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Test blu-ray
Image de la jaquette

Soy Cuba

BLU-RAY - Région B
Potemkine
Parution : 1 décembre 2020

Image

Soy Cuba est un film virtuose et novateur en matière de prise de vues, tourné en longs plans-séquences avec une focale courte. La stabilité et la fluidité de certains mouvements donnent parfois l'impression que le film a été tourné avec un dispositif steadycam dans les années 80. C'est un film techniquement et visuellement en avance sur son temps, ce que la restauration 4K de Mosfilm restitue de très belle manière. Hormis un léger voile visible lors de certains plans en basse lumière, les éléments d'origine sont très bien préservés. Bien qu'ils soient de deuxième génération, la définition et le piqué sont très probants sur l'ensemble du long métrage. Le grain est préservé et homogène, bien que plus présent dans les hautes lumières. Les contrastes sont magnifiques, les opérateurs ayant utilisé des techniques d'impression du négatif alors inconnues de l'Occident avec de la pellicule sensible aux infra-rouges, restituant une image somptueuse aux éclairages souvent très élaborés (les scènes dans le night-club du premier tableau). Bien que les quatre heures de suppléments soient proposés en HD sur le même Blu-ray que le film, celui-ci bénéficie de 38 Go d'espace disque, ce qui permet à l'encodage AVC de maintenir un niveau de qualité constant, y compris dans les scènes difficiles en pleine brume, vers la fin du film. Pour finir, nous vous proposons quatre comparatifs entre ce nouveau Blu-ray et le précédent DVD (édité par Potemkine en 2014). Le nouveau transfert est clairement à son avantage à tous les niveaux :

Comparatif 1 Comparatif 2 Comparatif 3 Comparatif 4

Son

L'image du film est très élaborée... et la bande sonore également. Celle-ci a probablement été entièrement post-synchronisée, et la prise de son directe évitée, pour permettre les expérimentations en post-production. Le film est peu dialogué, mais la musique cubaine et ses percussions sont assez présentes, le rendu est particulièrement dynamique et précis lors de ces passages musicaux. Une excellente restauration d'un mixage monophonique d'origine tout a fait probant.

Suppléments

Le Mammouth sibérien de Vicente Ferraz (90 min - SD avec upscale - STF)
Ce documentaire d'origine brésilienne tourné en 2005 n'était pas présent sur les précédentes éditions DVD. Notre collaborateur Antoine Royer mentionnait déjà ce document dans notre précédent test en regrettant son absence. Potemkine  l'a cette fois-ci intégré à son édition, pour notre plus grand plaisir. En 2001, le cinéaste brésilien Vicente Ferraz part à La Havane avec une équipe de tournage pour suivre les traces des cinéastes soviétiques qui ont tourné Soy Cuba en 1963, un film de propagande sur la révolution cubaine. Au travers des témoignages des comédiens et techniciens ayant oeuvré sur le film, ce document retrace sa genèse et son tournage, une épopée hors norme qui dura 14 mois. Il coûta une fortune à l'Union Soviétique mais ne resta qu'une semaine sur les écrans en URSS et reçut un accueil glacial à Cuba, y compris par les techniciens et comédiens cubains qui y avaient participé. Ce documentaire extraordinaire énonce les faits avec une lucidité remarquable. Lorsque Vicente Ferraz présente à chaque intervenant une cassette VHS de Soy Cuba avec inscrites sur la jaquette les appréciations dithyrambiques de la presse américaine (le film ayant été sorti de l'oubli par Martin Scorsese et Francis Ford Coppola), certains sont émus ou incrédules, d'autres sont en colère, dénonçant l'hypocrisie de cette reconnaissance tardive par l'Ouest de l'art poétique socialiste. Il est intéressant de noter que plus la position de l'intervenant est élevée dans la hiérarchie du film, plus la réaction est vindicative. Ainsi  Alfredo Guevara, président de l'ICAI (Institut Cubain des Arts et de l'Industrie Cinématographiques) et le compositeur Carlos Fariñas voient dans l'initiative de Scorsese une tentative capitaliste de détourner une oeuvre artistique socialiste à une fin lucrative. La réconciliation entre les deux blocs sera longue... Le Mammouth sibérien (en fait, le surnom donné au cinéaste Mikhail Kalatozov), quant à lui, nous paraît trop court tellement il est passionnant.



Présentation du film par Martin Scorsese (28 min - SD avec upscale - STF)
C'est en 1995 que Martin Scorsese découvre Soy Cuba. Dans cet interview tournée en 2003, il nous raconte son enthousiasme après le visionnage de ce poème épique et sa décision de le montrer à un public le plus large possible, et surtout à la jeunesse. La sincérité du cinéaste de Taxi Driver est évidente lorsqu'il nous parle avec exaltation des prouesses techniques du film et de la passion qui se dégage de ce travail monumental. Cette sincérité se retrouve dans sa manière de décrire le film avec précision, de citer un chanteur de la scène du night-club pour lequel il a fait des recherches et découvert qu'il était l'un des chanteurs des Platters. Il nous donne également certaines indications techniques sur le type d'objectif utilisé, les filtres et le type de pellicule également. Il mentionne les différences qu'il peut y avoir entre l'utilisation d'une steadycam et d'une caméra portée dans le suivi de mouvement, ainsi que l'influence que le film a eue sur certains cinéastes après sa sortie américaine en 1995, citant Boogie Nights de Paul Thomas Anderson avec la scène où la caméra plonge dans la piscine dans un mouvement similaire à Soy Cuba. On lui pardonnera d'écorcher certains noms de techniciens russes, en lui reconnaissant un incontestable amour du cinéma des autres.

