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Tops de la rédaction

Dresser le bilan d’un millésime cinéma, ce n’est pas seulement classer, en toute subjectivité, les films qui ont été soumis à notre regard pendant un an. C’est aussi tenter de mettre en avant ce que nous allons essayer de retenir de cette année, et placer celle-ci en perspective de celles qui l’auront précédée, pour voir comment l’actualité cinématographique et la cinéphilie (en particulier la nôtre, d’obédience « classique ») évoluent et se meuvent. À cet égard, plusieurs points méritent d’être signalés :

• il nous était arrivé, les années précédentes, de constater – en le déplorant – à quel point le septième art peinait à alimenter l’actualité autrement qu’à travers la rubrique, largement périphérique, des faits divers ou des polémiques. Il y aura certes eu, durant les toutes dernières semaines du mois de décembre, la mise en épingle médiatique de l’ « affaire Depardieu », mais le reste de l’année aura probablement été plus serein, et – quoiqu’on pense du film (et l’observation de nos classements individuels, plus bas, donnera des éléments de réponse) – le phénomène estival qu’aura été le succès de Barbie, avec les confrontations de points de vue qu’il aura pu susciter, en particulier auprès d’un public jeune et par le biais des réseaux sociaux, a pu confirmer que le septième art savait encore être un large vecteur, l’exhausteur collectif, de problématiques sociales et esthétiques qui disent quelque chose de notre époque.

• dans ce sillage, il convient de saluer que, sans encore retrouver les niveaux d’avant pandémie, la fréquentation des salles de cinéma françaises a augmenté de près de 19 % par rapport à l’année précédente, et que la tendance des professionnels est un peu moins à la morosité.

• au niveau international, l’année 2023 aura été marquée par l’accord trouvé, après 148 jours de grève, par les scénaristes américains, encadrant l’utilisation de l’IA et renégociant les relations avec les plateformes de streaming. On ignore encore, pour le moment, quelles seront les conséquences sur le long terme de cet accord, mais on ne peut que se réjouir, là encore, d’un apaisement général dans les relations entre les différents acteurs de la création cinématographique, selon une volonté apparente de médiation dont – sur le registre différent, qui nous avait lui aussi interpellé ces dernières années, de la diffusion des films produits par les plateformes – l’accord entre Paramount et Apple pour la sortie en salles du film de Martin Scorsese, Killers of the flower moon, a été un autre symptôme.

•  enfin, il y a un an presque jour pour jour, lorsque nous avions cédé à ce rituel du bilan concernant l’année 2022, nous avions décidé de concentrer notre énergie à la mise en avant de la qualité de la production de l’année écoulée, en particulier concernant le cinéma hexagonal. Avec à peine moins d’enthousiasme cette année, insistons une nouvelle fois sur la belle santé de notre cinéma, qui place six films, pour la plupart réalisés par de jeunes (voire de très jeunes) cinéastes, parmi les dix que nous avons décidé de retenir. Et au sein de ce cocorico, accordons une mention spéciale à la découverte ahurie d’un comédien présent dans trois de ces films : on ne sait pas, là non plus, ce que la suite de la carrière de Raphaël Quenard réserve, mais il aura indubitablement été, pour plusieurs d'entre nous, la plus belle rencontre de l’année.

Au niveau thématique, on retiendra subjectivement deux lignes de force, a priori parallèles mais certainement pas contradictoires.

La première, en particulier sur les premières semaines de l’année, aura vu plusieurs cinéastes étrangers expérimentés (Steven Spielberg et Damien Chazelle pour ceux qui figurent dans notre anthologie, on pourrait rajouter Sam Mendes avec son Empire of light) fournir des œuvres dont la vocation, au-delà du simple regard nostalgique, était d’exalter la nature même du miracle cinématographique, de témoigner de cette épiphanie dont ils avaient été témoins jeunes spectateurs et dont ils se font désormais un devoir de rappeler la vigueur. 

