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Interviews

Compagnon de route de Stanley Kubrick, dont il a produit trois films entre 1956 et 1962, James B. Harris est également un réalisateur à l'oeuvre aussi rare que singulière. S'il n'a tourné que cinq longs métrages sur une trentaine d'années, quatre d'entre eux sont de remarquables réussites, qui frappent autant par leur diversité de styles que par la permanence d'une verve acide et frondeuse. Variation sur le thème de Moby Dick en temps de Guerre Froide, rêverie érotique résolument inclassable, thrillers sardoniques et désenchantés, ses films se jouent des genres et des stéréotypes avec une liberté de ton telle qu'on les a trop longtemps sous-estimés, ignorés ou même égarés.

A l'occasion de la ressortie inespérée en salles de l'indéfinissable et sidérant Some Call It Loving, accompagnée d'une rétrospective de son œuvre à la Cinémathèque Française du 22 au 30 janvier 2013, nous avons eu le grand privilège de rencontrer James B. Harris pour un long entretien. A 85 ans, l'homme est aussi généreux, vif et impétueux que son cinéma.

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l'Entretien

DVDClassik (Emmanuel Voisin) : Comment êtes-vous entré dans l'industrie du cinéma, d'abord comme producteur puis comme réalisateur ?

James B. Harris : C'est une longue histoire (rire). J'ai commencé dans la distribution de films. A cette époque, la télévision était encore toute neuve et j'ai saisi l'opportunité d'y distribuer des films. Puis j'ai fait l'armée et j'étais dans la même unité qu'un ami de Stanley Kubrick. Il me l'a présenté. Et lorsque je suis revenu dans le civil et que j'ai repris mes activités dans la distribution, Kubrick m'a contacté et m'a demandé si je voulais bien distribuer son tout premier film, Fear And Desire (1953). Je lui ai proposé de venir me voir au bureau, mais lorsqu'il est venu, il m'a dit que son film n'était plus disponible parce que le détenteur des droits de distribution, Joseph Burstyn, venait de mourir prématurément. Du coup, nous n'avions plus vraiment de sujet de conversation (rire). Mais nous avons parlé de nos projets et je lui ai dit que j'avais envie de quitter la distribution pour aller plus vers la fabrication de films. Nous avons donc uni nos forces et décidé que je serai le producteur et lui le réalisateur. Je suis allé dans une librairie et j'ai acheté un roman, (Clean Break de Lionel White) qui racontait le casse d'un champ de course. Et c'est ainsi que nous nous sommes lancés dans l'aventure de The Killing (L'Ultime Razzia, 1956). Je n'avais jamais rien produit avant, mais j'avais le sens des affaires, ce qui ne demande pas beaucoup d'intelligence. Et puis, je crois savoir reconnaître une bonne histoire quand je la lis. J'ai parlé du roman à Kubrick, en lui disant que ça pourrait faire un film formidable. Je pense que j'aurais pu lui proposer à peu près n'importe quoi, il l'aurait fait, car il avait besoin de travailler après son deuxième film, Killer's Kiss (Le Baiser du Tueur, 1955). Puis nous avons fait Paths of Glory (Les Sentiers de la Gloire, 1957) et Lolita (1962). J'ai commencé aussi à travailler sur Dr Strangelove (Docteur Folamour, 1964), qui ne s'appelait pas encore comme ça et qui était alors un projet de film dramatique. Puis, j'ai estimé que j'étais prêt à passer moi-même à la réalisation. J'ai donc emprunté ma propre route et Kubrick a décidé de faire du film une comédie. Je me suis alors dit : « Bon sang, je n'aurais jamais dû le quitter. Il va ruiner sa carrière, sans moi ! » (rire). Mais Dr Strangelove s'est avéré un film génial, son meilleur à mon avis. Il a eu tellement raison d'en faire une satire.

Vous avez vous-même abordé le thème de la Guerre Froide, mais de manière très sérieuse, avec votre premier film, The Bedford Incident (Aux Postes de combat, 1965).

