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Critique de film
Le film
Affiche du film

Dernier amour

(Primo Amore)

L'histoire

Ex-gloire de la comédie, Picchio tombe amoureux de Renata, jeune infirmière de la Villa Serena, la maison de retraite pour anciens acteurs de théâtre dans laquelle il vient d'arriver. Il décide de la suivre à Rome, pour vivre la première aventure amoureuse de sa retraite.

Analyse et critique

Dernier amour témoigne du désenchantement qui touche la comédie italienne, dont l’âge d’or touche alors à sa fin. Cette idée s’exprimera soit par une férocité exacerbée virant au nihilisme dans le film à sketches Les Nouveau monstres (1978) ou Affreux, sales et méchants (1976) d’Ettore Scola, soit par la mélancolie ressentie dans des classiques comme Nous nous sommes tant aimés ! (1974) ou La Terrasse (1980) du même réalisateur. Dino Risi aura exprimé ce désenchantement avec notamment son chef-d’œuvre Parfum de femme (1975) mais il se ressent globalement dans ses derniers films plus sombres et pesants. L’ensemble des œuvres citées (d’ailleurs produites par la Dean Film, véritable pavillon de ce chant du cygne de la comédie italienne) témoignaient d’une fin des idéaux politiques, humanistes et sociaux laissant les citoyens démunis face à une société italienne à bout de souffle, où il n’y a plus rien à réaliser. Dernier amour fait le même constat, mais cette fois du côté des clowns du monde du spectacle tout aussi désabusés. Dino Risi s'était penché de manière amusée sur le monde du spectacle et plus précisément le cinéma dans L’Homme au cent visages (1959) et La Carrière d’une femme de chambre (1975), et il fait de même avec Dernier amour dans une veine plus tragique.

Cet essoufflement générationnel, notre héros Picchio (Ugo Tognazzi) le réfute. Ex-gloire  du music-hall, il est amené à séjourner dans une maison de retraite d’anciens acteurs. Le décor de cet ancien palais reconverti en maison de repos instaure une atmosphère passéiste qui fait des lieux un mausolée peuplé de momies s’agitant de leur derniers soubresauts et rêvant à leur passé glorieux. Picchio se refuse donc à cet enkystement, montrant tous les signes d’une vitalité intacte avec son arrivée en voiture rutilante, son bagout et ses talents d’amuseur intacts. La séduction de Renata (Ornella Muti), une jeune fille à tout faire de maison, pourrait ainsi également le rassurer quant à son pouvoir d'attraction. Si les pensionnaires du centre semblent avoir tout vu et tout vécu, la jolie Renata est comme une page blanche, travaillant là depuis ses quinze ans. Plus que par ses tentatives de drague éculées, c’est par sa promesse d’ailleurs que Picchio va gagner les faveurs de Renata. En lui racontant et en faisant miroiter sa vie du monde du spectacle, en l’épatant de ses talents scéniques d’amuseur, Picchio fait entrevoir un univers inconnu de paillettes à une Renata conquise. Ugo Tognazzi est épatant de bonhomie rigolarde, témoignant d’une vraie sensibilité sous la fanfaronerie. Ornella Muti dévoile sa beauté ravageuse dans une sobre élégance, le regard ébloui et les attitudes enfantines témoignant de son inexpérience en dépit de quelques indices troubles. Le rapprochement formant ce couple improbable se noue ainsi habilement, chacun des deux personnages malgré ses atouts (l’expérience et la confiance pour Picchio, la sincérité et la beauté pour Renata) dévoilant une certaine vulnérabilité qui les rend attachants.

Tout cela va s’écrouler lorsque la romance tentera de se poursuivre à l’extérieur de la pension. La vulgarité, la superficialité et les tentations diverses du monde moderne vont progressivement pervertir une Renata que l’on devinait influençable et manipulatrice. A son allure modeste de la première partie succèdent ainsi des tenues criardes et provocantes qui témoignent de la perversion de la vie urbaine, vrai révélateur de son ambition. Dino Risi orchestre d’ailleurs une splendide scène d’amour tout en effeuillage et en regards brûlants d’Ornella Muti pour leur première étreinte, le calcul de Renata trouvant malheureusement les réels sentiments de Picchio en retour. Ugo Tognazzi se voit peu à peu rabaissé à la fois par leur différence d’âge (cruel plan fixe sur la terrasse lors du voyage à Capri) mais également par sa dimension d’amuseur désormais dépassée. On pense à ce moment pathétique où il imite la gestuelle du célèbre comique italien Toto sans que Renata ne réagisse, la référence lui étant sans doute inconnue en raison de son jeune âge. Risi amène ainsi une nostalgie pathétique qui illustre le fossé séparant le couple. Cette romance n’aura été qu’un dernier tour de piste pour un Picchio humilié et diminué (justifiant le titre français) et surtout le moteur de l’ascension de Renata au sex-appeal désormais très étudié (et justifiant le titre italien original). La boucle que forme la conclusion est une des images les plus noires du cinéma de Risi, l’émotion dont le cinéaste est aussi capable prend ainsi le pas sur sa veine caustique.

DANS LES SALLES

dernier amour
 UN FILm de dino risi (1978)

DISTRIBUTEUR : LES ACACIAS
DATE DE SORTIE : 22 JANVIER 2020

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En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 22 janvier 2020