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Critique de film
Le film
Affiche du film

Quantez, leur dernier repaire

(Quantez)

L'histoire

Cinq cavaliers traversent le désert à vive allure ; on apprend qu’il s’agit d’une bande de hors-la-loi fuyant les hommes du shérif après avoir accompli un hold-up qui a mal tourné et causé la mort du caissier de la banque. Les bandits espèrent passer rapidement au Mexique avec leur butin, mais leurs chevaux sont fourbus ; ils décident donc de s’arrêter dans la ville de Quantez, proche de la frontière mexicaine, pour faire reposer leurs montures. Ils sont très étonnés en y arrivant de constater qu’elle est devenue une ville-fantôme mais comprennent rapidement que ses habitants ont fui à cause des Apaches repartis sur le sentier de la guerre. Les Indiens sont d’ailleurs tout près et attendent le lever du jour pour attaquer le petit groupe. Le fourbe Gato (Sydney Chaplin), l’un des hommes du gang, vient retrouver les Apaches à la nuit tombée pour leur proposer de trahir ses acolytes afin que l’argent dérobé serve à la cause indienne ; il fut en effet élevé par les Indiens et il leur en est depuis toujours reconnaissant. Pendant ce temps, dans le saloon où ils ont décidé de passer la nuit, la tension règne entre les autres membres de la bande. Cette dernière est composée du brutal et vicieux Heller (John Larch), le chef, qui a amené avec lui Chaney (Dorothy Malone), sa maîtresse, de Teach (John Gavin), un jeune fou de la gâchette, ainsi que de Gentry (Fred MacMurray), un homme peu bavard qui semble garder un secret bien enfoui sur sa réelle identité. Heller a du mal à garder son autorité et à maintenir le calme d’autant que la blonde Chaney tente de faire tourner toutes les têtes, espérant trouver un homme avec qui s’enfuir loin de son vindicatif amant dont elle n’arrive pas à se défaire...

Analyse et critique

Je me répète et l’ai déjà écrit à maintes reprises, mais cela se confirme au fur et à mesure de mon visionnage d’une majorité de westerns américains par ordre chronologique de leur sortie en salles aux USA : l’âge d’or de la série B westernienne chez Universal est désormais bien derrière nous en cette année 1957. Un âge d’or révolu que je fais s’étendre de 1948 à 1953, période au cours de laquelle les aficionados étaient quasiment certains (tout du moins dans une très large proportion) de prendre énormément de plaisir à la vision d’un western produit par le studio. Ensuite, à vue de nez, le rapport semble être descendu à environ 50 % de chances d’arriver à se réjouir devant une de ces séries B en Technicolor ; soit elles se révélaient de plus en plus bâclées (oubliant qu’avaient été "interdits" durant cette précédente époque bénie les transparences durant les scènes d’action ainsi que les décors studios étriqués pour les extérieurs nuits) ou bien alors négligeaient l’essentiel, de nous divertir justement, se prenant parfois trop au sérieux en voulant imiter les "sur-westerns" prestigieux des grandes compagnies comme c’est le cas pour ce film signé Harry Keller. Après avoir été un monteur prolifique durant les années 40 (notamment sur le très beau L'Ange et le mauvais garçon avec John Wayne), Keller travailla à de nombreuses reprises pour le genre, mettant en scène une dizaine d’obscurs westerns de série B (voire Z) pour la Républic, qui ne sont d’ailleurs jamais sortis dans notre contrée. Quantez est le premier de sa série de quatre westerns réalisés pour la Universal ; les deux derniers, les plus connus, ont tous deux Audie Murphy comme acteur principal. Fred MacMurray jouera en revanche de nouveau dans celui qui se situe entre Quantez et les deux sus-cités, La Journée des violents (Day of the Badman). Tous étant sortis en DVD, nous aurons bientôt l'occasion de revenir sur ce cinéaste méconnu.