Oui. A travers la traque d'un sous-marin russe par un destroyer américain, j'ai voulu symboliser les deux pays et dire que personne ne pouvait survivre à un conflit nucléaire, que c'était de la folie de s'engager là-dedans. Ca a été ma première expérience de réalisateur et Kubrick m'a dit qu'il était très fier de moi, que c'était un très bon début. Je lui en suis tellement reconnaissant ! Après avoir travaillé à ses côtés pendant sept ans, je ne pouvais que désirer devenir réalisateur. Nous étions très amis et nous le sommes restés jusqu'à sa mort. Pendant que le chef-opérateur réglait les lumières sur son plateau, il nous arrivait d'aller jouer au ping-pong. Et nous nous voyions en dehors des tournages, pour un poker par exemple. C'était plus qu'un partenaire. C'était mon copain. C'est grâce à ses encouragements que je suis devenu réalisateur. Je ne voulais pas le quitter et il ne voulait pas se débarrasser de moi. C'est juste qu'il m'a tellement inspiré que je voulais réaliser moi-aussi. Il me disait toujours que le véritable accomplissement pour quelqu'un qui fait des films, c'est de voir le résultat à l'écran et de se dire qu'on l'a réalisé. Quand vous êtes producteur, vous vous sentez également impliqué, dans une certaine mesure, mais pas autant que le réalisateur.

The Bedford Incident représente une sacrée gageure pour un cinéaste débutant. L'essentiel de l'action se déroule dans les cabines exiguës d'un bateau de guerre.

Oui, mais rendez-vous compte que j'avais comme acteurs principaux Richard Widmark et Sidney Poitier, qui avait eu l'Oscar du meilleur acteur un an plus tôt. Il y avait aussi Martin Balsam, Donald Sutherland, James MacArthur, Wally Cox, Eric Portman... Même si je ne leur avais pas dit un mot, je ne pouvais pas me tromper avec des acteurs pareils. J'avais également un excellent scénario, qui est le seul que je n'ai pas écrit pour un de mes films. C'est peut-être pour ça qu'il est si bon (rire). C'est James Poe, un très bon scénariste, qui a assuré l'adaptation du roman. Sur tous les films que nous avons fait ensemble ou séparément, Kubrick et moi nous sommes toujours basés sur du matériau préexistant. Jamais d'histoire originale. C'est plus simple de travailler sur un matériau qui a déjà été développé. Tout le sale boulot, comme les recherches et la création des personnages, a déjà été fait par l'écrivain. Vous n'avez plus qu'à prendre ce qui vous intéresse, choisir les scènes à adapter... C'est tellement plus commode que de partir d'une page blanche. Bref, avec un tel casting, ce bon scénario et mon apprentissage aux côtés de Kubrick, c'était difficile de se rater. Le seul souci, c'est que quand vous regardez Kubrick travailler, tout paraît simple. Ca l'est beaucoup moins quand vous le faites vous-même (rire).

Vous rappelez-vous du premier jour de tournage de The Bedford Incident ?

Oui, très bien. C'était une scène sans Widmark. Il n'était pas dans le plan de travail de la première semaine de tournage. On a commencé par une scène prise en master shot, c'est-à-dire filmée intégralement en plan large, du début à la fin. Forcément, à certains moments, une telle prise est inutilisable, parce que des acteurs tournent le dos à la caméra par exemple. Ensuite, évidemment, on filme des plans d'inserts. Mais Widmark a observé tout ça et m'a dit que ça faisait vraiment travail d'amateur. J'étais un peu à cran, étant débutant comme réalisateur, et je n'ai pas trop apprécié sa remarque. J'étais surpris qu'une telle star, qui avait fait tant de films avant celui-là, ne comprenne pas qu'on puisse filmer en master shot, mais qu'on ne garde pas toute la prise. On peut en prendre le début, la fin, les moments intéressants, et compléter avec d'autres plans. Mais je n'avais pas encore fait mes inserts. Nous étions le premier jour de tournage. Et il fallait alors attendre le lendemain soir pour voir les rushes. On tournait donc pendant deux jours sans pouvoir rien vérifier. Pour moi, ça allait fonctionner. Je savais à quoi ça allait ressembler. Mais Widmark pensait que je ne savais pas ce que je faisais.

Il a co-produit le film.