Ce que le cinéma peut, cela aura aussi été le sujet, de façon connexe, d’une scène centrale de Vers un avenir radieux de Nanni Moretti (avec cette leçon d’éthique de mise en scène à un jeune cinéaste), du très surprenant insert métafilmique des Herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan (rappelant le pouvoir du cinéma à montrer ce qui n’est pas visible) ou du projet même de Killers of the flower moon, entreprenant de redonner enfin, par un biais spectaculaire, sa dignité à toute la nation Osage.

La deuxième, en apparence plus spécifique au cinéma français, aura été la question de la justice, évidemment centrale dans des films comme Le Procès Goldman, Anatomie d’une chute (avec ces scènes de prétoire, parmi les plus dynamiques que le cinéma nous ait fournies depuis longtemps) ou Je verrai toujours vos visages (qui décrit les modalités de la justice restaurative avec équilibre et finesse), mais qui irrigue évidemment également, à travers sa dimension historique, des films comme L’Enlèvement ou - là-encore - Killers of the flower moon.

Rappeler l’importance du cinéma – et nous amener à nous interroger sur ce qui est juste.

Voilà, en somme, le condensé essentiel de notre année cinématographique. Car ces onze films, à nos yeux, ne sont pas juste du cinéma. Ils illustrent à nos yeux la puissance inouïe du cinéma quand il parvient à être aussi juste.

LE CLASSEMENT DE LA RÉDACTION

1.  The Fabelmans (Steven Spielberg)



L'un des plus importants cinéastes vivants raconte la naissance de sa vocation,
et rend grâce à la magie du septième art.
Steven Spielberg, abonné à nos classements annuels, n'avait jamais eu

l'honneur d'une première place. Le tort est corrigé.
 
2. Je verrai toujours vos visages (Jeanne Herry)



Après Pupille, Jeanne Herry confirme sa maestria dans l'art du film choral,
offrant un panorama complexe, élégant, admirablement écrit et interprété,
d'une problématique sociale majeure. Un film lumineux.



3. Anatomie d'une chute (Justine Triet)



La Palme d'Or cannoise nous a impressionné par la complexité de son écriture,
et par son habileté à entremêler les niveaux de lecture ou de narration. 
Mention également à Sandra Hüller, sidérante.



4.. The Quiet Girl (Colm Bairéad)



Ce film irlandais (presque intégralement en langue gaélique), comme sorti de nulle part,
nous a cueilli par sa sensibilité, la splendeur de sa photographie...

et ses derniers instants, peut-être les plus beaux de l'année.


5. Babylon (Damien Chazelle)



La rédaction aura été partagée face au film de Damien Chazelle - 
mais à l'heure des bilans, ce geste cinématographique spectaculaire, un peu fou,
demeure l'un des plus importants de l'année.
 
 

6. Le Règne animal (Thomas Cailley)



Neuf ans après Les Combattants (que nous avions classé 8ème en 2014),
Thomas Cailley confirme l'essai, avec une oeuvre atypique,
qui mélange habilement formes et genres. Ce garçon a du talent.



7. (ex aequo) Chien de la casse (Jean-Baptiste Durand)


Un premier long-métrage très maîtrisé, qui porte un regard salutaire,
honnête et drôle à la fois, sur la jeunesse rurale
Le casting épate, Raphaël Quenard en premier lieu.


7. (ex aequo) Yannick (Quentin Dupieux)



Un film parfaitement tenu, plus riche qu'il n'y paraîtrait, qui aura
réconcilié les amateurs fidèles et les quelques détracteurs de Quentin Dupieux.
Et là encore, Raphaël Quenard...



9. Killers of the flower moon (Martin Scorsese)



L'efficacité de la forme, la qualité de l'interprétation,
ou encore la complexité de l'approche narrative
font de ce film ample l'un des événements incontournables de l'année.



10. Le Procès Goldman (Cédric Kahn)

 

Un film d'une grande rigueur et d'une remarquable précision,
où le passé résonne avec l'actualité,
porté par l'interprétation habitée d'
Arieh Worthalter.  

