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Après Django, en 2021, Carlotta retrouve le réalisateur Sergio Corbucci et son acteur Franco Nero pour un autre western spaghetti, dans une veine cette fois plus "zapatesque". Inédit en vidéo en France depuis le temps de la VHS, Compañeros est présenté à partir de la dernière restauration en date, effectuée en "simple" HD, et sortie initialement en 2014 chez Blue Underground, aux États-Unis (avant de débarquer en Allemagne en 2016). Malheureusement, pas de miracle : le rendu, déjà peu éclatant à l'époque, apparaît aujourd'hui quand même toujours moyen. Si la copie reste stable et très bien nettoyée, si l'étalonnage "fait le job", sans éclat particulier mais avec un confort de visionnage raisonnable, la définition reste malheureusement très douce, avec un niveau de détail limité, même pour les gros plans. La patine argentique fait aussi grise mine, avec son grain difficile à appréhender, pas totalement lissé mais presque.
Notez que le film est proposé dans différentes versions : le montage italien d'origine (également utilisé pour la version internationale, en anglais) et le montage français d'époque, plus court d'une vingtaine de minutes. Pas de seamless branching pour l'occasion, les deux montages se révélant trop distincts, mais deux fichiers séparés qui se partagent l'espace du disque, lequel leur est entièrement dédié. On ne relève aucun souci d'encodage particulier, les débits vidéo sont confortables dans les deux cas (que facilite également la patine douce de l'image).
Son
Compañeros est d'abord proposé dans sa version originale italienne, de facture honnête mais modeste, conformément à ses conditions de production. La piste bénéficie d'une amplitude mesurée (trop, sans doute), sans graves marqués, avec des ambiances souvent discrètes et des moments musicaux sans vrai éclat. Les voix entièrement post-synchronisées (comme le sera la grande majorité du cinéma italien jusqu'aux années 80) ont un rendu un peu artificiel, comme avec un très léger écho. La piste est très propre, dénuée de traces d'usure et de souffle (totalement filtré). La version en anglais (la langue du tournage) est à peu près identique, avec d'infimes relents numériques dans les silences, mais des voix sans doute un peu plus naturelles. Certains passages de la version anglaise n'ont jamais été doublés, et sont proposés en VO italienne sous-titrée. La version française est sans doute plus agréable à l'écoute, non seulement parce qu'elle apparaît moins couverte, ce qui laisse passer davantage de détails. Mais le nettoyage est plus approximatif puisqu'il subsiste de petits craquement et surtout un léger souffle permanent, accompagné d'un infime bourdonnement. On retiendra surtout la qualité du doublage d'époque, les voix si familières de ces comédiens de très grand talent.
Suppléments
Cette édition de Compañeros est proposée sur deux Blu-ray. Le premier disque comprend le film ainsi que la bande-annonce originale italienne (2min 29s - HD - VOSTF) et la bande-annonce internationale d'époque (2min 28s - HD - VOSTF)
Le second Blu-ray est entièrement réservé aux suppléments, il est vrai nombreux... et inédits :
Le gringo et le péon (25min - HD)
Nouvelle masterclass limpide et passionnante de l'historien du cinéma Jean-Baptiste Thoret, qui présente le sous-genre du "western Zapata", son décor de révolution mexicaine, son modèle de duo formé par le paysan et l’étranger, sa façon d’écorner la figure du gringo au moment où est dénoncé l’interventionnisme américain. Il explique les rapports entre le "western Zapata" et l’Italie d’alors, les questionnements sur la légitimité de la violence qui secouaient aussi la société italienne par rapport au pouvoir, notant la "reformulation de la frontière américaine" à travers l’opposition entre l’Italie du Nord (riche) et du sud (pauvre), ou évoquant la figure du péon comme héritier du "banditisme social" du sud de l’Italie, aux héros populaires tel Salvatore Giuliano. Jean-Baptiste Thoret souligne la marque de Tomas Milian, "star prolétaire et plus célèbre péon de l’histoire du cinéma", figure qu’il a inventé pour le genre tout entier dans Colorado, en 1966. L’historien et cinéaste resitue également Compañeros au sein de la trilogie que réalisa Sergio Corbucci sur la révolution mexicaine (on attend impatiemment de pouvoir découvrir en Blu-ray le 3e opus en Blu-ray, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?, le préféré de Thoret mais toujours inédit en HD) qui voit la vision du cinéaste évoluer de film en film. Dans Compañeros, Corbucci ne se laisse pas emprisonner par une thématique unique, ne tranche pas entre l’idéalisme et le peuple belliqueux, mais montre les limites de chaque camp. Franco Nero y rejoue son personnage du Mercenaire (dont le film est un "quasi-remake"), mais semble s’ennuyer, selon Thoret, "dépassé par la puissance de Tomas Milian", "un Stradivarius"...
