L'histoire
Esther Blodgett (Janet Gaynor) rêve de cinéma depuis toujours. Poussée par sa grand-mère (May Robson), elle quitte en secret sa petite ville natale pour rejoindre Los Angeles et tenter sa chance à Hollywood. Une fois sur place elle découvre que les places sont chères, mais aidée par Danny (Andy Devine), un sympathique assistant-réalisateur, elle décroche des boulots alimentaires. Elle finira par rencontrer Norman Maine (Fredric March), acteur célèbre dont la popularité s’effrite suite à plusieurs scandales liés à son alcoolisme. Celui-ci tombe sous le charme de la jeune fille et lui promet de l’aider à réaliser son rêve. Accompagnée du producteur Oliver Niles (Adolphe Menjou), fidèle ami de Norman, Esther prendra le nom de scène de Vicky Lester. Un nom que l’on verra atteindre les sommets de l’affiche et, surtout, effacer celui de Norman Maine.
Analyse et critique
Bon nombre de films avant Une étoile est née avait raconté les coulisses du monde du cinéma, mais il fut le premier à rencontrer un succès aussi unanime, à la fois artistique, commercial et critique, devenant ainsi la matrice du film Hollywoodien célébrant lui-même la légende Hollywoodienne. Il reçut l’Oscar du meilleur scénario, couronnant son auteur-réalisateur, William Wellman. Pourtant celui-ci décida de le dédier, et de confier la statuette, à son producteur, le flamboyant David O. Selznick. Un geste qui brouille encore un peu plus les pistes s’agissant de la paternité du film, sujet sur lequel nous reviendrons. Quoi qu’il en soit Une étoile est née s’inscrivit dès lors dans les mémoires, ouvrant la voie à trois remakes qui deviendront, pour certains, plus célébrés encore que l’original [1] .
En 1937 William Wellman rompt son lucratif engagement avec la MGM, contracté en 1935 suite au succès de l’Appel de la forêt. Désireux d’être à l’initiative d’un projet ambitieux, il ne s’est vu, au cours de l’année 1936, attribuer que des commandes sans saveur. Qu’il s’agisse du western mexicain Robin des Bois d’Eldorado, de la comédie La petite provinciale ou des reshoots qu’il a supervisé pour Tarzan s’évade (le troisième épisode de la saga, qui a vu pas moins de quatre réalisateurs défiler avant Wellman). Frustré, il décide donc de rejoindre David O. Selznick, avec qui il avait déjà collaboré à la Paramount ainsi qu’à la RKO [2] , qui vient de fonder son propre studio, Selznick International Pictures, et a déjà rencontré le succès avec Le Petit Lord Fauntleroy de John Cromwell.
UNE PATERNITÉ DISPUTÉE
Associé au jeune scénariste Robert Carson, rencontré à la MGM et avec qui il s’est lié d’amitié, Wellman développe plusieurs projets de film qu’il soumet à Selznick. L’un d’entre eux, cher au cœur du réalisateur, a pour titre “It Happened in Hollywood”. Il est inspiré par l’expérience que Wellman a lui-même faite de l’usine à rêve, son glamour et ses vicissitudes, ainsi que de plusieurs figures qu’il a côtoyé de stars masculines déchues, alcooliques et dépressives. Les grandes figures du muet John Barrymore et John Gilbert notamment, mais surtout du comédien John Bowers, dont le suicide faisait alors l’actualité. L’acteur avait épousé en 1923 Marguerite De La Motte, alors comédienne débutante, pour qui la carrière fut rapidement plus éclatante que celle de son mari. Tous deux subirent durement le passage au parlant mais c’est John qui vécut le plus mal son déclin. Alcoolique, séparé de Marguerite, son corps fut retrouvé noyé sur une plage de Malibu en novembre 1936 [3] . Le mariage de Frank Fay et Barbara Stanwyck (avec qui Wellman avait tourné en 1932) aurait aussi constitué une inspiration, la carrière de Stanwyck ayant notoirement éclipsé celle de Fay.
