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Test blu-ray
Image de la jaquette

Le Trou

BLU-RAY - Région B
Studiocanal
Parution : 2 septembre 2020

Image

La collection Make My Day! de Jean-Baptiste Thoret a inauguré à la rentrée 2020 un premier "hors série" qui profite d'un indiscutable classique du cinéma français pour passer une tête du côté des années 50. Le Trou attendait depuis longtemps une édition en Haute-Définition en France, lui qui n'était sorti que dans un DVD de la collection Série Noire (chez StudioCanal) en 2003, réédité à l'identique en 2011. Les Japonais avaient eu l'exclusivité d'un Blu-ray en 2013, semble-t-il à partir d'une restauration qui n'aura finalement jamais été éditée chez nous, avant d'être rejoints par les branches anglaise et allemande de StudioCanal en 2017.

Jean-Baptiste Thoret répare donc aujourd'hui cet inexplicable retard en proposant pour la première fois en France la magnifique restauration effectuée par le laboratoire Mikros Image en 2016. Le Trou a été scanné et restauré en 4K à partir du négatif original, probablement complété par une ou plusieurs sources de qualité inférieure, utilisées pour remplacer des segments trop détériorés. Ces petites rustines très discrètes pourront parfois être ressenties par les yeux aguerris mais demeurent heureusement assez brèves. Ce sont des éléments de génération inférieure qui ont été mal tirés au développement et se démarquent de manière infime des images issues du négatif. La plus grande partie du Trou apparaîtra fine et très détaillée, avec un grain fin et abondant, quand les plans récupérés d'une autre source auront un grain plus épais, une douceur un peu plus prononcée et des flous assez marqués sur les côtés de l'image. Les plans truqués (fondus), dont la fabrication entraînait une dégradation de qualité, sont également impactés par ces flous latéraux (pellicule visiblement développée dans les mêmes conditions). L'étalonnage se montre heureusement très efficace : il a été soigneusement ajusté pour que les passages d'une source à l'autre soient les plus invisibles possible. La gamme de gris est variée et nuancée, les noirs sont détaillés et pas trop éclaircis, sans pulsation. Le grain argentique a été conservé, palpable et solidement géré par l'encodage - le comparatif montre même que celui-ci est légèrement mieux restitué que sur le disque anglais. Un Blu-ray très réussi et une présentation de référence, proche de la perfection.

DVD Studiocanal (2003/2011) vs. Blu-ray Studiocanal (2020)1 2 3 4 5 6 7

comparatif Blu-ray UK (2017) vs. Blu-ray Fr (2020)1  2  3  4  5

Son

La bande-son a été restaurée de manière très efficace, la restituant au mieux dans ses caractéristiques d'origine. On remarque toutefois que les voix et les sons à fort volume semblent souvent proches de la saturation, avec un spectre visiblement un peu réduit et des sifflantes très marquées. La sobriété assumée du film, sans musique, amplifie l'importance du mixage, très détaillée, à l'affût des moindres sons d'ambiance ; les silences en sont d'autant plus profonds. L'ensemble a été profondément nettoyé, il ne subsiste aucun craquement ou souffle disgracieux.

Le film est également proposé en Audiodescription, pour les malvoyants.

Suppléments

StudioCanal a fini par succomber, lui aussi, à cette vogue très française des livres associés aux éditions de films à l'occasion du premier "hors série" de la belle collection Make My Day!, qui figure sans aucun doute parmi les sorties incontournables de l'année 2020. Le format du livre est adapté à la taille du boitier DVD, un peu plus petit que les Ultra Collector de Carlotta par exemple, mais avec une tenue et une qualité qui les côtoient indéniablement. L'ensemble est présenté dans un fourreau cartonné, avec l'habituel digipack.

Explorer le trou, ouvrage relié de plus de 180 pages abondamment illustrées, est divisé en trois parties, la première proposant quatre textes analytiques sur Jacques Becker, son parcours et son cinéma. Jean-Baptiste Thoret se concentre un peu plus sur Le Trou comme  leçon dramaturgique qui "coule le documentaire dans la fiction", filmé à hauteur de mains car "seules les mains disent la vérité". Antoine de Baecque, éminent confrère de Thoret et spécialiste de la Nouvelle Vague, s'intéresse à celui qui a ouvert la voie aux "jeunes turcs" des Cahiers du Cinéma, les "riches et effervescentes années de formation" de Becker auprès de Jean Renoir, et son oeuvre ancrée "dans le présent de son temps", en lutte contre "les pesanteurs héritées de la guerre" et un "système figé". Le critique Bernard Benoliel le complète lorsqu'il parle du cinéma de Becker comme "la bataille de la Nouvelle Vague contre l'Ancienne", le cinéaste étant le seul à pratiquer "un cinéma de la réalité" qui révèle "une France à deux visages" et surtout sa jeunesse "en quête d'absolu". Il affine sa démonstration, indiquant que Becker, marqué par la guerre et "la génération du faux-semblant", livre avec Le Trou "un affrontement entre collaboration et résistance". Le journaliste (et directeur de l'unité cinéma d'Arte France) Olivier Père y voit également une illustration de cohésion et de solidarité trahie, une "idéalisation des rapports humains" à la Renoir (dont il était le "fils spirituel"), enrichie de "pures images poétiques" sans doute inspirées par Luis Bunuel. Olivier Père compare surtout l'esthétique du dépouillement du Trou à celle d'Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson, sorti quelques années plus tôt, et en déconstruit la "similitude de façade".