Un petit groupe se retrouvant malgré lui cloitré dans un lieu étriqué ; les Indiens à l'extérieur menaçant de les attaquer d’un moment à l'autre ; une femme qui attise la convoitise de tous ses compagnons d'infortune ; la montée de la suspicion, de la jalousie, des traîtrises... Une situation assez connue des amateurs de westerns Universal qui se souviennent pour le pire de Soulèvement en Arizona (Stand at Apache River) de Lee Sholem, et pour le meilleur du cultissime Quand les tambours s'arrêteront (Apache Drums) de Hugo Fregonese, tous deux avec pour acteur principal Stephen McNally. Un postulat de départ destiné à mettre en scène un huis clos plein de tension au cours duquel les protagonistes vont se déchirer. Pour qu’un tel film avec unités de temps et de lieu soit réussi, il faut selon moi un scénario rigoureux, des dialogues cinglants, une mise en scène imparable et des comédiens chevronnés. Malheureusement ce n’est pas le cas pour ce Quantez, pourtant très apprécié par Bertrand Tavernier qui, paradoxalement, n’est pas très tendre envers les "sur-westerns" psychologiques de John Sturges, alors que selon moi des films comme Le Trésor du pendu (The Law and Jake Wade) ou Le Dernier train de Gun Hill (Last Train from Gun Hill), pour ne parler que de ses westerns "approchants", fort axés sur la psychologie, ne boxent absolument pas dans la même catégorie: ils sont très nettement supérieurs, autrement plus captivants, autrement plus stylés et mieux rythmés. Pour en revenir au film de Harry Keller, après des scènes d’exposition en extérieurs qui attirent l’attention par l’efficacité de la mise en scène et la beauté des paysages traversés assez bien mis en valeur, dès l’arrivée à Quantez d’où les protagonistes ne partiront plus, il devient très rapidement aussi laborieux que sentencieux, statique, intempestivement bavard et pour tout dire péniblement théâtral. Du mauvais théâtre !

En effet, la psychologie des personnages n’est guère poussée et les dialogues peu enthousiasmants. Dans le même style, l’intéressant scénariste R. Wright Campbell avait bien mieux maitrisé son intrigue pour le premier film de Roger Corman, Cinq fusils à l’Ouest (Five Guns West) ; et son précédent western écrit pour Fred MacMurray, Une arme pour un lâche (Gun for a Coward) d’Abner Biberman, se révélait bien plus attrayant. De plus, hormis Fred MacMurray très bien en gunfighter fatigué, le reste du casting est loin d’être concluant : d’un côté John Gavin et plus encore Sydney Chaplin s’avèrent totalement transparents, alors qu’au contraire Dorothy Malone et John Larch en font des tonnes sans jamais nous convaincre. Toutes les cinq minutes, les auteurs font sursauter l’actrice en lui faisant pousser des cris pénibles de frayeur alors que John Larch, grimaçant jusqu’à plus soif, se prend pour Dan Duryea sans jamais lui arriver à la cheville ; résultat, au lieu d’être effrayant, Larch devient très vite risible et du coup la tension n’arrive jamais à s'installer. Ce n’est pas l’arrivée fantomatique de James Barton au milieu de l'histoire qui arrange quoi que ce soit, son personnage n’apportant rien de spécial à l’intrigue ni même au film, si ce n’est quelques minutes de chansons accompagnées à la guitare, guère plus enthousiasmantes que le True Love horriblement interprété par Dorothy Malone et qui écorchera quelques oreilles au passage. Mais à la limite, on préfère encore les séquences se déroulant dans le saloon même si elles sont bizarrement éclairées (comme si nous étions sur une scène de théâtre) à celles au cours desquelles le terne Sydney Chaplin en sort pour aller discuter avec les Indiens. Ces scènes sont non seulement strictement inintéressantes mais également filmées dans des décors de studio qui n’auraient pas dépareillé dans une série Z, avec rochers en carton et fond nocturne totalement factice. Plutôt désagréables à regarder, elles nous font totalement sortir du film.

Dommage que ce Quantez soit à ce point raté, artificiel, pompeux et enfin pénible par trop de redites, car Harry Keller s’en sort plutôt bien en revanche dans sa mise en scène ; grâce à lui, les dix dernières minutes, qui débutent alors que le jour se lève, nous sortent de notre ennui et de notre torpeur. Elles devraient certainement aussi recevoir l'aval des amateurs d’action car bien filmées, bien montées et correctement réalisées, bref, plutôt efficaces. Les Indiens au galop ont de l'allure et l’idée du pont suspendu coupé en deux, les deux parties tombant verticalement le long des falaises, s'avère une belle trouvaille aussi bien scénaristique que visuelle. Un honnête Fred MacMurray, dix premières et dix dernières minutes plutôt plaisantes ne suffiront malheureusement pas à faire oublier la laborieuse majeure partie de ce film dont on a hâte qu'il se termine malgré sa courte durée. Mais je pense sincèrement que certains amateurs de huis clos devraient pouvoir y trouver matière à réjouissances ; Bertrand Tavernier est là (dans les bonus du DVD) pour le confirmer.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Erick Maurel - le 28 juin 2014