D’abord réticent, trouvant le projet trop critique et noir, Selznick part en vacances à Honolulu et y réfléchit, à son retour il met en branle la production. Il se trouve que Selznick a lui-même produit, cinq ans plus tôt, un film très similaire, What Price Hollywood, réalisé par Georges Cukor. Au cœur du récit on trouvait pareillement cet archétype de la jeune actrice sur la voie du succès mais surtout ce principe d’un mentor masculin au sommet de sa gloire tombant de son piédestal au moment où la jeune fille accède à la célébrité. Sauf que dans le film de Cukor ce mentor était un réalisateur vieillissant occupant la place d’un père de substitution, là où le film de Wellman fait du mentor un acteur, à peine plus âgé, qui deviendra l’amant puis le mari de la jeune fille. Ce choix dramatique donne au récit dans son ensemble une portée romantique et tragique qui manquait au film de 1932. Doit-on cette fondamentale bonne idée et l’essence du projet au producteur ou aux premiers scénaristes ? Que comprendre du choix de Wellman de donner par la suite son Oscar du scénario à Selznick ?
FOUGUE INTERVENTIONNISTE DE SELZNICK, TÉMÉRITÉ DE WELLMAN
Quoi qu’il en soit de ces prémisses il est avéré que, fidèle à ses habitudes, Selznick a fait travailler pléthores de scénaristes sur le film en développement, a consulté plusieurs de ses proches, et fait intégrer de nombreuses idées au fur et à mesure des discussions. Dorothy Parker et Alan Campbell sont finalement les seuls à être crédités au scénario en plus de Carson et Wellman. Mais on sait que le duo Budd Schuldberg/Ring Lardner Jr. contribua également et que c’est à eux que l’on doit la fameuse séquence finale, reprise dans les autres versions par la suite. Exemple d’apport extérieur : c’est une remarque de Cukor, qui était allé rendre visite à John Barrymore alors en cure de désintoxication, qui aurait donné l’idée à Selznick d’intégrer une scène similaire dans le film. Wellman, esprit fort lui-même, connu pour son tempérament rebelle, était bien conscient de la méthode Selznick, il accepta le scénario fourni par la production mais s’efforça de rester maître de son tournage. Moins coulant que des réalisateurs comme Cromwell ou Victor Flemming [4] , il avait fait mettre dans son contrat que le producteur n’aurait pas le droit de se rendre sur le plateau plus de six fois. Clause que Selznick eu bien du mal à respecter. Wellman soutiendra pour autant qu’il a peu, si ce n’est jamais, tenu compte des remarques et des nombreux mémos que lui faisait parvenir Selznick.
Scène exemplaire pour examiner la relation entre le réalisateur et son producteur, le suicide de Norman Maine, qui est réalisé avec beaucoup moins d’effets que son équivalent dans What Price Hollywood. On apprend pourtant dans certains des mémos publiés de Selznick que celui-ci envisageait que cette séquence soit, comme dans le film de 1932, l’occasion de flash-backs, d’une accélération du rythme et de multiples effets sonores. Visiblement Wellman fit des choix opposés, préservant pour la séquence un rythme lent et un nombre de plan limité. Cet instant fatidique a par ailleurs pour cadre un coucher de soleil, provoquant pour la première fois dans le film une saturation exacerbée de couleurs. Ce débordement soudain de teintes rouge orangé donne à la scène une forme d’irréalité qui traduit parfaitement l’état second dans lequel se trouve alors un Norman Maine au comble du désespoir. Mais difficile de d'attribuer cette idée à Wellman seul, tant cela devint une des marques de fabrique de Selznick par la suite, Autant en emporte le vent et Duel au soleil offrant quantité de séquences se déroulant sous les ciels rougeoyants du crépuscule. Quoi qu’il en soit, et au-delà des tensions qui pouvaient affleurer entre les deux hommes, le film porte bien les marques de ses deux géniteurs déclarés.
C’est en tout cas sous l’impulsion de Selznick que le film fut tourné en Technicolor tri-chrome, technologie qu’il fut un des premiers à utiliser pour ses long-métrages [5] . Cela se ressent dans la rigidité de la mise en scène, laquelle était contrainte par la lourdeur du matériel technicolor. Mais la photographie couleur de W. Howard Greene constitue une indéniable réussite, les couleurs sont déployées dans d’élégantes palettes pastel, étonnamment désaturées pour l’époque. On pourrait l’attribuer aux limites d’une technologie balbutiante, mais pourtant les couleurs étaient déjà très vives dans la précédente production Selznick en couleur, Le Jardin d’Allah, aussi éclairée par Greene. Au contraire, la direction artistique globalement sombre semble volontaire et en adéquation avec la tonalité dramatique du récit, émaillé de nombreuses scènes nocturnes. Les environnements populaires où végète Esther partagent des teintes marron foncé, contrastant avec l’univers plus clair des studios, dans les beiges et les bleus. La dernière partie, qui voit Maine sombrer et Esther perdre la foi, laisse apparaître des teintes vertes associées à la maladie. Le chef opérateur, également responsables des productions couleurs concomitantes de Selznick, recevra un Oscar spécial pour son travail sur Une étoile est née.
