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Critique de film
Le film
Affiche du film

The Endless Summer

L'histoire

"Sea, Surf and Sun..."

Bruce Brown, réalisateur de films documentaires sur le surf, a dans l’idée de tenter l’expérience d’un été de surf sans fin. Pour ce faire, il décide de voyager de plage en plage dans les deux hémisphères, espérant également trouver en cours de périple la vague parfaite. Il entraine avec lui à la poursuite de ce rêve deux jeunes surfeurs californiens de 18 et 21 ans, Robert August et Mike Hynson. Ils voyageront d’Afrique Subsaharienne en Afrique du Sud en passant par l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Tahiti et Hawaï, pour finir par rentrer en Californie forts d’une expérience exceptionnelle et d’a priori battus en brèche...

Analyse et critique

Le cinéma a beau avoir été élevé au rang de 7ème art, il ne faudrait jamais oublier qu’il n’en est pas moins à l’origine un spectacle de pur divertissement. En fonction de votre disposition d’esprit, il n’est donc évidemment pas interdit, et il ne devrait surtout jamais être avilissant face à une frange de cinéphiles un peu trop condescendante par le fait de ne jurer que par l’Art, de prendre beaucoup de plaisir devant un film qui n’aurait d’autre ambition que de distraire, de délasser et (ou) de faire partager une passion même s’il ne s’agirait pas de la votre ; aucune honte à avoir d’avouer adorer un film n’ayant aucun message à délivrer autre que celui de ne pas hésiter dans la mesure du possible à vivre de nos passions et à accomplir nos rêves les plus fous. Nous, chroniqueurs et lecteurs, pour la plupart cinéphages boulimiques, devrions y être logiquement sensibles. En l’occurrence ici, en terme de passion, il s’agit bien évidemment de surf, The Endless Summer étant demeuré depuis 50 ans le film culte et emblématique des amateurs de ce sport à travers le monde, la référence qui aura déclenché bien des "vocations", un véritable phénomène culturel et sociologique. Les participants au film sont d’ailleurs si enthousiastes, paraissent si innocents et détachés des contingences compétitives ou commerciales que, amateurs ou non de ce sport, vous n’aurez sans doute aucun souci à les suivre durant leur tour du monde qui se révèle être également a posteriori un véritable voyage dans un temps... en dehors du temps !

Au milieu des années 50, la naissance de la technique du zoom (modifiant en partie la grammaire du montage) ainsi que l’arrivée du 16mm et de ses caméras beaucoup moins lourdes et encombrantes font que le "cinéma-vérité" américain - dont le chef de file avait été Robert Flaherty à l’époque du muet (Nanouk l’Eskimau) - refait une nouvelle percée aux USA dès le début des années 60. Même s’il a beaucoup de mal à trouver des distributeurs pour être diffusé dans les salles de cinéma traditionnelles, il n’en reste pas moins que le cinéma documentaire commence à être extrêmement florissant durant cette décennie, au cours de laquelle beaucoup de cinéastes cherchaient à bouleverser les codes hollywoodiens et sortir du carcan du classicisme qui avait pignon sur rue depuis trop longtemps à leur goût. Déjà réalisateur de plusieurs films sur le surf tournés aux USA depuis la fin des années 50 (Slippery When Wet, Surf Crazy, Barefoot Adventure, Surfing Hollow Days), le jeune Californien Bruce Brown devient célèbre du jour au lendemain avec The Endless Summer, un film à petit budget dont il eut l’idée en 1963. Après avoir sillonné les plages de la Côte Ouest de son pays, il souhaite en filmer d’autres bien moins fréquentées, y compris et surtout dans d’autres parties du monde. Sa première idée est de se rendre en Afrique du Sud en compagnie de deux de ses amis surfeurs, avant de se décider à rallonger le voyage pour prolonger cet immortel été dont rêvent ces jeunes gens encore bien naïfs et qui n'ont rien d’autre à penser qu’à leur loisir préféré, espérant trouver en cours de route leur Graal que représente The Perfect Wave.

