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Interviews

Cela faisait plusieurs années que nous n’avions pas rencontré l’équipe de Wild Side. C’est à partir d’une discussion sur notre forum que l’éditeur a organisé cette matinée "porte ouverte" à laquelle nous avons été conviés, avec quelques lecteurs et participants du forum DVDClassik (Rémy, Jean-Marie, Jérémie et Gwendal) et des membres du site 1Kult.com. Après une visite détaillée des locaux et des différents métiers de l’entreprise, ainsi qu’une présentation aux équipes, nous nous sommes réunis autour de la table pour discuter à bâtons rompus de l’actualité de l'éditeur, des projets, des réussites, des déceptions, etc.

DVDClassik : Est-ce qu’on peut poser toutes les questions ?

Wild Side : Les questions qui fâchent ? (Rires)

DVDClassik (Rémy) : Vous avez dit plusieurs fois que votre film préféré, celui sur lequel vous vouliez faire une belle édition, c’était La Nuit du chasseur.

Wild Side : Pourquoi commencez-vous par ça ? (Rires) Cela a été long, mais cela arrive. Wild Side aura 10 ans l’année prochaine et nous trouvions que c’était bien de faire La Nuit du chasseur à notre manière. Une édition existe déjà, vous la connaissez tous, elle tient quand même la route, même si je ne la trouve pas exempte de reproches, notamment au niveau de l’étalonnage du master utilisé. C’est un point sur lequel nous travaillons depuis quelques mois, je pense que nous arrivons aujourd’hui à quelque chose qui devrait nous donner satisfaction, en tout cas à moi et j’espère à vous aussi. Nous l’avons dégrainé un petit peu car je considère que le grain cinéma est trop fort sur un téléviseur. Il sera disponible en DVD et Blu-ray, et accompagné de « Charles Laughton Directs » (un montage des rushes réalisé par Robert Gitt) avec les outtakes du film qui seront sous-titrées, et je peux vous dire que ce n’est pas un cadeau : au niveau audio, c’est très compliqué de capter tous les dialogues. Nous avons travaillé assez longtemps dessus et commençons à avoir un sous-titrage qui est plutôt pas mal. C’est un documentaire,  issu du Criterion, qui dure 2 h 30. C’est pour moi le plus beau document que l’on puisse trouver sur la création d’un film. Le seul bémol que je mettrais là-dessus - mais pour l’instant je n’y arrive pas -, c’est que je sais qu’il n’a pas utilisé l’intégralité des 8 h de rushes et d’outtakes qui existent. J’ai essayé de baratiner l’UCLA pour leur dire « Je suis sûr qu’il y a des trucs », mais personne ne peut y toucher. Ils m’ont dit « Vous avez le document, utilisez-le tel quel, on ne vous donnera rien d’autre. »

Davis Grubb l’auteur du roman, a envoyé au moment du tournage des croquis à Charles Laughton, dont la plupart sont à mon sens la déclinaison exacte qu’on a retrouvée dans le film. On va faire un comparatif entre les croquis de Davis Grubb et les images de Stanley Cortez, nous récupèrerons également (ce n’est pas vital mais je trouve cela sympa) la scène coupée qui figure sur le Criterion - qui est en fait une scène rejouée au Ed Sullivan Show entre Peter Graves et Shelley Winters. Il y a encore d’autres éléments qui sont en cours de finalisation parce que d’autres choses ont été réalisées lors du Ed Sullivan Show. Pour la petite histoire, Ed Sullivan était en gros le présentateur culturel de tout ce qui se passait dans les années 50, que ce soit en musique ou au cinéma. Toute l’équipe de La Nuit du chasseur est venue faire la promotion du film. Comme vous le savez, le film a été un bide retentissant au moment de sa sortie. Il y a des choses assez drôles, notamment avec Mitchum qui rejoue la scène où il explique la signification de son « love and hate » à Shelley Winters. C’est un élément qui ne figure pas sur l’édition Criterion.

On va sortir le film d’abord en édition limitée parce que nous avions envie de nous faire plaisir. Cela va être assez massif. Il comprendra le DVD qui sera en 2 ou 3 disques, je ne sais pas encore. Cela dépend d’un documentaire que nous venons de trouver, et que je dois visionner, qui est consacré à Harry Powers, l’un des premiers serial killers américains dont Davis Grubb s’est inspiré pour créer son personnage du prêcheur Harry Powell. Je dois regarder si cela tient la route de manière à pouvoir retracer toute la genèse du projet, du fait divers au roman, du roman au film et du film à son statut aujourd’hui. Il y aura le Blu-ray et également le CD audio que vous connaissez probablement : à la sortie du film Paul Gregory a demandé à Charles Laughton de raconter l’histoire du film aux enfants, sur la musique de Walter Schumann. Je trouve que c’est très complémentaire du reste car à la base, même si c’est un conte noir, La Nuit du chasseur est tout de même très proche du conte de fées. Philippe Garnier, qui comme vous le savez est mon pote, a fait pas mal de recherches et a écrit un ouvrage qui est, je pense, très intéressant. Nous avons surtout mis la main sur toutes les archives photographiques. Donc en plus d’être un ouvrage sur le cinéma, ce sera aussi un livre d’images.

(Manuel Chiche nous montre la maquette du livre)

DVDClassik : Comment êtes-vous au courant de tels bonus, comme l’existence du documentaire sur Harry Powers ? Déléguez-vous des gens pour enquêter ?

Wild Side : Oui, c’est pour cela que c’est long et que je râle souvent quand je lis « Ils ont encore repoussé la date de sortie », etc. Ces ouvrages sont très fastidieux à faire et nous ne voulons pas nous fixer de deadline. Dans ce cas, nous n’avons pas à annoncer de date de sortie. Mais nous préférons prendre le temps nécessaire pour que l’ouvrage nous donne satisfaction. Par exemple sur le coffret Sarafian, même si nous avons respecté la date de sortie, nous avons quand même été coincés un petit moment car il nous manquait des iconographies sur Le Fantôme de Cat Dancing, notamment, jusqu’au moment où Philippe Garnier à Los Angeles a mis la main sur des photos de tournage qu’on ne connaissait pas et que nous avons pu récupérer. De la même façon, le texte de La Nuit du chasseur a été livré il y a 15 jours et nous en sommes à la troisième version : entre-temps Philippe a rencontré une dame qui a hébergé Davis Grubb. C’est un témoignage que nous avons rajouté en postface. En fait, tant que le coffret ne sort pas, le travail n’est pas fini. Il nous est même arrivé de reprendre une maquette de A à Z après avoir trouvé un témoignage de dernière minute.

DVDClassik : A propos du CD audio en bonus, est-ce un document dont vous aviez entendu parler ?

Wild Side : Oui, il existe depuis pas mal de temps. Beaucoup de gens ignorent son existence. Ce qui est bien avec les obsessions, c’est qu’au moment où l’on peut tout rassembler ça fait un joli package…

DVDClassik : Et quand on connaît bien le dossier, c’est encore mieux.

Wild Side : On commence à connaître pas mal de dossiers…

DVDClassik : Pour le master, êtes-vous allés voir MGM ?

Wild Side : Pour faire simple, nous avons racheté les droits du titre à la Fox qui gère le catalogue MGM. Nous avons récupéré le master qui a été utilisé par Criterion. Comme souvent, c’est par exemple le cas sur Le Rôdeur, nous trouvons que les restaurations américaines sont un peu ternes en général. Parfois on ré-étalonne un petit peu pour être plus conforme à ce qui nous semble devoir être le rendu final. Sur La Nuit du chasseur, nous avons lu deux ouvrages dont Heaven and Hell to Play With (Preston Neal Jones, 2004) pour être certains que l’éclairage soit conforme au travail de Stanley Cortez. Après c’est une question de goût, on peut dire tout et n’importe quoi. Nous pensons en tout cas être arrivés à quelque chose de conforme.

DVDClassik : Avez-vous une date de sortie ?

Wild Side : Normalement au mois de mars, en Edition Prestige. Ne vous attendez pas à un prix accessible. C’est vrai que nous nous faisons plaisir, mais nous espérons que cela plaira à d’autres gens. Ce n’est pas cette édition qui nous fera gagner beaucoup d’argent parce que cela revient extrêmement cher à fabriquer.

DVDClassik : Nous savons comment cela fonctionne pour les sociétés indépendantes. C’est déjà énorme de pouvoir bénéficier du cinéma de patrimoine qui paraît dans un DVD de qualité, alors que pour les majors ce n’est que du fond de catalogue…

Wild Side : Il faut toujours raisonner de la manière suivante : un DVD Warner est le même pour le monde entier. Ce n’est pas la même façon d’amortir les coûts que pour un éditeur français qui n’exploite le titre que sur le territoire français et qui n’a que cette petite zone d’intervention. Criterion, c’est encore une approche différente : vous pouvez recevoir les imports de Criterion et les lire avec une platine dézonée. Si vous parlez un minimum anglais, vous mettez les sous-titres pour les malentendants et vous visionnez le film de manière relativement confortable. Ce qui nous différencie d’un Criterion, à mon sens, et c’est ce que je leur ai souvent reproché quand il nous est arrivés de nous accrocher, c’est que leur territoire d’exploitation est le monde entier. Contrairement à nous qui devons nous cantonner à ce territoire-là. On a plus de difficultés et nos coûts sont la plupart du temps plus importants.