Stylistiquement le film est par ailleurs plutôt timide. Wellman, malgré de ponctuels moments d’éclat, n’a jamais été un maniériste et s’en tient à un découpage simple et sobre, efficace et sans fausse note. Bien rythmé, le film parvient à conserver l’équilibre qui manquait à What Price Hollywood, ne laissant jamais la comédie prendre le pas sur le registre du mélodrame romantique. Idée originale, le film commence sur un scénario qui s’ouvre à sa première page pour ensuite faire apparaître une petite chaumière perdue dans un paysage enneigé. Variation sur l’ouverture d’un film de conte de fée, le spectateur est ainsi prévenu que c’est à un récit archétypal qu’il va assister. Une scène de comédie romantique au milieu du film offre un peu de fraîcheur : Esther et Norman célèbrent leur lune de miel loin des projecteurs, comme les américains moyens, dans une caravane tractée. Wellman s’amuse à filmer dans des espaces exigus son couple de héros peu accoutumés à la frugalité et au manque de confort. On y retrouve un peu, et heureusement pas trop, de l’humour potache qui sera l’ingrédient principal de La Joyeuse Suicidée, film suivant de Wellman.
Mais l’une des séquences les plus marquantes du film reste la cérémonie des Academy Awards, déchirante par son déroulement et l’interprétation que délivrent les comédiens. Tandis que Esther/Vicky reçoit un Oscar Norman survient, complètement soul, il interrompt le discours de sa femme et règle ses comptes devant une audience entre rire et consternation. Un élégant et glaçant travelling accompagne Norman du fond de la salle jusqu’à l’estrade où se tient Esther. Bouillonnant d’auto-détestation, il implore l’académie de lui remettre une récompense pour la pire performance de l’année et déclare publiquement son dégout pour l’industrie du spectacle. Wellman partageait sans doute certains des propos énoncés par son personnage [6] .
ALIÉNATION FÉMININE, FRAGILITÉS MASCULINES
Au cours de sa longue carrière Wellman a offert d’excellents films dans pratiquement tous les genres, mais ont principalement retenu l’attention ceux appartenant à des genres aux caractéristiques typiquement masculines, film de guerre, de gangsters, westerns... Incidemment les qualités dramatique et thématiques de ce Une étoile est née tiennent beaucoup plus au portrait du protagoniste masculin qu’à celui du féminin. Le personnage de Esther Blodgett/Vicky Lester que campe Janet Gaynor manque cruellement d’épaisseur et souffre la comparaison avec ses équivalents dans les deux films de Cukor, campés par Constance Bennet en 1932 et Judy Garland en 1954. Gaynor semble toute droit sortie de la comédie pataude qu’elle avait tournée avec Wellman l’année précédente, et dans laquelle elle incarnait déjà une « petite provinciale ». Dans le cas présent la provinciale monte à Hollywood et devient une actrice adulée, mais pratiquement sans faire d’effort, ou presque. C’est son « charme », sa « fraîcheur », qui fait tout. Il fallait seulement que quelqu’un soit là pour la remarquer. De tout le film elle ne fera qu’obéir aux recommandations, aux exhortations, des autres personnages. D’abord de sa grand-mère, qui la pousse à partir de leur village natal, puis de son ami l’assistant-réalisateur, qui la convainc d’accepter des petits boulots et enfin bien sur de Norman Maine, qui la guide dans le monde périlleux du show-business. La pauvre Janet minaude, prend l’air éplorée, subit du début à la fin. Elle est pratiquement dépourvue d’humour, à l’exception de quelques imitations de star qu’elle improvise au cours d’un cocktail où elle travaille comme serveuse, idée reprise de la version 1932.