LES CLASSEMENTS INDIVIDUELS

NICOLAS BERGERET

1.The Killer (Fincher)
2.Tàr (Field)
3. L'Enlèvement (Bellocchio)
4. L'amour et les forêt (Donzelli)
5. Misanthrope (Szifrón)
6. Babylon (Chazelle)
7. Les filles d'Olfa (Ben Hania)
8. Vincent doit mourir (Castang)
9. Simple comme Sylvain (Chokri)
10. Love Life (Fukada)

STEPHANE BEAUCHET

1. The Quiet Girl (Bairéad)
2. The Fabelmans (Spielberg)
3. Simple comme Sylvain (Chokri)
4. Nostalgia (Martone)
5. Je verrai toujours vos visages (Herry)
6. Le Procès Goldman (Kahn)
7. Le Marchand de sable (Achiepo)
8. Little Girl Blue (Achache)
9. Il Boemo (Vaclav)
10. L'Amour et les forêts (Donzelli)
11. Anatomie d'une chute (Triet)
12. Le Règne animal (Cailley)
13. Burning Days (Alper)
14. Dernière nuit à Milan (Di Stefano)
15. Killers of the Flower Moon (Scorsese)

JUSTIN KWEDI

1. Babylon (Chazelle)
2. Suzume (Shinkai)
3. The First Slam Dunk (Inoue)
4. Le Règne animal (Cailley)
5. About Kim Sohee (Jung)
6. Limbo (Soi Cheang)
7. Les Ombres persanes (Haghighi)
8. Eternal Daughter (Hogg)
9. Anatomie d'une chute (Triet)
10. Beau is Afraid (Aster)
11. Chien de la casse (Durand)
12. The Quiet girl (Bairéad)
13. Tar (Field)
14. Killers of Flowers Moon (Scorsese)
15. Le Procès Goldman (Kahn)

ERICK MAUREL

1. The Fabelmans (Spielberg)
2. Chien de la casse (Durand)
3. Anatomie d'une chute (Triet)
4. Je verrai toujours vos visages (Herry)
5. Oppenheimer (Nolan)
6. Le Procès Goldman (Kahn)
7. Yannick (Dupieux)
8. Divertimento (Mention-Schaar)
9. Nostalgia (Martone)
10. 16 ans (Lioret)
11. Fifi (Aslan & Paul)
12. Le Grand chariot (Garrel)
13. Jeanne du Barry (Maïwenn)
14. The Killer (Fincher)
15. The Quiet Girl (Bairéad)

ANTOINE ROYER

1. Les Herbes sèches (Ceylan)
2. Le Règne animal (Cailley)
3. Je verrai toujours vos visages (Herry)
4. The Fabelmans (Spielberg)
5. The Quiet Girl (Bairéad)
6. Chien de la casse (Durand)
7. Babylon (Chazelle)
8. L'Enlèvement (Bellocchio)
9. Killers of the flower moon (Scorsese)
10. Yannick (Dupieux)
11. Tàr (Field)
12. Vers un avenir radieux (Moretti)
13. Le garçon et le héron (Miyazaki)
14. Winter Break (Payne)
15. Anatomie d'une chute (Triet)

JEAN GAVRIL SLUKA

1. Killers of the Flower Moon (Scorsese)
2. Asteroid City (Anderson)
3. Yannick (Dupieux)
4. Passages (Sachs)
5. Désordres (Schäublin)
6. Showing Up (Reichardt)
7. Toute la beauté et le sang versé (Poitras)
8. Master Gardener (Schrader)
9. Eternal Daughter (Hogg)
10. Le Garçon et le Héron (Miyazaki)
11. Anatomie d'une chute (Triet)
12. Terrifier 2 (Leone)
13. L'Arbre aux Papillons d'Or (Pham)
14. Vers un avenir radieux (Moretti)
15. Infinity Pool (Cronenberg)

Par Dvdclassik - le 8 janvier 2024