Menu
Critique de film
Le film
Affiche du film

Barton Fink

Analyse et critique

Qui est Barton Fink, ce grand échalas à la coiffure improbable, au visage marqué par l’angoisse, qui semble vouloir disparaître derrière d’imposantes lunettes en écailles ? Qui est ce jeune écrivain de théâtre soudainement confronté au succès et qui, répondant aux sirènes de Hollywood, est tétanisé par l’idée de perdre sa voix dans l’industrie du film et qui ne parvient plus à écrire une seule ligne ? Les frères Joel et Ethan Coen bien évidemment, qui peinent à boucler le scénario de Miller’s Crossing et qui en trois semaines jettent sur le papier le scénario de ce film exorcisme. Les frères Coen, cinéastes indépendants par essence, qui au bout de trois films doutent de leur capacité à résister à la grande machine des studios. Avec Barton Fink, les deux frères signent leur film le plus personnel et intime. En s’inspirant de la trajectoire de Clifford Odets, ils parlent de leur propre rapport à Hollywood et plus largement du statut de créateur et d’artiste au sein de l’industrie de l'entertainement. Comme Odets, Barton Fink triomphe sur scène avec une grande œuvre théâtrale qui entend donner la parole à l’homme de la rue. Comme Odets, il quitte le microcosme artistique new-yorkais pour se rendre à Los Angeles et sent très vite que son talent et son intégrité n’y survivront pas. Les Coen parlent de l’angoisse de créer, de la solitude de l’artiste, de son isolement au sein d’une industrie où il peine à trouver sa place, à se faire entendre. Ils évoquent ces producteurs et agents avides de succès, constamment à la recherche d'artistes prometteurs qu'ils attirent dans leur giron.

Jack Lipnick est l’un deux, un peu Selznick, un peu Harry Cohn, démiurge qui règne en maître incontesté sur le monde du cinéma. Il a pour Barton un respect non feint, il admire son talent mais est paradoxalement incapable de lui offrir la possibilité de s'exprimer pleinement. Au contraire, il n'a de cesse que de le faire rentrer dans le rang, de faire taire cette voix singulière qu'il a en lui. Le film est ainsi hanté par les fantômes de ces grands écrivains qui se sont perdus à Hollywood, comme ce W.P. Mayhew, double à peine fantasmé de William Faulkner qui ne supportant pas de perdre son intégrité s'est noyé dans l’alcool. Pour faire vivre ce monde du cinéma, aussi fascinant qu'anxiogène, les frères Coen bénéficient d’un casting de rêve : John Turturro, complètement possédé par son personnage, Judy Davis, tragique et bouleversante en muse décatie, Tony Shalhoub et Steve Buscemi dans de délicieux seconds rôles... et bien sûr John Goodman, qui dévore littéralement l'écran et nous offre ici sa prestation la plus inoubliable. A cette galerie de personnages, il faut ajouter l'hôtel désertique, où l’on ne voit nul autre client que Barton et Charlie Meadows (John Goodman) et qui est comme il se doit un pur espace mental. Un lieu déliquescent, hanté de cris étouffés et de chuchotements, que la caméra parcourt en de lents travellings comme si elle cherchait une issue qui n'existait pas. Film labyrinthique, noir et fantastique, Barton Fink est un chef d’œuvre absolu, un idéal de cinéma qui vous hante à jamais et dont chaque nouvelle vision décuple la force.

Dans les salles


Film réédité par Mission Distribution

Sortie en salle : 21 septembre 2011

La Page du distributeur

En savoir plus

La fiche IMDb du film

Par Olivier Bitoun - le 1 septembre 2011