
Matewan
BLU-RAY - Région B
Intersections
Parution : 29 février 2024
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Le jeune éditeur Intersections a été récompensé en février dernier par le Syndicat Français de la Critique de Cinéma, et le Prix du DVD/Blu-ray de patrimoine 2024 qui a été décerné à Matewan. Une récompense grandement méritée, à la fois pour le choix du film (qui fût sans doute pour nous la plus belle découverte de l'année, jamais sortie en salle en France et inédite en vidéo depuis la VHS Film Office de 1989) mais aussi pour la qualité de l'édition. Intersections a, depuis, continué sur sa lancée en proposant récemment plusieurs films polonais : L'Homme de fer et L'Homme de marbre d'Andrzej Wajda, et L'Interrogatoire de Ryszard Bugajski.
L'excellent Matewan est proposé à partir de la restauration 4K effectuée par UCLA, approuvée par John Sayles, et sortie chez Criterion en 2019. Une restauration, avouons-le pour un film aussi oublié, qui a été miraculeusement faite dans les règles, rendant justice au travail très original du fameux Haskell Wexler. Les travaux ont été effectués à partir du négatif original, ce qui permet d'offrir un bon niveau de définition et de détail. Déjouant les difficultés d'une photographie souvent filtrée et vaporeuse, la précision reste d'un très bon niveau. Le grain est aussi bien présent, palpable sans être trop atténué. L'étalonnage a été effectué en prenant pour référence une copie d'exploitation fabriquée sous la supervision du directeur de la photographie. Ce qui nous a également réjoui, ici, est la fidélité à la colorimétrie d'origine, très particulière, presque tri-chromatique avec ses dominantes vertes, jaunes et bleues affirmées. Une esthétique stylisée qu'il aurait été compliqué de modifier et moderniser, au risque de dénaturer l'oeuvre. Les tonalités sont ici respectées, des carnations souvent jaunâtres (éclairage par lampes à huile) aux relents verdâtres de la mine et de la forêt. Le soin a aussi été apporté aux contrastes, bien équilibrés : on notera d'ailleurs une très belle gestion des scènes de pénombre, non seulement toujours lisibles mais aussi parfaitement gérées par l'encodage (pas l'ombre d'un artefact dans ces plans risqués). Bref, une très belle présentation, à la hauteur du film. Vivement la suite de la filmographie du rare et (trop) méconnu John Sayles, qu'Intersections va bientôt retrouver avec Baby it's you...
Son
La version originale mono a été restaurée à partir des éléments séparés du master 6 pistes d'origine. Le rendu est d'excellente facture, non seulement pour sa grande propreté mais aussi pour la qualité des éléments (en prise de son direct). Les voix ont une bonne présence, les différentes couches sonores sont très bien équilibrées, sans distorsions, saturations ou traces d'usure. La version française est tirée master 1 pouce, spécialement créée par Film Office pour sa VHS de 1989. À l'exception de la qualité de jeu, pas toujours parfaite, ou de quelques réverbérations de voix qui peuvent manquer de naturel, cette VF est de bonne facture, équilibrée et sans usures disgracieuses.
Suppléments
Matewan est accompagné de nombreux compléments, à commencer par un livret de 20 pages, illustré de documents de tournage. On y trouve des notes sur la restauration et surtout un essai de Damien Bonelli, critique à Critikat et aux Cahiers du cinéma, qui évoque le nouveau chapitre "d'une minutieuse étude de la vie en Amérique" par un John Sayles qui souhaitait faire le deuil d'un drame méconnu, pas encore cicatrisé, et sur lequel plane le désenchantement, comme pour toute son oeuvre. Il analyse le "monde enténébré" de Matewan, "variation intimiste de La Porte du paradis" et western "révisionniste à tendance marxiste", à contre-courant du traditionnel individualisme porté aux nues par l'Amérique.
Le film est également accompagné de plusieurs suppléments, spécialement produits pour cette édition, et parfois illustrés des archives du cinéaste (quelques-unes en Super 8) :
Introduction de John Sayles et Maggie Renzi (41s - HD - VOSTF)
Couple au travail comme dans la vie, le réalisateur et sa productrice (qui joue dans le film) remercient le public français pour cette belle édition. Bravo à Intersections d'avoir obtenu leur précieuse collaboration, tournée chez eux, dans le Connecticut.
