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Critique de film
Le film
Affiche du film

Le Tueur au visage d'ange

(The Fiend Who Walked the West)

L'histoire

Daniel Hardy (Hugh O’Brian) et trois complices attaquent une banque. Alors qu’il se trouve à l’intérieur du coffre en train de remplir ses sacoches, il est enfermé par un employé qui donne aussitôt l’alerte. Les trois autres voleurs réussissent à s’enfuir, Paul Finney (Ken Scott) emportant avec lui une grosse somme. Daniel est condamné à dix années d’emprisonnement ; avant de se rendre au pénitencier, il a le temps de dire à sa femme enceinte (Linda Cristal) d’aller demander une part du butin à Paul afin de subvenir à ses besoins. Daniel partage sa cellule avec Felix Griffin (Robert Evans), qui ne purge qu’une légère peine de 90 jours et à qui il raconte sa vie et notamment le hold-up qui lui a valu d’être à ses côtés. Ayant pris connaissance du butin récolté par les complices de son compagnon de cellule, Felix, une fois sorti, n’a plus qu’une idée en tête, s'en emparer à son tour. C’est à partir de ce moment-là que l’on commence à se rendre compte qu’il s’agit d’un dangereux psychopathe, prêt à tout pour obtenir ce qu’il désire. Après avoir terrorisé l’épouse de Dan au point de provoquer une fausse couche, il se rend chez Finney, censé être le détenteur de l’intégralité du "trésor". Et effectivement, c’est bien ce dernier qui a tout gardé sans en avoir fait profiter la malheureuse femme du prisonnier. Sous la menace, il révèle la cachette des dollars ; non seulement Felix le dévalise mais l’assassine froidement ainsi que sa mère invalide. Soupçonnant fortement Félix mais sans avoir de preuves contre lui, les autorités ont l’idée de lui tendre un piège ; pour ce faire, ils libèrent Daniel qui espère ainsi se racheter une conduite en aidant à appréhender l’assassin...

Analyse et critique

Après les très belles réussites que constituaient Sur la piste des Comanches (Fort Dobbs) et Les Loups dans la vallée (The Big Land), tous deux sortis dans les salles américaines seulement quelques mois auparavant, on pouvait espérer beaucoup en ce milieu d’année 1958 de ce nouveau western signé Gordon Douglas. Cependant, lorsque je le découvris, quelle ne fut pas mon immense déception pour ce western / thriller que je trouvais aussi mauvais qu’ennuyeux. Et ce n’est aucunement en comparaison de son illustre prédécesseur dont il est le remake (rien moins que Kiss of Death - Le Carrefour de la mort de Henry Hathaway, qui faisait découvrir au grand public le génial Richard Widmark) puisque je n’en avais alors pas eu connaissance et que je n’aurais de toute manière pas reconnu l’intrigue, mon précédent visionnage du célèbre film noir d’Hathaway étant bien trop lointain. Apprenant ensuite sa très mauvaise réputation aux USA, je me sentais rassuré quand à mon ressenti. Puis je tombais, au sein des bonus du DVD sorti chez Sidonis, sur le semi-enthousiasme de Bertrand Tavernier ainsi que sur des avis élogieux de divers internautes ici et là. Je décidais donc d’oublier ma première expérience malheureuse (due peut-être à de mauvaises conditions ce jour-là) et de redonner au film une seconde chance sans plus aucun a priori. Peine perdue, sa deuxième vision me fut un égal calvaire ! Le cinéaste fera néanmoins encore pire une dizaine d’années plus tard avec son calamiteux remake de Stagecoach (La Chevauchée fantastique) de John Ford, Gordon Douglas étant même arrivé à rendre mauvais le génial Van Heflin !

On savait Gordon Douglas capable du meilleur comme du pire. On peut dire que ses tentatives de remakes ou de réadaptations auront donné le pire même si la brillante entrée en matière de The Fiend Who Walked the West, avec cette très efficace scène de hold-up nocturne, laissait augurer un western de qualité. Dans le même genre d’idées, celui de mettre en chantier des transpositions westerniennes de fameux films noirs, il y avait déjà eu, pour ne citer que les plus célèbres, Raoul Walsh refaisant son propre High Sierra (La Grande évasion) avec Colorado Territory (La Fille du désert), Edward Dmytryk reprenant House of Strangers (La Maison des étrangers) de Joseph L. Mankiewicz pour faire Broken Lance (La Lance brisée) ou encore Delmer Daves transposant le notoire Asphalt Jungle (Quand la ville dort) de John Huston pour faire The Badlanders (L’Or du Hollandais). Ces trois relectures avaient été d’honorables réussites, parfaitement transposées dans l'Ouest américain, ce qui en faisaient de purs westerns. Ce n’est pas le cas pour le film de Gordon Douglas qui, hormis les décors et les costumes, ressemble cette fois plus à un thriller psychologique ou à un film noir horrifique qu’à un western. Ce qui n’est d’ailleurs en soi pas un défaut ! Seulement, Gordon Douglas semble ne pas avoir été inspiré par ce script, témoin un montage calamiteux, les séquences se suivant sans aucune fluidité, l’ensemble paraissant totalement haché par des fondus au noir qui semblent avoir été placés n’importe comment. On a l’impression que la moitié des séquences ont été coupées avant qu’elles n'aient été terminées ; à moins que les auteurs aient voulu utiliser l’ellipse à outrance sans que ce ne soit bien compris par le réalisateur ?! Quoi qu’il en soit, la construction est inharmonieuse au possible.

