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Critique de film
Le film
Affiche du film

Technique d'un Meurtre

(Tecnica di un omicidio)

L'histoire

Clint Harris est un tueur à gage chevronné qui souhaite se retirer du métier. Il accepte malgré tout un dernier contrat, que le Syndicat accepte de lui payer à prix d’or. Il doit abattre Secchi, qui a parlé à la police et se cache à Paris. Accompagné par Lo Bello, un jeune tueur qui apprend le métier, Harris traverse l’atlantique et se lance dans une chasse à l’homme risquée.

Analyse et critique

Francesco Prosperi, qui ne doit pas être confondu avec le spécialiste du Mondo auteur de Mondo Cane Franco Prosperi, s’est d’abord distingué, comme nombre de réalisateur de l’âge d’or du cinéma italien, par son travail de scénariste, notamment auprès de Mario Bava. Après une collaboration avec Sergio Grieco pour la mise en scène de L’Esclave de Rome en 1961, Technique d’un meurtre est le premier film pour lequel il est seul aux commandes, à la fois scénariste et réalisateur. L’idée scénaristique est très classique, presque un cliché de son époque, avec l’histoire d’un tueur à gages qui veut raccrocher mais que le syndicat ne laissera pas faire et qui doit se battre contre une nébuleuse criminelle difficilement identifiable. On notera toutefois que le film de Prosperi, contrairement à ce que l’on peut parfois dire du cinéma de genre italien, est plutôt précurseur que suiveur de la vague de productions du même style.

En toute logique, on y retrouve les enjeux et les scènes classiques de ce genre de récit, et on pense bien sûr à des œuvres postérieures plus réputées, notamment l’inévitable Flingueur de Michael Winner ou encore Les Grands fusils de Duccio Tessari. On notera par exemple en début de film une séquence visuellement très réussie de préparation d’un meurtre au fusil à lunette qui évoquer au spectateur de nombreux souvenirs cinématographique dont notamment, et il s’agit vraisemblablement d’une coïncidence, une séquence équivalente dans La Cible de Bogdanovich. Technique d’un meurtre utilise ce récit pour décrire un monde de mensonge particulièrement bien articulé par le scénario de Prosperi. Le Syndicat fait croire au tueur à gage Harris qu’il accepte ses demandes mirobolantes pour l’exécution de ce qu’il souhaite être un dernier contrat, alors qu’ils veulent l’éliminer, car on ne quitte pas le Syndicat. Le jeune Lo Bello, qui forme avec Harris ce qui ressemble, à première vue, à un duo d’apprentissage qui évoquerait un proto-Buddy movie, ment à Harris, au Syndicat qui l’a missionné et à Secchi. Secchi lui-même, qui a changé de visage, se plait malgré ces efforts à se montrer aux yeux de tous, trompant l’image même de l’homme en fuite. C’est dans la description de ce monde de faux semblants, où rien ni personne n’est ce qu’il parait être, que Technique d’un meurtre est le plus réussi.


Un scénario et une mise en scène efficace, un cinéaste qui traite son sujet, mais malheureusement rien ne reste réellement en mémoire au visionnage de Technique d’un meurtre, dont le seul vrai défaut est peut-être que des films plus marquants, mis en scènes par des cinéastes faisant preuve de plus de personnalité, ont traité le même sujet dans les années suivante. Il est très difficile de trouver un défaut à Technique d’un meurtre, mais il est presque aussi difficile de lui trouver une qualité saillante, qui le fera rester dans les mémoires. Il aurait peut-être fallu, au moins, le talent de certains faiseurs du cinéma de genre italien pour magnifier les scènes d’action, ou donner plus de personnalité visuelle au film. Pourtant le visionnage est plaisant, porté par un casting convainquant, dominé par un Robert Webber qui, contrairement à d’autres acteurs anglo-saxons venu tourner en Italie, est loin de cachetonner et incarne avec conviction son personnage au côté d’un jeune Franco Nero a deux doigts d’exploser avec Django, qui sortira quelques jours plus tard seulement sur les écrans italiens. Son emploi rétrospectivement inhabituel, dans un rôle discret, son fameux regard bleu caché par des lunettes, fait partie des bonnes idées de Technique d’un meurtre.


Loin d’être une sorte de pré-polizittesco, Technique d’un meurtre se rapprocherait plutôt, par la forme, de l’eurospy, genre à succès du milieu des années soixante qui prenait le sillon du succès de la sage James Bond. On voyage, de New York à Paris, dans un récit totalement déconnecté de la réalité social ou politique de l’Italie que nous ne voyons jamais. Sérieux dans son propos comme dans son traitement, il fait d’ailleurs certainement parti des films les plus solides d’un genre qui confine le plus souvent à la parodie, même si son sujet le marginalise de la plupart des productions de ce type. Une objective réussite finalement, qui procure un réel plaisir de visionnage instantané, mais qui a pour défaut injuste de disparaître rapidement de la mémoire de son spectateur.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 15 février 2024