Avec 50.000 dollars en poche, un minimum de bagages, une caméra Bolex 16mm et sa housse waterproof, Bruce Brown décide donc avec Robert August et Mike Hynson, deux jeunes surfeurs de Malibu (18 et 21 ans), de partir faire un tour du monde à la découverte des plus belles vagues des différents littoraux d’Afrique, d’Amérique et d’Océanie. Ils décollent pour un long périple direction le Sénégal en hiver 1963 ; jusqu’à leur retour, le cinéaste filmera près de 15 kilomètres de pellicule. Prétextant que le surf n’intéresserait qu’une frange minuscule de spectateurs californiens, les distributeurs font la fine bouche et refusent à Bruce Brown de diffuser son film dans le circuit des salles traditionnelles. C’est ainsi qu’aux USA, The Endless Summer sera diffusé six mois consécutifs dans une salle consacrée uniquement... au cinéma pornographique ! Bruce Brown et ses deux surfeurs entreprennent également une tournée du pays pour faire découvrir leur film ; ce sera un triomphe colossal engrangeant de par le monde et au fil des années plusieurs millions de dollars. Le surf devient du jour au lendemain un phénomène mondial et les sites spécialisés estiment encore aujourd’hui que dans ce domaine le film mythique de Bruce Brown n’a pas trouvé de concurrent à sa hauteur, représentant en quelque sorte la plus belle et délicieuse preuve d’amour dédiée à leur loisir favori !

Pourtant, disons-le d’emblée, le cinéaste ne cherche pas l‘exploit à tout prix et son film n’est aucunement une succession de séquences spectaculaires comme c’est le cas dans ce que l’on appelle de nos jours le cinéma de l’extrême. Il s’agit plutôt d’un carnet de voyage sans trop d’effets, avec ses moments en creux, ses digressions humoristiques et potaches (l’un des surfeurs se fait courser par un zèbre qu’il n’aurait pas dû approcher, l’autre se débine en accéléré avec une surfeuse qu’il dit vouloir raccompagner chez elle...), ses moments cocasses (la difficulté de faire comprendre à un chauffeur de taxi africain qu’il serait plus facile de mettre les planches sur le toit de la voiture plutôt que dans le coffre), ses banales scènes du quotidien (la pêche à la truite et le barbecue qui s’ensuit en Nouvelle-Zélande, la rencontre avec un Africain du Sud se proposant de faire un bout de chemin avec eux...). Prévenons aussi que par le ton décomplexé employé et dans les commentaires du narrateur (le seul à s’exprimer, y compris dans la bouche de ses deux surfeurs), certains y trouveront une forme de racisme ou tout du moins du paternalisme, voire de la condescendance ; ils n’auront pas forcément tort, sauf qu’il faut savoir se replacer dans le contexte de l’époque où de tels voyages étaient encore rares et les clichés sur les autres civilisations toujours tenaces. Alors entendre parler à tout bout de champ de primitifs ou d’indigènes, surprendre ce genre d’affirmation comme quoi "comme tout bon Africain, ils aiment jeter des cailloux", pourraient sans doute aujourd’hui offusquer les bien-pensants et les tenants du politiquement correct. Ce qui serait assez ridicule puisqu’au final tout cela semble être à prendre au second degré, l’expérience acquise par nos trois voyageurs s’avérant plutôt très positive quant à leurs rencontres avec les différents peuples, quant à leur apprentissage d’autres coutumes... En quelque sorte, le film est aussi un intéressant document sociologique sur la réception des autres cultures par une certaine jeunesse américaine des sixties.

Cela étant dit, sans intrigue, sans stars et sans dialogues, le film de Bruce Brown est évidemment constitué pour plus des ¾ de sa durée par des images de surf. Et nos deux surfeurs californiens ne sont pas les seuls à nous faire la démonstration de leur savoir-faire ; même si évidemment bien plus brièvement, tous les meilleurs surfeurs du monde sont également invités dans le courant du film à nous montrer leurs talents en fonction des lieux où nous nous trouvons. Et il faut bien se rendre à l’évidence ; même pour les non passionnés dont je fais partie, on ne s’en lasse pas. Et même si ces images de surf sont de toute beauté, ce sentiment que le film ne se répète jamais est dû aussi à la manière que le réalisateur a de commenter ses images, ne manquant jamais de traits d’humour, se mettant didactiquement toujours à la portée de débutants sans condescendance aucune, utilisant également à merveille une musique vite entêtante et entrainante du groupe de surf-rock The Sandals (je mets au défi quiconque de ne pas aller rechercher le thème principal sur Youtube une fois le film terminé), ayant sans doute fait les choix les plus judicieux pour son montage final parmi les kilomètres d’images filmées... Mais ce qui rend avant tout son poème d’amour au surf aussi indémodable et jubilatoire, c’est le fait d'avoir réussi à créer une grande proximité avec le spectateur par le ton adopté, cette façon de monologuer avec franchise, naturel et nonchalance, au point de ne pas se soucier du ridicule que peuvent avoir ses blagues parfois douteuses... comme s’il s’agissait d’un home movie, auquel The Endless Summer fait d’ailleurs souvent penser.

