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Critique de film
Le film
Affiche du film

Ne m'envoyez pas de fleurs

(Send Me no Flowers)

L'histoire

George Kimball (Rock Hudson) est hypocondriaque ; lors d’une de ses innombrables visites à son médecin généraliste (Edward Andrews), il surprend une conversation entre ce dernier et son cardiologue et pense avoir compris - mal à propos - qu'il ne lui reste plus que quelques semaines à vivre. Son but va désormais consister à trouver à son épouse Judy (Doris Day) un honorable futur mari de remplacement sans rien lui avouer ni de son futur décès ni de son idée saugrenue. Il va demander à Arnold Nash (Tony Randall), son meilleur ami et voisin, de lui venir en aide ; leur choix va se porter sur Bert Power (Clint Walker), un ex-petit ami de Judy devenu un riche magnat du pétrole. Le fait de faciliter ainsi leurs retrouvailles va mettre la puce à l’oreille de Judy, qui pense que son mari agit ainsi pour cacher sa propre infidélité...

Analyse et critique

"Jamais deux sans trois" est une expression qui ne fonctionne pas à tous les coups, et notamment dans le domaine cinématographique. En effet, après deux très belles réussites de la comédie américaine (Confidences sur l’oreiller - Pillow Talk de Michael Gordon et Un Pyjama pour deux - Lover Come Back de Delbert Mann), ce troisième et dernier film du célèbre duo Doris Day / Rock Hudson s'avère une sacrée déception surtout que l'idée de départ laissait envisager les quiproquos les plus drôles qui soient. Il s’agit de l’adaptation d’un vaudeville de Broadway écrit par le duo Carroll Moore et Norman Barasch, qui fut interprété sur scène à la fin des années 1960 par le couple David Wayne et Nancy Olson. Le scénario narre les mésaventures cocasses d’un hypocondriaque qui, croyant avoir appris qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre, décide de préparer son propre enterrement et surtout de trouver un mari de remplacement à son épouse adorée... Un époux qui devra être un homme parfait digne de la jeune femme.


L'histoire est certes amusante et voir Rock Hudson avec une tête à la Droopy tout au long du film vaut déjà largement le déplacement, même s'il s’était révélé bien plus convaincant en mufle séducteur tel qu'il les jouait dans les deux opus précédents. Car contrairement à ces derniers, basés tous les deux sur des postulats de départ très ressemblants et des schémas similaires - un coureur de jupons prenant une autre identité pour faire tomber dans ses bras une femme célibataire (et fière de l’être) qui le déteste - ici le couple est marié et confortablement installé. C’est un tout jeune Norman Jewison qui s’y colle, et l’on a du mal à s’imaginer qu’il s’agisse du même homme qui tournera plus tard des films aussi sérieux que Dans la chaleur de la nuit (In the Heat of the Night), F.I.S.T., Rollerball, Justice pour tous (...and Justice for All), Le Kid de Cincinnati ou encore L’Affaire Thomas Crown. Il avait néanmoins avant cela réalisé une comédie très amusante déjà avec Doris Day, Le Piment de la vie (The Thrill of it all), dans lequel James Garner était le partenaire de l’actrice.


Bien moins réussie se révèle donc être Ne m’envoyez pas des fleurs, qui débute cependant par une très sympathique chanson de générique écrite par Burt Bacharach et interprétée par Doris Day. Nous trouvons quand même également deux ou trois séquences franchement hilarantes (le testament enregistré, la découverte par le futur "mourant" de la nouvelle sensibilité qu'il éprouve vis-à-vis des choses les plus inanimées, la tentative par Doris Day de réchauffer les ardeurs de son mari pour au final, par vengeance, le laisser choir au moment de passer à l'acte...) et le panel de seconds rôles jouant dans cette comédie vaut aussi le détour, que ce soit Paul Lynde dans le rôle d’un concessionnaire de cimetière enthousiaste à l’idée de voir ses futurs clients entrer dans sa boutique, Hal March dans celui d’un avocat spécialisé dans les divorces et qui ne perd aucune occasion de profiter de la nouvelle solitude de ses clientes, ou encore Edward Andrews dans celui du généraliste médiocre qui pense que tous les spécialistes sont des fumistes. Heureusement qu’ils sont de la partie car Tony Randall et Doris Day ne se sont rarement montrés aussi pénibles. Beaucoup de paramètres laissaient augurer d'une comédie hilarante mais l'ensemble n'est pas aidé ni par une mise en scène qui ne fait pas dans la dentelle (elle se révèle même souvent assez laide dans ses effets), ni par la musique pachydermique de Frank De Vol.


Ce troisième et dernier volet de l’informelle trilogie Day / Hudson est réputé pour être le moins bon, chose que je confirme à l'occasion de cette chronique. Avec un peu d’indulgence et de patience, on pourrait dire qu’on ne s'y ennuie pas franchement mais on ne se surprend pas souvent non plus à rire aux éclats et c'est bien dommage. Ne m'envoyez pas de fleurs est une comédie ratée et qui n’arrive jamais vraiment à décoller faute à un scénario poussif, à un rythme laborieux et à des comédiens en roue libre qui surjouent presque constamment pour tenter de donner du tonus à l’ensemble. Doris Day disait justement que cette fois la vedette principale était uniquement Rock Hudson, et il est vrai que son personnage est beaucoup plus mis en avant que celui de son épouse. Mais le comédien n’aimait pas du tout le film et on peut le comprendre, lui qui jouera dans de très nombreuses et bien meilleures comédies durant cette même décennie comme, outre les deux précédentes avec Doris Day, les délicieuses Le Sport favori de l’homme (Man's Favorite Sport) de Howard Hawks ou encore Le Rendez-vous de septembre (Come September) de Robert Mulligan.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 27 mars 2018