Kalatosov, le cinéaste (21 min - HD)
François Albera, historien du cinéma et spécialiste du cinéma russe et soviétique, nous éclaire sur la personnalité du réalisateur russe Mikhaïl Konstantinovitch Kalatozov. Doté d'une formation d'économiste, il commence sa carrière au cinéma en 1926 comme réalisateur. Mais celle-ci se révèle être en pointillé avec de longues périodes d'inactivité, dont un passage à Hollywood que nous révèle l'historien. Cette carrière chaotique, assez fréquente dans le cinéma soviétique, s'explique par des problèmes organisationnels et des doctrines assez radicales et intellectuellement très exigeantes, pas toujours soutenues par l'organe stalinien, bien que la fidélité de Kalatozov à la cause soviétique soit sans faille. Si l'exposé est pointu mais pas toujours facile à suivre, les connaissances de François Albera sur le cinéma russe sont les bienvenues pour appréhender une cinématographie qui reste mal connue.

Kalatosov et Ouroussevski, un duo artistique (16 min - HD)
On retrouve François Albera pour évoquer la collaboration entre Mikhaïl  Kalatozov et le chef opérateur SergeÏ Ouroussevski, Soy Cuba étant le troisième film réalisé ensemble après Quand passent les cigognes et La Lettre inachevée. A Cannes en 1963, certains critiques comme Eric Rohmer attribuèrent à tort les qualités de Quand passent les cigognes au seul Ouroussevski, nous révèle l'historien, ignorant le travail antérieur de Kalatozov. En fait, il nous explique que les deux hommes avaient sensiblement le même âge et une formation assez similaire sur les arts d'avant-garde. Il les juge donc très complémentaires dans leur approche esthétique.

Le contexte historique  (19 min - HD)
Ce troisième module, toujours présenté par François Albera, est consacré au contexte historique houleux qui précéda le tournage de Soy Cuba. A savoir, chronologiquement : l'intervention de la Baie des Cochons suite au renversement de Batista, puis le blocus économique de l'île par les Etats-Unis suite à la crise des missiles qui, dit-on, faillit mener le monde au bord de la guerre atomique. L'historien nous fait remarquer qu'au plus haut de l'intensité de la crise, c'était pourtant le réformateur Nikita Khrouchtchev qui était aux commandes de l'URSS, et que sous son autorité l'appareil soviétique était moins rigide qu'avec son prédécesseur Staline. Sous Brejnev, qui lui succède à partir de 1966 comme Premier secrétaire, la politique se durcit à nouveau avec le Printemps de Prague notamment.

La réception du film (12 min - HD)
Pour la quatrième partie de son intervention, François Albera  commence par relativiser l'emploi du terme "propagande" trop facilement associé à  Soy Cuba, avec un argumentaire pas totalement convaincant. Tout film produit avec de l'argent n'est-il pas un film de propagande, s'interroge-t-il ? Vaste débat... Puis il enchaîne sur la réception guère enthousiaste du film, aussi bien à Cuba qu'en URSS, en avançant des hypothèses prudentes d'ordre politique ou culturel, le caractère latin des Cubains ne s'accommodant pas forcément avec le concept bureaucratique de la révolution socialiste soviétique.

Analyse de séquence (30 min - HD)
Eugénie Zvonkine, enseignant-chercheur en cinéma, nous propose une  longue introduction en citant certains aspects esthétiques qui furent mal compris par la critique, au moment de la présentation du film en 1964. Puis elle analyse la séquence de la mort d'Enrique, le personnage le plus présent à l'écran et le plus développé. Loin du discours froid et méthodique de l'habituel court de sémiologie graphique, elle parvient de manière accessible à capter notre attention. A travers l'analyse de cette séquence, elle insiste sur l'aspect sensoriel, l'un des plus marquants du film. La mise en images est réalisée de manière à ce que le spectateur ressente la présence physique des personnages, d'où ce choix d'une caméra constamment en mouvement, montrant ainsi le caractère chaotique d'une révolution (le renversement des objets comme les voitures par les manifestants est un acte plus symbolique que violent).

Entretien avec Claire Mathon (20 min - HD)
Soy Cuba est ce qu'on appelle généralement un film d'opérateur. Très peu dialogué, il exprime de manière sensorielle les sentiments et l'histoire qu'il raconte uniquement par l'action de la caméra et l'image qu'elle délivre. Il était donc important de donner la parole à la chef opératrice Claire Mathon (Mon roi de Maïwenn) pour nous donner son point de vue, intéressant bien que confus et hésitant dans la forme, et dont on a du mal à extraire les lignes directrices...

Le film vu par Hisham Lasri (5 min - HD)
Hisham Lasri est un artiste et réalisateur marocain. Avec des mots bien choisis et dans un temps très court, il parvient à nous offrir un plaidoyer inévitablement polémique pour un cinéma novateur. Il ne s'agit pas d'une charge contre le cinéma classique puisque Hisham Lasri place Soy Cuba au niveau de Citizen Kane, mais plus une dénonciation du cinéma d'aujourd'hui qui lui semble trop formaté et sans innovation. Une excellente conclusion à un travail éditorial de haute qualité.

Cette édition propose également un livret avec la correspondance entre Sergueï Ouroussevski (chef opérateur) et sa femme à propos du tournage du film.

En savoir plus

Disc Label: SoyCuba
Disc Size: 49,656,935,093 bytes
Protection: AACS
Playlist: 01002.MPLS
Size: 40,981,966,848 bytes
Length: 2:20:35.041
Total Bitrate: 38.87 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 34900 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Spanish / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz /  2035 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz /  1509 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 10.384 kbps


 

Par Jean-Marc Oudry - le 28 octobre 2021