DVDClassik : Comment vos collections (Classics Confidential, etc.) ont-elles été accueillies par le public ?

Wild Side : Ce n’est pas si facile. Il y a des choses sur lesquelles on se dit que cela va forcément marcher et qui ne marchent pas. D’autres où on se dit que c’est osé et qui cartonnent. C’est un peu délicat. La meilleure surprise a été La Chevauchée des bannis. Nous nous sommes dit : « Ce n’est pas possible, que se passe-t-il ? »

DVDClassik : C’est un peu comme Les Tambours s’arrêteront, c’est le genre de titre attendu depuis des années, une arlésienne. Il y a forcément une caste de cinéphiles qui va se jeter dessus.

Wild Side : C’est vrai que le western est un genre qui fonctionne plutôt pas mal mais, par exemple, quand nous avons sorti La Forêt interdite je m’étais dit que tout le monde l’attendait, c’est d’ailleurs mon cas, que cela allait être un raz-de-marée, et au final ce ne fut qu’une vaguelette. (Rires)

DVDClassik (Jean-Marie) : Je crois que c’est peut-être dû au fait que c’est Nicholas Ray qui a ses inconditionnels et ses détracteurs. C’est souvent "une bagarre de chapelles".

Wild Side : C’est possible, mais j’ai été un peu surpris. Même si le film a été remonté et renié par Nicholas Ray, cela reste intéressant sur un sujet qui était très actuel et c’est surtout, si je ne dis pas de bêtises, un titre qui n’était disponible nulle part, sauf peut-être en Espagne.

DVDClassik (Jean-Marie) : Un autre film qui, dans le même genre, était unique au monde c’était Menaces dans la nuit.

Wild Side : Oui mais là, c’est la malédiction « Hollywood-Black List ». Depuis le début de Wild Side, nous nous sommes attachés à John Garfield mais Force of Evil n’a jamais fonctionné à la hauteur de ce que j’attendais, comme Body and Soul et Menaces dans la nuit. Or ce ne sont que des films remarquables, que l’histoire a jugés comme il faut, etc.

DVDClassik : Surtout qu’en France nous ne sommes pas très regardants sur cette histoire de chasse aux sorcières, on aurait même plutôt tendance à avoir une grande sympathie pour les victimes…

DVDClassik (Jean-Marie) : Et Noir of the Week avait fait une très bonne publicité pour Menaces dans la nuit en précisant que le film n’était disponible nulle part ailleurs qu’en France.

Wild Side : La presse est toujours plutôt satisfaite de ce que l’on fait, mais il y a toujours une marge entre une belle revue de presse et des ventes au rendez-vous. Menaces dans la nuit fait partie des déceptions, d’autant plus que je trouve le film absolument formidable. Quand nous nous sommes lancés dans les Introuvables, les titres n’étaient pas très faciles. Aujourd’hui la collection doit comporter 140 titres et on a dû vendre 350 000 DVD depuis l’origine. Je pense qu’elle tient la route. C’est ce que nous nous disons avec les Classics Confidential : le temps nous donnera peut-être raison. Peut-être que les gens n’avaient pas envie de bouquin, je lis un peu tout à ce sujet, ceux qui préfèrent avoir simplement les films. Mais moi, j’aime les livres…

DVDClassik : Voyez-vous une évolution du marché par rapport au patrimoine, un public moins intéressé qu’auparavant ?

Wild Side : Le marché est plus difficile, on le sait, ce n’est pas une nouveauté. Sur le patrimoine, il y a 3-4 maisons d’édition qui travaillent plutôt bien. Je citerai surtout Carlotta que j’aime beaucoup. Après il y a d’autres initiatives autour du patrimoine, notamment celle de Gaumont que je trouve assez intéressante même si certains films sont à mon sens un peu discutables. Néanmoins c’était osé, et une manière d’exploiter le fond de catalogue visant à répondre à une demande des cinéphiles. Je crois que la même chose arrive chez Pathé dans les semaines qui viennent…

DVDClassik : Le catalogue à la demande… Il est vrai que chez Gaumont, cela ne marche pas trop mal visiblement.

Wild Side : Oui je connais les chiffres, je les ai vus sur… votre forum d’ailleurs. (Rires) C’est un marché sur lequel nous avons un peu de mal à naviguer par rapport à ce que l’on disait avant. C’est un peu ma déception par rapport à cela. Quand nous nous sommes lancés, les chiffres de vente étaient super intéressants. Sur un film comme Goyokin d’Hideo Gosha, par exemple, on se disait que c’était extraordinaire, que les gens étaient curieux : on en avait vendu 16 000 exemplaires à l’époque, ce qui est énorme. On se disait qu’on allait pouvoir faire découvrir des choses. Les chiffres ont grimpé, grimpé, puis cela a commencé à redescendre et être très délicat, nous empêchant d’oser ce que l’on faisait au préalable. Nous nous sommes recentrés sur le patrimoine américain qui est « plus facile », ce qui est au final moyennement vrai. D’où la tentative du Rôdeur : ce n’est pas du film de studio, mais c’est un vrai chef-d’œuvre que nous devons tenter de sortir. Nous allons voir ce que cela donne, je pense que cela nous donnera une petite tendance. Mais en choix éditorial, nous sommes obligés d’être un peu plus conventionnels aujourd’hui, à la fois dans le choix des titres et des compléments. Nous avons connu des moments où l’on pouvait faire des choses beaucoup plus riches. Aujourd’hui nous essayons de proposer des choses tout aussi pertinentes en restant dans des contraintes certainement plus importantes. C’est très compliqué, par exemple sur une collection comme les Introuvables, d’essayer de la mettre à la portée de toutes les bourses, même si elles sont limitées à celles de la Fnac, et de pouvoir faire un contenu éditorial fouillé. Vous ne pouvez pas vendre un DVD à 14,99 euros ou 12,99 euros et mettre 1 h30 de compléments (ceci dit, pour avoir 1 h30 de compléments, il faut que le sujet en vaille la peine). Nous poussons moins à la recherche d’archives, qui était vraiment notre dada auparavant, parce qu’économiquement ce n’est simplement pas viable.

DVDClassik : Dans une précédente interview que vous nous aviez donnée, vous disiez que l’année 2007 avait vraiment été noire. Vous étiez arrivés en disant « C’était catastrophique », etc. Comment s’est passée l’année 2010 ?

Wild Side : Je vais vous faire tiquer, mais depuis que les Introuvables ne sont vendus qu’à la Fnac, nos chiffres de vente sont bien meilleurs. Surtout, enfin, cette collection a acquis une vraie place et une visibilité qu’elle n’avait pas auparavant. Quand une collection est aussi large, vous êtes obligés de la faire référencer, pas dans son intégralité, mais de lui donner une place à elle. C’est quelque chose de compliqué sur Amazon par exemple, dans les petits magasins indépendants c’est encore plus compliqué. Nous avons eu cette opportunité, nous nous sommes fait beaucoup critiquer pour y avoir répondu. Cela a mis du temps à s’installer, la Fnac est très contente du résultat, et nous sommes satisfaits car cette collection existe et a sa place.

DVDClassik (Jean-Marie) : Je peux vous le confirmer, je viens de la région de Mulhouse. Au début de la collection des Introuvables, tout était mélangé dans les rayons. Et puis on a senti un changement, une mise en évidence dans des rayons bien spécifiques. Par contre, que ce soit pour la Fnac ou d’autres magasins, les spécialistes sont obligés d’aller à la relance auprès des vendeurs pour avoir des titres d’autres collections  comme Vintage Classics ou Classics Confidential par exemple. Il y a parfois deux mois d’attente.

Wild Side : Nous avons eu divers problèmes, notamment avec Arcadès qui n’était pas fondamentalement satisfaisant.

DVDClassik (Rémy) : Sur les collections Vintage Classics et Classics Confidential, quelles sont vos conclusions par rapport aux ventes ?

Wild Side : Sur Vintage Classics et l’Âge d’or du roman porno japonais, je trouve cela pas mal. Sur l’Âge d’or du X américain, c’est dead.

DVDClassik (Rémy) : Ca ne reviendra plus, c’est sûr ?

Wild Side : Je ne vois pas trop comment.

1Kult : Comment allez-vous proposer le reste du catalogue qu’il reste à exploiter ?

Wild Side : Nous changeons de distributeur à partir du 1er janvier. Exit Arcadès, exit Universal / Studio Canal et bonjour Warner qui distribuera les 30 romans pornos japonais et la suite des Vintage Classics. L’Âge d’or du X américain sera probablement uniquement disponible en numérique.

DVDClassik (Rémy) : Est-ce une question d’image par rapport à Universal, votre distributeur principal ?

Wild Side : L’Âge d’or du roman porno japonais ne gène pas grand monde, y compris les magasins. L’Âge d’or du X américain, malgré son côté visuel soft, gène beaucoup les magasins. J’ai me suis complètement trompé sur ce segment-là, je n’ai pas anticipé ni les législations TV (à savoir pas de préservatifs, pas de diffusion à la TV), ni les réactions des magasins. Cela s’appelle un échec. On l’assume et on en paye les pots cassés.

