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Critique de film
Le film
Affiche du film

Tornade sur la ville

(The Man from Bitter Ridge)

L'histoire

Après plusieurs attaques violentes de diligences aux environs de Tomahawk avec meurtres à la clé, la compagnie de transport décide d’envoyer un détective incognito dans la petite ville afin de découvrir les coupables. Les spectateurs sont en avance sur l’enquêteur Jeff Carr (Lex Barker) puisqu’ils savent déjà très bien de qui il s’agit : du gang dirigé par les frères Jackman, dont l’aîné se présente aux nouvelles élections qui doivent avoir lieu dans les jours qui viennent pour savoir qui sera le prochain shérif. Après avoir failli être lynché (les habitants de la ville l'ayant pris pour l’auteur des hold-up), le détective est conduit directement en prison jusqu’à ce que son innocence soit démontrée. Une fois lavé de tout soupçon, Jeff peut enfin circuler librement dans les rues mais il est immédiatement agressé, les bandits ayant entretemps appris sa véritable profession et ne souhaitant pas être appréhendés. Il est sauvé in-extremis par la jeune Holly (Mara Corday) qui se trouvait sur les lieux à ce moment-là. Ranse Jackman (John Dehner), la véritable tête pensante de la bande de hors-la-loi, envoie Jeff sur la piste d’éleveurs de moutons, pensant profiter de l’occasion pour se débarrasser une fois pour toutes du détective encombrant ainsi que des "sheepmen". Après avoir passé un court séjour chez les bergers, Jeff se rend vite compte qu'ils s'est trompé de cible. Durant ce laps de temps, il est tombé amoureux de Holly, que le régisseur Alec Black (Stephen McNally) comptait demander en mariage. Malgré la jalousie qui règne entre Jeff et Alec pour les beaux yeux de Holly, les deux hommes s’uniront pour faire éclater la vérité après qu’ils ont réussi à capturer un témoin repenti ayant participé à la dernière attaque...

Analyse et critique

Comme je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises à propos de divers westerns (et ce début d’année 1955 vient le confirmer), du succès grandissant du studio Universal et de la multiplication des producteurs en son sein semble en avoir résulté une moins grande rigueur de la part des dirigeants dans le suivi du choix des castings, un intérêt moindre porté sur la qualité d’écriture des scénarios ainsi que sur les moyens mis en œuvre afin d’augmenter l’efficacité des mises en scène... Alors qu’entre 1948 et 1952, aller voir un western Universal signifiait dans 90% des cas qu'on allait - "au pire" - grandement se divertir, il n’en est plus de même au milieu de cette décennie 50 et, après le catastrophique Chief Crazy Horse (Le Grand chef) de George Sherman sorti quelques semaines plus tôt, Tornade sur la ville, le premier western de Jack Arnold, est à nouveau un parfait exemple de ce que j’avance. Bref, si bien évidemment de très bons (voire de très grands) westerns sortent encore du studio, un western Universal n’est désormais plus nécessairement gage de qualité à coup presque sûr. Howard Pine, ancien assistant réalisateur, n’a pas réussi son entrée dans la production, pas plus que Jack Arnold dans le western, le réalisateur s’étant révélé bien plus à son aise dans le film fantastique et la science-fiction, déjà auteur du captivant Météore de la Nuit (It Came from Outer Space) ainsi que de l’attachant Etrange Créature du Lac Noir (Creature from the Black Lagoon).

Une attaque de diligence tourmentée ; le dynamitage d’un arbre afin de le faire tomber en travers du chemin ; un meurtre de sang-froid ; une tentative de lynchage sur le personnage principal ; l’arrivée dans la ville en pleine effervescence en attente des élections prochaines... Si tout le début du film laissait présager un western mouvementé et agréablement rythmé, s’il aurait pu faire illusion grâce aussi à une très belle photographie signée Russell Metty (même si le procédé EastmanColor est moins rutilant que le Technicolor) ainsi qu’à quelques petits détails assez sympathiques (la banderole trouée d’un des candidats, le toit en pente de la séquence de fusillade finale, la malchance du détective constamment mis à mal, un stampede de moutons…), au fur et à mesure de son avancée on déchante sacrément tellement le scénario s’avère non seulement conventionnel et prévisible mais surtout excessivement mauvais, les dialogues affligeants n’étant pas là pour relever le niveau. Nous nous trouvons donc devant une série B médiocre et indigente à presque tous les niveaux, pas même spécialement plaisante à regarder tellement l’ensemble s’avère fade ; ni d'ailleurs à écouter, Joseph Gershenson ayant l'air d'avoir été lui aussi moins concerné que d'habitude dans son travail de superviseur de la musique ! J’avoue avoir aussi quelques difficultés à suivre Bertrand Tavernier quand il s’extasie sur la mise en scène de Jack Arnold qui m’a semblé au contraire, à deux ou trois séquence près, d’une platitude et d’une mollesse incroyables.

On trouve effectivement quelques très beaux plans grâce surtout aux superbes éclairages nocturnes (la scène de pugilat derrière le saloon dans cette lumière bleue/jaune, ou alors ce plan d’ensemble en plongée sur le domaine des bergers) ainsi que quelques séquences plutôt efficaces (la poursuite de la diligence assez enlevée qui ouvre le film, ainsi que la fusillade finale bien nerveuse) ; mais entre ces deux fois cinq minutes encadrant le film, le reste est sans intérêt d'autant que l'interprétation est loin d'être convaincante. Lex Barker porte très bien les classieuses chemises que la costumière a mises à sa disposition mais se révèle un héros bien insipide. Stephen McNally n’arrive pas lui non plus à rehausser l’ensemble malgré la faiblesse des bad guys qu’il a en face de lui. Des "méchants" risibles par leur maladresse et leur idiotie sans - je pense - qu’il ait été dans les intentions des auteurs d’en faire les personnages parodiques qu’ils nous semblent pourtant être. John Dehner a du mal à se démarquer lui aussi tandis que Mara Corday fait un peu potiche. Si l’interprétation est aussi faible, c’est aussi la faute aux deux scénaristes qui ne leur ont pas offert de personnages dignes de se décarcasser pour les rendre plus attachants ou charismatiques. Mais n’accablons pas plus ce premier western de Jack Arnold ; on a déjà vu bien pire ! Ce n’est cependant pas une raison pour recommander ce film de série sans intérêt.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 21 novembre 2012