Critique de film
Le film
Affiche du film

Confession d'un tueur

(Showdown at Boot Hill)

L'histoire

Le Marshal Luke Welsh (Charles Bronson) arrive dans la petite ville de Mound City avec un mandat d’arrêt concernant Con Maynor, un homme recherché pour trois meurtres commis dans des Etats voisins. Il le retrouve facilement en train de diner dans un restaurant, flirtant un peu lourdement avec la jeune et timide serveuse Sally (Fintan Meyler). Ne voulant pas se laisser appréhender pour être reconduit à St-Louis où il sera jugé, le criminel dégaine et se fait tuer par l’homme de loi en état de légitime défense. Le juge reconnait le bon droit du Marshal mais, de même que tous les citoyens de la ville, refuse d’identifier le cadavre ; ce qui n’est pas du goût de Luke qui par ce fait ne pourra pas toucher sa prime de 200 dollars. Il va rester quelques jours en ville pour enquêter sur cette étrangeté, espérant que les langues se délieront ou que le bandit abattu aura ‘retrouvé son nom’ pour ses obsèques…

Analyse et critique

Pour les amateurs de westerns américains que nous sommes qui pensent en gros avoir vu la plupart de ce que le genre pouvait proposer de bon ou d’intéressant, il est toujours agréable de tomber sur un titre qui, même s’il ne payait à priori pas de mine, se révèle au contraire une excellente surprise. Vous aurez compris que c’est le cas concernant ce film du réalisateur Gene Fowler Jr., homme de cinéma moins réputé en tant que réalisateur que comme monteur, l'ayant été notamment pour Fritz Lang avec qui il travailla sur cinq films, et non des moindres, des Pionniers de la Western Union à La Cinquième Victime, Samuel Fuller (Quarante tueurs ; Le Jugement des flèches) Stanley Kramer (Un Monde fou, fou, fou pour lequel il sera nominé à l’Oscar) voire, toujours dans le domaine du western, Ted Post (Pendez-les haut et court) ou Elliot Silverstein (Un Homme nommé cheval). Il sera président de l’ACE (American Cinema Editors) durant les années 1965 et 1966 et sera également monteur pour non moins de 15 séries télévisées. Derrière la caméra, il signera seulement 8 films entre 1957 et 1978 dont les plus ‘connus’ se trouvent dans le domaine du cinéma fantastique : I Was a Teenage Werewolf ainsi que I Married a Monster from Outer Space.

Le western qui nous concerne ici marquera la première apparition de Charles Bronson en tête d’affiche après avoir joué de nombreux mémorables seconds rôles sous son nom d’artiste ou sous celui de Charles Buchinsky. On se souviendra surtout de sa collaboration avec Delmer Daves et notamment dans L’aigle solitaire ainsi que dans le magnifique Jubal. Il n’est donc pas étonnant de le trouver tout à fait crédible et à son aise dans ce Showdown at Boot Hill. Au vu de son titre original on pourrait penser tomber sur un film de vengeance pétaradant avec moults fusillades ; il n’en est rien ! Son titre d’exploitation belge (Confession d’un tueur) est également trompeur à moins que le Marshal qui court après sa prime soit considéré par les habitants comme un tueur par le statut de Bounty Hunter qu’ils lui attribuent. Quoiqu’il en soit les confessions seront délivrées à doses homéopathiques par l’homme de loi à la jeune femme qu’il a pris sous son aile. Car dès lors, Charles Bronson se distingue surtout par sa capacité à s’exprimer plus par les gestes et le regard que par la parole. [Attention, quelques spoilers à venir pour ceux ne désirant aucunement être privés d'effets de surprise] Dans Confession d’un tueur il interprète le rôle d’un homme de loi avec qui les habitants d’une petite ville refusent de coopérer par le fait qu’il ait tué l’un des citoyens les plus appréciés de la communauté. Même s’ils semblent connaitre son activité d’outlaw, ses concitoyens ne lui en tiennent pas rigueur par le fait qu’il joue au sein de leur bourgade le rôle d’un bienfaiteur : peu importe les actes répréhensibles qu’il commet ailleurs du moment que ça leur rapporte. En effet l’homme n’était pas avare en argent ou en bétail pour se faire bien voir et se faire respecter ; il pouvait d’autant plus jouer au bon samaritain, donner ou prêter à foison, qu’il avait tout volé et que rien ne lui appartenait légalement !