DVDClassik : Pensiez-vous qu’il y avait une véritable demande ?

Wild Side : C’est difficile à savoir car pour qu’il y ait une demande, il faudrait peut-être qu’il y ait une offre. Et si l’offre n’est pas visible… Lorsque nous avons ouvert notre boutique en ligne en novembre 2010, le premier achat était 5 DVD de cette collection. Cela vient certainement du fait que l’on ne trouvait cette collection nulle part. Mais nous savons qu’il y avait une demande minime pour laquelle nous avons vendu régulièrement.

1 Kult : Le X japonais peut intéresser les fans de cinéma asiatique. A qui pensiez-vous vous adresser avec l’Âge d’or du X américain ?

Wild Side : Les cinéphiles, ceux qui s’intéressent au cinéma d’exploitation des années 70. Ce que nous avons proposé dans l’Âge d’or du X ne concerne pas les plus mauvais films de la période. Quand on regarde les films de Damiano du type Devil in Miss Jones, même sous le manteau cela se vend à près de 1 800 exemplaires. Nous voulions leur donner une jolie place avec des bons masters, faire un travail qui ressemble à celui des éditions Allia à travers leur livre sur le X américain, avec des témoignages, raconter à quoi ressemblait ce pan de la cinématographie… Cela nous semblait être une place à prendre. Nous avons peut-être eu tort. Nous verrons sur le numérique : à l’annonce de l’arrêt de la collection, nous avons reçu des mails du monde entier. Nous nous apercevons que pas mal de gens essaient de récupérer ces films à l’étranger, pour une raison toute simple je pense : ce sont de loin les plus beaux masters existants.

DVDClassik (Jérémie) : Vous parlez beaucoup de la distribution en magasin : les ventes en magasin représentent-elles encore une bonne majorité de vos ventes ?

Wild Side : Oui. Notre boutique peine un peu à décoller mais je crois que c’est un peu le propre de toutes les boutiques d’éditeurs, ce qui est toujours un peu dommage puisque c’est toujours intéressant pour un éditeur de voir les gens commander directement sur sa boutique. Il suffit d’être basique en mathématiques pour se rendre compte qu’on évite la marge des distributeurs, des intermédiaires, et qu’il nous reste un peu plus de sous dans notre poche. Mais, doucement, les gens s’y habituent. Je pense que la boutique actuelle n’est pas non plus forcément optimale, nous allons donc essayer de l’améliorer.

DVDClassik : J’ai trois questions qui me viennent. Tout d’abord, pour quand est prévue la prochaine fournée des Vintage Classics ?

Wild Side : Le 25 janvier.

DVDClassik : Ce sera à ce moment-là sous l’égide Warner ? Avec la même charte graphique ?

Wild Side : Exactement. Mais il n’y aura que le petit logo Warner en plus. C’est le petit logo du dos qui va changer.

DVDClassik : Y aura-t-il aura le petit logo comme sur Sergent la terreur ?

Wild Side : La présence de ce logo sur Sergent la terreur montre d’où vient l’ayant droit. Sur d’autres Introuvables,  il y a d’autres logos appartenant à d’autres majors. Lorsqu’on achète des titres de majors, ceux-ci nous demandent d’adapter une charte, de mentionner leur logo de manière plus évidente, car cela reste leur propriété malgré tout.

DVDClassik : Concernant les films de Fritz Lang, nous avons appris pendant la visite des locaux, en discutant avec vos équipes, que les titres étaient en cours de préparation, que le projet avançait sur L’Invraisemblable vérité et La Cinquième victime.

Wild Side : Nous y travaillons…

DVDClassik : Est-ce que ces films sortiront dans la collection Classics Confidential, à la manière de La Femme au portrait et de La Rue rouge ?

Wild Side : Oui. Le seul problème que nous rencontrons aujourd’hui est toujours le même : un problème de master. Giordano (1) est en train d’analyser les différents masters existants, notamment de comparer les masters de Warner Archives avec ceux édités en Angleterre. Il reste aussi le problème du format qui est un vrai sac de nœuds : personne n’est d’accord. Nous avons parlé avec Bernard Eisenschitz, j’ai eu hier Pierre Rissient au téléphone qui me disait « Mais c’est n’importe quoi, c’est du 1.66 ! » Je lui disais que le film était passé au cinéma en 1.97, je crois (un format relativement bâtard). Alors que nous détenons un matériel d’archives, d’iconographies, absolument fabuleux, y compris les scripts de l’époque annotés, nous serions bien embêtés d’avoir attendu aussi longtemps pour que tout le monde nous dise : « C’est quoi ce format, c’est quoi ce master ? » Aujourd’hui, nous ne sommes pas loin de nous dire, sans avoir encore tranché (prenez-le vraiment avec des pincettes), que nous allons mettre les deux formats sur chacun des films. Personne n’est d’accord alors choisissez et regardez celui que vous voulez ! Le seul problème est que cela ne tient pas sur deux disques.

DVDClassik : Et sur un Blu-ray ?

Wild Side : Franchement, ils ne sont pas au niveau pour pouvoir en faire des Blu-ray. Donc les Fritz Lang arrivent, mais ne me demandez pas quand : cela me met bien en rogne, j’aimerais bien que cela voie le jour.

DVDClassik (Jean-Marie) : Ce sont deux films très importants dans la filmographie de Fritz Lang.

Wild Side : Je suis tout à fait d’accord et c’est pour cela que nous nous accrochons. Pour Le Jugement des flèches, il nous a été impossible de mettre la main sur le bon master. Si je vous sors un 4/3 en scope, je ne pense pas que vous allez apprécier. Et est-ce que j’apprécierais moi-même ? Non. Donc nous avons dit à Warner : « Vous êtes gentil, on vous le rend. ».Je tenais vraiment à sortir Les Indomptables (The Lusty Men) de Nicholas Ray et ce fut le même problème.

DVDClassik (Jean-Marie) : Donc ces deux-là sont abandonnés…

Wild Side : Oui. Peut-être.

DVDClassik : Puisqu’on parle d’Anthony Mann, La Porte du diable (The Devil’s Doorway) est prévu pour 2012, c’est un western Warner. Je trouve cela très intéressant parce qu’il s’agit d’une major qui ne faisait pas éditer ses westerns par des maisons indépendantes jusque-là. Cela signifie-t-il alors une ouverture vers l’édition d’autres films Warner ? Des westerns, des films de Jacques Tourneur comme Wichita ?

Wild Side : Nous avons fait un deal avec Warner sur 25 films à un moment où ils avaient envie de vendre leurs droits. Disons que nous sommes tombés au bon endroit, au bon moment. Aujourd’hui, avec leur série Warner Archives, nous nous sommes bien pris la tête avec eux parce que nous devions échanger certains titres, notamment Brewster McCloud que je voulais récupérer. Les négociations ont été compliquées. Je ne suis pas sûr qu’ils veuillent licencier d’autres titres après le lancement des Warner Archives.

DVDClassik : Surtout que les Trésors Warner arrivent en France…

Wild Side : Oui, j’en ai commandé deux pour voir comment cela fonctionnait, qui étaient les deux titres que je voulais, Les Gens de la pluie et La Fille du désert

DVDClassik : Le master des Gens de la pluie n’est pas terrible.

Wild Side : Je n’ai jamais vu ce film dans une copie décente. Franchement je vous passe les détails sur les journées du pauvre Giordano avec les gens de la Warner et en général avec les gens de la plupart des majors. Personne ne sait vraiment où se trouve le bon matériel. Souvent vous avez 3, 4, 5 masters différents… C’est un calvaire. Cela me fait penser à Eddie Muller qui dit : « Toutes les semaines, je prie pour que ce ne soit pas encore cette semaine que mes trois contacts magnifiques dans les studios s’en aillent (ils ont l’expérience, le souvenir et savent où sont les choses). » Parce que nous nous retrouverons ensuite avec des interlocuteurs et une jungle terribles. C’est encore pire quand il y a des catastrophes, comme l’incendie à Universal, les deux entrepôts qui ont brûlé récemment où certains films ont disparu. D’une manière générale, pour les majors, le patrimoine (hormis les grosses évidences) ne constitue pas une priorité. Comme vous l’avez compris, nous avons maintenant de bonnes relations avec Warner, donc on ne sait jamais, si quelque chose nous tenait particulièrement à cœur, peut-être que… Mais une fois de plus, nous sommes dépendants du matériel existant. Autre bémol chez les majors : le matériel iconographique n’est pas une spécialité. Là aussi c’est du temps, de l’argent, et c’est parfois laborieux.

