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Critique de film
Le film
Affiche du film

The Party's Over

L'histoire

Une jeune Américaine, Melina (Louise Sorel), traîne avec une bande de beatniks de Chelsea et attire l’attention du leader du gang, Moïse (Oliver Reed), parce qu’elle se refuse à lui. Tout va déraper quand Carson (Clifford David), le fiancé de Melina, débarque pour la ramener aux Etats-Unis à la demande du père de celle-ci...

Analyse et critique

The Party's Over est un trésor caché du cinéma anglais des années 60, tant sa sortie fut entourée de controverses et qu'il fut longtemps invisible dans son montage intégral. Le film se veut au départ une œuvre de prévention sur le mouvement, alors en essor, des beatniks au sein de la jeunesse mais son contenu s'avérera trop cru pour la censure anglaise, qui exigera de nombreuses coupes qui en empêcheront un temps la sortie. Deux ans plus tard, au vu de la notoriété acquise par son réalisateur Guy Hamilton qui a dirigé entretemps l'un des James Bond les plus fameux, Goldfinger (1964), un distributeur peu scrupuleux le sortira largement amputé et dans un habillage racoleur de thriller érotique pour attirer le chaland. Guy Hamilton et son producteur Anthony Perry feront retirer leurs noms du générique, et cela même sur la récente version restaurée permettant de voir le film dans un montage d'avant le passage devant la commission de censure mais néanmoins pas approuvé par Hamilton.

La dimension morale s'exprime à la seule évocation du titre signifiant la fin de la récréation, mais le film se révèle plus fin que cela. L'intrigue s'ouvre sur une séquence "scandaleuse" qui prête à sourire aujourd'hui, avec cette fête sur fond de musique jazz tendant au stupre où les jeunes beatniks dansent lascivement, s'enivrent et cèdent à leurs instincts charnels tout en laissant deviner les penchants autodestructeurs qui provoqueront le drame à venir. Comme chaque fois, la soirée se conclut par un retour au petit matin où nos jeunes rebelles défilent tels des zombies dans les rues d'un Londres désertique, magnifiquement éclairé par Larry Pizer. Parmi eux, on trouve Melina (Louise Sorel), une Américaine exilée qui va bientôt être rattrapée par la réalité. Son allure plus sophistiquée que ses camarades l'avait précédemment laissé deviner : on découvrira qu'elle est la fille d'un riche homme d'affaires qui va envoyer son bras droit, et futur fiancé de Melina, la chercher à Londres. Paniquée de devoir ainsi retrouver les chaînes d'une vie normale, Melina va être aidée par ses amis qui vont brouiller les pistes pour le fiancé, Carson (Clifford David), se perdant entre pubs, résidences louches et fêtes miteuses dans un Londres interlope. Le jeu va cependant prendre une tournure bien plus sordide.

Le jeu de piste s'interrompt ainsi à mi-film lorsque le personnage de Melina va se volatiliser tandis qu'un vent de secret et de culpabilité flotte autour de ses amis beatniks. Carson va alors devoir remonter le fil d'une énième soirée de débauche pour savoir ce qu'il est advenu de sa fiancée. Les soupçons vont autant se porter sur le leader charismatique et manipulateur du groupe, Moïse (Oliver Reed), fou amoureux d'une Melina que les filles ont toutes une raison de jalouser. Le ton s'avère dangereusement moralisateur au départ, fustigeant les écarts de ces entités beatniks forcément vues sous un jour néfaste, face à un Carson aux allures de gendre idéal. Cependant, plus que les défis à l'ordre moral, c'est finalement l'existence oisive et sans but ainsi que l'effet de groupe dans l'attitude des beatniks qui frappent. Ils fuient un conformisme bourgeois pour s'en créer un autre, vide de sens et sans but, ce qui pour les plus conscients comme Melina provoque une vraie dépression latente. A l'extrême opposé, le père de Melina (Eddie Albert) représente, lui, tout ce matérialisme froid que fuient les beatniks. Dans ce cadre, les personnages les plus intéressants sont d'abord ceux qui se cherchent.

Le propret Carson saura ainsi évoluer notamment en tombant amoureux de Nina (Katherine Woodville). Supposé représenter la soumission à l'establishment aux yeux des beatniks, il s'en détachera à son tour mais dans une dimension inconnue plus constructive que leur errance physique et mentale. C'est pourtant un Oliver Reed dans un de ses premiers rôles majeurs qui captive le plus. Alors qu'il est caractérisé au départ comme le simple leader malfaisant et manipulateur, on découvre finalement un faible fuyant la vie pour dominer encore plus perdu que lui. L'aboutissement de toutes ces interrogations repose sur le sort de Melina, qui se révèlera par fragments tout au long du récit. La résolution criminelle attendue prendra un tour finalement sordide et pathétique dans un flash-back glaçant où la mise en scène sage de Guy Hamilton (sa spécialité), entre réalisme cru et cauchemar, résume parfaitement le propos. C'est bien l'indolence et la perte de repères des beatniks qui sont la cause du drame qui, sans les rendre coupables, révèle toute la nature de leur dérive. Plus que leur mode de vie, le scénario (qu'on doit à l'auteur de polar Marc Behm) fustige l'entité collective qui fait des beatniks de simples moutons suiveurs incapables de se prendre en main. Le leitmotiv musical sur la chanson Time to Grow Up illustre le propos tout du long en filigrane, qui se dévoile pleinement dans une cinglante conclusion. Le film ne célèbre ni la rébellion ni la normalité, mais suggère intelligemment de suivre sa voie de façon indépendante.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 25 février 2022