au silence" pendant une quinzaine d'années, parce que dangereux et dérageant...

Les films sont également accompagnés de suppléments :

Colegas

Le cinéma selon Eloy de la Iglesia (37 min - HD)
Menée par Thierry Lopez d'Artus Films, première partie d'une discussion très intéressante entre deux spécialistes de Eloy de la Iglesia : Laureano Montero qui a soutenu une thèse en 2014, et Maxime Breysse, auteur d'un essai en 2011. Ils reviennent sur le parcours autodidacte de ce réalisateur dont l'oeuvre, aujourd'hui réévaluée, a longtemps été mise de côté dans l'histoire du cinéma espagnol. Ils évoquent un cinéma qui se réapproprie les genres populaires en y mêlant sexe et politique, sujets interdits par la censure, dans une sorte de chronique sur l'Espagne d'alors qui, après des décennies d'oppression, était en pleine transition démocratique et "faisait l'expérience de la liberté dans tous les domaines", avec ses excès. Un cinéma aussi très engagé qui, lorsqu'il participait au mouvement Quinqui, contredisait les arguments de la droite réactionnaire sur l'insécurité en préférant montrer les mécanismes qui menaient à la marginalité. Le tout sans moralisation et avec une esthétique singulière qui rendait le spectateur quelque part voyeur de cet univers délinquant. Ils évoquent l'aspect autobiographique des films d'Eloy de la Iglesia, notamment la dimension homo-érotique ou la fascination ambigüe pour la drogue, montrée de façon très sombre, beaucoup moins récréative que chez Almodovar, avant de conclure sur les dernières années de sa vie où il serait lui-même devenu un marginal...

Bande-annonce originale (2 min 27 s - SD - VOSTF)

El Pico


Du sang dans les rues, le phénomène Quinqui (45 min - HD - VOSTF)
Produit par les américains de Severin Films en 2021 pour leur Quinqui Collection, cet excellent documentaire retrace les grandes lignes du cinéma Quinqui, expliqué par deux spécialistes du genre. Il y a, certes, de nombreuses redites par rapport au livre de David Didelot mais l'ensemble reste tout aussi intéressant, extrêmement argumenté et surtout illustré de nombreux extraits de films ou documents d'époque. Le Quinqui est un "phénomène sociologique et cinématographique très fort", né en réponse aux conditions sociales difficiles dans l'Espagne des années 70, période de libération et d'anxiété où sont apparus les quartiers de banlieues ("bidonvilles verticaux"), propices à la délinquance d'une jeunesse frappée par la crise de l'emploi. Un genre qui a su capturer les changements de son époque dans un "méta-mélange entre réalité et fiction". Le documentaire évoque plusieurs figures du cinéma Quinqui, dont le réalisateur José Antonio de la Loma, au cinéma fataliste et morbide, "dans un idéal néo-réaliste" très différent de la "vision plus pop et beaucoup plus canaille" de Eloy De La Iglesia ou de l'intellectualisation qu'en a fait Carlos Saura dans une "synthèse symbolique". Il y a aussi les stars du Quinqui : José Luis Monzano, "entre ingénuité et malice", El Pirri, El Vaquilla, ou Quique San Francisco et son "énergie fascinante". Parmi les films majeurs du Quinqui on cite bien sûr El Pico, "le plus rentable", caractérisé par le "réalisme stoïque de la représentation à l'héroïne". Un très bon complément.



Bande-annonce (3 min 04 s - HD - VOSTF)

Galerie d'images (1mn 11s - HD)

El Pico 2


Le cinéma Quinqui (39 min - HD)
Seconde partie de la discussion entre Laureano Montero et Maxime Breysse, qui expliquent les origines du terme "quinqui", assimilé à la délinquance juvénile après les exploits d'El Lupe, premier "héros populaire" d'un mythologie alimentée par les destins tragiques de ses protagonistes. On aborde les spécificités du cinéma Quinqui, sous-genre "typiquement espagnol", décrié mais peu exporté, qu'on a comparé au néo-réalisme italien à cause du jeu "assez bluffant" entre réalité et fiction, dans un "effet miroir assez saisissant". Ces délinquants, qui suscitaient l'envie des spectateurs et devenaient des stars grâce à la récupération d'une certaine presse, étaient les figures d'un cinéma tragique "où la mort [était] omniprésente". Les deux spécialistes reviennent sur l'héritage qu'a laissé le genre, dont l'esthétique a durablement marqué son temps et se retrouve aujourd'hui dans la culture urbaine du pays...

Bande-annonce (2 min 49 s - HD)

En savoir plus

Colegas

Taille du Disque : 34 444 162 408 bytes
Taille du Film : 24 410 167 296 bytes
Durée : 1:37:53.875
Total Bitrate: 33,25 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Spanish / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 22,121 kbps

El Pico

Taille du Disque : 41 144 617 892 bytes
Taille du Film : 28 776 204 288 bytes
Durée : 1:49:21.125
Total Bitrate: 35,09 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 30,00 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 30000 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Spanish / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Audio: French / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 20,208 kbps
Subtitle: French / 0,065 kbps

El Pico 2

Taille du Disque : 40 825 270 356 bytes
Taille du Film : 30 309 758 976 bytes
Durée : 2:01:33.625
Total Bitrate: 33,25 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 30,00 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 30000 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Spanish / LPCM Audio / 2.0 / 48 kHz / 1536 kbps / 16-bit
Subtitle: French / 21,539 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 25 septembre 2023