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Critique de film
Le film
Affiche du film

Gregory's Girl

L'histoire

Une petite ville d'Ecosse. Le timide et boutonneux Gregory ne pense qu'aux filles mais n'ose les aborder. Dorothy jolie et sexy, réussit grâce à son adresse à obtenir un poste dans l'équipe de football du collège. Eperdument amoureux d'elle, Gregory réussit à vaincre sa peur et lui propose un rendez-vous. Mais celle qui viendra n'est pas celle qu'il attend.

Analyse et critique

Gregory's Girl est une charmante chronique adolescente qui constitue la première réussite majeure du réalisateur écossais Bill Forsyth dont c'est le second film. Après une formation à la National Film and Television School et une expérience de monteur au sein de la BBC, Bill Forsyth retourne dans son Ecosse natale pour fonder sa compagnie de production Tree Film. Il s'y spécialise dans le documentaire (genre où il fit ses premières armes en 1964 après avoir été recruté sur petite annonce) mais aspire à passer à la fiction. Ce sera chose faite avec That Sinking Feeling (1981) qui aura l'insigne honneur d'être le premier film à être entièrement produit et financé (pour le minuscule budget de 5 000 livres) en Ecosse, tous les tournages précédents au sein du pays ayant toujours été des coproductions anglaises ou hollywoodiennes. That Sinking Feeling (1981) avait connu un succès d'estime avec le récit d'un casse rocambolesque par une bande d'adolescents fauchés. Pour ce faire, Forsyth avait recruté son jeune casting au sein du Glasgow Youth Theatre et l'on retrouve une grande partie de la distribution dans Gregory's Girl dont Robert Buchanan, Billy Greenlees, et bien sûr John Gordon Sinclair. Le budget très modeste du film oblige à un tournage austère où les costumes des acteurs seront leurs propres vêtements, y compris pour la jolie Dee Hepburn obligée d'emprunter son très seyant petit short blanc à sa sœur, tandis que le mystérieux personnage déguisé en pingouin qui traverse sans but le récit n'est autre que le fils d'un des producteurs. Cette économie, ce naturel et cette spontanéité marquent le film pour le meilleur du début à la fin.

Dans une petite bourgade d'Ecosse, Gregory est un adolescent timide et emprunté qui comme tous les garçons de son âge est déjà obnubilé par les filles. Cet intérêt se traduira d'abord de la façon la plus "hormonale" lors de la scène d'ouverture où il reluque avec ses camarades une infirmière en train de se changer. C'est ensuite au cœur qu'il sera foudroyé lorsque la jolie Dorothy (Dee Hepburn) cherchera à intégrer la défaillante équipe de foot du lycée. Très douée avec le ballon (Dee Hepburn, très convaincante, s'étant entraînée près de six semaines pour être crédible), Dorothy en vraie jeune fille moderne allie charme et allure sportive, Bill Forsyth érotisant joliment son élégante silhouette (ce premier entraînement où elle enlève son survêtement) en endossant le regard de Gregory émerveillé par son assurance et ses jambes nues. Dès lors, Dorothy devient la coqueluche de l'école et suscite le désir d'autres garçons (entraînant des moments cocasses comme quand elle sera embrassée - y compris par les adversaires - après avoir marquée un but en match) au grand dam de Gregory trop timide pour tenter sa chance.

John Gordon Sinclair est absolument irrésistible et très attachant en grand dadais ahuri, dégageant une candeur charmante dans son obsession amoureuse et la maladresse dans laquelle il se vautre en présence de Dorothy. Muet d'amour ou enchaînant les banalités tout en ne tenant pas en place (cette inconstance se reportant sur le terrain où il est un piètre gardien de but), l'acteur est confondant de naturel et l'empathie immédiate pour tous les grands timides. L’expérience documentaire de Bill Forsyth se ressent dans son approche. A part son enjeu amoureux, le film est dénué d'une vraie intrigue et se constitue plutôt de moments épars mettant en scène Gregory ou encore ses camarades tout aussi empotés que lui quant à la séduction. Hormis une brève rencontre avec le père de Gregory, les parents sont quasiment absents du récit, l'immaturité étant systématiquement rattachée à nos jeunes garçons en rut. Les filles semblent déjà beaucoup plus à leur aise dans leurs aspirations mais également la séduction (voir la longue scène finale où Gregory est désarçonné), même au plus jeune âge avec Madeline (Allison Forster), petite sœur de Gregory et conseillère de cœur. Une idée originale - reprise des lustres plus tard dans 500 jours ensemble de Marc Webb (2010) - qui contredit d'ailleurs le cliché des rapports fraternels conflictuels avec des charmantes scènes pleines d'esprit entre Gregory et Madeline, sans ajouter un caractère adulte forcée à cette dernière qui reste une fillette de dix ans certes très intelligente.

Le film captive ainsi dans sa chronique adolescente et son traitement naturaliste, réussissant à surprendre jusqu'au bout. L'adolescence est ici davantage constituée de moments de langueur et d'ennui dont on aura plus tard la nostalgie plutôt que de vrais pics émotionnels tel que décrits dans les trames des teen movies habituels. Dès lors, Forsyth désamorce la réunion amoureuse attendue lors du finale pour aller dans une autre direction. La versatilité adolescente est ainsi parfaitement saisie dans l'épilogue où l'objet de tous les désirs s'estompe pour laisser place à un autre que l’on n’a pas vu venir. Les regards énamourés et le bégaiement pour celle si inaccessible laissant place à une complicité, un naturel et un plaisir commun qui amènent une autre forme de romance plus significative de cette période de la vie. Un petit bijou qui deviendra un classique du cinéma britannique des années 80, remportant un grand succès y compris aux USA (où il est redoublé à cause des impayables accents écossais). Bill Forsyth lui donnera une suite tardive en 1999, Gregory's Two Girls.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 29 octobre 2021