Pas vraiment (rire). Quand j'ai dit à mon avocat que j'avais acquis les droits du roman, il m'a dit qu'un autre de ses clients serait probablement intéressé par le projet. Ce client était Richard Widmark. Il lui en a parlé et Widmark a accepté de jouer dans le film, mais sachant que je n'avais jamais réalisé auparavant, il a souhaité le co-produire avec moi. Ca ne m'a pas posé de problème, mais cela voulait dire que nous allions être des partenaires. Le développement d'un film coûte de l'argent : après avoir acheté les droits du livre, vous devez payer un scénariste. C'est à partir de là que sa vocation de co-producteur s'est subitement évanouie (rire). Il m'a dit qu'il ne voulait pas investir dans le projet de cette manière et qu'il était prêt à céder sa place à un autre acteur. Mais j'ai pensé que c'était convenable de lui laisser le crédit de co-producteur et de travailler avec lui. Il a apprécié le geste et nous nous sommes plutôt bien entendus, au final. Mais la production est un métier difficile. Vous pouvez y perdre beaucoup d'argent. Widmark m'a beaucoup aidé en tant qu'acteur, car il était si professionnel, si bien préparé. Ce n'est pas un expérimentateur. Sidney Poitier essayait tout le temps des choses différentes. Il était très agréable et amusant. Alors que Widmark disait toujours : « Faisons ce qui est dans le scénario ». Il n'était pas très fantaisiste. C'était assez difficile de travailler avec lui, parce qu'il était très pro et qu'il exigeait la même chose des autres.

Huit ans après The Bedford Incident, vous réalisez le très étrange et très beau Some Call It Loving (1973). Ce film donne le sentiment d'une liberté artistique totale.

Oui, c'est un film très personnel. J'ai lu une nouvelle de John Collier dans un recueil et j'y ai vu l'opportunité de dire quelque chose que je ressentais à propos des relations humaines. J'ai pris beaucoup de liberté par rapport à la nouvelle. Dans celle-ci, c'est un homme plus âgé qui achète une belle endormie présentée comme une attraction. Il se dit que s'il la réveille, ses dernières années seront formidables. Il dépense une fortune pour la ramener chez lui en Angleterre et pour la faire ranimer. Et quand elle se réveille, elle est épouvantable. Il réalise alors que les choses ne sont jamais comme on voudrait qu'elles soient. Elle lui reproche de l'avoir arrachée au monde du show-business. « J'aurais pu me réveiller à Hollywood et je me retrouve ici à cause de toi ! » Au bout d'un moment, il s'étonne qu'elle revienne joyeuse de ses promenades de l'après-midi, elle qui est si maussade le reste du temps. Il la suit et découvre qu'elle a une aventure avec un autre homme. Quand il l'accuse de le trahir, elle entre dans une telle rage qu'elle oublie de prendre le médicament qui la tient éveillée -un postulat que j'ai inversé dans mon film. L'homme préfère alors la laisser retomber dans le sommeil, car elle ne lui a apporté que du malheur, et il en fait à son tour une attraction. J'ai trouvé formidable cette idée de réveiller une belle endormie. Ca a fait écho avec ma conviction que si vous avez du mal à préserver une relation amoureuse, que vous allez d'une femme à une autre comme je l'ai fait moi-même pendant une longue période de ma vie, c'est que le problème est en vous. On ne peut pas en faire le reproche à l'autre. C'est trop facile d'accuser autrui de ses propres défauts. Voilà pourquoi je n'aimais pas trop l'idée que la belle endormie soit méchante à son réveil. J'ai donc écrit une histoire où la jeune fille est tout ce dont on peut rêver et où c'est l'homme qui a un problème.

Dans Some Call It Loving, le héros n'est pas un homme mûr, mais un jeune musicien de jazz qui partage l'essentiel de son temps entre une grande maison, où vivent deux femmes qui semblent se prêter à ses exigences perverses, et un night-club où il joue avec son groupe.

Oui. J'adore le jazz, qui permet de faire tant de variations sur un thème. Le jeune homme expérimente des situations, des variations sexuelles, mais il n'est pas satisfait. Il est un peu malade et dépravé. Il organise des jeux de rôles, où sa petite amie semble faire l'amour avec une autre fille et où il n'est que voyeur.

Some Call It Loving est un film à la fois très fluide, précis et très mystérieux. Le récit tient autant du cheminement étrange d'un rêve que de la fable.

Le spectateur peut interpréter un film comme il l'entend. Je ne fais que livrer les images que j'ai en tête. Kubrick m'a toujours déconseillé de trop expliquer mes films, parce qu'en donnant votre propre signification, vous risquez de réduire le film et de décevoir le spectateur qui peut voir les choses plus grandes que vous ne les voyez vous-même. Mais, dans le cas précis, je voulais que mon personnage cherche à s'échapper de sa propre vie. Il s'imagine qu'en réveillant une belle endormie, il pourra recréer une vraie passion romantique. Marcher devant le soleil couchant, l'emmener au bal... Lorsqu'elle se réveille, elle est prête à exaucer tous ses désirs. Mais il commet l'erreur de la ramener chez lui, dans son propre monde. Et elle ne veut que lui faire plaisir. Alors, elle se livre à son tour aux jeux érotiques, aux rituels. Il réalise que ce n'est pas ce qu'il espérait et tente de l'éloigner de tout ça. Mais elle a été tellement contaminée qu'elle croit que la vie n'est qu'un jeu sexuel. Alors, il la rendort, en se disant qu'il pourra toujours la réveiller plus tard et recommencer l'expérience (rire). Et en attendant, il l'exhibe à son tour comme une attraction de foire. C'est aussi simple que ça.

