
Cette sacrée vérité
BLU-RAY - Région B
Wild Side vidéo
Parution : 12 juillet 2023
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À peine un an après la sortie en DVD du film chez ESC Distribution (dans une édition de qualité très modeste) et après plusieurs reports, Cette sacrée vérité bénéficie enfin d'une sortie haute-définition, dans un de ces coffrets collector livre + Blu-ray + DVD dont Wild Side est coutumier.
Une fois salué le travail éditorial conséquent (voir la partie suppléments plus bas), on peut dès lors se tourner, comme unique point de comparaison légitime, vers l'édition américaine sortie chez Criterion (zone A, sans sous-titres français) en avril 2018. Celle-ci se basait sur une restauration menée par Sony Pictures Entertainment, à partir du scan 4K d'une copie nitrate au laboratoire Cineric de New York. Malgré quelques différences que nous nous apprêtons à détailler, tout porte à croire que l'édition Wild Side se base sur la même restauration, ce qui induit des caractéristiques communes, notamment en termes de qualité de définition ou de propreté.
comparatif Blu-ray Wild Side (2023) vs. Blu-ray US Criterion (2018) : 1 2 3 4 5 6
Première différence notable : le format. Là où l'édition Criterion restituait le film dans son format originel 1.37:1, l'image proposée par l'édition Wild Side est plus proche du 1.33:1, ce qui induit une imperceptible anamorphose (étirement vertical) et une légère perte d'image sur les bords gauche et droit.
Deuxième élément : la luminosité et les contrastes sont gérés différemment. Le Criterion propose une image globalement plus sombre, avec des noirs plus profonds.
Troisième élément, et non des moindres : les traitements du grain sont assez dissemblables, et notre préférence va nettement à l'édition Criterion. Les images 4, 5 et 6 du comparatif ci-dessus (dans les costumes sombres, le chapeau, la porte...) permettent de mesurer l'usage - et l'abus - d'effets de lissage numérique qui tendent à atténuer, voire à faire disparaître, la texture du grain. Le rendu de l'édition Wild Side manque ainsi de naturel, y compris dans le fourmillement induit lors de la mise en mouvement des images (ce qu'un comparatif sur captures ne traduit pas).
Son
La bande-son a également bénéficié d'une restauration qui a permis d'atténuer les marques les plus flagrantes du temps. Le résultat est propre, avec des dialogues très perceptibles. Les ambiances manquent certainement de relief, et les séquences chantées, par exemple au cabaret, offrent parfois un mixage un peu plus déséquilibré, mais rien de déplaisant.
Une version française est proposée, avec une mise en avant des lignes de dialogue qui donne presque une impression de feuilleton radiophonique. Très honnêtement, on ne voit pas bien l'intérêt de voir ce type de film en version doublée.
Suppléments
Le livre inclus dans le coffret de cette édition Wild Side, intitulé Je te quitte moi non plus, est un texte inédit de Frédéric Albert Lévy (cofondateur de Starfix et collaborateur de DVDClassik, entre autres casquettes) dont on reconnaît volontiers le style à l'occasion digressif (qui d'autre pour mentionner James Bond ou David Fincher dans un texte sur une screwball comedy des années 30 ?). Il y est question de la production du film adapté d'une pièce à théâtre d'Arthur Richman, des méthodes de travail "pianoforte" de Leo McCarey, des comédiens, du sujet central de Cette sacrée vérité (qui serait le Temps, si ce n'est le Cinéma lui-même). En annexe est proposé l'intéressant portrait de Leo McCarey par le scénariste Sidney Buchman.
Dans Leo McCarey ou le timing parfait (22 min - HD), Charlotte Garson (rédactrice en chef adjointe aux Cahiers du Cinéma) remet en avant la figure du cinéaste. Elle identifie les éléments biographiques (son passé de "script-girl" ou de gagman, sa pratique de la boxe, sa passion pour la musique, sa collaboration avec Laurel et Hardy, etc.) ou les méthodes de travail qui permettent de caractériser la patte d'un metteur en scène dont le refus des "effets" ou l'absence d'un "style reconnaissable" ont parfois nui à la reconnaissance. Charlotte Garson insiste notamment sur l'importance du "rythme" chez McCarey, que ce soit dans la réécriture des scénarios, la direction d'acteurs ou le montage, qui se manifeste notamment par la récurrence des séquences chantées dans ses films, ou sur son art du "slowburn", cette façon de dilater le temps dans l'élaboration des effets comiques.
On retrouve Charlotte Garson dans Qui gardera le chien ? (32 min - HD - avec une vilaine coquille dans le sous-titre), où elle offre son analyse du film, souvent bien exposée et agréable à écouter (Garson a une élocution posée très plaisante) mais dont le montage (entrecoupé de nombreux extraits) et l'absence de ligne problématique bien identifiée font qu'on a l'impression parfois de sauter d'un sujet à un autre : on aurait aimé, ainsi, que soient davantage approfondies les problématiques associées à la "comédie de remariage" selon Stanley Cavell ou les effet particuliers du recours à l'improvisation (encouragé par McCarey, et qui provoqua la rédaction d'un mémo réprobateur de Cary Grant). Charlotte Garson concentre un instant son attention sur le corps de Cary Grant, cet ancien acrobate qui "prend possession de l'espace de façon atypique", avant d'aborder plus avant la question du couple de Jerry et Lucy, à la fois "acteurs et spectateurs" de leur situation. Elle identifie les motifs-clés, selon elle, du miroir (à travers la séquence du chapeau melon) ou de la "maison", dans la séquence finale au Connecticut, dont elle fait ressortir "l'importance du temps et de la mémoire dans le couple".