DVDClassik : Ils ne soignent pas leur matériel…

Wild Side : Surtout, il n’est pas archivé. Je vais prendre un exemple récent. Dans les archives de l’Academy de Los Angeles, ils détiennent tout ce que l’on peut imaginer sur La Forêt interdite : des photos de tournage à foison, des scripts annotés, des correspondances… Je crois que nous avons passé un mois à nous heurter à ces abrutis qui nous disaient : « Nous sommes les Archives, nous sommes indépendants de la Warner et n’avons rien à faire avec eux, on ne vous donne pas l’accès. » Je leur demande : « Qu’allez-vous faire avec ce matériau ? Il va rester dans une boîte, personne ne le verra. » C’est le problème quand vous vous heurtez à une espèce d’administration kafkaïenne en leur disant : « Mais regardez notre travail, ce que nous faisons ! » Alors on fait un peu de piraterie : on récupère chez des collectionneurs…

DVDClassik : Patrick Brion, par exemple ?

Wild Side : Patrick nous dépanne quand il le peut. Il ne possède pas tout non plus. Et il ne sait pas où tout est rangé, même si c’est pas mal rangé. (Rires) Patrick a de très belles archives sur les films MGM, mais il n’a pas tout. La BiFi nous aide beaucoup, ce sont des gens avec qui nous collaborons depuis l’origine. Puis il y a notre enquêteur maison Philippe Garnier qui va sur place à l’Academy de Los Angeles pour récupérer des choses.

DVDClassik : Et même ailleurs…

Wild Side : Oui c’est vrai, mais à l’Academy il a de bons contacts et arrive aussi à débloquer quelques situations. Vous verrez sur l’un des prochains Classics Confidential, Story of G.I. Joe de William Wellman, Michael Wilson nous a récupéré des choses absolument formidables, mais ce n’est malheureusement pas toujours le cas.

DVDClassik : C’est un film de Wellman très très attendu !

Wild Side : La restauration du film sera projetée au Festival Lumière de Lyon. Il était sacrément endommagé, on a fait de notre mieux. Ce n’est pas optimal mais je pense que le résultat est très bon.

DVDClassik (Jean-Marie) : Et Femme de feu d’André de Toth?

Wild Side : Il est aussi projeté à Lyon. Par contre, il y a un changement sur Femme de feu : il ne sera plus proposé en Classics Confidential mais dans les Introuvables. Philippe Garnier devait écrire dessus mais il n’a pas trouvé suffisamment d’éléments pour que le livre tienne la route. Il sortira en février ou mars 2012.

DVDClassik (Jean-Marie) : Et pour Quinze jours ailleurs de Vincente Minnelli ?

Wild Side : Quinze jours ailleurs est prévu en 2013. Le planning des éditions Wild Side est établi sur deux ans. Il y a énormément de choses à sortir. Les dates sont tributaires des disponibilités des masters, de l’élaboration des livres. Cela va prendre du temps.

DVDClassik (Jean-Marie) : Avez-vous pu récupérer des films de Richard Thorpe ?

Wild Side : Sur Thorpe, cela s’arrêtera à La Main noire.

DVDClassik : Et pour Minnelli, c’est la même chose ?

Wild Side : Concernant The Clock, nous ne sommes pas contents du matériel donc nous ne le faisons pas.

DVDClassik (Rémy) : Pour en revenir aux Introuvables, vous avez dit vous recentrer essentiellement sur le cinéma américain.

Wild Side : Oui, mais pas uniquement.

DVDClassik (Rémy) : Justement, comptez-vous revenir un jour à des films européens, voire asiatiques ? Je pense par exemple aux œuvres de Rossellini dont vous parliez en 2008.

Wild Side : Rossellini, je n’en peux plus. Nous ne les ferons pas. Quand vous avez plusieurs personnes qui disent détenir les droits, vous essayez de démêler tout cela. Puis au bout d’un an, deux ans, vous dites : « C’est bon, stop. » Donc, non pour Rossellini alors que l’accord était signé avec la RAI… C’est un truc de dingue…

DVDClassik (Rémy) : N’est-ce pas une caractéristique du patrimoine cinématographique italien ? Les films d’Elio Pietri sont sortis avec beaucoup de difficultés.

Wild Side : C’est absolument ça.

DVDClassik (Jean-Marie) : Nous attendons aussi un film de Francesco Rosi qu’on ne verra certainement plus jamais : L’Affaire Mattei. Et d’ailleurs qu’en est-il de Quatre mouches de velours gris ?

Wild Side : C’est prévu l’année prochaine en Blu-ray.

1Kult : Pour rebondir sur la question, vous vous êtes recentrés sur un cinéma plus conventionnel, on va dire, avec le cinéma américain.

Wild Side : Et je l’assume.

1Kult : Y aura-t-il des prochaines prises de risque, vers d’autres nationalités ?

Wild Side : Fabrice Arduini, que certains d’entre vous connaissent, m’a harcelé pour que je ne lâche pas le cinéma japonais. Un film lui tenait énormément à cœur : les Miyamoto Musashi de Tomu Ushida. Donc nous les sortirons en coffret fin 2012.

DVDClassik (Rémy) : Par rapport à la prise de risque, vous avez sorti l’année dernière des films nord-coréens dans la collection des Introuvables. Est-ce que cela a marché ?

Wild Side : Non. On peut même appeler cela un accident industriel.

DVDClassik (Rémy) : Je les avais achetés, c’était rude.

Wild Side : C’est là qu’on voit la différence entre le courage et la témérité. (Rires) Ou l’inconscience. (Rires) Sur les Miyamoto Musashi, les masters sont dans nos locaux ainsi que le matériel iconographique. Nous devons faire le travail de restauration nécessaire. Oui, cela sortira et nous sommes absolument ravis de pouvoir continuer sur Oshida Tomu qui, ceci étant dit, n’est pas un cinéaste qui nous a porté chance. Car même si nous adorons ses films, c’était quand même dur à l’époque. Dans les sorties à prise de risque mineure, nous continuons sur Argento : il y aura également Profondo Rosso en Blu-ray l’année prochaine.

DVDClassik : Et Phenomena ? Va-t-il sortir un Blu-ray ?

Wild Side : On pourrait le faire en Blu-ray, ce n’est pas un souci.

DVDClassik : J’ai acheté le dvd, mais je rachèterai le Blu-ray sans problème ! (Rires)

Wild Side : Franchement, c’était un test. Nous voulions voir ce que cela donnerait, c’est pour cette raison que nous ne les avons pas tous sortis. Nous devons être aux alentours de 1100-1200 exemplaires vendus. Le résultat n’est quand même pas génial. C’est plus que certains Blu-ray de patrimoine mais cela reste économiquement compliqué.

DVDClassik : Par rapport au Blu-ray, votre approche est plutôt…

Wild Side : Erratique… (Rires) Oui, nous y allons doucement, quand même.

DVDClassik : Et par rapport à vos Blu-ray de films récents ?

Wild Side : Sur le cinéma nouveau, la part du Blu-ray est de plus en plus importante, entre 15 % et 20 %, plutôt proche de 20 %.

1Kult : Beaucoup de « films frais » ne sont pas sortis en Blu-ray, par exemple Pour elle (Fred Cavayé) que j’aurais bien voulu voir éditer ce support.

Wild Side : Vous n’êtes pas le premier. Entre le film de patrimoine et le « film frais », ce n’est pas la même politique ni la même économie. Sur le film de patrimoine, par exemple sur les films Warner, nous ne détenons que « les droits vidéogramme ». En général, sur les « films frais », nous détenons l’intégralité des droits, ce qui donne d’autres possibilités d’amortissement.

DVDClassik (Rémy) : C’est peut-être hors sujet mais depuis deux ans, vous sortez énormément de DTV (Direct to Vidéo, NDLR). Est-ce que cela fonctionne bien ?

Wild Side : Sortir des DTV n’est pas qu’une démarche économique. Vous connaissez l’état de la distribution dans les salles en France, 15 à 18 nouveaux films toutes les semaines. Le cinéma de genre en est souvent la première victime parce qu’ils ne trouvent plus le chemin des salles parce que certains exploitants ne veulent pas du public de ces films, parce que cela ne ramènera pas assez de gens par rapport à une comédie familiale… Que des choses qui s’entendent. Du coup, la découverte passe par tous les autres écrans, c'est-à-dire sortir directement en vidéo. Ce qui peut parfois rendre service à des films : entre avoir 10 salles sur toute la France avec une unique projection le jeudi soir à 19 h à 20 km de chez soi et acheter un dvd dans une grande surface, sur son site internet préféré ou dans sa boutique de quartier (si on a encore la chance d’en avoir une), c’est incomparable. Après il y a des titres qui sont « très vidéo » comme on en a toujours eu l’habitude, des films d’action, à grand spectacle… De l’autre côté il y a un film fantastique espagnol comme Agnosia que nous sortons le 4 octobre et qui est un thriller fantastique teinté d’un triangle amoureux, du fantastique espagnol d’un autre extrême que [Rec], qui est plutôt dans la partie L’Orphelinat, et encore… qui a une atmosphère fantastique plus que quelque chose qui fait peur. Il y a des chances que ce film rencontre son public. Chez Wild Side, il y a une multitude de goûts. Je me réserve avec Lisa (2) le cinéma de patrimoine mais il y a plein d’autres expressions chez nous. Les goûts de Wild Side, ce n’est pas une seule personne. Il y a beaucoup de monde quand même. On sort des titres que je n’aime pas et d’autres que je suis le seul à aimer ici.

