L'histoire
Ronnie, Wal, Andy et Vic sont quatre adolescents qui s'ennuient, chômeurs de la ville triste et pluvieuse de Glasgow. Ronnie a l'idée de réaliser le casse d'éviers en acier inoxydable qui pourrait rapporter gros.
Analyse et critique
Local Hero (1983) sera le film de la reconnaissance internationale pour le cinéaste écossais Bill Forsyth, précédé par le succès critique de la charmante chronique adolescente Gregory's Girl (1981). Ce second film était l'aboutissement du brouillon que constitue That Sinking Feeling réalisé deux ans plus tôt. Les deux films partagent un casting quasiment identique puisque Bill Forsyth repris les jeunes acteurs recrutés au sein de du Glasgow Youth Theatre. Après une formation à la National Film and Television School et une expérience de monteur au sein de la BBC, Bill Forsyth retourne en Ecosse où il se spécialise dans le documentaire en fondant sa compagnie de production Tree Film. Il passera à la fiction avec That Sinking Feeling qui malgré sa facture modeste est le premier film à être entièrement produit et financé en Ecosse, soit hors du giron des coproductions anglaises ou hollywoodiennes.
L'expérience documentaire du réalisateur et une filiation évidente avec Ken Loach se ressent dès l'ouverture du film. Dans Kes de (1969), l'environnement du jeune héros le condamnait à un certain déterminisme social où l'amour pour son faucon constituait une respiration dans un futur le poussant vers la délinquance et le maintien dans ce milieu modeste et ouvrier. On pourrait penser que le constat de That Sinking Feeling est similaire, la délinquance constituant désormais la seule voie pour ces jeunes adultes au chômage. Tout pousse à la sinistrose avec ce Glasgow tout en désolation urbaine grisâtre au sein duquel déambulent les protagonistes déprimés par leur poches vides et leur inactivité. Bill Forsyth va pourtant aller à rebours de ce spleen ambiant avec un récit sacrément ludique. La scène d'ouverture donne le ton en évoquant par l'humour cette misère sociale lorsqu'un des héros (John Hughes) passe devant un stand de sandwich et s'éloigne l'air ahuri et gêné quand il verra qu'il n'a pas les 45 pences demandés pour sa pitance. Tous les personnages sont introduits selon ces deux niveaux de lectures amusés et pathétiques, que ce soit Ronnie (Robert Buchanan) se plaignant devant la statue d'un héros national de ne pas trouver de job, sans parler de cet autre protagoniste testant en magasin des chaînes hi-fi qu'il ne peut bien évidemment pas se payer.
Lassé de ce marasme Ronnie a une idée de génie pour renflouer le groupe, organiser le cambriolage de ce qui constitue la gloire industrielle locale, des éviers en aciers inoxydable. On est ainsi parti pour une sorte de variante écossaise de Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli avec ce même traitement décalé des archétypes du film de casse: les préparatifs, l'exécution en passant par l'écoulement du butin constitue un ensemble sacrément loufoque. Parmi les moments les plus tordants on verra un travestissement grossier en vue de séduire le gardien de nuit, le running gag du patron endormi et ronflant victime de la mixture de l'étudiant en médecine du groupe (afin d'emprunter son camion à son insu) ou la vente du butin en forme de moquerie de l'art contemporain. Malgré les problèmes de rythme et le côté bricolé rendant l'ensemble inégal, c'est vraiment le capital sympathie qui domine d'autant que Forsyth fait preuve d'un vrai brio formel malgré les moyens limités. Cet art de la rupture de ton, du rebondissement inattendu et de cet équilibre entre l'anodin et l'humour potache fonctionne pourtant bien et trouvera un aboutissement avec le plus maîtrisé Gregory's Girl.