La seconde partie du livre est consacrée à des documents d'archive parus dans la presse de l'époque. Pas n'importe quels articles au demeurant puisque, au-delà des critiques (pas toujours enthousiastes), on y trouve d'intéressants portraits du cinéaste et de très beaux hommages publiés au moment de sa mort, signés Jean Renoir, Jacques de Baroncelli, ou l'ami et pionnier du journal Le Monde Olivier Merlin, ainsi que des supporters de la premières heure des Cahiers du Cinéma : les futurs réalisateurs Jacques Doniol-Valcroze (qui évoque "l'humaniste Becker"), Claude de Givray (qui parle de "l'illustre cinémartyr") ou Jean-Luc Godard (qui loue le "cinéaste français à la française"). On retrouve également le fameux entretien de Jacques Becker, mené un an plus tôt par Rivette et Truffaut, précieux et passionnant témoignage sur son métier et ses films. (Une erreur de mise en page nous prive malheureusement de la toute fin du texte.)

Le livre se conclue d'une belle manière avec les 32 premières pages du scénario original du Trou et les scènes d'introduction à ce monde scrupuleusement régenté de la prison de la Santé, via les occupants de la cellule 13, avant que Gaspard n'en soit déplacé : quelques minutes sans doute incluses dans le premier montage, mais coupées par le producteur peu de temps après la sortie du film...

Le film n'est pas en reste, lui aussi accompagné de nombreux suppléments (plus de 3h, répartis sur deux disques) :

BLU-RAY 1

Préface de Jean-Baptiste Thoret (10 min - 1080i)
Le critique et initiateur de la collection Make my Day! présente brièvement Jacques Becker, "l'un des cinéastes les plus importants du cinéma français des années 40 et 50", et le premier à être défendu par François Truffaut dans sa politique des auteurs. Au sein d'une filmographie cohérente, aux nombreuses figures récurrentes, Thoret parle du Trou, "chef-d'oeuvre incontestable" marqué par Un condamné à mort s'est échappé et Du rififi chez les hommes, sorti à un "moment charnière" où émergeait une nouvelle tendance du cinéma français qui allait devenir la Nouvelle Vague...

Le Trou revu par Jean Becker (41 min - 1080i)
Version longue d'un entretien qui figurait sur les disques anglais et allemand, un témoignage tranquille mais précieux avec le réalisateur Jean Becker. Le fils de Jacques Becker, alors assistant sur Le Trou, parle de son père qui débordait d'admiration pour ceux qui savaient faire quelque chose de leur main, et de son cinéma personnel et réaliste, où il était important d'"oublier la technique", qui séduisit sans doute la Nouvelle Vague pour sa sincérité et sa rigueur. Après quelques souvenirs du tournage d'Ali Baba dans un Maroc "moyen-âgeux", il raconte plusieurs anecdotes sur Le Trou, "un film sur la faiblesse" rapidement mis en chantier par le cinéaste, séduit par "la pureté" d'un livre honnête et juste, dont le sujet devait lui rappeler ses 18 mois de captivité passés dans un stalag, pendant la guerre. Jean Becker raconte comment il fit lui-même le casting d'une partie des prisonniers, recrutant Michel Constantin car il était alors capitaine de son équipe de volley-ball. Un casting sans star, essentiellement composé d'inconnus (que Jacques Becker dirigeait "comme il pouvait"), ce qui joua sans doute dans l'échec du film, à sa sortie. Jean Becker raconte ses déboires avec le décorateur et la trouvaille de la dalle de ciment de cimetière, l'aventure pour trouver des mouches en plein mois de novembre (merci l'Institut Pasteur !), pourquoi il apparaît à la fin du film, et quelques précisions sur les scènes coupées, selon lui essentiellement des scènes de percement.