Le musicien cherche à s'enfuir de sa propre maison avec la jeune fille, mais ils reviennent très vite à leur point de départ.

Oui, ils réalisent que ça ne changera rien. On reste le même où que l'on soit. Et on emmène toujours ses problèmes avec soi. Changer de lieu ne règle rien.

Les femmes du film sont souvent déguisées en religieuses. Cette idée était-elle déjà dans la nouvelle ?

En réalité, nous avons dû couper quelques scènes pour raccourcir le film. Initialement, le héros perdait sa mère au début du film. Il allait à l'enterrement et y voyait des religieuses. Il avait ensuite une discussion avec l'une d'entre elles, qui était autrefois pom-pom girl dans son collège et dont il avait été fou amoureux, sans jamais avoir eu le courage de la séduire. De là découlaient les scènes avec ses maîtresses déguisées en religieuses, mais aussi celle où il demande à une serveuse du night-club de jouer à la pom-pom girl. Mais le film était trop long et je n'avais pas vraiment besoin d'expliquer les fantasmes du héros, son goût pour les religieuses qui dansent, les pom-pom girls ou pour les lesbiennes. Beaucoup d'hommes aiment voir les femmes faire l'amour entre elles. C'est excitant.

Le héros ne semble jamais particulièrement satisfaits de ses propres fantasmes.

Non. Il a atteint le point où c'est devenu douloureux. Il cherche à s'en échapper. Quand la belle endormie se réveille, il tente de créer une relation normale, mais il échoue.

Votre film suivant, Fast-Walking (1982), est également très original et imprévisible. Il marque votre première collaboration avec James Woods.

Je suis attaché à Fast-Walking, qui a été un vrai plaisir à tourner. Je suis encore parti d'un roman, mais j'ai choisi de ne pas suivre son personnage principal et de me focaliser sur ce maton surnommé « Fast-Walking », que je préférais. Lorsque j'écris un scénario, j'ai comme un thème, quelque chose que je dois suivre et exprimer. Et je fais en sorte que les scènes soutiennent ce thème. Dans le cas de Fast-Walking, je voulais exprimer le sentiment que les hommes sont plus romantiques que les femmes. Le romantisme est selon moi une notion qu'on retrouve plus dans l'amitié entre hommes. Vous vous aimez ; vous vous battez ensemble ; vous jouez ensemble. Les femmes sont plus en compétition entre elles. Ce romantisme entre hommes se retrouve aussi bien dans le sport que dans les gangs de rue. Et je pense que les femmes envisagent souvent ce romantisme comme une faiblesse. Dans Fast-Walking, James Woods s'engage à faire sortir un type de prison. La veille de l'évasion, il a la possibilité de partir avec la fille jouée par Kay Lenz. Mais il décide de rester et elle le prend pour un loser. Il pouvait partir avec la fille et l'argent, mais il préfère sauver ce prisonnier noir. J'aime raconter des histoires où les hommes sont vulnérables. Voilà pourquoi Kubrick et moi avons sauté sur l'opportunité de faire Lolita. Pour nous, ce n'était vraiment pas une histoire de pédophile. Nous avons éliminé tout ce qui faisait ouvertement référence à l'amour du héros pour une jeune fille. Ce qui nous intéressait, c'était la destruction d'un homme intelligent, un professeur de littérature française qui se fait ronger par son obsession pour cette fille. On dit que les hommes intelligents ne sont stupides que dans deux domaines : le sport et les femmes. Aux Etats-Unis, les gens sont attachés si intimement à leurs équipes locales qu'ils prennent leurs victoires pour des succès personnels. Mais l'équipe n'a rien à foutre de vous. Elle veut juste toucher de l'argent. Et les hommes, même les plus intelligents, sont capables de la même déraison pour une jolie femme. Le monde est ainsi fait. Et j'aime les histoires qui montrent ça. Fast-Walking est donc devenu un film personnel, comme l'est Some Call It Loving.