C’est donc très logiquement Norman Maine, qu’incarne brillamment Fredric March, qui vole la vedette, malgré une présence à l’écran moindre. Wellman offre une représentation saisissante de la figure de l’acteur blessé dans son égo et en proie aux démons de l’alcoolisme. Il n’a pas peur de nous rendre le personnage antipathique, ses accès de colère brutaux, ses crises de jalousie vis-à-vis du succès d’Esther et sa cruauté vis-à-vis de certains personnages, sont filmés sans fards. On pourra cependant se délecter de son humour noir et son cynisme, de son recul sur le système dont il a profité et qu’il rejette désormais. Wellman, et tous les nombreux auteurs du scénario, ont par ailleurs bien réussi à équilibrer le personnage qui, d’une manière tout à fait mélodramatique, est également habité par un sentiment amoureux complètement pur envers Esther. Son dilemme cornélien donne au récit l’intensité qui manquait au film de 1932, épouser Esther, la pousser vers le succès, rend encore plus éclatant l’ampleur de sa chute. Il devient « M. Lester », « le mari de », une insulte insupportable pour un homme comme lui. C’est avec beaucoup de justesse que l’on voit son personnage se voiler la face, ne pas admettre la défaite, par excès d’orgueil. C’est seulement lorsque définitivement il ne pourra plus échapper à cette vérité qu’il décidera de se supprimer. Mais on nous fait comprendre que s’il fait ce choix c’est aussi pour ne pas porter préjudice à Esther, qui envisage désormais d’arrêter les tournages et de consacrer tout son temps au soutien de son mari. Tour de force autant qu’astuce dramatique, son refus d’accepter le réel devient donc également un sacrifice altruiste et rachète le personnage.
L’angle mort du scénario reste néanmoins le sujet de la domination masculine et du refus par un homme d’accepter une position d’infériorité. Outre la dette qu’a Esther envers son mari, à qui elle doit son introduction aux hautes sphères d’Hollywood, celle-ci se voit jusqu’au bout entraînée dans des situations de soumissions à l’autorité masculine, notamment incarnée par la figure paternaliste et bienveillante du producteur Oliver Niles. Ce personnage sympathique semble par ailleurs ne prendre des décisions que malgré lui, en fonction des attentes d’un public intransigeant et d’une presse à l’affut de scandale. Les titres de journaux sont cruels envers Norman ou Esther mais ne traduisent jamais la pensée de leur ami producteur, le public fait le succès d’Esther mais ils la bousculent, lui arrachent son voile, le jour de l’enterrement de son mari. La figure de l’attaché de presse est, lui aussi, désigné comme un des responsables, tandis que le producteur semble toujours contraint et forcé d’obéir à ses suggestions. On est loin de la représentation ambigüe du producteur égomaniaque que donnera Vincente Minelli dans le passionnant Les Ensorcelés (1952). Sur ce point encore Wellman et Selznick proposent une vision idéalisée qui contredit leur désir de vraisemblance. A la fin du film seulement Esther lui résistera, en exprimant son désir d’abandonner le cinéma. Mais ce sera pour mieux céder aux imprécations de sa grand-mère, qui surgit tel un deus-ex machina, pour la convaincre de ne pas renoncer à ses rêves. Norman quant à lui semble mourir de n’avoir pas su rester au niveau de sa femme.
LE TRIOMPHE A TOUT PRIX
Le seul véritable désir qu’exprimera Esther, outre ses sentiments pour Norman, est donc celui de faire du cinéma. Pour autant nous n’en voyons pas grand-chose, contrairement à What Price Hollywood il n’y a pas d’images d’elle en train de se comparer aux publicités des magazines, pas plus que nous ne la voyons pratiquer la comédie sur une scène de théâtre provinciale. C’est un donné du scénario, Esther veut faire du cinéma. Mais pour faire quoi exactement ? Jouer ? Être une artiste ? Devenir quelqu’un d’autre ? Accéder à la célébrité ? Ce qu’elle exprimera le plus précisément c’est qu’elle veut quitter la banalité de son quotidien, la conformité d’une vie conventionnelle, qu’elle veut « être quelqu’un ». Être acteur/actrice n’est dès lors pas tant un art, une pratique ou une technique, qu’un état de fait qu’il est possible, ou non, de révéler, d’actualiser. Le rêve que représente Hollywood semble plus que jamais ineffable, Hollywood EST le rêve, le lieu de l’accomplissement de soi. La star féminine est le héros de son mythe, mais là où l’homme en perçoit les fractures, la vanité, la femme s’y complait, s’y soumet, aveuglément. De sa rébellion initiale contre ses parents, son milieu d’origine, il ne restera plus grand-chose. Ses tentatives de résistance n’y feront rien, la femme retournera sous les projecteurs, quelle que soit la peine infligée, Hollywood vaut mieux que tout. Et ce sera la même chose dans les deux films de Cukor.
