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Portraits

Portrait de robert flaherty

Petit-fils d’émigré irlandais, Robert  Flaherty est né en 1884 dans le Michigan, aux Etats-Unis. A douze ans, il suit son père, directeur d’une exploitation minière, dans les forêts du Canada. Après un bref séjour au collège dont il sera exclu, il dira être revenu “à la terre magique des Indiens, des forêts épaisses et des courants mystérieux”. L’école des Mines lui ouvre toutefois une carrière de prospecteur dans le grand Nord canadien. C’est ainsi que, de 1910 à 1916, il dirige cinq expéditions depuis la vaste baie d’Hudson jusqu’au Labrador. Il y découvre la vie fascinante des Esquimaux. Au terme de journées épuisantes, la nuit, dans la solitude des igloos, il commence à écrire le récit de ses aventures.

Un jour, il emporte une caméra dans ses bagages et se met à filmer tout ce qu’il voit lors de ses déplacements. Pendant trois ans, il partage la vie des Inuits, avec ses dangers quotidiens et cette lutte incessante pour survivre. Le film qu’il a tourné à cette occasion brûlera par accident, en cours de montage. Mais Flaherty n’en a cure, jugeant ce premier essai trop pittoresque. Se détournant de son travail de prospecteur de minerai, il décide de revenir dans le Nord faire un film sur la vie des Esquimaux. Sa rencontre à la fin de la guerre avec le capitaine Thierry Mallet lui donnera les moyens de réaliser son projet. Celui-ci travaille pour la société française Révillon qui importe des fourrures et accepte de financer le film pour servir sa publicité.

Nanouk l’Esquimau est achevé en 1922. Il est d’abord méprisé par les distributeurs, avant que la société Pathé, pleine d’appréhension, n’assume sa diffusion. Ce sera le premier et l’un des rares documentaires à déplacer les foules. Pour la première fois, la vie d’un peuple exotique n’est pas présentée comme quelque phénomène pittoresque, lieu commun des relations de voyage qui à cette époque encombraient les écrans, mais comme un mode de vie ayant sa propre cohérence. Les personnages étaient acteurs de leur propre vie. En filmant dans des lieux réels, avec les gens qui y vivaient, Flaherty ouvre la voie à une nouvelle façon d’envisager le cinéma, dont se revendiqueront les pionniers du film documentaire. Flaherty signera ainsi trois biographies de peuples : Nanouk, Moana, et L’Homme d’Aran, tournées respectivement au Canada, en Polynésie et en Irlande. On les a appelées “films de l’esprit de l’homme”.

Le réalisateur américain acquiert une notoriété mondiale dès son premier film. Toutefois, cet immense succès le désignera aussi, bien malgré lui, comme une valeur commerciale que les compagnies tenteront de plier aux exigences de la production de série. Mais, en humaniste qui attend du cinéma qu’il favorise la compréhension mutuelle des peuples, Flaherty s’opposera toujours aux pressions l’incitant ainsi à donner dans l’exotisme. Vivant son art comme une technique assez simple à maîtriser, avec l’aide des autochtones qu’il forme lui-même sur le tas, il ne supporte pas l’absurdité des lourdes équipes de tournage, ni leur comportement avec les acteurs locaux. Il refuse aussi que l’on ajoute à son travail des scènes romanesques incompatibles avec sa vision. Ces divergences amèneront le cinéaste à abandonner plusieurs tournages en cours, comme Ombres blanches sur les mers du Sud en 1928, ou Elephant Boy en 1936.

Ces positions tranchées vont bientôt le placer, dans son propre pays, sur la liste noire des producteurs. De sorte que pour travailler, il devra s’exiler plusieurs années en Europe. Après son retour aux Etats-Unis, marqué par l’essai malheureux d’une commande du ministère de l’Agriculture – The Land, film sur la crise du monde rural, jamais diffusé parce que jugé trop pessimiste –, il est contraint à une longue période d’inactivité cinématographique, avant de pouvoir réaliser à la fin de sa vie, son dernier film d’auteur : Louisiana Story.

Assurément, cette indépendance d’esprit le privera de la réussite et de l’œuvre plus monumentale encore qu’il aurait pu nous laisser. Face à l’hostilité d’Hollywood, de nombreux témoignages d’admiration et d’amitié, dont ceux de Charlie Chaplin et de Jean Renoir, lui seront toutefois d’un précieux soutien. Flaherty disparaît discrètement, dans un petit village du Vermont, en 1951, alors que le succès de son dernier film était de nature à lui ouvrir de nouveaux horizons.

Robert Flaherty sur DVDClassik

Dossier : Sur les traces de l'Homme d'Aran

Critique de Nanouk L'Esquimau

Critique de L'Homme d'Aran

Critique de The Land

Critique de Louisiana Story

Par Jean-Paul Mathelier - le 22 décembre 2012