Vous avez retrouvé James Woods dans Cop (1988), inspiré d'un roman de James Ellroy.

James y est excellent, dans le rôle d'un flic qui dépasse les limites. C'est un homme qui raconte des histoires de meurtres à sa petite fille. J'aime beaucoup cette scène où sa femme le surprend en train de dire ces choses horribles à la gosse et où elle lui demande s'il estime être un vrai père. Et il lui répond : « Qu'est-ce que tu veux que je lui raconte ? Les trois ours ? ». Il estime que les femmes souffrent des mensonges qu'on leur a raconté dans leur enfance, de leurs attentes qui ne seront jamais comblées. La vie n'est pas un conte de fée. Les femmes tombent enceintes, doivent travailler et faire le deuil des conneries qu'on leur a fait avaler. Les pères sont souvent responsables de ces désillusions, qui font que tant de femmes vont voir des psychiatres et se gavent de pilules.

James Woods est crédité comme co-producteur de Cop. S'est-il plus investi que Richard Widmark ?

Oh oui ! Nous avons vraiment fait équipe, en créant une société nommée Harris-Woods Productions. Nous pensions gagner beaucoup d'argent avec ce film, qui nous a coûté très peu cher. Et nous avions un accord formidable avec le distributeur, qui a finalement fait faillite (rire). Nous avons donc fait le film, dont nous sommes très fiers, mais nous n'avons pas fait fortune.

Qu'elle a été votre implication dans la production de The Black Dahlia (Le Dahlia Noir, 2006), réalisé par Brian De Palma ?

J'ai écrit la première ébauche du scénario, car je bénéficiais de la confiance de mon ami James Ellroy. Mais j'avais eu de gros problèmes avec Warner Bros. sur mon dernier film, Boiling Point (L'Extrême Limite, 1993). Je n'avais pas obtenu le final cut et je n'en étais pas satisfait. Quand j'ai réalisé que les personnes pour qui j'adaptais The Black Dahlia cherchaient à se rapprocher d'Universal, j'ai compris que je n'aurais à nouveau pas le final cut. Je me suis donc retiré du projet. Ils ont tout fait réécrire et ont embauché Brian De Palma. Nous n'aurions vraiment pas fait le film de la même manière. Ellroy était content de mon ébauche de scénario. Mais bref, on m'a racheté mon script et crédité comme co-producteur alors que je n'ai rien fait sur le film. Il est finalement sorti au bout de dix ans. Ellroy et moi sommes allés le voir ensemble et nous avons été très déçus. Mais je n'aime pas dire du mal du travail des autres. De Palma a fait de très bons films dans sa carrière.

Vous considérez-vous comme un anti-conformiste, un maverick à Hollywood ?

Je ne me considère pas comme tel, mais j'ai fini par le devenir. Ma façon de faire des films, les sujets que je choisis, mon style, tout ça est probablement très différent du cinéma grand public hollywoodien. Mais je ne suis pas devenu un maverick de façon intentionnelle. J'aurais aimé faire plus de films. L'écart entre chaque est trop long. Et j'ai eu une si mauvaise expérience avec Boiling Point que ça m'a pas mal découragé. Mais je ne suis pas encore foutu (rire). Je continue à développer des projets et j'espère pouvoir faire d'autres films. Je ne me vois pas comme un anti-conformiste, même si on me considère peut-être comme tel. Mais pour être franc, je crois surtout qu'ils ne pensent même plus à moi à Hollywood. Si je suis un maverick, ça me va. Je m'en fiche. Je veux juste faire des films à ma façon. Je me vois plus comme un raconteur d'histoires que comme un réalisateur.


Entretien réalisé par Emmanuel Voisin le 14 janvier 2014 à Paris. Nous remercions James B. Harris pour l'accueil chaleureux qu'il nous a réservé, ainsi qu'Alexandra Faussier de l'agence de presse Les Piquantes et l'équipe de la Cinémathèque Française (spécialement Elodie Dufour et Xavier Jamet) qui ont rendu possible cette rencontre.

dans les salles

SOME CALL IT LOVING (SLEEPING BEAUTY)

DISTRIBUTEUR : LES FILMS DU CAMELIA
DATE DE SORTIE : 22 JANVIER 2013

Rétrospective James B. Harris
CINEMATHEQUE FRANCAISE DU 20 AU 30 JANVIER

Présentation du cycle
Calendrier des projections

Par Emmanuel Voisin - le 22 janvier 2014