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Critique de film
Le film
Affiche du film

La Parole est au colt

(Gunpoint)

L'histoire

1880. La région de Lodgepole au Colorado est mise à sac par Drago et sa bande qui dès qu’ils ont commis leurs forfaits se réfugient au Nouveau-Mexique, là où les autorités américaines ne peuvent légalement pas les appréhender. Ce jour-là, le shérif Chad Lucas (Audie Murphy) et son adjoint Holt (Denver Pyle) s’apprêtent à tendre un piège aux hors-la-loi alors qu’ils sont sur le point d’attaquer un train dans lequel se trouve de l’argent destiné à empêcher la ruine de la banque de Lodgepole. Mais Holt, dont Chad ne soupçonne pas qu’il est de mèche avec Drago, tire dans le dos de son patron et le laisse pour mort. Néanmoins, Chad revient en ville (sans savoir qui a tenté de le tuer) et décide de contourner les lois pour aller mettre fin hors de sa juridiction aux agissements de Drago. Au moment où il va réussir à mettre la main sur la bande, celle-ci kidnappe la vedette du saloon local, la charmante Uvalde (Joan Staley) dont on apprend qu’elle fut autrefois la fiancée du shérif. Accompagné d’une bande d’une douzaine de volontaires, Chad part à la poursuite de Drago pour récupérer l’argent et la fille ; parmi les membres du groupe se trouve Nate Marlan (Warren Stevens), le patron du saloon qui souhaite retrouver sa chanteuse qu’il avait décidé de prendre pour épouse. Outre la bande à Drago, la milice aura également fort à faire face à des Indiens belliqueux et à un autre trio de bandits...

Analyse et critique

Si les années 50 furent les plus prolifiques pour Audie Murphy, les suivantes ne lui laissèrent cependant pas reprendre son souffle ; et contrairement à ce que l'on aurait pu craindre, ce "corpus sixties" demeura qualitativement presque tout aussi honorable que le précédent malgré évidemment quelques petits ratés dont Gunpoint ne fait néanmoins pas partie. Dernier film tourné par Audie Murphy pour Universal - son studio de prédilection auquel il n’aura fait quasiment aucune infidélité - La Parole est au colt ne sera plus suivi que de quatre autres titres dont trois westerns, le comédien le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale allant décéder peu de temps après. Il me serait très malhonnête de vous faire croire que vous allez tomber sur une pépite en regardant ce western de série B au budget très restreint ; mais si jamais comme moi vous estimez que la filmographie westernienne du comédien au visage poupin aura été de qualité presque égale quinze années durant, vous ne devriez pas être déçus par celui-ci qui à mon humble avis se situe dans une honnête moyenne. Alors certes, ce western assez banal vous paraitra très probablement "déjà-vu" et surtout assez anachronique au vu de sa date de tournage, cependant on peut dire qu’il s’agit là d’un très classique et respectable divertissement.

Comme dans de nombreux de ses westerns de cette décennie dont les constructions se révèlent finalement assez semblables, Audie Murphy, homme de loi peu bavard mais qui ne s’en laisse néanmoins pas compter, va se trouver dans l’obligation de lever un posse ; ce fut parfois pour mettre fin aux agissements d’une bande de redoutables hors-la-loi, secourir une femme kidnappée ou bien récupérer de l’argent volé. Ici le couple de scénaristes se montre amplement généreux puisqu’il enverra le probe homme de loi à la poursuite du gang pour les trois choses à la fois. Chad devra non seulement récupérer un imposant butin volé lors de l’attaque d’un train et qui était destiné à empêcher que la banque de la petite ville où il officie ne fasse faillite, mais aussi ramener également une Saloon Gal qui n’était autre que sa fiancée plusieurs années auparavant, et enfin mettre un terme aux agissements du bandit sans scrupules et de ses hommes qui, après chacun de leurs méfaits, viennent se mettre à l’abri de l’autre côté du poste frontière afin de ne pas être appréhendés. Bien évidemment, pour maintenir le suspense et l’action, la milice improvisée éclatera ou se fera décimer au fur et à mesure de son avancée. Néanmoins, le principal intérêt du film ne réside pas dans cette intrigue sans grandes nouveautés ni surprises mais, comme ceci prévaut d’ailleurs pour beaucoup des meilleurs westerns avec Audie Murphy, dans les relations qui s’instaurent au sein du groupe constitué par des hommes aux motivations diverses et aux caractères totalement différents. C’est d’ailleurs également le cas pour le fabuleux ensemble de westerns que Randolph Scott tournera sous la direction de Budd Boetticher.

