Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Local Hero

L'histoire

MacIntyre, Américain célibataire vivant bien, avec une maison et une Porsche, doit aller en Écosse sur l'ordre de son patron, chef de Knox Oil qui veut construire une usine pétrochimique sur une plage du nord de l'Alba. Mac et un collègue doivent négocier avec les habitants qui, s'ils l'acceptent, n'auront plus rien mais seront riches. Mac sympathise petit à petit avec les habitants et apprécie de plus en plus les paysages, remettant ainsi en question la pertinence de sa mission.

Analyse et critique

Local Hero sera l'œuvre de la reconnaissance internationale pour Bill Forsyth après le salut critique et le succès local de ses deux premiers films, That Sinking Feeling (1979) et Gregory's Girl (1981). Dans ces deux films, Forsyth en abordant tour à tour le film de casse décalé ou la chronique adolescente amusée, montrait par la truculence de ses protagonistes un autre visage d'une Ecosse à l'arrière-plan social et urbain sinistre. Avec Local Hero, le réalisateur poursuit cette idée mais en adoptant le point de vue d'un personnage extérieur amené à être subjugué par l'Ecosse. Il s'agit de MacIntyre (Peter Riegert), un agent d'une compagnie pétrolière envoyé dans un village que celle-ci souhaite remplacer par une usine pétrochimique. Dans un premier temps, le récit semble donner dans le cliché, tant dans le cynisme de Mac en jeune yuppie arrogant que dans le cadre pittoresque du village (imaginaire) de Ferness. Cependant, Forsyth distille çà et là quelques éléments soulignant la solitude de cette vie de cadre dynamique (Mac célibataire et sans ami la veille de son départ) où la vacuité d'être en haut de la pyramide avec un Burt Lancaster délicieusement décalé.

Bill Forsyth n'invente pas avec Local Hero le postulat du citadin confronté à un environnement atypique, et d'autant plus en Ecosse puisque des classiques anglais comme The Maggie (1954) d'Alexander Mackendrick (1954) ou Je sais où je vais (1946) de Michael Powell et Emeric Pressburger sont passés par là. Cependant, le réalisateur sort des sentiers battus en évitant la facilité d’une caractérisation pittoresque des habitants. Les quelques moments attendus sont certes bien là (comme une scène de beuverie au pub) mais sans une construction classique allant de la confrontation à l'acceptation. Les habitants sont en effet largement ouverts à la manne de la compagnie en échange de leur logis, et notre héros mène tranquillement les négociations tout en s'imprégnant des lieux. C'est le décalage entre cette absence d'opposition et l'attachement qu'il se découvre pour cet environnement qui change peu à peu la perception. Mac se pose ainsi en observateur charmé par les mœurs locales - comme l'ardeur amoureuse de l'hôtelier Urquhart (Peter Lawson) et son épouse - et surtout par son cadre.

Le paysage est le vrai personnage secondaire du film, dans lequel Forsyth fond son héros qui s'y déleste progressivement de ses atours et de ses préoccupations citadines. Un somptueux panorama de plage en fin de jour perd sa silhouette dans le lointain avant de peu à peu l’y figer en plus grand, comme pour illustrer sa connexion avec cet espace, dans des séquences magiques telles qu’une pluie de comètes ou une aurore boréale. Forsyth donne un contour quasi féérique à ces passages, à leur épiphanie nocturne répondant une humeur bucolique de jour - et une photo fabuleuse de Chris Menges dans les deux cas - lorsque son associé Oldsen (Peter Capaldi) tombera amoureux de la belle océanographe Marina (Jenny Seagrove). La majesté grandiose se conjugue à des détails plus anodins (l'insert sur la montre de Mac laissée dans l'eau, ce dernier anticipant les raids à moto du chauffard local...) pour nous signifier l'intégration au village, aux us et coutumes de cette communauté.

Local Hero est donc un film à l'équilibre parfait entre humanisme et pure atmosphère (qui évite l'autre cliché qui guettait, celui mythologique/mystique) doté d'une trame volontairement lâche qui laisse les choses se dérouler sans conflit. Ainsi, le premier obstacle au projet intervient dans les dernières minutes (soit quand plus personne ne souhaite le voir se réaliser) et le rebondissement potentiel autour du mensonge amoureux entre Oldsen et Marina est désamorcé avant même d'avoir pu exister. Ce village, cette plage, ces récifs et ces attachants habitants constituent un arrêt paisible (le personnage du pêcheur russe, le pasteur africain) dans un monde matérialiste, ou un appel pour ceux qui en sont las avec l'arrivée triomphale du personnage de Burt Lancaster lors du finale. Une réussite qui sera un immense succès en Angleterre (où il raflera le BAFTA du meilleur réalisateur) et aux Etats-Unis où il sera distribué par la Warner.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Justin Kwedi - le 25 novembre 2022