¡ Hasta la revolución siempre ! (17min - HD - VOSTF)
Un entretien avec Tomas Milian, qui raconte son passage du cinéma d’auteur au western italien, en acceptant de tourner gratuitement un premier western et surtout en se donnant toujours à fond, comme s’il interprétait Hamlet. Il évoque Compañeros et son personnage, imprégné de justice sociale et vaguement inspiré de Che Guevara. Il se souvient de la sympathie de Sergio Corbucci ("un sacré numéro") qui admirait son travail d’acteur, ou de quelques anecdotes de tournage avec Jack Palance et Franco Nero, qui était extrêmement soucieux de son physique. Contrairement à ce que le laisse entendre Jean-Baptiste Thoret dans le précédent supplément, Tomas Milian parle de l’acteur avec respect et nostalgie, évoquant sa grande gentillesse ("quelqu’un de pur").
Bienvenue Pingouin (8min - HD - VOSTF)
Franco Nero se souvient de ses tournages avec Sergio Corbucci, un couche tard qui arrivait rarement à l'heure sur le plateau. Il donne quelques brefs exemples de l'"humour incroyable" du réalisateur avec son équipe, comme l'OVNI qu'ils pensent avoir aperçu un jour, et évoque le film Les Gouapes, qu'il regrette de ne pas avoir tourné avec lui. Franco Nero avoue ses rapports compliqués avec Tomas Milian, acteur "complexé par rapport à [lui]", mais qu'il apprécie beaucoup. Un supplément un peu anecdotique et artificiellement rallongé avec de longs extraits, où Nero semble interrogé un peu à la volée...
Sergio, mon amour (17 min - HD - VOSTF)
Nora Corbucci évoque son défunt mari Sergio Corbucci et leur "vie super passionnante". Cinéaste qui aimait l’idée de divertir le public, Corbucci était une personnalité hautement sympathique, "charismatique mais pas autoritaire", considérée comme "la coqueluche de Rome" et du milieu du cinéma d’auteur. Nora Corbucci revient sur les westerns de son mari, raconte la passion qu’il entretenait pour la révolution mexicaine, ou sa méthode de travail souvent basée sur l’improvisation, en remodelant les scénarios qu’il ne suivait pas à la lettre. Elle évoque les deux héros de Compañeros : Franco Nero, choisi pour ses yeux bleus qui le rendaient plus américain ; et Tomas Milian qu’ils appréciaient beaucoup ("un véritable artiste, un génie"), mais qui avait peut-être trop tendance à s’immiscer dans le travail du réalisateur, ce qui l’a vraiment mis en colère, un jour, sur le tournage.
Django & Django : Sergio Corbucci unchained (78 min - HD - VOSTF)
Après l’analyse de Jean-Baptiste Thoret, c'est le gros supplément de cette édition : un documentaire produit en 2021, réalisé par Steve Della Casa et Luca Rea, qui s’intéresse uniquement à la carrière de Sergio Corbucci dans le western. Petite frustration, d’ailleurs, de ne pas aborder le reste de sa filmographie (même si elle reste sans doute moins prestigieuse), après une telle introduction… Reste que cette période faste pour Corbucci est plutôt bien racontée, entre les anecdotes de Franco Nero ou du réalisateur Ruggero Deodato, son assistant d'alors, sur 13 films, et surtout la gouaille intarissable de Quentin Tarantino, son fan le plus célèbre, dont il s’inspirera dans ses propres films et sur lequel il envisageait même d’écrire un livre. Le cinéaste américain analyse en profondeur les westerns de Corbucci, "l’autre Sergio", remarquant sa patte avant que l’influence de Leone ne s’impose. Pour Tarantino, Corbucci a crée "l’ouest le plus impitoyable", dans un cinéma de la vengeance, violent et cruel, marqué par le fascisme. Il note le "panache de BD" de ses héros, figures ambivalentes qui ne sont jamais très loin d'une certaine noirceur, et observe la détestation de Corbucci pour les communautés ("la société est un égout"), comme s’il se moquait de l’Amérique de John Ford. Tarantino parle plus longuement de Navajo Joe ou L’homme du Minnesota, son préféré, et revient sur la Trilogie de la révolution mexicaine, des films "à part" qui suivent l’exemple de Sergio Leone en ajoutant des touches de comédie, et annoncent le tournant commercial de Corbucci dans les années 70 (dont on ne parlera malheureusement pas...).
En savoir plus
version italienne / internationale
Taille du Disque : 47 703 895 869 bytes
Taille du Film : 25 735 517 568 bytes
Durée : 1:59:19.569
Total Bitrate: 28,76 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 24,98 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 24982 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italian / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1074 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 1.0 / 48 kHz / 1065 kbps / 24-bit (DTS Core: 1.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 23,432 kbps
Subtitle: French / 23,093 kbps