1Kult : Par rapport au Blu-ray et ta position sur le patrimoine, vous n’êtes pas le seul à tester le marché, Carlotta sort aussi pas mal de Blu-ray.

Wild Side : Mais j’ai aussi leurs chiffres…

1Kult : Justement, par rapport à vos tests ?

Wild Side : J’aurais plutôt tendance à dire « non » que « oui ». Si Blu-ray il y a, cela doit être sur des évidences parce qu’au final c’est un peu tout ce qui se vend. Faire un Blu-ray pour La Nuit du chasseur, normalement cela devrait aller. Faire un Blu-ray pour Le Rôdeur, je suis plus sceptique... C’est vraiment au fil de l’eau et plutôt sur des titres importants.

DVDClassik (Rémy) : D’une manière générale, je crois que vous aviez dit cela dans une interview, vous ne vouliez plus sortir en Blu-ray des films déjà édités en DVD.

Wild Side : Les gens ne rachètent pas systématiquement. Je le fais mais je ne suis pas sûr que tout le monde le fasse.

DVDClassik (Jérémie) : Comptez-vous sortir du cinéma muet ?

Wild Side : Non. Ce n’est pas le problème d’une économie quelconque. Par goût, je ne suis pas très porté sur le cinéma muet. C’est quelque chose sur lequel j’ai un peu plus de mal. (A 1Kult) J’ai répondu à ta question ?

1Kult : Oui. Je suis très amateur de Blu-ray. Le Rôdeur en Blu-ray, je l’aurais pris tout de suite. J’ai aimé le noir & blanc, la profondeur de champ…

Wild Side : Je suis un grand fan du Blu-ray mais le dvd, ce n’est pas non plus si nul. Certains DVD upscalés sur un lecteur Blu-ray n’ont pas un mauvais rendu.

DVDClassik (Jean-Marie) : Le Grand passage doit-il aussi sortir ?

Wild Side : Oui. C’est Jean-Ollé Laprune qui écrit le livre, et le film sera probablement accompagné de deux épisodes de la série. Vous savez qu’ils ont aussi fait une série.

1Kult : Excepté le Japon, allez-vous éditer d’autres pays ?

Wild Side : Pas pour l’instant. C’est toujours pareil : on fouine, on fouille, on nous envoie des choses.

1Kult : Parce qu’il y a l’Espagne. J’ai adoré Les Révoltés de l’an 2000. Il y a encore plein d’autres choses à faire.

Wild Side : C’est clair. Les Révoltés de l’an 2000 n’a pas trop mal marché mais c’est un film « majeur », attendu. La copie est assez décente. Le patrimoine espagnol, ce n’est pas évident.

DVDClassik (Jérémie) : La VOD (Video On Demand, NDLR) pour le cinéma de patrimoine, cela donne quoi ?

Wild Side : Une catastrophe. La VOD en général, c’est plutôt bien.

DVDClassik (Rémy) : Je trouve que le dernier Godard, disponible deux jours avant sa sortie en salle, est un beau coup. Je l’ai pris en VOD et pourtant je n’aime pas trop cela.

Wild Side : Cela a eu l’avantage de faire un peu parler du film. Mais je pense qu’il y a un gros souci sur la VOD de patrimoine. On va mettre filmotv.fr à part parce qu’on est dans le même groupe et que je ne vais pas faire sa publicité, mais les opérateurs VOD ressemblent ni plus ni moins à votre supermarché du coin. Pour voir un film de patrimoine, il faut aller fouiller au fond du magasin et peut-être trouver un truc poussiéreux planqué à un endroit. Ce n’est pas mis en avant. La semaine dernière j’étais avec Jean-François Rauger, qui s’occupe de la programmation de la Cinémathèque française. La marque Cinémathèque est suffisamment forte pour créer un site de VOD de patrimoine. Je pense que nous avons besoin d’une vraie marque forte, d’une vraie légitimité. Je leur ai donc suggéré de faire quelque chose. Mais comme toutes les institutions, c’est long, c’est lourd. Ce n’est pas évident de mettre tout le monde d’accord. Ce ne serait pas idiot d’avoir une initiative autour du patrimoine, ou ne serait-ce que de la cinéphilie, en essayant de lui donner un sens un peu large, d’avoir quelque chose d’un peu formé. Des initiatives sont en développement. Ces chaînes généralistes délinéarisées se sont installées, nous verrons forcément apparaître une évolution, des déclinaisons plus pointues, comme avec les chaînes du câble. Par exemple vous avez Ciné+ et une branche Ciné+ Classiques. Or pour avoir Ciné+ Classiques, vous êtes obligés d’avoir le bouquet complet. Je pense que nous verrons apparaître ces espèces de microchaînes sur des segments précis et pour lesquelles nous pourrons nous abonner individuellement. Je pense que c’est la prochaine déclinaison. Néanmoins, il me manque une vraie initiative autour du patrimoine. Ce n’est pas évident, en tant qu’éditeurs, de faire de la VOD sur nos propres sites. Je ne suis pas persuadé que Carlotta soit très satisfait de ses résultats. Pour Les Editions Montparnasse, qui ont été les premiers, c’est la même chose, je ne suis pas sûr que cela fonctionne très bien. C’est comme la consommation télévisuelle, il faut un portail et ensuite, éventuellement, des déclinaisons. Le public ne réfléchit pas en termes d’éditeurs. Je pense qu’il y a des choses à faire qu’on ne pourra pas réaliser tout seul. Il y a probablement des initiatives à développer dans les mois qui viennent autour de cela. Il y a forcément un public, il faut juste être conscient qu’il n’est pas très large et le faire dans une économie adaptée à ce public-là.

1Kult : Le futur est-il lié au physique ?

Wild Side : Quelle est la question ? Tu veux savoir pour combien de temps on en a ?

DVDClassik : Comme ils se lancent dans l’édition, ça les intéresse… (Rires)

1Kult : Cela fait 2-3 ans qu’on entend que le futur du DVD, avec le piratage…

Wild Side : Je crois que vous n’imaginez même pas l’impact du piratage, à quel point c’est frustrant pour un éditeur, un mois avant la sortie, de trouver 6 400 liens qui présentent son film. On se demande alors quoi faire. Vidéo physique, oui. Sous quelle forme ? Est-ce que ce sera une simple galette que tu embarques, et on se moque de tout le reste ? Ou sera-t-on sur une édition plus luxueuse, plus « objet » ? Je n’ai pas la réponse pour l’instant.

1Kult : J’imagine que le téléchargement n’a pas le même impact sur ce genre de film que sur Le Rôdeur, par exemple. C’est plus sur les « films frais ».

Wild Side : En effet. Il n’y a pas d’impact sur Le Rôdeur. Mais pour nous l’impact est lourd en terme économique. On trouve quand même des films de patrimoine en piratage. Du moment que nous les sortons…

1Kult : Ce que je veux dire, c’est qu’il y a moins d’impact commercial. Les gens, pour du film de patrimoine, achètent plus facilement.

Wild Side : Non, pas forcément. Ils ont d’autres habitudes : ils peuvent graver un DVD quand un film passe à la télévision. Ils ont d’autres tactiques. A mon sens, le marché physique en a encore pour 3 à 5 ans, grosso modo. Ensuite, nos habitudes de consommation auront largement changé. Je pense que le système des bibliothèques dans les clouds se sera systématisé. De la même manière que la taille du disque dur facilitera la numérisation rapide de sa DVDthèque.

1Kult : Vous avez prévu beaucoup d’opérations pour Noël, des coffrets. Allez-vous proposer des romans pornos en coffret ?

Wild Side : Il n’y aura rien pour Noël. Rien non plus sur les Vintage Classics.

1Kult : Peut-être plus tard alors ?

Wild Side : Peut-être. Pour l’instant, nous allons remettre ces deux collections en mouvement et voir ce que cela donne. Il y a encore de jolies choses à sortir en Vintage Classics. Et, je persiste, mais c’est plutôt une bonne surprise. Cela nous a fait plaisir que les gens se rendent compte que nos masters étaient d’une qualité un petit peu supérieure à ce qui existait déjà.

DVDClassik : Parfois même largement.

Wild Side : Oui, je ne voulais pas en faire des caisses. (Rires)

DVDClassik : Mort à l’arrivée n’est pas un film que l’on peut voir dans des conditions exceptionnelles ; mais au moins là je n’avais pas envie de me laver les yeux après…

Wild Side : C’est Giordano qui se lave les yeux. (Rires)

Giordano (Wild Side) : Oui, j’en ai pleuré.

DVDClassik (Jean-Marie) : Vous annoncez un film que nous attendons tous, Capitaine Kidd. L’édition qui existe pour l’instant nous fait pleurer les yeux.

Wild Side : Ce ne sera pas révolutionnaire sur Capitaine Kidd, je vous le dis tout de suite. Il fait partie de la première rafale du 25 janvier qui comprendra également Song of Freedom, Marée nocturne avec Dennis Hopper et Pluie avec Joan Crawford.

