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Critique de film
Le film
Affiche du film

De la part des copains

L'histoire

Après la guerre de Corée, Joe Martin vit avec sa femme Fabienne retiré sur la côte d’azur, où il fait faire des tours de bateau à de riches touristes. Un jour, son passé ressurgit quand une bande de tueurs menés par le capitaine Cross fait irruption chez lui. Une fois, Martin les avait trahis alors qu’ils s’évadaient d’une prison militaire. Les hommes de Cross veulent lui faire payer cette trahison, et Martin va devoir protéger sa famille.

Analyse et critique

Après avoir passé près de vingt ans à enchainer les seconds rôles, au cinéma comme à la télévision, Charles Bronson accède à la notoriété à la fin des années soixante, principalement grâce à ses prestations remarquées dans Les Douze salopards de Robert Aldrich et dans Il était une fois dans l’ouest. Ce tournage avec Sergio Leone ouvre pour l’acteur une période européenne, durant laquelle il multipliera pendant cinq ans les premiers rôles en France, en Italie et en Angleterre, notamment devant les caméras de René Clément (Le Passager de la pluie) ou de Sergio Sollima (La Cité de la violence). Les producteurs français voient alors en lui une sorte d’Eddie Constantine moderne, un acteur américain qui viendra donner une touche d’exotisme aux films hexagonaux tout en apportant une dimension physique supplémentaire. Avec le recul, il s’agit certainement de la période la plus faste pour l’acteur du point de vue artistique puisqu’il tournera également à ce moment-là ses premiers films avec Michael Winner jusqu’à l’explosion Un justicier dans la ville qui fera de lui une star mondiale tout en en sonnant le glas, l’acteur s’enfermant alors dans le personnage de Paul Kersey ou de ses avatars, le transformant en une rente juteuse.

Cette période européenne s’inscrit en plein âge d’or des coproductions. France, Italie, Belgique, Allemagne s’allient pour produire des films au casting luxueux et aux moyens conséquents, un système étonnamment disparu aujourd’hui. C’était alors l’occasion pour les producteurs de monter des films pouvant toucher un marché plus vaste, et pour le public de voir à l’écran des constellations de stars. De la part des copains s’inscrit dans ce contexte : une coproduction franco-italo-belge, mise en scène par Terence Young, vétéran du cinéma anglais notamment connu pour avoir été aux commandes de trois des quatre premiers James Bond, et interprété par un casting international comprenant Liv Ullman, James Mason, Michel Constantin et donc Charles Bronson. L’histoire est une série noire adaptée d’un livre de Richard Matheson, plus connu pour ses œuvres de science-fiction, qui met en scène un vétéran de la guerre de Corée retiré sur la Riviera qui voit son passé le rattraper. Le scénario aurait pu exploiter la dimension morale de la situation et la culpabilité de Joe Martin, le personnage interprété par Bronson, mais Albert Simonin et Shimon Wincelberg font totalement l’impasse sur cette dimension. Un manque d’épaisseur regrettable pour la profondeur du film, mais qui bénéficie finalement à son atmosphère détendue, qui joue essentiellement la carte du divertissement et met en valeur le calme et la science de l’action de Bronson. A tous points de vue, on peut d’ailleurs qualifier le scénario de léger, faisant parfois l’impasse sur certaines explications, ou proposant des situations pas toujours crédibles. Une limite évidente du film, mais que l’on ne ressent finalement pas au visionnage comme un défaut rédhibitoire.


L’essentiel est ailleurs dans De la part des copains, dans des personnages bien cadrés et dans l’exploitation du très beau décor ensoleillé de la Côte d’Azur. C’est d’ailleurs la seconde partie du film qui est la plus plaisante, alors que l’action se déplace dans les montagnes et une petite cabane appartenant à Joe Martin dans laquelle se noue le drame. Terence Young, réalisateur capable même s’il n’est pas un auteur identifiable, exploite particulièrement bien ce décor lumineux qui sert de toile de fond au morceau de bravoure du film, une longue et spectaculaire poursuite alors que Joe Martin est entraîné dans une course contre la montre pour sauver sa compagne. La séquence, réglée par l’inévitable Rémi Julienne, est originale par son cadre et brille par son intensité. Il faut d’ailleurs souligner la qualité de l’essentiel des séquences d’action du film, qui si elles ne sont pas nombreuses sont toujours réussies et filmées au plus près des acteurs, Bronson assurant lui-même ces scènes et contribuant à leur réglage. A ce titre, par exemple, l’intense confrontation entre Bronson et Michel Constantin au début du récit, qui met en valeur les qualités athlétiques des deux acteurs et installe parfaitement De la part des copains dans le ton qui sera maintenu par Young jusqu’à la fin du film : celui d’un sympathique divertissement d’action.

L’autre plaisir du film est évidemment son défilé d’acteurs. Si l’on exclut d’emblée Jill Ireland, imposée comme d’habitude au casting par son époux Charles Bronson et plutôt à côté de ses pompes dans la peau d’un personnage oubliable, il est forcément plaisant de croiser tous les autres visages d’un très beau casting. Il faut notamment souligner la qualité de l’interprétation de Michel Constantin, parfaitement crédible dans le rôle fugace d’un gros dur américain, ainsi que celle de Jean Topart, parfait en légionnaire déséquilibré qui vole la vedette dans la seconde partie du film et apporte par son jeu un peu de profondeur au film. Et puis il y a bien sûr Bronson, parfait dans son rôle de personnage cool et mutique, dont on devine la puissance physique. Terence Young l’utilise parfaitement, jouant de son charisme bien plus que de ses talents d’acteur limités, et cette collaboration se poursuivra d’ailleurs puisque Bronson retrouvera Young l’année suivante avec Soleil Rouge et deux en plus tard en 1972 avec Cosa Nostra. Il ne faut pas chercher un chef-d’œuvre avec De la part des copains mais un bon divertissement, particulièrement dans son dernier tiers, intense et efficace, avec entre autres une très belle séquence de cache-cache entre Topart et Liv Ullman qui s'évade pour quelques scènes des chefs-d’œuvres bergmaniens pour cette petite série sans prétention, mais particulièrement plaisante.

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La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 4 novembre 2019