Pour le plaisir et pour mieux nous le remémorer, retraçons le parcours de nos sympathiques surfeurs sur lesquels nous n’aurons finalement pas appris grand-chose (il vous sera d’ailleurs assez difficile de les différencier et de vous rappeler lequel des deux faisait quoi), le cinéaste n’ayant pas cherché à faire une étude de caractères, à nous les rendre forcément attachants, à capter à tout prix l’empathie du spectateur. Le surf avant tout ; les surfeurs passent après et doivent surtout être vus en tant que sportifs, même si ce périple aura été une magnifique aventure humaine non dénuée d'ironie, les lieux tant vantés s’étant révélés décevants et vice-versa, les idées préconçues sur les différentes cultures ayant pour certaines été battues en brèche. Départ Malibu direction l’Afrique, au Sénégal puis au Ghana où Mike et Robert rencontrent des "indigènes" qui ne connaissent même pas l’existence du surf et où ils arrivent à trouver de belles vagues sur lesquels glisser. Ils sont néanmoins négativement surpris par le prix prohibitif des chambres d’hôtels et du carburant suite à quoi ils filent direction l’Afrique du Sud où, entre deux sorties avec d'importants groupes de surfeurs de la région ayant fait des centaines de kilomètres pour venir surfer avec eux, ils grimpent en haut de la montagne surplombant Le Cap. L’eau de l’Atlantique leur semblant un peu trop froide pour la saison, ils se rendent côté océan Indien où, tombés en panne de voiture, ils sont emmenés plusieurs jours durant par l’homme qui s’est arrêté pour les dépanner. Là, après s’être arrêtés du côté de Durban où les requins infestent le littoral, au Cap St Francis ils peuvent enfin accomplir leur rêve, surfer sur des vagues parfaites "looked like it was made by a machine", glissant sur chacune d'elles durant plus de 15 minutes.

Direction l’Australie où, pensant trouver les meilleurs "spots", "ils arrivent toujours trop tard" selon les jeunes Australiens qui s’amusent à les rendre jaloux en leur racontant (par flashbacks interposés) les exploits qu’ils accomplissent sur leurs planches... en plein hiver, la meilleure saison pour pratiquer ce sport sur ce continent. Du coup, là où ils s’attendaient aux meilleurs endroits pour pratiquer leur hobby, ils passent leur temps à discuter sur les plages en attendant que la mer se décide à leur offrir l'occasion de s'amuser. Puis l’on se rend en Nouvelle-Zélande au milieu de paysages grandioses ; ici, après avoir bien bourlingué dans tous les coins de ce pays sauvage et verdoyant, le soir de Noël nos surfeurs glissent sur des vagues tellement longues qu’en filmer une seule aurait pris la moitié de la durée totale du film ! En route vers Tahiti, île réputée totalement inintéressante pour cette pratique ! Cette mauvaise réputation va se révéler totalement fausse, Mike et Robert trouvant même une vague qui, juste avant de se briser sur la plage repart en marche arrière ! Enfin retour au paradis des surfeurs, Hawaï, sur l’île d’Oahu à Waimea où l’on trouve le "tube" (pipeline) le plus difficile à surfer, celui que les "dingues" qui l'ont finalement défié ont auparavant étudié dix ans durant, celui sur lequel certains risquent de se faire couper en deux par leur planche s’ils ne plongent pas avant qu’elle ne leur retombe dessus, une vague qui à elle seule pourrait dégager de l’énergie pour éclairer une ville moyenne une semaine durant... Et c'est la fin du voyage !

Bruce, Mike et Robert auront vécu une expérience extraordinaire mais remplie de paradoxes par rapport aux idées reçues dans le monde des surfeurs quant aux endroits magiques ou inintéressants pour leur loisir de glisse. Ils reviendront avec des images et des rencontres plein la tête... et, grâce au succès planétaire de leur "carnet de voyage", donneront alors envie à des milliers de jeunes de s’adonner à ce sport ou ne serait-ce qu’à entreprendre de longues expéditions à travers le monde. Un voyage dans l’espace qui nous fait explorer les plus belles plages des quatre coins du monde, un voyage dans le temps lors de ces "swinguantes" années 60, un précieux document sociologique en même temps qu’une sorte de road movie diablement dépaysant et rafraichissant, une sorte d’idéal pour après-midi pluvieuses ou soirées hivernales cafardeuses.

DANS LES SALLES

DISTRIBUTEUR : CARLOTTA

DATE DE SORTIE : 10 août 2016

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La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 10 août 2016