Commentaire audio de John Sayles et Haskel Wexler (VOSTF)
Repris du Blu-ray Criterion, un commentaire audio foisonnant du réalisateur, accompagné pour quelques (malheureusement) rares remarques par son directeur de la photographie. John Sayles évoque avec beaucoup de détails les faits historiques qui l'ont inspiré, la peinture d'un population soumise à un occupant, la reconstitution des décors soumis aux contraintes budgétaires, la lumière à gaz (pré-électricité) qui permet de créer une lumière qui oriente l'oeil du spectateur, sa gestion des acteurs et leur talent à jouer "des tensions sous-jacentes", l'utilisation de la musique. Il souligne également quelques trucs d'écriture et de mise en scène : exploiter le rapport entre le public et l'histoire, dévoiler certaines informations au spectateur avant les personnages, créer un espace dans l'esprit du spectateur en l'ancrant dans un monde par différents lieux qui vont le marquer...
Entretien avec John Sayles (64min - HD - VOSTF)
L’équipe d’Intersection a très longuement interviewé le réalisateur qui, parmi 1000 choses, revient sur ses thèmes de prédilection : la part d’individualisme chez les américains, ce qui les empêche de devenir solidaires, la nécessité de tenir ensemble au risque de n’avoir aucune chance de survie. Il raconte avec précision le projet Matewan et sa situation complexe, l’écriture portée par les nombreuses histoires qu’on lui avait racontées, l’influence du patronat sur la religion et les idéologies, les populations qui finissent par se réunir et se voir comme des êtres humains, "pas juste une histoire de syndicalisme". Il se souvient de l’investissement des locaux qui ont participé au tournage, notamment en apportant des éléments de décoration, le choix des décors réels, une mine d’exposition, l’organisation du plan de travail en utilisant des storyboards ou en prenant en compte la position du soleil, ses souvenirs des tournages de nuit, à l’atmosphère particulière. Il explique le personnage de Kenehan et le choix de Chris Cooper, ou pourquoi il a souhaité travailler avec le directeur de la photographie Haskel Wexler, repéré grâce à sa façon de "texturer la nuit" dans Dans la chaleur de la nuit, qui savait travailler dans l’urgence et l'efficacité : la scène du retour de la mine qui ouvre le film a été filmés dans 15 lieux différents, unifiés par le savoir-faire de Wexler alors qu'"on dirait vraiment 10 minutes de film ininterrompu". John Sayles évoque entre autres sa façon de diriger le talent de ses acteurs, l’étape du montage, ou l’influence du western pour ses confrontations de plus en plus intenses.
Entretien avec Maggie Renzi (26 min - HD - VOSTF)
Productrice de cinéma, et notamment des films de son compagnon John Sayles, Maggie Renzi évoque avec fierté l’ambition de Matewan, un projet "hors de [leur] zone de confort" qui les a vus se sentir "comme des étrangers en terre inconnue" pendant le tournage en Virginie-occidentale, "une région délaissée". Elle se souvient des recherches pour le film, sa découverte du monde des mineurs, la coopération progressives des habitants, de son équipe très compétente, du directeur photo et "bon vieux gaucho" Haskell Wexler ("on ne fait pas plus syndiqué"), ou de sa participation dans le film en tant que comédienne : comment elle a travaillé son rôle entièrement en italien… qu’elle ne parlait pas. Maggie Renzi explique que, malgré des difficultés de financement (le projet s’est arrêté un première fois avant d’être relancé), Matewan a pu se concrétiser en toute liberté grâce à l’essor d’un cinéma indépendant américain, conjointement à l’émergence des ventes de VHS ("il y avait un marché à fournir"). Elle a encore le souvenir de la projection à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, entre une salle quasiment vide et des bobines interverties. Elle évoque les difficultés de traiter du syndicalisme aux États-Unis, un sujet longtemps écarté, même si elle a le sentiment que les gens commencent peu à peu à se réveiller. Surtout, elle parle avec admiration de son mari John Sayles, réalisateur très respecté, qui raconte souvent l’Amérique par le "prisme du travail". Pour elle, Sayles est "un éclaireur" qui s’intéresse à des sujets peu abordés, de cette trempe d’artistes qui avancent "à contre-courant" et "en dehors des normes". Un entretien assez riche, qui part parfois un peu dans tous les sens, mais qui déborde de la générosité et de la gouaille (ou tout simplement du professionnalisme) d’une partenaire passionnée...
