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Test blu-ray
Image de la jaquette

La Bête élégante

BLU-RAY - Région B
Badlands
Parution : 3 mars 2023

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Lancée il y a une dizaine d'années avec La Bouche de Jean-Pierre de Lucille Hadzihalilovic (désormais épuisé), 1Kult la collection s'enrichit aujourd'hui de trois titres du cinéaste japonais Yûzô Kawashima, en éditions limitées à 1 000 exemplaires.

La Bête élégante, le dernier des trois films, est ici proposé en HD à partir de restaurations 4K financées par Kadokawa Corporation et réalisées par le laboratoire Cineric (à Lisbonne), et le résultat est plaisant : la copie proposée est d'une bonne stabilité et ne propose aucun défaut de propreté.

La définition est plutôt honorable : les gros plans sont rares, dans le film, mais ils révèlent une certaine finesse dans le piqué. Pour les plans larges, au rendu plus doux, l'image est peut-être moins précise, mais n'empêche pas de deviner les visages cachés dans un recoin du plan... Les séquences nocturnes sont un peu moins finement définies, ainsi que certains plans impliquant des mouvements d'appareil, mais cela ne provient pas spécialement d'un quelconque défaut d'encodage.

Le grain argentique est très présent, avec un fourmillement souvent très perceptible dans les zones sombres, mais dont le rendu demeure naturel.

Le rendu chromatique est de qualité, mais si chaque séquence offre un rendu propre assez homogène, on constate quelques différences assez notables sur les dominantes : nous ne parlons pas des séquences de nuit, qui opèrent massivement sur le magenta, mais si l'on compare le début du film et la fin, avec des lumières globalement similaires, on observe une assez claire dominante bleue-grise pour la première partie, là où le jaune-vert l'emporte sur la dernière partie.

Son

La piste 1.0 manque naturellement de dynamisme, et est parfois un peu sous-mixée, mais l'équilibre global est convenable.

Suppléments

Le principal supplément consacré au film est une présentation par Bastian Meiresonne (26 min - HD). Avec une énergie assez débordante, ce spécialiste du cinéma asiatique (d'origine flamande, d'où le léger accent et quelques formulations incongrues) entreprend d'analyser en profondeur le film. Partant de trois rencontres décisives dans le parcours de Kawashima (l'actrice Ayako Wakao, le directeur de la photographie Hiroshi Murai et le cinéaste-scénariste Kaneto Shindô), il décrit la genèse du projet, en précisant que si, en général, "les commentateurs mettent en avant la forme", lui veut, dans un premier temps "mettre en avant le contenu", qu'il résume en évoquant "le tiraillement dans le Japon d'alors entre tradition et modernité". Il insiste en particulier sur la séquence décisive du "monologue du père" pour parler de ces Japonais ayant vécu "à l'ombre des Américains", avec la présence de la base militaire à proximité.

Le très bon travail de préparation et/ou la très solide culture de l'intervenant permettent à ses commentaires d'être souvent très utiles, sur des éléments pas forcément immédiatement perceptibles pour un spectateur profane mais qui éclairent pertinemment le propos du film : citons la manière dont il évoque le son du spectacle Nô qui vient, progressivement, recouvrir le jazz et qui correspond à un interlude traditionnellement "présage d'une catastrophe à venir" ; la spécificité de ces immeubles symboles du Tokyo moderne qui ne témoignent en réalité que d'un "monde trompeur" ; ou, plus brièvement, le rôle du tableau de Renoir...

Au bout de 19 minutes environ, il aborde une analyse plus formelle, évoquant les "236 plans sans une seule reprise" du film, sorte d'"opposé du cinéma d'Ozu". Il fait ressortir le rôle des lignes de fuite, des objets posés au premier plan, et soutient que le film donne au spectateur "un sentiment perceptible d'espionner", renforcé par le fait que le film "n'aborde jamais le point de vue d'un personnage", faisant ainsi du spectateur un "voyeur" (avec une explication du plan du père avec les jumelles). Un très bon module d'analyse, pédagogue et éclairant.

Un autre supplément de poids, nommé Kawashima, l'héritage (34 min - HD) est en réalité la troisième et dernière partie du documentaire consacré au cinéaste par Clément Rauger, les deux parties figurant sur les deux autres Blu-ray consacrés par Badlands au cinéaste (Les Femmes naissent deux fois et Le Temple des oies sauvages). L'avantage est que cela permet de développer une analyse au long cours forcément éclairante sur un cinéaste encore très méconnu ; l'inconvénient est que, s'il n'a pas fait l'acquisition des deux autres, le spectateur peut ici avoir l'impression de faire irruption dans une soirée commencée sans lui... Une fois cela noté, on saura apprécier la précision du regard porté par Clément Rauger sur l'intégralité de la carrière de Kawashima, soutenu par des intervenants de qualité (Bastian Meiresonne encore une fois, mais aussi Christophe Gans, qui insiste ici sur l'"intimité que Kawashima s'imposait vis-à-vis de ses sujets" et opère une comparaison instructive avec le cinéma de Yasuzo Masumura). Dernier film de la trilogie de films réalisés pour la Daiei avec Ayako Wakao, La Bête élégante est plus spécifiquement abordé au bout de 13 minutes de supplément.

Plusieurs bandes-annonces de films édités par Badlands (dont les deux autres Kawashima) figurent également sur le disque.

Par Antoine Royer - le 13 mars 2023