Dans La Parole est au colt, ce sont le triangle amoureux et les membres qui le composent qui se révèlent être les éléments les plus intéressants d’un scénario manquant certes un peu de rigueur mais néanmoins plutôt rondement mené. Plus que le personnage interprété par Audie Murphy, qui reste toujours à peu près semblable d’un film à l’autre (ce qui ne me semble pas nécessairement problématique tellement l’acteur est parfaitement rodé pour ce genre de rôle d’homme de loi intègre et tenace, sachant se battre avec hargne et toujours aussi charismatique malgré son petit gabarit), c’est Warren Stevens qui tire la couverture à lui sans que jamais son partenaire en haut de l’affiche cherche à lui faire de l’ombre, leur complicité / rivalité s’avérant aussi crédible que touchante (c’était déjà le cas pour le duo Audie Murphy / Dan Duryea). Warren Stevens, que l’on avait vu auparavant dans des films aussi réussis que Bas les masques (Deadline USA) de Richard Brooks, La Comtesse aux pieds nus (The Barefoot Contessa) de Joseph Mankiewicz ou encore Planète interdite (Forbidden Planet) de Fred McLeod Wilcox, nous livre une prestation mémorable dans la peau de ce tenancier de saloon qui, malgré le fait de devoir sa fortune au criminel recherché, ne va pas hésiter à se joindre aux hommes de loi pour partir à sa poursuite, n’acceptant pas que pour se protéger le bandit ait kidnappé la Saloon Gal sur qui il avait jeté son dévolu. Un beau personnage élégant, racé et non dénué de romantisme auquel on peut aisément s’identifier, d’autant que la fille dont il s’est amouraché (la très méconnue Joan Staley) chante aussi bien qu’elle possède de charmes. Les scènes de conversations qui la réunit avec le shérif, se rappelant leur ancienne histoire d’amour, sont également plutôt émouvantes. Il est néanmoins d’emblée évident que la femme, tiraillée entre les deux hommes, n’aura pas à faire son choix puisque les aventures qui les conduiront jusqu’au combat final se chargeront de le faire pour elle. Un paramètre "cliché" qui fait également partie de la plupart des westerns de série B Universal.

Comme le scénario dont le schéma de base a donc déjà été vu à maintes reprises, si la mise en scène s’avère elle aussi très traditionnelle et sans surprises, elle n’en demeure pas moins assez efficace, faisant étrangement penser que nous nous trouvons devant un western des années 50. Earl Bellamy est en effet un artisan consciencieux, un réalisateur chevronné puisqu’il a signé plus de 1 000 épisodes de différentes séries télévisées et qu’il fut avant cela assistant réalisateur auprès non moins que de Fred Zinnemann, Max Ophuls, Nicholas Ray, William Wellman ou encore George Cukor. Quelques mois après Gunpoint sortira d'ailleurs sur les écrans un autre de ses westerns de très bonne qualité, Sans foi ni loi (Incident at Phantom Hill) avec Dan Duryea. Si, budget minime oblige, beaucoup des scènes d’action sont issues de stock-shots de précédentes productions Universal (dont Night Passage - Le Survivant des monts lointains pour la séquence du train avec un Audie Murphy tout de noir vêtu), les nouvelles séquences s’avèrent plutôt bien exécutées et notamment les combats à poings nus toujours aussi hargneux lorsque Audie Murphy est de la partie. On se souviendra également des plans sur la pente inclinée lors de l’ascension de la montagne, des amples plans d’ensemble sur les immenses plateaux à ses pieds, le tout très bien photographié au sein de superbes paysages de l’Utah. On pourra également prendre du plaisir à la chanson interprétée par Joan Staley (une comédienne méconnue mais non sans talent) qui reprend l’entêtant thème principal signé par l’excellent Hans J. Salter. A d’autres moments du film, on entend quelques-uns des thèmes du compositeur qu'il avait écrits pour certains westerns d’Anthony Mann avec James Stewart ; dans l'art du recyclage, le studio Universal était passé maître !

En conclusion, pour paraphraser dans les grandes largeurs ce que j’écrivais à propos de Posse from Hell (Les Cavaliers de l’enfer), un précédent western avec Audie Murphy avec lequel Gunpoint possède beaucoup de points communs : voici un western de série B assez fauché, non dépourvu de stéréotypes et à la mise en scène ultra-classique mais sinon plutôt efficace (malgré une impression dominante de déjà-vu) et attachant notamment par le fait de nous rendre témoins de la naissance d'une amitié entre deux personnages aux caractères antagonistes (ceux joués par Audie Murphy et Warren Stevens) et de leur intéressante évolution au fur et à mesure de leur parcours. Hormis un final attendu, il s'agit d'un film à la tonalité plutôt sombre, agréable à suivre pour sa belle brochette de comédiens, ses superbes décors naturels de l’Utah et sa très belle photographie. Un western de série B assez conventionnel mais loin d'être désagréable ; un de plus dans la filmographie de très belle tenue du comédien Audie Murphy.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 26 mars 2016