Giordano (Wild Side) : Sans dévoiler de grand secret, on ne comprend pas ce film, c’est l’adaptateur pour les sous-titres qui a travaillé dessus qui m’en a fait la remarque. Il y a une ellipse qui choque et qui a un sens que je ne veux pas vous dévoiler. J’aimerais que vous fassiez des recherches si vous le souhaitez. Joan Crawford joue le rôle d’une prostituée, un rôle assez mal vu dans le cinéma américain à l’époque, et qui a une relation avec un pasteur. Vous verrez, presque dans le dernier plan, il y a une ellipse terrible, c’est aberrant. C’est un film assez émouvant, dur, et extrêmement bancal qu’il faut regarder en creux, par défaut, parce que le film est monté d’une drôle de façon. On comprend bien que quelque chose s’est passé derrière.

DVDClassik (Jérémie) : Et les films d’Ulmer ?

Wild Side : C’est Carlotta, mais je crois qu’ils ont abandonné le projet. J’ai appris cela des Archives du Film qui avaient en charge la restauration d’une partie des films d’Ulmer, à l’exception de Détour. Mais vous aurez Barbe-Bleue, dans un master correct, qui fera partie de la vague Vintage Classics du 25 janvier.

DVDClassik (Jean-Marie) : Avez-vous dans vos projets Le Bandit d’Ulmer, qui n’est pas sorti ?

Wild Side : Non, ce n’est pas dans nos projets. Il y a beaucoup de choses à venir. Dans les Introuvables du premier trimestre : les versions de James Whale et Mervyn LeRoy de Waterloo Bridge sortent en coffret dans des copies magnifiques. Il y aura Désirs humains de Fritz Lang et Femme de feu d’André de Toth.

DVDClassik (Jérémie) : Pour Human Desire, allez-vous essayer de surfer sur la rétrospective Fritz Lang à la Cinémathèque ?

Wild Side : Non, car la rétrospective en sera au 6e mois quand sortira le DVD, ce sera presque fini.

DVDClassik : Vous sortez les deux versions de La Valse dans l’ombre. Je ne vous cache pas que j’ai déjà le coffret Forbidden Hollywood vol.1 qui contient la version de James Whale avec Mae Clarke. Avez-vous récupéré ce matériau-là ?

Giordano (Wild Side) : Non, vous n’avez jamais vu ce que vous allez voir. Le film de 1931 est vraiment sublime ! Il a été remasterisé aux Etats–Unis, une restauration américaine comme disait tout à l’heure Manu, avec des défauts qui ne me gênent pas mais qui peuvent gêner les puristes. Nous avons retravaillé le film. Là j’en fais des caisses, mais il est vraiment très beau. Le film est extraordinaire, d’une crudité frontale rarement atteinte dans ce type de film. Il est magnifique. Le plan final sur le pont, avec la grue, c’est extraordinaire. La qualité du film est irréprochable. Vous aurez toujours quelques petites scories à droite et à gauche mais je félicite Warner pour le piqué (ils ont conservé les éléments nouveaux, les tirages originaux). La restitution est magnifique.

DVDClassik : En mettant de côté le fait que nous sommes chez Wild Side et que c’est bien d’acheter vos produits, vous me conseillez vraiment le rachat.

Wild Side : De toute façon, s’il a menti, les propos ont été enregistrés donc… (Rires)

DVDClassik : Je serai ravi d’en parler sur DVDClassik quand cela va sortir. C’est génial à chroniquer.

Wild Side : Pour les livres, je vous ai déjà dit Story of G.I. Joe écrit par Michael Henry Wilson et juste derrière il y aura Nightfall de Jacques Tourneur écrit par Philippe Garnier.

DVDClassik : Super !

Wild Side : Ah quand même, ça fait plaisir. (Rires) J’aime beaucoup le film. Comme vous le savez, c’est tiré d’un roman de David Goodis, et Philippe Garnier a écrit un livre sur Goodis. On espère donc avoir un beau bouquin. Très près de cette sortie, il y aura aussi Husbands de Cassavetes, avec ses deux versions (américaine et européenne) et des compléments assez sympathiques. On risque d’être sur trois disques. Il n’y a pas de Blu-ray.

1Kult : Comme on parlait de la dématérialisation, est-ce que vous proposerez de la HD si vous avez le matériau disponible, comme pour Rain ?

Wild Side : Le problème est qu’avec ces films de studio, nous sommes cantonnés aux droits DVD. Nous ne pouvons pas les proposer en « dématérialisé ». Ca me gave prodigieusement, mais c’est comme ça. C’est l’une des limites vers lesquelles nous arrivons et c’est un peu pénible. Dans les restaurations qui sont en cours (et il y en a beaucoup), nous avons Othello (A double life) de George Cukor, Private Affairs of Bel-Ami d’Albert Lewin, et Shanghai Gesture de Joseph Von Sternberg qui est une tannée à restaurer, mais qui est bientôt fini. Quand on parle de restauration, il y a celles que nous traitons nous-mêmes et le travail de lifting ou de polish qu’on peut effectuer sur des masters de studios. Ce sont deux approches différentes. Voilà pour les annonces, mais j’en ai encore 6 pages…

1Kult : Concernant les coffrets, avez-vous abandonné les anthologies contenant plusieurs films d’un même réalisateur ? Comme le coffret des 4 films coréens.

Wild Side : Aujourd’hui, nous n’avons pas de quoi réaliser ce genre de coffret. De temps en temps, nous pouvons regrouper des films, comme le coffret Anthony Mann pour la Fnac. Peut-être qu’à un moment, nous pourrons faire un truc « somme » avec Argento, avec peut-être un livre qui accompagnera le tout parce que doucement, doucement, nous avons presque fini. C’est une possibilité mais je ne veux pas non plus multiplier les pains à l’infini parce que nous sortons déjà énormément de choses, c’est assez lourd, tout en essayant d’avoir un niveau de qualité relativement constant.

DVDClassik : Combien sortez-vous de titres par an, en 2011 par exemple ?

Wild Side : Tout compris : 70. Le patrimoine doit représenter entre 25 et 30 titres. Certaines années, avec les vagues de collections, Vintage, Romans pornos… on arrivait à 30 titres rien qu’avec trois collections. A cela il fallait ajouter le reste du patrimoine, donc cela faisait beaucoup. Je vous laisse diviser sur 12 mois…

DVDClassik (Rémy) : De manière générale, quels sont les titres qui ont bien marché cette année ?

Wild Side : Tous genres confondus, les DTV ont très bien marché. Il y a un DTV que j’adore, The Reef, un film de requin, une série B à l’ancienne avec peu de moyens, hyper bien mis en scène.

DVDClassik (Rémy) : J’ai une anecdote sur Space Battleship que vous avez sorti. Je connais plein de gens qui, à cause du titre, ne savent pas que c’est japonais. Avez-vous fait exprès de mettre le titre en anglais, sans « Yamato », afin que les gens croient que c’est américain ? (Rires)

Wild Side : Tout à fait. C’est aussi cela notre métier : la bonne jaquette, la bonne bande-annonce…

DVDClassik (Rémy) : Vous avez aussi sorti Red Eagle tiré d’un Marwa sorti il y a 15 ans en France. Les gens croyaient à un super-héros américain…

1Kult : Comment faites-vous pour ces DTV ? Est-ce choisi film par film ?

DVDClassik (Rémy) : En cinéma japonais, vous sortez des choses très récentes. Est-ce qu’ils ne font pas trop la tête de voir leurs nouveaux produits sortir en France directement en vidéo ?

Wild Side : Il faut être réaliste, ne pas compter sur un marché de salle pour ce genre de film.

DVDClassik (Jérémie) : D’ailleurs, comment Detective Dee a-t-il marché en salles ?

Wild Side : Il a fait 220 000 entrées. Nous attendions entre 200 000 et 300 000 entrées, nous sommes donc sur la fourchette basse, avec un accueil critique qui nous a fait très plaisir, et avec un accueil public qui personnellement me fait un peu moins plaisir. Mais nous sommes très contents du résultat. J’étais très heureux de pouvoir remettre Tsui Hark à la place que je considère qu’il mérite.

1Kult : Vous entretenez parfois des relations durables, comme avec Nicolas Winding Refn. C’est quelqu’un que vous éditez régulièrement.

Wild Side : L’idée de base de Wild Side est de trouver des réalisateurs qui nous plaisent (et à qui nous plaisons également) en les accompagnant le plus longtemps possible. Mais nous ne pouvons pas toujours suivre. Le réalisateur n’est pas décisionnaire quand nous achetons un film. Mais il peut parfois influer sur la décision. Nicolas Winding Refn est devenu quelqu’un dont nous sommes assez proches, qui aime bien notre façon de travailler, avec qui nous collaborons étroitement. C’est pareil avec Park Chan-Wook, avec qui nous essayons de continuer. Paco Plaza et Jaume Balaguero sont avec nous depuis des lustres. Un petit nouveau arrive : Ben Wheatley, le réalisateur de Kill List, avec qui nous nous sommes engagés sur les deux prochains films. Nous allons bientôt retrouver Tsui Hark... Nous essayons mais c’est long. Nous ne sommes que Wild Side, on ne signe pas avec nous un contrat de 5 films comme on peut le faire avec la Warner. Pour certains, Wild Side leur semble être une maison à leur dimension, et pour d’autres c’est « Wild quoi ? » Nous avons la chance d’être une société qui tourne à peu près correctement et qui peut accompagner, prendre des risques sur certains auteurs. Tant que nous pourrons le faire, nous continuerons.