IMPRIMER LA LEGENDE HOLLYWOODIENNE
Janet Gaynor elle-même vivra une forme de renaissance en tant que star suite au succès du film. Après avoir accédé à la célébrité du temps du muet, recevant le premier Oscar de la meilleure actrice en 1929 (pour trois films, dont L’Aurore de Murnau) sa carrière déclinait jusqu’à ce qu’arrive Une étoile est née, qui lui vaudra une nouvelle nomination. Elle prendra pourtant sa retraite en 1938, un an et deux films plus tard. Contrairement à l’héroïne qu’elle incarnait elle parviendra à quitter l’écran. Fredric March enchaînera avec Wellman et Selznick sur la comédie romantique La joyeuse suicidée, sur un scénario de Ben Hecht. Malgré la réputation de pépite oubliée dont jouit actuellement le film nous n’en recommandons pas le visionnage tant celui-ci déçoit par son invraisemblance et sa lourdeur. Le film fut cependant plutôt bien reçu et Wellman continuera de réaliser ponctuellement d’autres comédies et drames romantiques, mais aucun ne sera à la hauteur d’Une étoile est née. Bien que par la suite Selznick n’ait plus produit de film pour lui ils restèrent amis et Wellman viendra à plusieurs reprises tourner quelques plans de ses productions les plus ambitieuses.
Malgré les critiques que nous avons faites le film reste, dans le registre malheureusement un peu désuet du mélodrame, une réussite. Il incarne en définitive le parangon du récit mythique Hollywoodien, de son auto-célébration modérément teintée d’autocritique. Il fait preuve d’un panache et d’une gravité qui manquaient aux œuvres précédentes sur le même sujet. Son succès à l’époque de la sortie fut significatif, ses recettes doublant presque la mise de départ (un budget d’environ 1 million de dollars) et sa réputation se cristallisant grâce à ses sept nominations et ses deux Oscars (scénario et photographie couleur donc). Il souffre aujourd’hui la comparaison avec le chef d’œuvre que livrera George Cukor en 1954, remake cette fois déclaré, et qui le dépasse aussi bien en termes de virtuosité esthétique que de finesse psychologique. Pour autant, ne serait-ce qu’au titre de sa position dans l’histoire de la légende Hollywoodienne, il mérite d’être vu et reconnu.
SOURCES :
- David O. Selznick, “Cinéma mémos”, Trad. Anne Villelaur, 1985, Ramsay
- David Thompson, “Showman: The Life of David O. Selznick”, 1992, Alfred a Knopf Inc
- William Wellman Jr., “Wild Bill Wellman: Hollywood Rebel”, 2015, Pantheon
- Jeffrey Vance, Lorna Luft, « A Star Is Born », 2018, TCM, Running Press
- Pierre Berthomieu, « Le temps des géants », 2009, Rouge Profond
- Karen McNally, « The Stardom Film : Creating the Hollywood Fairy Tale », 2020, Columbia University Press
NOTES :
[1] Le film musical de Georges Cukor sorti en 1954 avec Judy Garland est la version la plus connue, concurrencée de nos jours par la relecture country pop de Bradley Cooper avec Lady Gaga, sorti en 2018. La version 1976 de Franck Pierson avec Barbra Streisand, pourtant important succès commercial à sa sortie et qui avait inauguré la bascule dans l’univers de la musique, semble, elle, ne pas avoir marqué les esprits dans la durée.
[2] Selznick produisit notamment Les conquérants, film de Wellman sorti en 1932.
[3] Le suicide de Bowers serait prétendument dû au fait que son ami, le réalisateur Henry Hathaway, avait casté Gary Cooper plutôt que lui dans le rôle principal du film Ames à la mer (titre prémonitoire).
[4] Wellman tomba d’ailleurs malade durant quelques jours et fut remplacé par l’un puis l’autre le temps de sa convalescence. Il demanda évidemment à retourner les plans réalisés en son absence.
[5] Le 1er long-métrage en tri-chrome intégral fut Becky Sharp de Ruben Mamoulian en 1935, tandis que le film de Wellman est le 7ème ou le 8ème.
[6] Wellman déclare s’être inspiré, pour cette scène de règlement de compte sous l’emprise de l’alcool, de sa soirée passée lors de la première cérémonie des Oscars. Les Ailes fut nommé dans la catégorie du meilleur film mais Wellman ne le fut pas en tant que réalisateur. Il ne fut même pas invité du tout à y assister et donc pas non plus à célébrer l’Oscar reçu par son film. Il est resté seul, dans son appartement, buvant beaucoup et prononçant sa propre version d'un discours de remerciement, dans lequel il faisait savoir aux membres de l'Académie ce qu'il pensait vraiment d'eux.