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Critique de film
Le film
Affiche du film

Sans foi ni loi

(Incident at Phantom Hill)

L'histoire

Deux mois après la fin de la guerre de Sécession, un détachement de soldats nordistes est envoyé en mission secrète (et en civil pour ne pas que les Comanches croient le gouvernement américain responsable d’avoir violé le traité de non-pénétration sur leur territoire) pour retrouver en contrée indienne un chariot rempli de lingots d’or dérobé à l’armée unioniste et caché en plein désert par un groupe de Confédérés juste avant l’armistice. Commandé par l’officier Matt Martin (Robert Fuller), les militaires sont accompagnés par un prisonnier sudiste (Dan Duryea), censé connaître l’endroit de la précieuse cargaison et d’une prostituée (Jocelyn Lane), chassée de la ville de départ par son shérif puritain. Ils devront affronter bien des dangers, y compris au sein du groupe dans lequel se comptent un homme assoiffé de scalps indiens ainsi que l’inquiétant prisonnier déjà accusé de meurtre avant la guerre...

Analyse et critique

Comme le pitch nous le laisse entrevoir, on ne s’ennuiera pas une seule seconde durant les 80 minutes de cette chasse au trésor en plein territoire Comanche. Alors, voir traiter ce western de "série Z" dans le catalogue Universal sous la plume de Clive Hirschhorn (qui, malgré l’estime que je lui porte, n’en est pas à une ânerie près à propos d’un genre qu’il ne porte pas spécialement dans son cœur), puis le trouver éreinté en une ligne lapidaire dans le guide dirigé par Jean Tulard qui le juge pareillement (le journaliste a-t-il vu le film ou a-t-il simplement répété ce qu’il avait lu par ailleurs ?) peut facilement ternir sa réputation comme il en va pour n’importe quel film. Au vu de ces avis sérieusement exagérés, je me lançais avec la plus grande des prudences dans la vision d'Incident at Phantom Hill pour finalement constater qu’il fallait être - au choix - de mauvaise foi, sacrément aveugle ou bêtement méchant pour tenir de tels propos et mettre le film au même niveau qu’une série Z ! En effet, ce dernier jugement implique en principe un film qui confine souvent au ridicule, réalisé, scénarisé et interprété n’importe comment ; que l’on trouve un film mauvais et qu’on le dise de long en large avec arguments à l’appui peut se concevoir, mais faire croire à une série Z quand nous en sommes très éloignés reste une pratique assez méprisable.

Car en effet, ce n’est évidemment pas le cas de ce western certes loin d’être révolutionnaire mais qui s'avère fichtrement plaisant, comme l’était déjà le précédent western d'Earl Bellamy, La Parole est au colt (Gunpoint), l’un des derniers bons films avec Audie Murphy. Dans les années 60 et malgré une violence quand même assez crue (cf. la séquence d’ouverture du massacre), Sans foi ni loi pouvait certes sembler anachronique et conventionnel alors que les superbes films de Sam Peckinpah et de Sergio Leone avaient commencé à envahir les écrans, mais beaucoup (à commencer par Patrick Brion qui s’en explique longuement dans le bonus du DVD Opening)  y virent justement un agréable retour aux sources, une petite bouffée d’air frais. Le scénario constitue le dernier travail de Frank Nugent (décédé la même année) qui, excusez du peu, était déjà l’auteur de scripts aussi géniaux que ceux qu’il écrivit pour John Ford, à savoir ceux du Massacre de Fort Apache (Fort Apache), La Charge héroïque (She Wore a Yellow Ribbon), Le Convoi des braves (Wagonmaster), L’Homme tranquille (The Quiet man) ou La Prisonnière du désert (The Searchers) ! Ce n’était certes pas une raison pour qu’en fin de carrière il signe d’autres réussites, et pourtant le scénario de Sans foi ni loi est loin d’être inintéressant, en tout cas bigrement efficace et parfaitement bien mené de bout en bout.

Le film débute par une scène de bataille assez spectaculaire (même si l'on sent Bellamy ne pas maîtriser à la perfection le format large) et se poursuit sur un rythme soutenu jusqu’à l’affrontement final, qui ne semblait faire aucun doute dès le départ mais qui se révèlera néanmoins parfaitement efficace. Tout cela est évidemment assez classique (pour ne pas dire conventionnel) mais correctement mis en scène, filmé dans de très beaux décors naturels, bénéficiant d’un score plaisant du prolifique vétéran Hans J. Salter et d’un joli cocktail d’interprètes. Si Robert Fuller, acteur surtout cantonné à la télévision, ne brille pas par son talent, il n’en délivre pas moins une honnête prestation aux côtés de la charmante Jocelyn Lane et de Dan Duryea (l’inoubliable bad guy de Winchester 73 d’Anthony Mann et de Silver Lode d'Allan Dwan) qui nous aura rarement délivré une interprétation aussi jouissive ; c’est lui qui domine le casting et il n’est pas désagréable de le voir entouré de trognes aussi connues que celles de Claude Akins, Paul Fix, Denver Pyle ou Noah Beery.

On pourra peut-être tiquer sur certaines idées de mise en scène, à propos de quelques cadrages plastiquement peu convaincants ou de quelques effets moyennement inspirés (lors, par exemple, de la tentative d’évasion du train de Dan Duryea) mais de là à parler de série Z, il y a un grand canyon qu’il serait ridicule de franchir. Cette histoire bien charpentée devrait pouvoir divertir le plus grand nombre, à condition de ne pas en attendre monts et merveilles. Une agréable surprise en tout cas par un cinéaste qui a réalisé plus de 1 000 épisodes de différentes séries TV et qui fut assistant de Douglas Sirk, William Wellman ou George Cukor, autant dire pas un débutant non plus. De la bonne série B, définitivement.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 23 août 2009