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Critique de film
Le film
Affiche du film

Contre une poignée de diamants

(The Black Windmill)

L'histoire

Sur une base militaire, deux enfants sont enlevés par des malfrats grimés en militaires. L’un d’eux est le fils d’un espion du MI6, John Tarrant, impliqué dans une mission d’infiltration d’une branche de l’IRA. Les criminels réclament un contact avec le supérieur hiérarchique de Tarrant et demandent qu’on leur livre un stock de diamants prévue pour traiter une autre opération de contre-espionnage.

Analyse et critique

Au début des années 70, Don Siegel surfe sur le succès de L’inspecteur Harry, qui lui a offert une confiance totale des studios. Il en profite d’abord pour tourner Tuez Charley Varrick, film qui lui tient à cœur et restera comme l’une des plus grandes réussites de sa filmographie, malgré un échec public à sa sortie. Il enchaîne en étant choisi pour diriger Contre une poignée de diamants, adaptation d’un roman de Clive Egleton, dont les droits avaient été achetés avant même la publication du livre par le duo de producteurs Richard D. Zanuck-David Brown. Dès sa prise de commande, le cinéaste impose une réécriture immédiate du scénario par Leigh Vance, spécialiste des séries télévisées, ainsi que la présence au casting, dans le premier rôle, de Michael Caine aux dépends notamment de Edward Fox, désiré par les studios à la suite du succès de Chacal, de Fred Zinnemann. Des éléments qui en font clairement un film de Don Siegel, pour ses défauts comme pour ses qualités, qui nous semblent dominantes dans ce sympathique film mêlant espionnage et thriller paranoïaque.


Contre une poignée de diamants suit John Tarrant, un agent du contre-espionnage anglais, le MI6, dont le fils a été enlevé par des malfrats, qui s’en servent comme d’un moyen de pression pour obtenir des diamants stockés par le supérieur hiérarchique de Tarrant. Ce dernier finit par être soupçonné d’être complice de l’affaire, et va devoir se battre seul pour libérer son fils et faire éclater la vérité. Le contexte est donc celui d’un service d’espionnage avec l’influence nette de la saga des James Bond. Une influence explicitée dans la séquence où Donal Pleasence, interprète du vilain Blofeld dans On ne vit que deux fois, essaie un gadget, une valise tirant des explosifs. Une séquence quasi emblématique des films inspirés par le personnage de Ian Flemming, qui n’aurait pas dépareillé dans un opus de la série. Dans le même temps l’isolement progressif du personnage principal, qui ne sait plus à qui se fier, installe une atmosphère oppressante, typique du cinéma paranoïaque de son époque et qui n’est pas sans évoquer une version assagie des Trois jours du Condor, qui sortira l’année suivante. Siegel signe ainsi une œuvre hybride, parfois légère, notamment dans sa première partie, parfois plus sombre, et se mélange est peut-être la véritable limite de Contre une poignée de diamants qui semble peiner à trouver son ton, avant de se resserrer sur son personnage principal et son intrigue dans sa seconde partie, plus efficace.



Le moment le plus réussi est toutefois probablement son ouverture. D’abord des malfaiteurs grimés en militaires dans une fausse base, qui enlèvent des enfants. Puis Tarrant qui se fait passer pour un ex-prisonnier afin d’infiltrer un réseau de terroristes, dont on comprend rapidement qu’ils sont en fait les malfrats de la première séquence, et probablement pas les indépendantistes imaginés par le MI6. Un jeu de dupes, aux masques multiples, dans lequel on ne sait jamais qui est qui. Siegel brouille les valeurs, joue sur la confusion entre le bien et le mal pour installer une atmosphère perturbante, et positionner le spectateur aux côtés de son personnage principal, en quête de vérité. La première heure se déroule ensuite sans réelle action. Siegel tisse la toile d’un piège qui se renferme lentement autour de son personnage. Malgré les limites évoquées plus haut, cette construction se fait efficacement, sans jamais ennuyer les spectateurs. Elle pose les jalons indispensables aux 45 dernières minutes, durant lesquelles le rythme s’accélère nettement, lorsque Tarrant passe à l’action : casse, aller-retour à Paris, course poursuite et final visuellement marquant, dans le moulin noir qui donne au film son titre original (The black windmill). Pour son premier film européen, Siegel crée une ambiance très anglaise, et Contre une poignée de diamants ne peut renier une filiation directe avec l’œuvre du maître du suspense, Alfred Hitchcock. Un lien qui se concrétise plusieurs fois clairement, avec notamment le kidnapping faisant écho à L’homme qui en savait trop, ou le final dans un moulin rappelant Correspondant 17.



L’identité anglaise du film est aussi évidemment liée à l’identité de son interprète principal, Michael Caine. L’acteur est alors au sommet de sa carrière - songeons qu’il tourne quelques mois avant Le limier de Mankiewicz et quelques mois plus tard L’homme qui voulut être roi, de Huston – et il va apporter tout son talent à Contre une poignée de diamants. L’acteur brille par sa capacité à incarner simultanément à l’écran l’élégance de la bourgeoisie anglaise et la dureté de l’homme du peuple. Dans tous ses rôles, il saura osciller entre ces deux pôles, doser son attitude pour trouver l’exact équilibre du personnage. C’est le cas encore ici, où il compose un agent du MI6 qui se situe quelque part entre Harry Palmer, l’espion cérébral qu’il avait incarné alors dans 3 films visant à donner une alternative au personnage de James Bond, et le brutal Jack Carter de La loi du milieu. Caine parvient à rendre crédible le personnage de Tarrant, et ses deux facettes. Celle froide et calculatrice de la première partie du film étant suivi par une facette active, violente, prête à aller jusqu’au bout dans la seconde. Autour de Caine un casting étonnant. Outre Donald Pleasence déjà cité, et délectable en chef du contre-espionnage on retrouve Delphine Seyrig, arrivée dans la distribution à la dernière minute et qui donne un charme presque pervers à la compagne du leader des malfaiteurs. Ce rôle inhabituel dans la filmographie de l’actrice, plus connue pour un cinéma très exigeant, est une belle réussite, tout comme le second rôle incarné par John Vernon, qui impose sa présence convaincante en malfrat dangereux.


Contre une poignée de diamants est une belle illustration du talent de Don Siegel, celui d’un formidable artisan du cinéma, maîtrisant le suspense et l’action. Il sera toutefois un échec critique et public. Cinéaste dont la carrière avait débuté au milieu des années 40, Siegel montrait peut-être avec ce film un léger décalage avec son temps, et offrait un produit moins moderne que Chacal, ou Les trois jours du Condor. Malgré cela et ses menus défauts, il n’en reste pas moins un film plaisant, solidement mis en scène, et porté par un acteur remarquable.

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La fiche IMDb du film

Par Philippe Paul - le 23 septembre 2021