Blu-ray 2


Jean Kéraudy, "là où mon bras passe, je passe" (40 min - SD upscalé en 1080i)
Une émission de Claude-Jean Philippe et Monique Lefebvre, diffusée en septembre 1970, consacrée au héros du Trou. Devenu constructeur de maisons, Jean Kéraudy (son "nom de guerre" dans la Résistance) fait le récit précis et passionnant de quelques-unes de ses "tribulations" pendant la guerre, l'inévitable destin d'un serrurier en prison qui ne pouvait pas y rester. Il raconte ses évasions, réussies selon lui grâce à l'habileté de son cerveau plus qu'à celle (réputée) de ses mains. Il revient sur l'épisode raconté dans Le Trou et la trahison du "triste sire", un échec qui le motiva à "lutter contre l'administration pénitentiaire avec d'autres armes", en se plongeant dans la bibliothèque de Fresnes pour devenir un prisonnier modèle. Un document étonnant qui nous fait découvrir un personnage atypique mais extrêmement sympathique, qui considère ce passé "comme une espèce de survie", et qui en parle presque comme un jeu...



Jacques Becker, cinéaste de notre temps (77 min - SD upscalé en 1080i)
Un excellent documentaire, mené par Claude de Givray en 1975, avec des entretiens croisés d'une vingtaine de personnalités ayant collaboré avec Jacques Becker. Ils livrent, grâce à de nombreuses anecdotes, le portrait fidèle d'un cinéaste qui "cherchait la vie à outrance" et débordait de "qualités de coeur". Adoubé par Jean Renoir qui lui apprit "la meilleure technique possible", Becker était aussi un "extraordinaire directeur d'acteurs" qui savait décaper les habitudes de jeu dans une recherche systématique de vérité, de rôles vrais. Artiste porté sur la simplicité et l'absence de spectaculaire, ce qui l'aura sans doute desservi aux yeux du public, il essayait d'abord de se satisfaire lui-même et travaillait "très en profondeur", construisant ses sujets "avec un souci d'horloger". Marguerite Renoir raconte la force du montage qui se "raccordait dans le sentiment", Françoise Giroud parle de sa peinture d'une héroïne populaire dans Antoine et Antoinette ("on ne parle pas de la vie quand on ne parle pas des femmes"), José Giovanni évoque l'importance des objets du Trou (et des gadgets de James Bond) qui apportent une sorte de renouveau au récit...


Reportage de Cinépanorama (12 min - 1080i)
Franche Roche interroge brièvement Jacques Becker et les cinq détenus du Trou pendant le tournage du film, dans le couloir de la prison reconstitué en studio. Le cinéaste explique son choix de tourner avec des acteurs amateurs pour mieux persuader le spectateur de l'authenticité de l'histoire, tandis que les acteurs se présentent chacun à leur tour, en quelques mots. Jean Keraudy parle plus longuement, interrogé sur son passé de prisonnier évadé et sa  "bonne petite guerre" avec l'administration pénitentiaire, avouant que le film lui permet en quelque sorte d'être enfin accepté par la société après en avoir été écarté. (On aperçoit également un extrait de cet entretien dans le portrait de Jean Kéraudy, cité plus haut.)

Entretien avec Philippe Leroy (6 min - SD - VOSTF)
Repris des éditions anglaise et allemande, une interview en italien où l'un des cinq prisonniers du Trou résume brièvement son parcours, "une vie très aventureuse, toujours en mouvement", et sa participation au film grâce à Jean Becker qu'il côtoyait pour des activités sportives. Il n'avait vu que deux films auparavant et a appris sur le tas le déroulement d'un tournage. Il raconte comment il a appréhendé cette nouvelle occupation d'acteur, jouant à l'instinct ("on avait juste à être nous-mêmes") et se considérant un peu comme en vacances.


Bande-annonce (6 min 46 - SD)
Un film-annonce (alternatif ?) d'une durée étonnamment longue qui s'explique par la reprise intégrale des propos de Jean Keraudy dans le reportage de Cinépanorama (cf. plus haut).

On ne se permettra pas de faire la fine bouche vu l'abondance et la qualité des suppléments proposés dans cet indispensable coffret, mais on pourra tout de même regretter que le documentaire L'envers du décor, présent sur le DVD de 2003 et pourtant intégré au Blu-ray anglais de 2017, n'ait pas été repris.

En savoir plus

Taille du Disque : 46 595 867 557 bytes
Taille du Film : 33 799 077 888 bytes
Durée : 2:11:17.541
Total Bitrate: 34,32 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,99 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29999 kbps / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1203 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1314 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 19,348 kbps

Par Stéphane Beauchet - le 9 décembre 2020