Les auteurs sont pourtant loin d’être des débutants et encore moins des tâcherons. Si l'on ne sait plus trop quoi penser de Philip Yordan, qui selon certains n’aurait jamais rien écrit d’autre que des signatures de chèques, Harry Brown est le scénariste de films splendides tels Le Réveil de la sorcière rouge (Wake of the Red Witch) d'Edward Ludwig, Iwo Jima d'Allan Dwan ou encore Le Temps de la colère (Between Heaven and Hell) de Richard Fleischer. Malgré tout, le duo accouche d’un script intempestivement bavard et qui manque singulièrement de concision. Mais la plus grosse erreur vient sans doute du casting car on imagine sans peine qu’avec des comédiens chevronnés, ce western aurait pu se révéler au moins plaisant à regarder. Non seulement Robert Evans se révèle être un sacrément mauvais cabotin, mais Hugh O’Brian (second rôle plutôt correct dans de nombreux westerns de série B) se montre incapable de porter le film sur ses épaules, aussi fade que son partenaire peut-être pénible et peu subtil ; c’est peu dire ! Les personnages interprétés par Linda Cristal, Dorothy Michaels ou Stephen McNally étant sacrifiés, on ne peut pas dire que nous soyons à la fête niveau jeu d’acteur. Ceux qui auraient envie de voir un honnête western avec un inquiétant psychopathe du style de celui joué par Robert Evans devraient aller jeter un coup d’œil à Crépuscule sanglant (Red Sundown) de Jack Arnold avec un Grant Williams tout à fait mémorable : c'est lui qui, pour son premier rôle au cinéma, était chargé de personnifier Chet Swann, l'inquiétant tueur à gages. La séquence de torture psychologique qu'il inflige à un couple de vieux fermiers pour les effrayer est absolument géniale, d'une extrême tension ; le comédien, beau gosse et tout sourire, accomplit une prestation tout à fait réjouissante, rendant son personnage d'autant plus vicieux et effrayant que son visage n'est jamais crispé et qu'il semble sadiquement s'amuser. Voilà ce que nous aurions aimé dire de l’interprétation de Robert Evans qui ne sera malheureusement qu'outrée et grimaçante, voire même bouffonne et ridicule ; si le comédien est médiocre, en revanche son palmarès en tant que producteur sera impressionnant dans les années 70/80 (Le Parrain, Love Story, Chinatown, Cotton Club...).

Gordon Douglas, en panne d’inventivité et de dynamisme, tout aussi incapable de donner du rythme à son film (hormis lors de la séquence initiale, celle du hold-up) que de faire naitre une quelconque tension, nous ennuie à mourir ; son film semble durer une éternité. Machiavélisme, sadisme, cruauté, perversion, violences et turpitudes en tous genres (assassinat à l'arc d’une vieille femme estropiée ; maîtresse battue ; femme enceinte terrorisée ; pédophilie sous-jacente...) que l’on regarde pourtant sans jamais être oppressés ni choqués, sans jamais frémir ; ce qui prouve bien le ratage de l’ensemble là où nous aurions souhaité un film glaçant d’effroi. J'ai néanmoins retenu un point positif à ce film, un magnifique noir et blanc par le grand chef opérateur Joseph McDonald. Pour l’anecdote enfin, en pleine grève des compositeurs, la musique du générique choisie par la Fox n’est autre que celle du célèbre film de science-fiction pacifiste Le Jour où la terre s’arrêta (The Day the Earth Stood Still) de Robert Wise sans que l’orchestration de Bernard Herrmann ne soit modifiée, le theremin s’y retrouvant aussi. Mais n’écrasons pas plus ce western sous les critiques négatives et laissons les cinéphiles juger sur pièce ; au vu de ce que j’ai pu lire à droite à gauche, les spectateurs conquis sont plus nombreux que les déçus.

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 27 décembre 2014