1Kult : Et le cinéma de genre de patrimoine?

Wild Side : Mis à part les deux films d’Argento, il y aura peu de choses, voire quasiment aucune. Nous nous sommes fait planter sur Le Voleur d’arc-en-ciel de Jodorowsky.

1Kult : Définitivement ?

Wild Side : Tu sais très bien comment c’est. Ce n’est jamais sûr. Pour celui-là, je ne sais pas trop mais j’attends quand même un feedback depuis 3 ans. Je pensais que celui qui nous l’avait vendu était décédé et je l’ai retrouvé. (Rires) C’était à ce point-là ! Sinon, pour l’instant, je n’ai rien vu qui me fasse totalement sauter au plafond. Nous allons faire un titre qui nous fait plaisir mais je ne suis pas sûr que cela plaira : Satan, mon amour (Mephisto’s Waltz) de Paul Wendkos qui un très bon film fantastique du style de La Malédiction, très intéressant à redécouvrir. Toujours dans le patrimoine, mais je ne sais pas si on peut le classer en « film de genre » c’est Le Monde, la chair et le diable de Ranald MacDougall. Voilà, il n’y a rien de révolutionnaire. En revanche, il y aura quelques curiosités comme The Swimmer de Frank Perry.

DVDClassik (Rémy) : Ce titre existe chez Sony avec des sous-titres français.

Wild Side : Oui, c’est une édition Columbia. Après l’accord avec Warner, nous avons un accord avec Columbia qui est relativement large et qui nous permettra de faire des choses qui me tiennent autant à cœur que La Nuit du chasseur, avec aussi par exemple Les 5000 doigts du Dr T de Roy Rowland. C’est grâce à cet accord que nous pourrons faire le Blu-ray de Règlement de comptes de Fritz Lang. Ne me demandez pas quand, peut-être 2012. Nous n’avons dessus que les droits Blu-ray.

DVDClassik (Jean-Marie) : D’autres films de Fritz Lang en vue pour plus tard, peut-être ? Chasse à l’homme, qui est déjà sorti en zone 1 ?

Wild Side : J’aimerais bien. Il appartient à la Fox.

1Kult : Si cela marche avec La Nuit du chasseur, allez-vous réitérer les coffrets en édition limitée?

Wild Side : Je ne sais pas si l’on peut faire ce genre de chose sur n’importe quel film. Il y en a pour lesquels on peut avoir beaucoup de matériel. Par exemple, je pense que nous pouvons trouver énormément d’éléments sur Règlement de comptes. Vous devez savoir que le Fonds Fritz Lang est en France, plus exactement à la BiFi. Donc c’est comme aller à la brocante : on ouvre des boîtes et on tombe sur des trucs de dingues. Il y a des choses, de très belles choses… Pour Règlement de comptes, ce n’est pas à exclure. Si nous avions Citizen Kane, je l’aurais fait… Mais nous ne l’avons pas. (Rires) J’ai regardé le coffret Citizen Kane qui est une exclusivité Amazon en zone A. Il y a plein d’éléments qu’on a déjà, RKO 281 franchement on s’en moque, mais par contre tout le matériel publicitaire qu’ils ont reproduit, qui est un peu dans la lignée des coffrets qu’ils faisaient auparavant en DVD (style La Prisonnière du désert), est vraiment sympa.

1Kult : Santa Sangre en Blu-ray ?

Wild Side : Oui, mais je ne donne pas de précisions, car après vous me dites que nous ne tenons jamais nos dates. (Rires) Pour Santa Sangre, nous pourrions faire quelque chose d’un peu différent. Tu sais, le DVD de Santa Sangre ne s’est pas très bien vendu… Ce n’est pas une révolution, pourtant je pense qu’il est assez beau. Nous aimons bien Jodo donc nous verrons, mais il est bien prévu en Blu-ray de toute façon.

1Kult : De Jodorowsky, vous avez tout fait ? Ou Il vous en reste ?

Wild Side : Votre camarade Jérôme Soulet m’a gentiment dit qu’il avait un master de Tusk, qui était à ma disposition si j’en avais besoin. Tous les producteurs ont disparu, c’est un peu une nébuleuse, je ne sais pas trop s’il faut y toucher... Parce qu’en général, quand vous pensez que tout le monde a disparu, vous en retrouvez et c’est un peu Guignol. Tusk et Le Voleur d’arc-en-ciel ne sont pas non plus des œuvres majeures.

1Kult : Je crois que Jodo n’aime pas trop Tusk, en plus…

Wild Side : C’est surtout Le Voleur d’arc-en-ciel qu’il n’aime pas, qui est un film assez curieux. Peut-être que celui-là finira par ressurgir un jour.

1Kult : Et en production ? Un projet avec Jodorowsky est-il envisageable ?

Wild Side : Avec nous ? Non, je ne pense pas. Cela fait 100 ans qu’il se balade avec The Sons of El Topo. Il faut aussi qu’il ait la santé… même s’il est plutôt en forme. Mais ce n’est pas si simple. En revanche, il est possible que nous rentrions en production sur autre chose.

1Kult : Comment se passe votre relation avec Le Pacte, distributeur de Detective Dee, et avec Wild Bunch d’un côté, Wild Side de l’autre ?

Wild Side : Vous posez des questions compliquées, vous voulez tout savoir. (Rires) Pour la petite histoire, pour ceux qui connaissent un peu l’historique de Wild Side, vous savez que nous l’avons créé avec Jean Labadie qui, au demeurant,est un ami qui m’est très cher.Nous avons commencé à lancer notre structure de distribution en salles tout seuls.On se disait qu’on pouvait le faire. Nous nous sommes juste aperçus d’une chose : quand vous êtes tout petit sur la distribution salles, vous êtes inexistants pour les circuits.Au bout d’un an de gaufres diverses et variées, avec une line up comme la nôtre, nous avons réalisé que nous ne pouvions pas le faire tout seul. Il nous fallait trouver une idée. Jean Labadie montait Le Pacte. Nous nous sommes dit : « Pourquoi pas ? ». Voilà pour l’histoire. La répartition des rôles est relativement simple : tout le marketing est géré par Wild Side, la programmation des salles est gérée par Le Pacte, même si tout cela se discute ensemble.

1Kult : Du coup, si tu te lances dans la production ?

Wild Side : Cela se fera tout seul. Ce ne sera pas de la production à proprement parler, ce sera plutôt de la coproduction. Il s’avère que nous regardons 2-3 jeunes initiatives de production en France et nous avons trouvé des gens avec qui il serait intéressant de s’associer. C’est encore un peu jeune, nous en reparlerons plus tard. Mais cela fait partie des idées que nous essayons de développer : être un acteur plus actif dans l’élaboration des projets.

DVDClassik : Dans quel genre cinématographique ?

Wild Side : Dans le genre, justement. (Rires) Mais il n’y aura pas de réalisateurs français parce que c’est un secteur que nous évitons.

DVDClassik : Par rapport au marché ?

Wild Side : Non. Vous savez que nous sommes une filiale du groupe Wild Bunch. Et le film français est plutôt traité par Wild Bunch Distribution. Pour ne pas mélanger les rôles, nous restons à notre place sur le secteur étranger, avec des films peut-être un peu plus pointus, plus difficiles.

1Kult : Ce seraient plutôt des films comme celui que François Cognard fait en Espagne, quelque chose comme cela ?

Wild Side : Ce seraient des choses de ce niveau-là, oui, sachant que c’est nous qui assurons la distribution vidéo du film de François. C’est François, c’est la famille.

DVDClassik (Jean-Marie) : Je termine avec un dernier souhait…

Wild Side : Bien sûr Jean-Marie, vous êtes venu de loin. (Rires)

DVDClassik (Jean-Marie) : Un film que nous attendons depuis longtemps et dont nous n’avons plus de nouvelles, le dernier film de John Ford : Frontière chinoise (Seven Women).

Wild Side : Il y aura un John Ford, mais ce ne sera pas celui-là. Ce sera un Ford mineur : Inspecteur de service (Gideon of Scotland Yard).

DVDClassik (Jean-Marie) : Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le terme « mineur ». Je parle en ancien combattant : Jean Roy avait fait un bouquin formidable sur John Ford, « Pour Ford », édité aux éditions du Cerf en 1978-79. Il avait écrit ce bouquin pour lutter contre la tendance de beaucoup qui disaient « les derniers John Ford sont nettement moins bons ». Roy citait en exemple plusieurs films dont celui-là.

Wild Side : Quand je dis « mineur », c’est juste pour ne pas en faire trop dessus et aussi parce qu’il est considéré comme mineur par la plupart des gens. Cela ne veut pas dire que je le considère comme mineur : nous le sortons. Ce sera le seul John Ford. Seven Women, c’est un film Fox ?

DVDClassik (Jean-Marie) : Non, MGM.

Wild Side : Oui, donc c’est Fox. Pour l’instant il n’est pas prévu, mais vous savez il se passera des choses après 2013.

DVDClassik (Jean-Marie) : Je vous dis cela parce qu’il n’est même pas sorti en zone 1.