À propos de John Sayles (24min - HD)
Critique cinéma (notamment au Monde et aux Inrockuptibles), Murielle Joudet fait une brillante présentation de l’oeuvre de John Sayles, rappelant à travers de nombreux exemples ce qui caractérise ce cinéaste "unique" dans le paysage cinématographique américain. N'ayant d'autre choix que l’indépendance pour raconter son pays du point de vue "des lapins plutôt que des chasseurs", John Sayles est à la fois un fin observateur de l’Amérique (qu’il filme en historien) et un cinéaste qui s’est attaqué à presque tous les genres, avec des thématiques absentes du cinéma américain "officiel", en prenant soin de casser les formules et désintoxiquer le spectateur de ses habitudes. À travers des récits multiples et collectifs, John Sayles déconstruit le mythe du héros américain qui réussit par sa seule puissance, s’attachant par exemple dans Matewan à ne pas dépeindre Kenehan comme le grand sauveur, mais en l’intégrant toujours à la communauté, en en faisant un témoin. Cinéaste politisé mais sans didactisme, conscient du mur (de classe, d’origine, d’âge...) qui sépare les individus, John Sayles montre au spectateur américain ses défauts et ceux de son pays, dans une critique qui vient toujours de "l’élan fictionnel". Il raconte des conflits entre agresseurs et opprimés, avec une "obsession pour la lutte des classes" ("le grand secret américain"), mais des oppositions qui sont moins surmontées par l’action que par la parole. Un cinéma d’histoires à déterrer où seul importe, au final, de surmonter ses différences et d’atteindre à une solidarité de classe. Un excellent supplément parfaitement synthétisé par une Murielle Joudet très au fait de son sujet, et une filmographie qu'on a surtout hâte de pouvoir (re)découvrir...
Matewan et la contre-histoire (24 min - HD)
Enseignant et journaliste (à Slate), Nathan Reneaud évoque les rapports compliqués entre l’Amérique et la lutte syndicale, facilement illustré par un Hollywood peu enclin à aborder la culture syndicale et les rapports de classe (coucou James Gray, qui a tant de mal à financer ses projets personnels). Matewan, dont certains éléments étaient déjà en germe dans le second roman de John Sayles, paru dix ans plus tôt, est envisagé comme la "réparation" d’une histoire que l’on ne connaît pas et qui s’inscrit en faux avec les récits officiels. Le film prend logiquement ses distances par rapport aux "canons hollywoodiens", subvertissant le western et ses codes, rappelant certaines œuvres de John Ford mais surtout un travail plus européen sur le portrait d’une communauté. Nathan Reneaud note par exemple l’influence "plus souterraine" du cinéma italien des années 70 qui conciliait cinéma politique et populaire (Les Camarades, La Nuit de San Lorenzo), et évoque la façon qu'a John Sayles de raconter "l’Histoire par le bas" et un ancrage populaire et folklorique par la musique, qui crée le lien communautaire et rapproche Matewan de La Porte du paradis, "sommet de la contre-mythologie" des années 70. Il aborde également les allusions religieuses du film, la confrontation entre Ancien et Nouveau testament, ou la conciliation "intéressante" entre religion et engagement politique. Un supplément intéressant aux propos cependant un peu décousus.
Bande-annonce originale (1min 47s - HD - VOSTF)
En savoir plus
Taille du Disque : 48 085 422 744 bytes
Taille du Film : 34 353 364 992 bytes
Durée : 2:12:54.925
Total Bitrate: 34,46 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,98 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29983 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1077 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1102 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: English / Dolby Digital Audio / 2.0 / 48 kHz / 384 kbps / DN -4dB
Subtitle: French / 27,290 kbps
Subtitle: French / 1,357 kbps
Subtitle: French / 42,621 kbps