On peut le constater, les auteurs brossent un portrait peu reluisant des habitants de cette petite ville où rare sont ceux qui paraissent sortir du lot, presque tous participant à l'omerta sur l'identité du criminel abattu. A l'exception du personnage ‘multi-tâches’ interprété par un excellent John Carradine qui officie selon les moments en tant que docteur, barbier, croque-mort, philosophe ou prêcheur, qui d’emblée, dès les premières lignes de dialogue, précise son aversion pour ses concitoyens, juge et shérif compris, son peu d’optimiste concernant ses semblables voire l'humanité en général. Et également, comme dans de nombreux westerns des années 50, malgré le fait que le genre soit souvent considéré à tort comme misogyne, seules les femmes, dignes et loyales, s’en sortent la tête haute, ne participant pas aux bêtifiants mouvements de foule, les critiquant même vertement. Que ce soit la jeune serveuse qui tombe amoureuse du Marshall, comprenant ses failles et faiblesses et trouvant en lui un compagnon de solitude, quant à elle ayant toujours souffert de honte rapport au métier de sa mère ; celle-ci, prostituée au grand cœur qui finira tragiquement pour avoir voulu aider l’homme de loi poursuivi par la vindicte populaire ; l’épicière mexicaine qui souffre du racisme ordinaire tout en apportant sa bienveillance à ceux qui en ont besoin ; sans oublier la belle-sœur de l’homme tué en début de film qui n'est pas mécontente du sort de ce dernier, l'ayant toujours considéré comme un dangereux bandit et qui fera semblant de ne pas avoir vu le marshal s’enfuir afin qu’il ne soit pas rattrapé par les lyncheurs. Autant dire qu’au sein d’une population lâche et (ou) violente, seules quasiment des femmes refuseront de suivre la foule déchainée, allant même au contraire contrer cette hostilité ambiante, cette animosité délétère. Pour en revenir au personnage principal, sorte d’anti-héros qui se fiche bien du courage et de la bravoure, il s’agit d’un homme qui a toujours souffert de harcèlement et d’humiliation durant sa jeunesse (d’une part à cause de sa petite taille : sic !) et qui s’est en quelque sorte 'vengé' en devenant un tireur d’élite et un homme de loi. [fin des spoilers]

Si dans de nombreux cas, un point de départ aussi curieux qu’original peut ensuite vite ne pas faire long feu, il n’en est rien ici car le final que nous ne dévoilerons pas s'avère tout aussi inattendu et surprenant, entérinant de discréditer le titre original du film. Mais je vous laisse la surprise ! Entre temps nous aurons assisté à un beau et sobre western psychologique, romantique et urbain au suspense bien dosé et sans exagérément d’actions, "A Superior B Western" comme le décrivait Phil Hardy dans son insurpassable bible sur le western. Le film de Gene Fowler Jr. nous offre non seulement une intéressante et amère réflexion sur la loi, l'ordre, la morale et la violence, mais également une attachante romance entre deux personnages complexés, attirés par leurs mises à l’index respectives. Malgré quelques rares séquences surjouées, un peu mièvres ou exagérément mélodramatiques ainsi que deux ou trois comédiens moyennement convaincants, l’ensemble est supporté par une mise en scène assez recherchée, multipliant d'élégants mouvements de caméra qui appréhendent parfaitement bien les rues de la petite ville (décor l'année suivante de Warlock d'Edward Dmytryk), de longs et amples plans à la grue, une très belle photographie en noir et blanc et en cinémascope, une musique non sans lyrisme, des répliques assez cinglantes (voire même assez culottées pour l’époque dans le domaine des sous-entendus sexuels notamment) et un casting plutôt réussi, notamment, outre Charles Bronson et John Carradine qui n’ont plus rien à prouver, Carole Matthews et Fintan Meyler, toutes deux très attachantes. Merci à l’éditeur Sidonis et son boss Alain Carradore de nous avoir déniché pour la France cette curieuse et sensible réussite du western de série B.

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Confession d'un tueur
Combo Blu-Ray/DVD
 

Sortie le 12 février 2025
éditions Sidonis

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Par Erick Maurel - le 12 février 2025