DVDClassik : Le deal pour La Nuit du chasseur s’est fait avec la Fox. Le catalogue MGM s’est un peu ouvert à Criterion. Est-ce une brèche possible qui vous donnerait des idées ?

Wild Side : Nous en avons quelques-unes, oui. J’aimerais que nous nous attaquions à un autre studio : la Paramount. Mais ils refusent un accord avec presque tout le monde. L’avenir nous le dira. C’est souvent lié à la pugnacité que vous pouvez mettre derrière, un peu aussi à des concours de circonstances.

DVDClassik (Rémy) : Carlotta a indirectement sorti un film Paramount avec Carnage (Prime Cut), il y a très peu de temps.

Wild Side : Comme quoi c’est possible. Il y aura peut-être l’émergence de séries télévisées « vintage », l’année prochaine.

DVDClassik (Rémy) : A l’exemple de ce que fait Bach Films ?

Wild Side : Non. Je les aime bien Bach Films. Franchement. En plus j’étais un peu dégoûté, j’ai acheté Le Clan des irréductibles qu’ils annonçaient en 16/9. J’avoue… Mais c’est un film que j’aime bien. Je trouve remarquable ce qu’ils ont fait sur le serial, autour de William Whitney.

DVDClassik : Ce sont les seules choses que j’achète actuellement chez Bach Films. Les copies sont correctes…

Wild Side : C’est regardable, c’est un boulot… enfin il fallait oser. Cela reste une démarche à soutenir. Je n’aime pas tout ce qu’ils font, mais certaines choses sont intéressantes.

DVDClassik : Ils prennent aussi des risques dans le muet.

Wild Side : Oui mais ce n’est pas trop mon truc. Je n’en ai pris qu’un, le Raoul Walsh, qui se passe dans les bas-fonds new yorkais… Régénération.

DVDClassik : C’est parce que c’est Walsh, c’est normal.

Wild Side : J’ai fait une incursion…

DVDClassik (Rémy) : Il n’y a rien de prévu avec Sidney Lumet ? Le Groupe ? Ou celui qui ressort en salles en ce moment, A la recherche de Garbo ?

1Kult : C’est déjà bien d’avoir sorti The Offence.

DVDClassik (Rémy) : Extraordinaire.

Wild Side : J’ai été absolument ravi qu’on ait pu faire ce titre. Il a eu un très bon accueil, pas uniquement de la presse. C’est un film qui a été découvert tout court.

DVDClassik : Un peu comme The Swimmer récemment, j’ai l’impression.

Wild Side : Nous avons la chance d’avoir en France un secteur de la distribution salles pour le patrimoine qui est très actif.

DVDClassik (Rémy) : Oui, sur Paris.

Wild Side : Il y a de l’activité sur la province. Je suis à la commission du CNC pour la distribution du patrimoine et je vois ce qu’ils font. On a de vrais passionnés. Quand vous les écoutez défendre leurs films, les mecs bossent dans des petits bureaux, tout seul, ils font tout eux-mêmes. Je trouve cela extraordinaire. Après, certains font des choix plus faciles que d’autres, mais nous sommes extrêmement chanceux d’avoir ces gens-là qui sont plutôt jeunes et qui ont l’envie. Sur la province, cela dépend d’autres choses, des salles.

DVDClassik (Rémy) : Sur Avignon, il n’y a pas beaucoup de ressorties. A la recherche de Garbo passera à l’Utopia…

Wild Side : Utopia fait quand même un peu de reprises, non ?

DVDClassik (Rémy) : Oui, mais cela arrive toujours un peu après, dans des copies fatiguées.

Wild Side : Vous allez voir que le problème des copies va se régler assez vite. Des laboratoires vont bientôt fermer, les salles sont en train de s’équiper à vitesse grand V.

DVDClassik : Distribuer en salle un film en numérique coûte-t-il plus cher ?

Wild Side : Créer un DCP oui, mais après c’est plus intéressant financièrement. Moi qui ne vais jamais voir les films en première semaine, qui ai plutôt tendance à voir les films quand les salles sont un peu moins peuplées, j’avoue qu’en les voyant en numérique il n’y a pas les scratches, les sautes. C’est quand même appréciable.

1Kult : Après, c’est toujours la même chose : pour avoir vu des vieux films ou des films récents, si la restauration ou le travail sont bons en amont, il n’y a pas de différence en numérique, c’est même mieux.

Wild Side : On trouvera toujours de la nostalgie, des vieilles copies noir & blanc… mais il y a un confort de vision qui est très appréciable. Même s’il y a d’autres contraintes, cela représente un intérêt formidable pour les distributeurs. Ils n’ont plus à se préoccuper de la gestion des stocks. C’est incomparable. Nous venons de faire un legs à la Cinémathèque française sur tous nos films puisqu’il y aura peu d’endroits où le 35mm sera préservé. Voilà, j’espère que j’ai répondu assez précisément et directement à vos questions. J’ai du mal avec les forums parce que je ne sais pas à qui je parle. J’ai la carapace dure, mais je pense que vous ne vous rendez pas forcément compte à quel point cela peut être blessant, pour les gens qui travaillent sur les films, de lire certaines remarques. Il y a le raccourci, le pseudo, le clavier, c’est très facile. C’est toujours un exercice délicat, c’est pour cela que nous voulions organiser cette rencontre. C’est grâce à Jean-Marie. A force d’échanger par mail, je lui ai proposé de venir discuter avec ses amis. Et j’ai proposé à Benjamin d’ouvrir cela à plus de monde. J’aime bien les têtes à têtes, même si là cela fait plusieurs têtes. (Rires)

DVDClassik : Je vais me faire l’avocat du diable mais c’est le public qui réagit aussi comme cela. Sur DVDClassik, nous aimons faire ce genre d’entretiens qui permettent un peu de mettre les points sur les i. Nous pouvons prendre un petit plus conscience de vos difficultés parce que vous nous les expliquez. Parfois le lecteur ne les comprend pas, les malades de l’image sont déçus. C’est un peu ce qu’il se passe en ce moment avec La Règle du jeu. Nous relativisons dans notre test le résultat imparfait du Blu-ray par rapport à l’histoire chaotique du film.

Wild Side : C’est la règle du jeu. (Rires) Cela reste un film majeur. Après, est-ce pertinent d’en faire un Blu-ray ? Je ne l’ai pas encore regardé donc je ne peux pas vous le dire. Mais vu ce que je sais des éléments existants, le Blu-ray n’est pas forcément la meilleure idée : les défauts sont peut-être encore plus flagrants. Parce que cela ne pardonne pas beaucoup…

DVDClassik (Gwendal) : Une dernière question concernant la haute-définition. Portier de nuit est la première sortie en Blu-ray que vous faites en cinéma patrimoine depuis un certain temps. Pourquoi spécialement ce titre qui n’est pas forcément vendeur ?

Wild Side : Je pense justement qu’il y a un potentiel commercial important (sinon nous ne l’aurions pas fait). Et nous sommes fiers de la restauration que nous avons menée de A à Z avec Liliana Cavani. Elle est venue à l’Etrange Festival présenter la restauration. On m’a dit que cela s’était bien passé. Le film n’a pas été vu depuis très longtemps et jamais dans cette copie-là. Le fait qu’il soit de nouveau visible est déjà un évènement. Le film sera accompagné d’un documentaire réalisé par Liliana Cavani qui donne un éclairage intéressant sur le film. Après avoir vu ce doc, « Les femmes dans la résistance », vous ne regarderez pas le film de la même manière.

DVDClassik : Répèterez-vous ce genre de projet « de A à Z » justement ?

Wild Side : Lorsque nous en aurons l’occasion. Nous avons mis 3 ans pour récupérer Portier de nuit, nous avons souhaité que Liliana Cavani s’implique, il a fallu la convaincre, etc. Entre le moment où nous avons fait sortir les éléments chez Technicolor Rome, le transfert en HD et les nombreuses heures de restauration, tout cela prend énormément de temps. Il faut de la patience, c’est un projet lourd. Nous devons considérer si les films en valent la peine.

DVDClassik : Etes-vous contents du résultat ?

Wild Side : Très. Mais, vous savez, j’étais aussi très content du résultat sur Suspiria. Or nous nous sommes fait critiquer sur l’étalonnage du master. Je trouve que cela reste une très belle restauration. On ne l’a d’ailleurs pas refaite. Nous avons les droits pendant encore très longtemps et nous considérons que c’est la bonne version.

(1) Giordano Guillem, responsable technique des collections Vintage Classics, Roman Porno et X US chez Wild Side. Il convient également de mentionner le nom de Brigitte Dutray, directrice technique "historique" de l'éditeur, en charge de la restauration de toutes les sorties de patrimoine depuis 2003, mais aussi des ressorties en salles, absente le jour de l'entretien.

(2) Lisa Fontaine, Chef de groupe Patrimoine et Fond de catalogue

Nous remercions chaleureusement toute l'équipe de Wild Side Vidéo - et en particulier Manuel Chiche - pour leur accueil, leur franchise et leur disponibilité

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Par Stéphane Beauchet et Julien Léonard - le 30 octobre 2011